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mercredi 9 août 2023

Arthur Miller en Chine / Les terres de l’imagination

 

Arthur Miller


Arthur Miller en Chine : les terres de l’imagination

Parti en Chine au printemps 1983 pour mettre en scène une de ses pièces majeures au Théâtre d’Art Populaire, Arthur Miller y écrit son journal de bord, Un commis voyageur à Pékin, qui fourmille d’anecdotes sur les répétitions quotidiennes, le théâtre, la ville, les distances culturelles et politiques. Il s’agit d’un document littéraire inédit en France, précieux quant à l’approche détaillée des scènes et rôles de la pièce et, au-delà, d’un reportage d’artiste sur un voyage et une civilisation.


Arthur Miller, Un commis voyageur à Pékin, Trad. de l’anglais (États-Unis) et annoté par Claire Debru. Photographies d’Inge Morath. Éditions du sous-sol. 286 p., 25 €


Arthur Miller, après l’Old Vic à Londres, est à l’honneur en France depuis plus d’une année puisque sa pièce Vu du pont, montée à l’Odéon à l’automne 2015 dans une très belle mise en scène d’Ivo van Hove, rencontre en ce moment le même succès éclatant au fil de la tournée. Mais en 1983, tenant du défi et du pari, le séjour de Miller à Pékin est une entreprise hors du commun à plus d’un titre : l’écrivain, âgé de 68 ans, a largement fait ses preuves sur tous les plateaux du monde occidental et sa pièce de 1949, Mort d’un commis voyageur, prix Pulitzer et montée on Broadway par Elia Kazan, est depuis lors devenue un classique du théâtre américain. Qui plus est, la Chine se relève à peine de la douloureuse révolution culturelle et Miller s’aperçoit vite qu’avec la troupe chinoise il est « en train de se frayer un chemin à l’aveuglette, vers une sorte de pays nouveau et inconnu où aucun de nous n’avait mis les pieds auparavant – eux dans leur Amérique imaginaire sauce Willy Loman, moi dans un Brooklyn chinois ».

Arthur Miller, Un commis voyageur à Pékin, Éditions du sous-sol

Drôle de mélange, mais la Chine l’intrigue et l’intéresse, le voici donc à l’autre bout du monde, prisonnier de sa curiosité, émoustillé parce qu’il lui semble « qu’à tous égards ils vivent sur une gamme de plusieurs siècles ». Venu en touriste en 1978, il a rencontré le patron du Théâtre d’Art Populaire de Pékin, Cao Yü, ainsi que son metteur en scène et comédien de tout premier plan Ying Ruocheng, et il a déjà publié en 1979 la chronique de ses rencontres avec des intellectuels – Chinese Encounters -, un recueil de ses textes complétés par les photographies de sa troisième épouse, l’Autrichienne Inge Morath, ancienne assistante de Cartier-Bresson, qui a intégré l’agence Magnum. À la demande des deux Chinois désireux qu’il les aide à monter le Commis à Pékin alors même que Les sorcières de Salem sont données à Shanghai, Arthur Miller accepte. C’est ainsi que son journal de bord écrit entre les deux répétitions quotidiennes, s’ouvre à la date du 21 mars (1983) pour se clore le 7 mai (1984), après la première du spectacle.

Semaines intenses où il faut faire passer « la quintessence du théâtre américain », selon les dires de Cao, par des acteurs rompus aux techniques du théâtre traditionnel chinois, où il faut expliquer des faits de société, des gestes, un système de pensée, faire la part des naïvetés, des malentendus, des approches de la sexualité, où il faut surmonter les déconvenues matérielles – à commencer par le froid et l’obscurité déprimante, mais surtout une structure pauvre et usée, un bloc de stuc brun qui « exhale une haleine de crypte de cimetière », une électricité défaillante sous la férule de Vieux Feng, chef éclairagiste, des costumes rudimentaires, le tout à l’avenant. Pauvreté terrible et carences compensées par l’astuce des techniciens et décorateurs de l’atelier qui, par exemple, vont fabriquer, à partir d’une publicité parue dans un vieux numéro du magazine Collier’s, un frigidaire rutilant en papier mâché pour la cuisine des Loman, ainsi que les casques de football pour les fils adolescents. Pour la musique de scène, ce sera la bande américaine passée sur un magnétophone allemand des années cinquante. Le tout se passe dans un quartier qui rappelle à Miller le Coney Island des années trente ou l’après guerre en Europe, les denrées manquent, la nourriture est rationnée. Pourtant l’enthousiasme de l’écrivain-metteur en scène, engagé au pair avec un gîte miniature à l’hôtel des Jardins de Bambou et le transport sur place, ne faiblit pas au cours de « ce travail ardu et grisant, dans l’expérience d’observer la Chine à travers un champ de vision exceptionnel ».

