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lundi 17 août 2020

Décès de Mercedes Barcha, veuve et inspiratrice de Gabriel Garcia Marquez, à 87 ans





Fundación Gabo lamenta el fallecimiento de Mercedes Barcha Pardo
Mercedes Barcha

Décès de Mercedes Barcha, veuve et inspiratrice de Gabriel Garcia Marquez, à 87 ans

DISPARITION - Ils s'étaient mariés en 1958 et ont vécu ensemble jusqu'à la mort de l'écrivain. Gardienne de l'œuvre du prix Nobel de littérature, elle est décédée samedi à Mexico.
Mercedes Barcha, qui fut l'épouse et l'inspiratrice de l'écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez, est décédée samedi à Mexico à l'âge de 87 ans, a annoncé le secrétariat mexicain à la Culture. «J'ai appris avec une grande tristesse la mort de Mercedes Barcha», a écrit sur Twitter la secrétaire à la Culture, Alejandra Frausto. «Nos plus profondes condoléances». La cause du décès de Mercedes Barcha, qui résidait depuis 1961 à Mexico, n'a pas été précisée officiellement. Selon des médias colombiens, elle souffrait de problèmes respiratoires.
Gabriel Garcia Marquez a connu Mercedes Barcha alors qu'encore enfant il se déplaçait de village en village avec son père pour proposer des médicaments.



Gabriel Garcia Marquez a connu Mercedes Barcha alors qu'encore enfant il se déplaçait de village en village avec son père pour proposer des médicaments. LUIS ACOSTA / AFP

Le président colombien Ivan Duque a adressé ses condoléances à la famille de la défunte. «Aujourd'hui est morte à Mexico Mercedes Barcha, l'amour de la vie de notre Nobel Gabriel Garcia Marquez et sa compagne inconditionnelle», a écrit Ivan Duque, exprimant «toute la solidarité» de la Colombie avec sa famille.



Gabriel Garcia Marquez et son épouse Mercedes Barcha en 2007 dans le train pour Aracataca en Colombie.
Gabriel Garcia Marquez et son épouse Mercedes Barcha en 2007 dans le train pour Aracataca en Colombie. ALEJANDRA VEGA / AFP

La Fondation Gabo (surnom de l'écrivain), de son nom complet Fondation Gabriel Garcia Marquez pour le nouveau journalisme ibéro-américain, a précisé que Mercedes Barcha était morte «dans sa résidence à Mexico, où elle s'était installée avec Gabo en 1961». Garcia Marquez et Mercedes Barcha s'étaient mariés en 1958 et ont vécu ensemble jusqu'à la mort de l'écrivain.
Descendante d'émigrants égyptiens, Mercedes Barcha est née et a vécu à Magangue, en Colombie, où son père tenait une pharmacie. Garcia Marquez l'a connue alors qu'encore enfant il se déplaçait de village en village avec son père pour proposer des médicaments. Le couple a eu deux enfants, Gonzalo et Rodrigo, qui sont l'un dessinateur et l'autre réalisateur et producteur de cinéma et de télévision.
Le décès de Mercedes Barcha a suscité sur les réseaux sociaux de nombreuses réactions des milieux littéraires, culturels et politiques. «J'ai eu le privilège de connaître Mercedes Barcha», a écrit sur Twitter la maire de Mexico, Claudia Sheinbaum, qui a rendu hommage à «une grande et belle femme».
Gabriel Garcia Marquez, né à Aracataca en Colombie en 1927, est décédé en 2014 à Mexico. Il a obtenu en 1982 le prix Nobel de littérature.

vendredi 26 janvier 2018

Chronique Livre / Après et avant Dieu d'Octavio Escobar Giraldo



Publié par Dance Flore le 11/01/2018

L'auteur

Octavio Escobar Giraldo est né à Manizales (Colombie) en 1962. Après des études de médecine, il se consacre à la littérature qu’il enseigne, à présent, à la faculté de Caldas. Il est l’auteur d’une dizaine de romans et de nombreux recueils de nouvelles et de poèmes qui lui ont valu les plus hautes distinctions dans son pays et notamment le Prix national du roman 2016 pour Après et avant Dieu.

