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vendredi 4 août 2023

Nathalie Sarraute tout contre Freud


Nathalie Sarraute

 

Nathalie Sarraute tout contre Freud


Yann Diener 
Mis en ligne le 24 juillet 2019 
Paru dans l'édition 1409 du 24 juillet 2019


Née en Russie en 1900 et morte à Paris en 1999, Nathalie Sarraute était dans les années 1950 une figure de proue du « nouveau roman », avec Michel Butor, Alain Robbe-Grillet et Claude Simon. Sarraute avait publié L’Ère du soupçon en 1956, un texte qui lui avait apporté une notoriété internationale et qui est aujourd’hui considéré comme le manifeste de ce mouvement qui a remis en question la structure narrative et l’importance donnée à la psychologie des personnages dans le roman traditionnel.

Selon ses propres mots, Nathalie Sarraute cherchait à « introduire de l’innommé dans le langage » (c’était donc une entreprise très proche de la pratique freudienne). Elle pouvait déclarer « la psychanalyse m’a toujours agacée » 1 , mais elle pouvait aussi bien parler d’un « bond immense accompli par la psychanalyse, brûlant les étapes et traversant d’un seul coup plusieurs fonds » 2 .

Sarraute n’avait pas fait d’analyse, mais ses textes parviennent merveilleusement à montrer comment parle l’inconscient (et comment il ne parle pas : lorsqu’il emprunte les voies du symptôme). Elle avait opéré une révolution littéraire en donnant à ses livres la structure des rêves et des lapsus, qui ne peut être rendue par une narration linéaire. Elle se passionnait pour ce qu’elle appelait les sous-conversations, et pour les infimes mouvements de la pensée qui ne s’énoncent pas : c’est ce qu’elle appelait les tropismes.

Les reproches que Sarraute fait au roman psychologique sont très proches des critiques que Lacan adresse à la version anglo-saxonne de la psychanalyse – qui est devenue une psychologie comportementale. Comme Sacha Guitry qui disait « je suis contre les femmes, tout contre », on peut donc dire que Nathalie Sarraute est contre Freud, tout contre.

Dans le nouveau roman, le personnage n’est plus le centre de gravité. Dans une psychanalyse aussi, nous laissons tomber les personnages que nous jouons depuis l’enfance, et qui nous encombrent. Dans Enfance, justement, publié en 1983, Sarraute dialogue avec son double, qui l’incite à préciser ses souvenirs d’enfance. « Des images, des mots qui évidemment ne pouvaient pas se former à cet âge-là dans ta tête… – Bien sûr que non. Pas plus d’ailleurs qu’ils n’auraient pu se former dans la tête d’un adulte… » Le livre rencontre un grand succès, auprès d’un nouveau public qui aborde cette oeuvre réputée difficile.

Quand Marie Darrieussecq publie Truismes, en 1996, Nathalie Sarraute l’invite chez elle. La très vieille dame parle de son scepticisme envers la doctrine freudienne, et la jeune femme, en analyse, lui dit tout le bien que ça lui fait. Elles passent des soirées à parler en buvant des whiskys-Perrier et en fumant des cigarettes. Sarraute se couche tôt mais se relève à 3 heures du matin pour s’envoyer un verre de vodka avec du saucisson, « le meilleur remède contre l’insomnie » (oui, elle était très angoissée).

Avocate de formation, Sarraute avait été radiée du barreau par Vichy en 1940. Elle avait alors décidé de se consacrer entièrement à la littérature, et survivait grâce à de faux papiers et en changeant souvent de domicile. Pendant cette période de l’Occupation, elle avait hébergé un certain Samuel Beckett, recherché par la ­Gestapo pour ses activités de résistance. Avant de venir vivre à Paris et d’écrire L’Innommable, Beckett avait fait une analyse à Londres dans les années 1930 : je vous en parlerai la semaine prochaine.

CHARLIE HEBDO




mardi 25 juillet 2023

Le Nouveau Roman par ceux qui l’ont fait

 


De 1946 à 1999, les lettres inédites du Nouveau Roman


Le Nouveau Roman par ceux qui l’ont fait

par Maurice Mourier
9 août 2021

Tandis que Gallimard vient d’intégrer à son groupe les éditions de Minuit, la maison historique du Nouveau Roman, un volume de lettres inédites paraît – chez Gallimard, et non Minuit –, rassemblant des lettres échangées entre 1946 et 1999 entre les sept écrivains.