Arthur Miller, Un commis voyageur à Pékin, Éditions du sous-sol

© Inge Morath/Magnum

Lectures, filages, fatigues, conférences de presse, maquillages, lumières, générales dans une salle de mille trois cents places, nous sommes au cœur de l’angoisse de l’auteur et des comédiens, au cœur du métier des gens de théâtre, plongés à l’intérieur, dans un livre d’artisan, opiniâtre et perfectionniste. « Le journal » est un outil indispensable pour qui veut monter le Commis ou qui s’intéresse à la Chine. On se souvient des notes de mise en scène et commentaires de Jean-Louis Barrault sur Phèdre parues en 1946, de sa « préparation » et de ses  « remarques critiques divisées en quatre départements principaux : 1) artistiques 2) moraux 3) religieux 4) historiques », Barrault qui prend bien soin de ne pas éclipser toute la machinerie dramatique de la tragédie. De même Miller y veille et d’une certaine manière le mimétisme joue entre la construction du journal et celle de la pièce : après les préliminaires, la tension monte, alternent les scènes légères telle l’arrivée des postiches et perruques – « choux fleurs à fibre chimique ondulant sur leurs caboches », les moments intermédiaires, les stases grâce à « l’inimitable flegme mandchou » de Ying, traducteur sur le plateau et titulaire du rôle de Willy.

Viennent aussi les leçons de Miller, un instant agacé par une dilution de la concentration des fils, leçons qui font le pont entre la Chine et l’Amérique : « La pièce ne propose pas de solution au problème, à savoir l’aliénation que font naître les progrès technologiques. Ce que je montre c’est à quel prix nous est facturé le progrès. » Chacun absorbe les messages, la lenteur de la diction s’estompe, la troupe se soude, un acteur tombe malade, chacun apprend les variations culturelles, le temps presse. Le soir de la première, Arthur Miller savoure aussi une victoire personnelle, lui à qui l’administration, aux heures aiguës du maccarthysme, avait refusé un passeport pour se rendre en Belgique pour la première des Sorcières de Salem, est très conscient que ce soir de mai 1984 le Commis représente l’unique lien culturel entre les États-Unis et la Chine.

Ce « journal d’Arthur Miller », s’il éclaire à maints égards sur le théâtre et sa pratique quotidienne, fait aussi découvrir une intimité toujours discrète chez le gentleman-farmer de Roxbury (Connecticut), toujours retenue chez l’homme élégant à la ville – New York, Londres ou Paris. Il révèle en particulier une gratitude, une proximité émotive avec ses interprètes, comme le 31 mars où il est assis dans un fauteuil à moins de trois mètres des comédiens et commente : « Linda est prodigieuse… Assise, Linda lance son “Aide moi, Willy, je ne peux pas pleurer…”. La retenue, la pureté dans sa conception de cette femme, dans la valeur de Linda- tout se met en place avec une telle simplicité, un lyrisme élégiaque tellement contenu, que je ne peux pas me retenir de pleurer. Je vais de nouveau la serrer dans mes bras et lui donner un baiser après. » Chère Zhu Lin, star du Théâtre Populaire, qui arrive à vélo en pantalon bouffant, veste imitation denim boutonnée haut et casquette, comme tous ses camarades !

 

Avril et voici l’acte III: Miller rappelle dans un entretien à une revue théâtrale du cru qu’il a regardé le bond économique de son pays avec sévérité et que l’artiste est toujours un dissident. Le suivi chronologique de la période de répétition s’enrichit chaque jour de rencontres et remarques, de doutes et de trouvailles, c’est le côté reporter d’Arthur Miller – jeune homme il a fait des études de journalisme à l’Université Ann Arbor dans le Michigan – qui se donne ici libre cours sans longueur complaisante. Acte IV : soudain c’est la tension diplomatique entre les deux pays qui vient s’ajouter à la crainte larvée d’une exploitation idéologique de la pièce. Pourtant, graduellement, vont porter leurs fruits toutes les recherches d’équivalence, les clarifications – se souvenir qu’il n’y a pas de commis voyageurs en Chine mais des acheteurs ambulants –, les similarités inhérentes à la famille, ces pères nourris de part et d’autre de l’espoir que leurs fils deviennent un jour des dragons et qui leur insufflent l’ambition, sans parler de la discipline « assez puritaine » de la Chine. Suspense et attente jusqu’au bout car « l’enfer se déchaîne vite ». 