En bref

« … le Greco est sinistre et ses couleurs ont dû naître de péchés jamais pardonnés. Il était grec. »
La Colombie. Dans la vaste demeure bourgeoise où vivent désormais la mère et la fille, secondées par une servante indienne, soudain, un drame. La fille larde la mère de plusieurs coups de couteau sous les yeux de Dieu en personne qui va avoir un mal de chien à accorder de nouveau sa confiance à sa brebis très égarée, après ce test si abominablement raté.
Surtout qu'il y avait déjà le père mort, homosexuel tardif, les comptes de l'agence immobilière, complètement véreux, la baisse conséquente du capital et la découverte par la fille maintenant matricide de l'amour charnel dans les bras de la bonne. Ça fait pas mal de petites cases infernales cochées, ça, dites-moi.
Heureusement, il y a la cavale... et la prière.

Un peu, pour voir

«  Quand je revins dans la chambre, le blanc avait redonné à ma mère son apparence virginale. En dépit des traces de sang sur le dessus-de-lit, de l'expression douloureuse de sa bouche, de la saleté de ses plantes de pied, c'était à nouveau la femme que tout le monde admirait et aimait, celle qui donnait à chaque acte de nos vies une touche de distinction et de beauté. Je m'approchai pour embrasser ses lèvres encore tièdes. Un moment je crus qu'elle allait ouvrir les yeux. C'était la première fois que je l'embrassais sur la bouche. Je glissai le crucifix entre ses doigts. Son alliance était incrustée dans son index gauche. Bibiana m'observait, droite dans sa robe aux couleurs délavées qui lui tombait un peu plus bas que les genoux. Son visage avait pris tout à coup l'apparence de ces masques résignés qui remplissent nos livres d'histoire et nos musées. Heureusement, sa jeunesse était plus forte que ses traits indigènes et son expression pieuse me donna envie de pleurer.
- Apportez l'autre chandelier. Nous allons la veiller.
- Pauvre Madame Carmelita, dit-elle.
J’acquiesçai, consciente de ma culpabilité.
- Nous allons beaucoup prier. Nous allons beaucoup prier pour elle et aussi pour nous.
Il était neuf heures du matin du premier dimanche de janvier. » ( p. 10 et 11)