Nouveau Roman. Correspondance, 1946-1999. Michel Butor, Claude Mauriac, Claude Ollier, Robert Pinget, Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute et Claude Simon. Édition de Carrie Landfried et Olivier Wagner, sous la direction de Jean-Yves Tadié. Gallimard, 325 p., 20 €


Ils sont tous là, de Michel Butor à Claude Simon, sous la forme de 243 lettres où la correspondance entre Alain Robbe-Grillet et Claude Ollier se taille d’abord la part du lion, parce qu’ils furent de vrais amis dès l’âge de 21 ans, s’étant rencontrés en Allemagne, à la « faveur » du STO, en 1943. Mais les cinq autres membres du septuor du Nouveau Roman, dont la doyenne est Nathalie Sarraute (née en 1900), suivie à distance, en ancienneté, par Claude Simon (né en 1913) et le benjamin Michel Butor (né en 1926) – les deux derniers par ordre de présence épistolaire étant Claude Mauriac et Robert Pinget, qui naissent respectivement en 1914 et en 1919 –, sont également bien représentés, chacun par plusieurs lettres au contenu notable.

De 1946 à 1999, les lettres inédites du Nouveau Roman
Jean Ricardou (à gauche) et Claude Simon à Cerisy © CC/Philippe Binant

 

Le menu fretin des échanges sociaux (simples billets informatifs ou mondains), qui obère trop souvent les correspondances exhaustives, ayant été écarté par les éditeurs, l’ensemble donne non pas une chronique – il y a beaucoup trop peu de lettres écrites ou conservées – mais un excellent film accéléré de ce mouvement, le Nouveau Roman, ainsi baptisé, de manière dépréciative, par le critique traditionaliste Émile Henriot, arbitre des élégances littéraires du journal

 Le Monde.

 

Le Nouveau Roman se montra actif durant plus de cinquante ans et ne prit pas pour autant la forme d’une véritable école. L’introduction de Carrie Landfried et Olivier Wagner, remarquable de clarté et de précision, le montre bien, dans son effort inédit (on n’avait jamais encore publié de correspondances croisées d’un si grand nombre d’écrivains) pour restituer les couleurs d’un groupe qui a effectivement défini par ses ouvrages une tendance nouvelle de l’écriture romanesque et défendu ses choix contre la masse formidable du roman et de la critique consacrés. 

En reconstruisant en quatre épisodes (prodromes, apogée, différenciation des trajectoires, consécration puis effacement) cette grande aventure iconoclaste, épisodes de durées très inégales (10 ans, 5 ans, 8 ans, 28 ans), les éditeurs soulignent, par la structure même de leur démontage, que le moment n° 2, celui de l’apogée et du triomphe apparent d’une littérature où la transformation du matériau tiré du réel trivial par la puissance révolutionnaire de l’écriture substituait au respect du petit fait vrai la création par l’imaginaire d’une réalité purement textuelle, donc effectivement nouvelle, ce moment inauguré par La jalousie de Robbe-Grillet (1957) et la réédition de Tropismes de Nathalie Sarraute, publié en 1939 mais alors méconnu, a été excessivement court : cinq ans, de 1957 à 1962, date où sortent, aux éditions de Minuit, à la fois l’admirable Inquisitoire de Robert Pinget, Instantanés de Robbe-Grillet et Le palace de Claude Simon. L’étape suivante (1963-1971) est certes celle des accomplissements, mais le fait que le prix Médicis, pourtant fondé en 1958 dans le but explicite de promouvoir les auteurs qui offraient une nouvelle façon d’écrire, et dont Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute étaient membres, ait échoué à faire couronner L’inquisitoire, est hautement significatif de la résistance et de la victoire à venir des Anciens contre les Modernes. 