 

Enfin, le 7 mai, avec l’obsession de la panne technique, vient le dénouement : la longue expérience de Miller (qui, pour le plaisir, est venu souvent incognito voir ses pièces jouées dans les théâtres de Broadway et en Europe), son amitié avec Ying, qui joue gros pour lui-même et le Théâtre d’Art Populaire avec une telle affiche, et le travail de métamorphose de la troupe vont convaincre et séduire un public nombreux et d’une curiosité intense. Les photographies d’Inge Morath donnent de beaux portraits des acteurs et montrent Miller en action ; ici un jeu de jambe, là une scène de bagarre, ou encore un tête-à-tête pour le choix d’une cravate, d’une robe ou d’une coiffure : il a l’œil exercé et il a du métier. Tout compte, ici plus qu’ailleurs car les références culturelles diffèrent si totalement que la vieille opacité de la Chine est toujours là à la fin du voyage, même si Arthur Miller est heureux de conclure : « Tout se passe dans un pays de l’esprit, où les gens qui ont un visage chinois et des cheveux noirs et lisses parlent et agissent comme s’ils appartenaient à une autre civilisation. Nous avons créé ensemble une sorte de maison et une famille, et une bataille à vivre, dans les terres de l’imagination ».


EN ATTENDANT NADEAU



dimanche 23 juillet 2023

Zhang Yueran / Le clou / Bourrage de crâne

 

Zhang Yueran


Bourrage de crâne

par Maurice Mourier
19 novembre 2019

On comprend que la littérature chinoise contemporaine soit faite majoritairement de récits qui tentent de revenir sur les périodes les plus sombres du passé récent et notamment les années 1965-1968 de la Révolution culturelle. Années cruciales et cruelles où la tyrannie de Mao ne put se maintenir qu’en instrumentalisant une partie de la jeunesse, les Gardes rouges, contre les « ennemis de classe » menaçant son pouvoir. Mêlée furieuse, luttes sans merci, campagnes de redressement idéologique en tout genre et millions de victimes. C’est le cadre général du Clou de Zhang Yueran, née dans la province du Shandong en 1982 et dont c’est le premier roman traduit


.


Zhang Yueran, Le clou. Trad. du chinois par Dominique Magny-Roux. Zulma, 592 p., 24,50 €


L’anecdote principale du livre de Zhang Yueran est donc banale. Dans une petite ville de province pas très éloignée de Pékin, mais encore en partie rurale, les facilités meurtrières offertes par ces temps troublés permettent au grand-père d’une narratrice (il y a un autre narrateur), une fille de  bonne famille, de se débarrasser du directeur-adjoint de l’hôpital universitaire où il exerce.

Il le fait d’une manière particulièrement habile et abjecte en profitant de la séance de « rééducation » où l’on roue de coups son rival pour lui enfoncer dans le crâne un clou, ce qui détermine une infection à bas bruit et transforme le malheureux en légume. Pas vu pas pris, ou sans doute vu par des témoins et peut-être aidé par un complice. Il y a enquête mais l’omerta règne, personne n’ayant intérêt à se mettre en avant quand les Gardes rouges qui rôdent saisissent n’importe quel prétexte pour régler leurs comptes privés en toute impunité. Et d’ailleurs quelqu’un s’est pendu, ce qui fait de lui, sans la moindre preuve, un coupable idéal. L’hôpital, qui se sent responsable de l’affaire, octroie une pension à l’épouse qui devrait rapidement être veuve mais ne le sera pas, car l’homme-légume survit indéfiniment. C’est un autre enfant, petit-fils de l’homme-légume et ami de la première narratrice, qui assume le rôle de second narrateur, en alternance avec elle.



On comprend aussi que cette longue histoire sinistre et macabre ne puisse être écrite que dans le cadre d’un naturalisme auquel ont recours tous les chroniqueurs chinois aux prises avec l’effroyable réalité politique du maoïsme et de ses suites. Il n’y a donc guère d’originalité fracassante dans le cheminement littéraire d’un roman dont la seule singularité structurelle, très relative, est le dispositif alterné narratrice/narrateur qui transforme le texte de Zhang Yueran en roman par lettres au cours desquelles, parcourant les années qui les ont menés de l’enfance à l’âge adulte, la fille et le garçon découvrent peu à peu ensemble l’atroce vérité d’un crime sordide qui a totalement intrigué, puis façonné, puis détruit leur relation et leurs deux existences.

Zhang Yueran, Le clou

Zhang Yueran © Li Jinpeng

Comment se peut-il, dans ces conditions que, malgré le peu de surprises proprement esthétiques que ce texte présente – et bien que la chronique au long cours d’ « histoires véritables » ne soit pas ma tasse de thé  –, j’aie pris le plus vif intérêt à lire ce roman d’une écrivaine de trente-sept ans ?

Eh bien ! d’abord ce naturalisme-là n’est pas celui, volontiers languissant et/ou accrocheur (généralement les deux), de tant d’autres conteurs du « vécu ». Le récit n’a ni longueurs ni complaisances. Ses protagonistes sont d’une rare complexité psychologique, la fille lucide et dépourvue d’illusions en ce qui concerne les sentiments mais néanmoins passionnée, le garçon velléitaire et rêveur impénitent, puéril au fond, mais sans que jamais l’auteur se perde à leur sujet dans des tentatives d’explication, de justification, de jugement.