Ce que j'en dis

Manizales : sa feria, sa ligue fasciste, son prêtre véreux, ses clubs dispendieux où se réunit la fine fleur de la haute bourgeoisie, ou qui feint encore de l'être après des placements illicites fort dangereux, sa bonne société qui se masse à la messe, égraine les rosaires et ne se mélange pas aux Indiens, quelle idée enfin voyons.
À la mort de son père, quinze ans auparavant, un père qui, soit dit en passant, s'est découvert, sur le tard une passion plutôt pour les hommes, la mère, Mme Carmelita, et sa fille – narratrice dont nous ne saurons jamais le prénom -, décident de continuer à s'ocuper des affaires de la grande agence immobilière ayant pignon sur rue à Manizales. Mais voilà, l'héritage est moins conséquent que prévu... D'ailleurs tout, dans cette bonne société colombienne, n'est qu'apparence, et la réalité est nettement moins belle qu'elle n'y paraît.
Pour se renflouer vite fait, la narratrice, à l'insu de sa mère qui a décidé, finalement, de se consacrer à de grandes entreprises de charité qui coûtent tout l'argent qu'elles n'ont pas mais donnent l'illusion qu'elles en ont, - élément de subtilité !!! - prend des risques financiers avec l'aval des banquiers dont le sourire s'est vite effacé au vu des résultats catastrophiques. Afin d'enrayer la débâcle financière, elle accepte d'investir dans le plan, qui s'avèrera une escroquerie, bien sûr, proposé par le prêtre de sa paroisse, Daniel Ardila, un homme très sensuel, beau et à la voix de baryton qui lui permet avec la même aisance de chanter à la messe ou « un air romantique à ses heures moins pieuses ».
Il la convainc d'aider d'autres bonnes familles pieuses plutôt désargentées, un service à se rendre entre gens de la même classe sociale, en fait. L'archevêque lui-même va apporter sa bénédiction à l'opération, c'est dire avec quelle facilité Ardila emporte l'adhésion de la narratrice, qui a un impérieux besoin d'argent, maintenant que sa mère s'est mise en tête de dépenser des sommes faramineuses pour acheter son salut dans l'au-delà. Un investissement, celui-ci, dont elle va avoir tout intérêt, et plus rapidement que prévu, à ce qu'il ne soit pas une vaste arnaque.
Madame Carmelita, une femme jadis très belle, entretient des rapports complexes avec sa fille avec qui elle dit le rosaire tous les jours à heure fixe mais qu'elle accuse, à cause de sa laideur, d'être la raison de la défection de son père... il faut dire que la narratrice est très laide, souffre d'hirsutisme en plus d'avoir un corps malgracieux et masculin.
Elle est peu amène, mal à l'aise en général avec les autres qu'elle soupçonne d'être prévenus contre elle à cause de son apparence peu flatteuse. Elle a une amie, sa comptable, Albita, une camarade de collège qui couvre ses agissements délictueux. La narratrice se débat en cachette de sa mère dans la situation désespérée dans laquelle elle s'est bêtement mise, avalant force pilules contre l'acidité gastrique et faisant bonne figure à l'agence comme à la maison. Cependant, voilà que sa mère découvre tout. Bien entendu, s'ensuit une algarade et tout d'un coup, le meurtre. Un matricide, rien de moins. Quatre ou cinq bons coups de couteau dans le dos, et voilà, le tout est joué. Certes, ça fait taire la mère, mais le regard de Dieu, pour silencieux qu'il soit, n'en reste pas moins pesant. Il pardonne à tous, mais il faut en être digne.
Avec l'aide de la bonne, Bibiana, une jolie fille indienne venue d'un patelin rural faire le ménage chez les riches, elle couche Madame Carmelita sur son lit, lui passe une robe blanche et la veille en priant.
Mais il faut agir vite, car, bien que ce soit la feria, il ne se passera que peu de temps avant que l'on comprenne ce qui s'est passé. Les tantes fouineuses et envahissantes appelleront vite la police et tout sera découvert très vite.
Elle a un plan tout simple : fuir et se cacher dans le logement inoccupé d'un client de son agence immobilière, un type fou de Rommel. C'est une simple cabane en préfabriqué, au milieu de rien, personne n'ira la chercher là. Ensuite ? Dieu y pourvoiera certainement.
Enfin LES chercher là. Car il faut compter avec Bibiana...
Elle est bien jolie Bibiana, et délurée aussi, elle n'aime pas les hommes assure-t-elle à la narratrice au cours d'un goûter pris chez elle, dans son petit logis minable, avec une lueur indiscutable dans les yeux...
Donc, je résume : matricide et désargentée, bien qu'extrêmement pieuse, formant un couple désassorti avec sa bonne, la narratrice va chercher à se cacher le temps que les choses se tassent dans une petite cabane appartenant à un de ses clients professeur d'histoire et dingue d'un haut dignitaire nazi.
Elle a réussi à emporter une bible avec elle, ses bijoux ainsi que l'argent qu'elle a trouvé sous le matelas où sa mère l'avait caché, sans aucun doute pour le soustraire à sa fille et le consacrer à Dieu...
Tout se passe à peu près comme prévu, la cabane est immonde, mais supportable. Comme la région est sous le contrôle d'un groupe paramilitaire financé par les éleveurs pour les protéger de la guérilla, elles sont bien tranquilles et s'ennuient avec plus ou moins d'entrain, la grande bourgeoise hommasse pieuse et la petite indienne amoureuse exhibitionniste.
On n'est jamais trahi que par les siens, c'est pas Jésus qui va dire le contraire, et l'oncle Annibal, le frère de son père défunt, avec l'aide de ses sbires dont les plus fiables sont muets, forcément, va les retrouver, et prendre les choses sérieusement en main.
Quel roman ! Quelle verve ! Tout le monde en prend pour son grade, Giraldo n'épargne rien ni personne ! Les bourgeois corrompus jusqu'à l'os, avides de fric, tout pétris de religion pour la galerie mais inscrits aux ligues fascistes, maintenant les apparences pour ne pas déchoir de leur rang ! Le prêtre, qu'on devine sensibles aux charmes féminins, prête la main aux arnaques, sa parole mielleuse déguise ses intentions coupables. Les propriétaires terriens paient des milices pour les protéger de la guérilla. La société est infiniment inégalitaire et raciste et les Indiens sont méprisés. Au sein même des grandes familles bourgeoises, sous des dehors puritains, les mœurs sont loin d'être chastes ni véritablement charitables, les apparences toujours. L'oncle Annibal est le personnage le plus effrayant de tous, totalement au-dessus des lois, arrosant qui il faut pour obtenir ce qu'il souhaite, les rouages habituels de la corruption généralisée et lubrifiant habituel.
La narratrice est particulièrement intéressante, toujours en négociation avec elle-même et avec ce Dieu qui tarde à se manifester, sauf par des tests toujours plus pénibles. Elle est tour à tour ironique et candide, de mauvaise foi et touchante, souvent leurrée croyant leurrer. Son duo avec Bibia est drôle et tendre, la narratrice ne baissant jamais véritablement sa garde, les apparences toujours...
Un voyage en Colombie drôle et farfelu teinté de noir bien sombre.