Le Nouveau Roman a eu ses heures de gloire médiatique. Robbe-Grillet lui-même, ainsi que Sarraute, seront célébrés et vendront bien certains de leurs livres. Mais, dans l’ensemble, le mouvement demeurera cantonné au public, notamment universitaire, le plus élitaire qui soit et ne suscitera aucune mutation en profondeur du paysage éditorial. Cinq ans après la disparition, en 2016, du plus jeune, prolifique et d’ailleurs très tôt dissident de ses principales figures, Michel Butor, qu’en reste-t-il dans une production romanesque vouée à l’enquête journalistique teintée de sociologie, submergée par l’évocation très classique des « problèmes d’époque » ou par l’évocation ressassée d’anecdotes jugées authentiques parce qu’elles reposent sur l’expérience même du « vécu » ? 

Il n’est toutefois pas surprenant de constater l’oubli dans lequel est tombé, sans grand espoir de résurrection future, un mouvement d’autant plus problématique qu’en ses meilleurs achèvements – Le libera de Robert Pinget en 1968, Leçon de choses de Claude Simon en 1975, Topologie d’une cité fantôme de Robbe-Grillet en 1976, et ce chef-d’œuvre absolu, L’acacia de Claude Simon en 1989, quatre ans après que le prix Nobel eut été décerné à son auteur, à la consternation des critiques français les plus réactionnaires – il ne cachait pas sa filiation avec le surréalisme, et traitait la prose comme l’aurait voulu Mallarmé, c’est-à-dire en ne la distinguant de la poésie que par une « accentuation » un peu moins marquée de la langue. 

De plus, les écrivains cités ci-dessus n’ont en fait guère de ressemblance entre eux, ayant plutôt cultivé chacun la pleine liberté de l’imaginaire, et seule les unissait leur appartenance conjointe à la même écurie, celle des éditions de Minuit où Robbe-Grillet, depuis la publication des Gommes (1953), formait avec Jérôme Lindon une équipe témoignant d’une ambition commune, qui allait tenter d’imposer aux milieux intellectuels le label Nouveau Roman, label qu’on peut donc considérer au moins autant comme une marque – rassemblant des crus divers – que comme une école.

Nathalie Sarraute

 

Cette riche correspondance fait à merveille ressortir la diversité des tempéraments et des destinées. Peu de rapport entre le fantaisiste passablement déjanté Pinget, qui partage humour fracassant, impécuniosité et irrémédiable mélancolie avec  son compatriote suisse Robert Walser, le méticuleux et angoissé Claude Ollier, l’habile mais charmant calculateur Robbe-Grillet, et Claude Simon, ancré dans sa réalité terrienne par son métier de vigneron et par ailleurs sans doute le plus « artiste » de tout le groupe.

Tous les membres du Nouveau Roman ont reçu une bonne éducation bourgeoise et possèdent le capital culturel qui va avec. Néanmoins, certaine distinction mondaine, outre l’élément déterminant qu’est l’âge, rapproche Claude Mauriac (né en 1914) de Nathalie Sarraute, la grande dame russe de quatorze ans son aînée ; devenus amis sincères et fidèles, ils seront rejoints dans cette proximité « de classe » par Michel Butor, pur produit de l’Université.

Robbe-Grillet, ingénieur agronome de formation, et Claude Ollier, administrateur dans le cadre du protectorat français au Maroc, sont plus liés à Robert Pinget, qui a fait des études de droit et n’a que trois ans de plus qu’eux. Exploitant agricole, ex-peintre raté, d’une jalouse indépendance, Claude Simon quant à lui tient presque le rôle du cavalier seul (ce cavalier qu’il était en 1940, à 27 ans, lors de la défaite, et qui figurera comme narrateur dans nombre de ses livres où les souvenirs autobiographiques – au rebours de la doctrine du Nouveau Roman – ont une si grande part).

Là-dessus intervient le sort inégal des livres. À la réussite des uns, même si elle est tardive (Sarraute, Simon) ou sporadique (Robbe-Grillet, mais son rôle de chef de file lui assure un public international, et puis il se rattrape au cinéma), s’oppose l’échec relatif (Pinget, qui a tout de même des satisfactions d’estime au théâtre) ou total de certains autres (Claude Ollier, qui pourtant l’emporte par sa verve, son honnêteté critique, sa lucidité, dans cette correspondance). Habent sua fata libelli, rappelait Cendrars. Le sort a été injuste envers Claude Ollier, qui, comme Du Bellay, aurait pu dire : « Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau ».