Est-ce un effet de la résignation confucianiste, ou d’une vague imprégnation chrétienne qui perce ici ou là, cette histoire funèbre a paradoxalement des aspects rafraîchissants, peut-être parce que la tendance à la solitude, le goût de la nuit, de la méditation qui ne vise aucun but, traversent de bout en bout les aventures de deux êtres faits l’un pour l’autre, dont les trajectoires, fixées dès l’enfance par une insurmontable différence de statut social, ne se rejoindront pas en dépit de la transformation accélérée du décor de la société chinoise.

L’absence de happy end est à mettre au crédit de Zhang Yueran. Elle permet une fin sans conclusion, sans solution, les amants impossibles étant abandonnés dans le courant d’un échec qui ne renvoie qu’à la vacherie de la vie. L’avantage supplémentaire que comporte ce refus de tirer quelque leçon que ce soit des événements relatés, c’est que le lecteur revient alors tout naturellement à l’énigme de cette terrible histoire de clou qui, en vérité, ne peut s’arrêter à aucune certitude. L’enquête est trop obscure, au fond trop peu documentée, pour que le grand chirurgien devenu une sommité académique puisse être à coup sûr convaincu de manigances criminelles et même sadiques avérées, bien que la chose soit évidente pour sa petite-fille comme pour le petit-fils de la victime.

Une nouvelle piste devient alors tentante, celle de la métaphore portée par l’homme-légume qui a fini par être extrait de son mouroir au long cours par une soignante bénévole convertie au christianisme et obsédée par le remords de n’avoir pas contribué à confondre l’intouchable chirurgien dont elle aussi soupçonnait ou connaissait la culpabilité.

Décérébré, l’homme-légume disparaît dans un compartiment secret du récit, mais rien ne dit qu’il meure ou même qu’il doive mourir un jour. N’est-il pas la personnification du peuple chinois tout entier, échappé d’une dictature sanglante pour tomber dans une Chine orwellienne dont nul ne sait si elle recouvrera un jour, en matière de capacité de choix démocratique, un cerveau politique intact ?

 

EN ATTENDANT NADEAU


samedi 10 juin 2023

Su Tong / Le dit du loriot / Chine des pauvres, pauvre Chine

 


Chine des pauvres, pauvre Chine

par Maurice Mourier
6 décembre 2016

Su Tong, depuis le succès d’Épouses et concubines en 1992, a été abondamment traduit en français. Il a cinquante-trois ans et Le dit du loriot, dont le titre, emprunté à un proverbe signifiant à peu près « tel est pris qui croyait prendre », semble introduire un conte plutôt qu’un roman, date de 2013.


Su Tong, Le dit du loriot. Trad. du chinois par François Sastourné. Seuil, 366 p., 22 €

En réalité, le texte de Su Tong se présente comme la chronique romanesque du quartier le plus pauvre d’une ville moyenne. L’extrême précision de la peinture des lieux, l’acuité de l’analyse psychologique des nombreux personnages, indiquent peut-être une proximité biographique entre l’auteur et le microcosme qu’il décrit. On a donc affaire, en première analyse, à l’évocation réaliste, vive et documentée, d’un coin de la Chine à partir des années 1980, soit quatre ans après la mort du Grand Timonier, quinze après le lancement de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et son cortège de crimes et de malheurs.


Désormais, le pays va se convertir très progressivement à l’économie de marché, mais en tout cas les vieux slogans ne sont plus qu’images déchirées sur les murs et la nouvelle idéologie celle de l’argent vite gagné, honnêtement ou non peu importe.

De l’argent, personne n’en a vraiment dans ce district sordide de la rue des Cédrèles où les bicoques exiguës abritent plusieurs générations dans un climat de haine familiale recuite, mais tout le monde en rêve. Il suffit que le grand-père devenu fou qui se met à creuser fébrilement pour retrouver son âme perdue mentionne un ancien trésor enfoui pour que la fièvre de l’or saisisse tous ces pauvres gens. Le récit prend alors une tournure de Clochemerle chinois et s’engage dans une direction satirique aimable et plutôt divertissante, tant qu’il reste chez les adultes.

Su Tong, Le dit du loriot, Seuil

Maud Roditi pour EaN

Ce n’est pourtant qu’un leurre, ou bien une des facettes d’un récit dont le narrateur, qui a adopté d’emblée le point de vue surplombant de l’analyse critique, pince-sans-rire et détachée d’une micro-société à la dérive, voudrait bien rester jusqu’au bout « au-dessus de la mêlée ». Il y parvient du reste en partie, même si la réalité paraît rendre difficile pour lui la posture du sage bienveillant doublé d’un éthologue sagace observant une fourmilière.