La musique

Principalement de Miguel Bosé puisqu'outre les deux titres ci-dessous, vous trouverez Linda et Amiga dans le roman.
Miguel Bosé - Morir de amor
Miguel Bosé - Creo en ti
Deep Purple - Burn

APRÈS ET AVANT DIEU - Octavio Escobar Giraldo – Éditions Actes Sud – 192 p. novembre 2017
Traduit de l'espagnol (Colombie) par Anne Proenza



RIMBAUD
Octavio Escobar / Après et avant Dieu


vendredi 20 octobre 2017

L'amour vu par Gabriel García Márquez / Les vieux amants



L'amour vu par Gabriel García Márquez: les vieux amants




Dans L'Amour aux temps du choléra (1985), Florentino tente de reconquérir l'élue de son coeur, mariée à un autre. Nouvel épisode de notre dossier Spécial romans d'amour.

Dans une petite ville des Caraïbes, Florentino, pauvre télégraphiste, tombe amoureux de Fermina, ravissante écolière issue de la bourgeoisie locale. Ces deux-là sont encore innocents, ils rêvent d'amour éternel et, pendant trois ans, s'échangent mots doux et promesses de mariage. Mais la jeune femme préfère épouser Juvenal Urbino, un riche et solide médecin de campagne. Tandis qu'elle affronte, avec lui, les routines de la vie conjugale, Florentino choisit une autre vie. Malade d'amour, le poète maladroit décide de consacrer sa vie à se faire un nom et une fortune, afin de pouvoir, un jour, reconquérir l'élue de son coeur... 
Citation: "Ensemble, ils avaient dépassé les incompréhensions quotidiennes, les mouvements de colère, les méchancetés réciproques et les fabuleux éclats d'orgueil de la conspiration conjugale. Ce fut l'époque où ils s'aimèrent le plus, sans hâte ni excès, où chacun fut le plus conscient et reconnaissant de leurs victoires incroyables sur l'adversité. La vie leur opposerait encore d'autres épreuves mortelles, bien sûr, mais cela ne comptait plus pour eux: ils avaient atteint leur rivage." 
Circonstances: Au début des années 1980, García Márquez est déjà un auteur mondialement célèbre. Héraut du "réalisme magique", il vient de se voir attribuer le prix Nobel de littérature. Mais avec L'Amour aux temps du choléra, il explore une voie nouvelle, privée d'éléments surnaturels, et bien plus ancrée dans le réel. Ce sera une histoire d'amour au long cours, inspirée par l'assassinat sur un bateau de deux retraités américains, qui se retrouvaient chaque année, en secret, à Acapulco. 
Accueil: Applaudi de toutes parts -y compris par Thomas Pynchon lui-même, qui salua la "folle sérénité" de son écriture-, L'Amour aux temps du choléra a su séduire un large public par son approche aussi romantique que réaliste de la chose amoureuse. Même Oprah Winfrey ira de son soutien, entraînant près d'un million de ventes outre-Atlantique. Seul bémol: l'adaptation cinématographique, plutôt médiocre, qui en a été tirée en 2007. 
Vie amoureuse: Paisible. Gabriel García Márquez est marié depuis 1958 à Mercedes Barcha, avec qui il a eu deux enfants. Quant à l'idylle des débuts entre Florentino et Fermina, elle est directement inspirée de celle de ses parents. "La différence, c'est qu'eux se sont mariés. Après cela, ils n'étaient plus aussi intéressants d'un point de vue littéraire." 
Et aussi:L'Odyssée d'Homère fait figure de première oeuvre littéraire occidentale, mais aussi de première célébration de la foi en l'amour, de la patience et de la fidélité. Plus proche de nous, la Lettre à D.d'André Gorz signe le magnifique témoignage d'amour d'un homme pour la femme qui, pendant près de soixante ans, a partagé sa vie.