Notons enfin que, faute de documents, ce livre ne saurait être exhaustif. Des écrivains considérables (Beckett, Duras) manquent au tableau. Notons aussi que les écrivains présents, qui n’ont vraiment vécu que pour et par leurs livres, parlent bien rarement métier dans leurs lettres. Sauf Claude Ollier, précisément, dont j’ai souvent salué les prouesses d’écriture dans La Quinzaine littéraire, et parfois un peu Claude Simon, pour se démarquer du terrorisme anti-humaniste de Jean Ricardou, organisateur doué de l’enterrement du Nouveau Roman par le biais de colloques. D’un côté le romancier méconnu, de l’autre le prix Nobel conspué en son propre pays. Y a-t-il leçon à tirer de ce rapprochement ? Aucun, sinon que le succès des livres est tout, sauf littérature.

EN ATTENDANT NADEAU


lundi 20 septembre 2021

Le Nouveau Roman / La littérature mise en doute



On relit nos classiques

Le Nouveau Roman, la littérature mise en doute

En plein milieu des années 1950, la culture française est littéralement prise d’assaut par quelques jeunes auteurs, qui entendent susciter bien plus qu’une réforme : d’après eux, la littérature française, pour sa propre survie, doit s’affranchir des grands modèles du siècle précédent que sont Balzac ou Zola. Alors que le réalisateur-metteur en scène Christophe Honoré présente à Avignon un spectacle en hommage au Nouveau Roman, revenons sur cette vaste entreprise de démolition menée par une poignée d’écrivains qui se retrouvaient dans une théorie, plutôt que dans un courant  idéologique ou esthétique, et dont la plupart des auteurs furent publiés aux éditions de Minuit.

Une bande à part dans la littérature française


Une couverture immaculée, un cadre et une typographie bleu roi, un « m » minuscule précédé d’une étoile… C’est la marque de fabrique des Editions de Minuit, maison d’édition française fondée pendant l’Occupation, en 1941. A l’aube des années 60, ce sont les Editions de Minuit qui rassemblent quelques auteurs désireux de rompre distinctement avec l’esthétique dominante et admirée du roman traditionnel, celui qui se calque sur le « modèle » balzacien. Marguerite Duras, Michel ButorAlain Robbe-GrilletNathalie SarrauteClaude Simon, voilà quelques-uns des noms qui figurent sur les tirages des Editions de Minuit. Pourtant, au moment de la publication de leurs premiers romans, rien ne lie réellement ces écrivains aux styles variés. Ce n’est qu’à partir de mai 1957 qu’apparaît le terme de Nouveau Roman, dû au critique Emile Henriot, qui fustigeait alors deux romans, signés Nathalie Sarraute et Alain Robbe-Grillet.

 

Le Nouveau Roman, une théorie envers et contre tout

En opposition au roman balzacien, qui se fondait sur une esthétique particulière, le réalisme, les auteurs attachés au Nouveau Roman proclament d’emblée qu’il n’y a pas d’esthétique ou d’idéologie. Le monde est divers, épars et l’art lui-même ne peut le condenser, le reconstituer et l’enfermer dans une catégorie vulgaire. Rien ne domine la multiplicité du monde, et l’artiste, comme tout homme, doit s’avouer vaincu par l’opacité de l’existence. Marqués par la Seconde Guerre mondiale, les écrits de FreudJung ou encore l’Ulysse de Joyce, les romanciers remettent toujours plus en question le pouvoir que le public semble leur attribuer. En 56, Sarraute publie L’Ere du soupçon et affirme « II [le lecteur] a si bien et tant appris qu'il s'est mis à douter que l'objet fabriqué que les romanciers lui proposent puisse receler les richesses de l'objet réel. »