Par exemple, l’asile psychiatrique local, plutôt une garderie renforcée pour déments, où la seule solution pour empêcher l’aïeul privé d’âme de forer partout des trous et de dévaster ainsi le domaine laborieusement entretenu par un jardinier misérable consiste à confier à son petit-fils, qui a le don des nœuds, la tâche de ligoter le vieil homme et de le mener en laisse comme un chien : peut-on rire d’une telle horreur ? Su Tong relève le défi et triomphe presque, changeant en scènes drolatiques, tel une sorte de Marcel Aymé chinois (le Marcel Aymé de « La traversée de Paris »), des situations intolérables.

Su Tong, Le dit du loriot, Seuil

Maud Roditi pour EaN

Cette assurance dans la traduction adoucie des effets de la misère en milieu urbain, qui induit du côté du lecteur une forme de jubilation mêlée de gêne, se met à flancher dès que les jeunes générations passent au premier plan du théâtre fictionnel. Voici trois piètres héros de cette rue d’abord presque joyeuse qui peu à peu s’assombrit. Un trio classique : deux garçons et une fille, les petits mâles d’abord complices puis devenus rivaux en présence de la demoiselle. Le premier est un balourd et un loubard, un quasi-demeuré, c’est lui l’expert en cordes qui ficelle son grand-père, sans méchanceté d’ailleurs, par devoir filial (ah ! ces vertus confucéennes, sur lesquelles le maoïsme prédateur s’était tant appuyé et qui ressurgissent, simplistes et intactes, dès que l’Ogre au livre et aux mains rouges s’est effacé).

L’autre, un beau gosse d’une famille aisée (dans le contexte : son père est boucher), n’a aucune ossature intérieure et glisse naturellement au crime redoublé : il viole la jeune fille puis, soutenu par sa famille et quelques pots de vin, fait endosser le forfait à son benêt de copain qui, incapable de se défendre, croupira quelques années en prison à sa place.

Elle, manifestement c’est à elle que le narrateur réserve l’attention la plus soutenue. D’une beauté éclatante, laissant derrière sa démarche gracieuse un parfum enivrant, orpheline élevée par le jardinier de l’asile et sa femme, son caractère est de loin le plus complexe et le plus fouillé des trois. A-t-elle dès le début un tempérament de garce, d’aguicheuse sûre de ses charmes, a-t-elle un cœur aussi sec que son comportement méprisant, calculateur et rancunier le laisserait supposer ? Le narrateur et, lui emboîtant le pas, le lecteur, s’ils suivent paresseusement cette pente, croiront, comme tant de témoins stupides des malheurs arrivés aux femmes, qu’elle l’a bien cherché. Mais n’est-elle pas d’abord une enfant meurtrie, dont tout le trésor consiste en deux lapins en cage qu’elle chérit et que le beau gosse lui tuera par perversité pure, avant de la violer ?

Su Tong, Le dit du loriot, Seuil

Maud Roditi pour EaN

Tout l’enchaînement d’un mélodrame qui enfonce une à une trois jeunes destinées dans les ténèbres (l’ex-prisonnier finira par poignarder le bellâtre ; enceinte d’une liaison avec un riche Taïwanais, la radieuse séductrice flottera comme une bête crevée au fil de la rivière qui traverse le quartier et se noiera sans susciter la moindre réaction des habitants qui l’observent : les scénarios des films japonais ou chinois nous ont habitués à ces dénouements peut-être pas si excessifs), cette accumulation de désastres prouve que, si l’intrigue du livre est attendue, son message implicite en permet une lecture politique peu réconfortante.

Car le message – heureusement non dit – est sombre. La communauté des Cédrèles n’a rien de factice. Elle repose sur un vieux fonds paysan de croyances irrationnelles, de pratiques magiques, de préjugés et – n’ayons pas peur des mots – de bruyantes sottises, qui a peut-être bien permis à la Chine crucifiée par tant d’empereurs abjects de persévérer des milliers d’années dans son être souffrant. Mais, faute d’une volonté collective réellement démocratique, ce chacun pour soi de survie dans l’asservissement de tous se révèle bien incapable d’une compassion active à l’égard de ses membres les plus fragiles. Exception : la famille restreinte, qui aide parfois pour le meilleur ou pour le pire (souvent, comme ici, afin de « sauver la face »). En dehors d’elle, point de salut.

Parmi les légions de laissés-pour-compte que cette société inégalitaire maintient sur ses marges, aucun n’est plus à plaindre que le sujet féminin auquel, si la beauté s’en mêle, seul le sort de nos prostituées du XIXe siècle semble susceptible d’échoir aujourd’hui encore. Cela, cette réalité tangible, le mélo dépourvu de pathos de Su Tong le montre par un traitement du réalisme cru dont le charme réside néanmoins dans l’indécidabilité entre romanesque du miroir promené le long d’une route et poésie de la légende, et n’en est que plus puissant.

On préférera cette lucidité amère à la complaisance d’un Mo Yan envers l’image, subversive en apparence, d’une Chine éternelle qui attend toujours en vain la vraie révolution, celle des mœurs.

EN ATTENDANT NADEAU

mardi 1 novembre 2022

Trois livres venus de l’Orient lointain

 

Bao Tianxiao, Ren Xiaowen, Natsumé Sôseki : voix de l'Orient lointain


Trois livres 

venus de 

l’Orient lointain

par Maurice Mourier
27 avril 2022

Les Mémoires de Bao Tianxiao, journaliste dans la Chine du XXe siècle, entre révolutions, guerres et occupations ; un court drame social d’un romancier né l’année de la prise du pouvoir par Deng Xiaoping ; une nouvelle traduction par René de Ceccaty d’un récit quasi-autobiographique de Natsumé Sôseki : trois livres venus de Chine et du Japon pour écouter les voix diverses de l’Orient lointain.
Bao Tianxiao, Souvenirs de la chambre de l’ombre du bracelet. Traduction du chinois, notes et postface de Joachim Boittout. Préface de Sebastian Veg. Rue d’Ulm, 366 p., 21 €
Ren Xiaowen, Sur le balcon. Trad. du chinois par Brigitte Duzan. L’Asiathèque, 110 p., 7,90 €
Natsumé Sôseki, Petit maître. Trad. du japonais par René de Ceccatty. Points, 265 p., 8,60 €

Le livre de Bao Tianxiao, malgré un de ces titres poétiques dont les Chinois abusent, n’a aucun des caractères de la poésie. C’est un choix, fort bien opéré par le traducteur Joachim Boittout, également auteur de notes indispensables et de la postface, dans les Mémoires d’un journaliste, écrivain et éditeur qui a fait une exceptionnelle carrière, notamment à Shanghai, avant de se fixer à Taïwan puis à Hong-Kong.Une très longue vie (1876-1973) a permis à cet entrepreneur actif et jovial de traverser toute l’histoire de la Chine moderne, à partir de la fin de l’empire Qing et presque jusqu’à celle du maoïsme. Le moins qu’on puisse dire est qu’il ne s’agit pas d’un long fleuve tranquille. De bonne famille aisée mais non pas riche, Bao entame une carrière de fonctionnaire traditionnel en passant les premiers des interminables et fastidieux examens mandarinaux, qui ne seront abolis qu’en 1905 quand le dernier empereur mandchou fait une tentative de modernisation aussi vaine que sera l’essai d’une république en 1911, d’une dictature sous Yuan Shi Kaï, d’un nationalisme qui n’empêcha pas l’invasion japonaise, avant qu’en 1949 une nouvelle république, dite populaire, n’installe le totalitarisme de Mao.

Ces péripéties meurtrières, Bao, avant de s’exiler de la Chine continentale, les surmonte habilement. Il réussit à Shanghai à devenir un journaliste vedette et un éditeur de nombreux auteurs occidentaux, philosophes et théoriciens politiques notamment. Que retenir surtout des extraits de ses Mémoires, rédigés dans un style facile et souvent plaisant ? D’abord, me semble-t-il, que l’ouverture à la modernité d’une Chine archaïque a reposé en grande partie sur la traduction non des originaux occidentaux mais de leurs éditions japonaises.

Bao Tianxiao, Ren Xiaowen, Natsumé Sôseki : voix de l'Orient lointain

Des habitants de Hankou fuient vers Pékin pendant la Révolution chinoise (1911) © Gallica/BnF

À l’origine de sa trajectoire culturelle, le Japon avait emprunté son savoir à la Chine via la Corée. Au début du XXe siècle, c’est la Chine qui dépend du Japon déjà « ouvert » depuis Meiji (1868). On retiendra ensuite qu’un intellectuel astucieux et non spécialisé peut parvenir à passer à travers les gouttes d’époques globalement atroces sans y sombrer, en suivant sans doute les courants les moins violemment subversifs du goût nouveau, mais en prenant tout de même certains risques, celui de défendre, par exemple, une discrète évolution de la condition féminine en publiant comme romancier à la mode le conte Un fil de lin, en 1909, dans Eastern Times Romanesque, qui nous est donné in extenso aux pages 195-205 de ce livre.

C’est un texte terriblement sentimental et qui passerait aisément pour édifiant, dans le genre Veillées des chaumières, si sa fin conformiste (la mal mariée qui a dû sacrifier son véritable amour est soignée tendrement de la diphtérie par « son benêt de mari » ; elle guérit mais le contamine et il meurt ; pleine de remords, elle lui restera fidèle) ne dissimulait pas le caractère « révolutionnaire » de la critique initiale du mariage arrangé.