L’écrivain a perdu sa toute-puissance : il ne peut plus diriger ses personnages comme des pions sur un échiquier, déterminer et justifier leurs actes. L’écriture de Marguerite Duras, qui fut si souvent moquée pour son utilisation systématique de phrases minimales composées d’un ou deux syntagmes, est symptomatique de ce désir d’humilité : l’écrivain n’a plus le pouvoir de coordonner des évènements, ou d’assurer leur liaison logique (à l’aide de connecteurs tels « Alors », « Cependant », « Tout à coup »…) comme bon lui semble. Le texte, comme le mouvement de la vie, se fonde sur des successions. Comme le dira Jean Ricardou (auteur notamment de L’observatoire de Cannes en 1961), « le roman n’est plus l’écriture d’une aventure, mais l’aventure d’une écriture ». Ecriture qui porte l’écrivain, et non l’inverse. 

 

Déconstruire les antiques topoï littéraires

Dès lors, le seul mot d’ordre des écrivains du Nouveau Roman sera le bannissement des horizons littéraires habituels du lecteur. Il faut dérouter, surprendre, malmener son lecteur pour éviter la complaisance. La cible prioritaire ? La trame narrative, cette tradition qui oblige l’écrivain à raconter une histoire. Dans ses célèbres Tropismes (en avance sur leur temps, puisque publiés en…1939 !), Nathalie Sarraute préfère décrire des sensations, des impressions d’individus sans liens narratifs qui resteront des inconnus pour le lecteur, puisque uniquement désignés par les pronoms personnels « il », « elle » ou « nous ». Claude Simon, nobelisé en 1985, se débarrasse de la chronologie narrative en superposant les différentes strates de la mémoire dans La route des Flandres, paru en 1960. Enfin, c’est toute la notion d’illusion référentielle qui est violemment rejetée : le romancier ne tente plus à tout prix de convaincre son lecteur de l’existence de ses personnages, au contraire, il admet leur caractère fictif et n’impose pas au lecteur la fastidieuse description d’un passé ou d’un état psychologique. C’est Jacques le Fataliste de Diderot, à la fois dépouillé et poussé à son paroxysme. Alain Robbe-Grillet, désigné par la postérité comme l’un des chefs de file du Nouveau Roman, préfère ainsi adopter le point de vue des objets pour évoquer l’existence de son personnage qui n’en est pas un, la femme « nommée » A. de La jalousie.

 

L’écriture comme un mouvement libertaire

La naissance du Nouveau Roman va de pair avec les guerres coloniales françaises : l’Indochine, puis l’Algérie apparaissent comme des pays opprimés par la France, elle qui a pourtant connue l’humiliation de l’Occupation. Pour les écrivains des Editions de Minuit, le paradoxe est insupportable : ils signent en 1960 le Manifeste des 121, qui proclame que « La cause du peuple algérien […] est la cause de tous les hommes libres. ». Dans le texte, on retrouve le terme d’ « insoumission » et une invitation à « ne pas se laisser prendre à l’équivoque des mots et des valeurs ». Voilà peut-être la seule ligne de conduite du Nouveau Roman, élan littéraire plus que mouvement : en effet, malgré les tribunes de Robbe-Grillet dans L’Express entre 56 et 63, rassemblées plus tard dans le recueil Pour un nouveau roman (1963), jamais une doctrine ne sera établie et pour cause, puisqu’elle aurait été en contradiction immédiate avec la liberté aléatoire qui caractérise l’écriture du Nouveau Roman. 

 

Théorie poussée à l'extrême, le Nouveau Roman fut un formidable moment de renouvellement pour une littérature en partie écrasée sous le poids de son admiration pour le maître Balzac. Trop vite qualifiée de "littérature objective" par quelques critiques, la disparition du pouvoir de l'écrivain qu'elle prônait n'a pas du tout atténué l'unicité de l'oeuvre littéraire. Car même si la plume de l'écrivain devient aussi objective que le mécanisme d'enregistrement d'une caméra, il y a toujours un metteur en scène pour la diriger.

En savoir plus

James JoyceUlysseFolio

Jean RicardouL'observatoire de Cannes

Nathalie SarrauteTropismesEditions de Minuit

Claude SimonLa route des Flandres, Editions de Minuit

Denis DiderotJacques le FatalistePoche

Alain Robbe-GrilletLa jalousie et Pour un nouveau romanEditions de Minuit

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