On comparera avec amusement ce conte de 1909 à la « novella » chinoise Sur le balcon, publiée en 2011, soit un siècle plus tard. Aucun rapport apparent : de jeunes gars à la limite de la délinquance, dans un quartier pauvre, qui rêvent d’argent et de filles. Mais là aussi une conclusion curieusement édifiante et sentimentale et une littérature populaire pas désagréable, un peu attendue. On se rappelle alors l’immense succès en Chine de la traduction de La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils par Lin Shu en 1899. La tradition du drame social doté d’une fin morale n’est donc pas morte en Chine.

Bao Tianxiao, Ren Xiaowen, Natsumé Sôseki : voix de l'Orient lointain

Il y a évidemment un abîme entre ces auteurs intéressants d’un point de vue sociologique – surtout le premier – et un écrivain original aussi important que Sôseki. Mais on peut tout de même aussi utiliser Petit maître, retraduit et présenté superbement par René de Ceccatty, pour souligner une différence fondamentale dans l’appréhension générale du monde entre Chinois et Japonais, et cela d’autant plus facilement que le roman de Sôseki a paru en 1906, une époque où déjà le Japon, à la différence de la Chine, était entré de plain-pied dans la modernité.

Le conte de Bao Tianxiao comme celui de Ren Xiaomen (né en 1978) et, ajouterai-je, par exemple comme les romans du Prix Nobel Mo Yan, ne s’intéresse pas à autre chose qu’à la société. La chronique d’un groupe, d’une communauté, d’un village, d’un quartier, d’un ensemble, voilà ce qui motive cette littérature, quels que soient par ailleurs ses prétentions esthétiques ou son niveau d’écriture. Il n’y a guère d’individu dans ces textes qui ne soit relié à cent autres, notamment par ses alliances familiales ou villageoises. La Chine, c’est le nombre. Tout personnage s’y définit par ses contacts, sa proximité, son rapport à d’autres.

C’est pourquoi le Sôseki de 1906, comme plus tard Tanizaki, ou Kawabata, ou Murakami, nous paraît d’emblée « moderne », c’est-à-dire occidental. Il n’écrit que sur l’individu séparé, souvent hostile au groupe, et cet individu, le plus souvent, c’est lui-même. Petit maître est le récit quasi autobiographique de l’aventure tragicomique d’un garçon sans qualité marquante, sauf peut-être une intégrité ingénue qui touche à la niaiserie. Exilé de Tôkyô dans le Shikoku, l’île la plus pauvre et paysanne du Japon, il exerce les fonctions modestes de professeur de mathématiques dans un collège et comprend mal les manigances de collègues médiocres, vaniteux, malveillants, en même temps qu’il se met à dos les élèves indisciplinés qui acceptent mal sa rigueur et ses manières urbaines. D’où une série souvent tordante de déconvenues qui n’en constitue pas moins en profondeur un sérieux apprentissage de la réalité, celle de la vie en société faite de sournoiserie, de coups bas, et aussi de découvertes inattendues (les véritables ennemis ne sont pas ceux qu’on croit, le gueulard insupportable se révèle un ami précieux).

Bao Tianxiao, Ren Xiaowen, Natsumé Sôseki : voix de l'Orient lointain

Natsumé Sôseki (1914)

Mené à la perfection, le récit aboutit à un constat : il faut s’arracher à l’emprise étouffante des autres et vivre pour soi avec le moins possible de compromissions. Cette leçon a d’autant plus de force qu’elle est appliquée, ici, au cas d’un enseignant ordinaire qui n’est en rien, à la différence de Sôseki, un intellectuel.

Après des débuts de professeur frustré, l’auteur de Petit maître passera quelques années de formation en Angleterre et en Écosse, puis mènera au Japon une existence de lettré, de poète (en japonais et en chinois). Romancier à succès et maître à penser des jeunes générations, il est pessimiste, comme tous les plus grands écrivains nippons, sans illusion sur ses semblables, et incarne à merveille un individualisme qui nous parle directement, à nous autres de l’Extrême-Occident, sans aucun filtre exotique. Son authentique puissance subversive, jamais violente, repose, entre autres éminentes qualités littéraires, sur un humour coruscant, riche en non-dits, auquel l’excellente traduction de René de Ceccatty fait un sort.

EN ATTENDANT NADEAU


jeudi 10 septembre 2020

«Mulan» ou la Chine selon Disney

Liu Yifei dans le rôle de Mulan.

«Mulan» ou la Chine selon Disney

L’héroïne chinoise s’échappe du dessin animé pour revenir en chair et en os et plus féministe que jamais dans un film pompant sans grâce les films de sabre asiatiques. Ce coûteux blockbuster est à voir… sur petit écran!

Antoine Duplant
Publié dimanche 6 septembre 2020 à 17:55
Modifié lundi 7 septembre 2020 à 08:39

Ayant exploité le fonds des contes et légendes de la vieille Europe, Disney s’inspira d’un poème chinois pour créer Mulan en 1998. Ce dessin animé devait lui ouvrir les portes de l’Empire du Milieu où il avait implanté 300 Mickey Centers. Hélas! Le film a eu du mal à décrocher son visa d’exploitation, Pékin n’ayant guère apprécié Kundun, le biopic du dalaï-lama que Disney avait eu l’impudence de produire.


Depuis quelques années, Disney traduit en prises de vues réelles ses classiques de l’animation. Voici le tour de Mulan. L’enjeu est énorme, car c’est la Chine entière que Mickey a pour cible commerciale. Pour parer aux accusations de whitewashing qui n’ont pas manqué de fuser avant même le premier tour de manivelle, la compagnie souligne que le casting est 100% chinois. Bon, tout le monde parle anglais et la réalisatrice, Niki Caro (La Femme du gardien de zoo), vient de Nouvelle-Zélande, mais on ne va pas chipoter.
L’intrigue de ce Mulan photo-réaliste reste la même: pour contrer l’invasion des Huns, l’empereur de Chine décrète la mobilisation d’un homme par famille. Or Hua Zhou n’a que deux filles. En dépit de son âge, il s’apprête à rejoindre les rangs de l’armée impériale. La fougueuse Hua Mulan (Liu Yifei, peu charismatique à l’écran et soutenant la répression à Hongkong), son aînée, lui vole ses armes et, travestie en homme, rejoint la troupe. Si la supercherie est découverte, elle risque la mort. Ayant gagné la guerre à elle seule, bouté les Huns hors de Chine et sauvé la vie de l’empereur, elle finit pardonnée et ennoblie. Mais pas mariée…

Cheveux au vent

Mulan n’est pas une princesse, mais Disney reconduit avec ce produit le schéma de tous ses films de princesse – avec une plus-value féministe bien dans l’air du temps. La petite Mulan est un garçon manqué doublé d’un brise-fer. Devenue grande et rétive à l’idée du mariage, elle s’enrôle sous une identité masculine et se fond dans une ambiance de saine camaraderie relevée d’un rien de grivoiserie (comment échapper à la douche?). Suivant un rude entraînement façon GI Jane, elle dépasse en force, adresse et vaillance tous les bidasses.
En déclenchant une avalanche, la Wonder Woman de l’Empire céleste remporte une bataille décisive. Alors elle laisse flotter ses cheveux au vent (contrairement au dessin animé, elle ne les a pas coupés, juste comprimés sous le casque) et, galopant au ralenti, elle comprend que puissance et féminité peuvent aller de pair. Elle affronte son double d’ombre, la sorcière Xian Lang (Gong Li). Cette incarnation vengeresse de l’exclusion des femmes renonce au côté obscur et se sacrifie pour que le bien triomphe.
Le charme du premier Mulan résidait dans la rencontre de l’animation occidentale et de l’art chinois. Située dans une Chine pittoresque à la géographie incertaine, ne dédaignant pas le kitsch (grotesque phénix au plumage de pixels), la nouvelle version copie tous les plans des films de sabre asiatiques. Chaque scène proclame sa splendeur et sa virtuosité. Mais aucune n’arrive à rivaliser avec la magnificence et les folles chorégraphies de Tigre et DragonLe Secret des poignards volants ou The Assassin.

Mushu évincé

On déplore l’éviction de Mushu, le petit dragon volubile qui sert de confident à Mulan dans le dessin animé. Officiellement, l’amusante bestiole a été sacrifiée sur l’autel du «réalisme» – concept hautement flou en l’occurrence… Par ailleurs, très populaire en Occident, le dragonnet serait détesté par les Chinois, qui le perçoivent comme une «trivialisation» de leur culture. Enfin, les droits de Mushu seraient détenus par Jeffrey Katzenberg, l’ex-CEO de Disney.

Ce grand spectacle budgété à quelque 200 millions de dollars aurait dû sortir le printemps dernier. La pandémie a bousculé le planning. Longtemps annoncé comme le blockbuster estival susceptible, aux côtés du Tenet de Christopher Nolan, de ramener les spectateurs au cinéma, Mulan sort finalement sur Disney+. Et au cinéma en Chine le 11 septembre.

Mulan, de Niki Caro (Etats-Unis, 2020), avec Liu Yifei, Gong Li, Donnie Yen, Jet Li, 1h55.

En pratique: le film est accessible depuis vendredi sur Disney+ moyennant 29 francs en plus de l'abonnement.
Il sera mis en ligne en Belgique le 15 septembre, et en France le 4 décembre. Dans ces deux pays, sans surcoût.