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jeudi 25 juillet 2019

Noli me Tangere d’ Andrea Camilleri


NOLI ME TANGERE 

d’ Andrea Camilleri 

Traduction : Serge Quadruppani
19 juin 2018
On ne présente plus Camilleri, écrivain italien prolifique de romans policiers, romans noirs, romans historiques…  Il sait tout écrire, dans tous les styles et une fois de plus nous offre un véritable petit bijou, inspiré de la vie d’une de ses amies.
«Laura, belle et brillante épouse d’un grand écrivain, disparaît alors qu’elle était sur le point de finir son premier roman. Son mari s’inquiète, la presse s’emballe et toute une ribambelle d’amants en profitent pour dire tout le mal qu’ils pensent d’elle.
Mais Laura est-elle cette séductrice cruelle et sans cervelle, cette femme calculatrice et superficielle, ce monstre d’égoïsme que décrivent ses amants ? Ou bien un être tourmenté et absolu, avide de spiritualité, chroniquement affligé de crises de mélancolie, de ghibli, comme elle dit, qui l’obligent à se retrancher du monde et des hommes ? »
A la demande du mari qui souhaite la plus grande discrétion, le commissaire Maurizio enquête sur cette disparition qui défraye la chronique. Discret, subtil et ironique, il est vite intrigué par cette femme fascinante et bien décidé à mener cette enquête jusqu’au bout sans se soucier des thèses faciles avancées par sa hiérarchie ou la presse.
Andrea Camilleri construit son roman avec les éléments que l’enquêteur rassemble : témoignages, lettres, articles de journaux… autant d’éclairages différents et pour le moins contrastés sur Laura. Peu à peu, il dévoile la vie de Laura, dessine le portrait magnifique d’une femme en quête d’absolu qui ne peut se contenter de bonheurs communs et en très peu de pages, il réussit à nous captiver. On ne peut pas en dire vraiment plus sans en dire trop…
Un roman court mais fort.
Raccoon.


mardi 23 juillet 2019

Rencontre Andrea Camilleri, conteur hors pair de la Sicile


Andrea Camilleri

RENCONTRE Andrea Camilleri, 

conteur hors pair de la Sicile




  • LEBEDEL Pierre
  • le 15/04/1999 à 00:00 



  • Andrea Camilleri, ami de Leonardo Sciascia, a été découvert par le romancier français Serge Quadruppani, qui est devenu en même temps son traducteur. Cet écrivain sicilien, dont trois romans figurent parmi les six premiers au box-office du quotidien La Repubblica, a attendu l'âge de 57 ans pour écrire. « Je faisais trop de cinéma, de télévision et de radio. J'étais trop pris par ce métier et, pour bien l'exercer, il fallait s'y donner complètement », précise-t-il.
    Alors, un beau jour, il nous a entraînés dans une ville imaginaire, Vigata, pas trop éloignée de Palerme, avec un héros : le commissaire Montalbano, dont le nom est un clin d'oeil discret à l'écrivain catalan Vasquez Montalban. Avec stupéfaction, il s'est aperçu que son personnage avait un homonyme bien réel en la personne d'un policier, Salverio Montalbano, qui a mené des opérations contre la Mafia. « Lorsque les journalistes interrogeaient ce dernier, raconte Andrea Camilleri, il se mettait en colère et répondait : j'ai deux enfants et pas de droits d'auteur. » Et Camilleri de rétorquer : « Mais vous avez la reconnaissance de tous les Italiens pour ce tout ce que vous avez fait. »
    A travers deux de ses romans, La Forme de l'eau et Chien de faïences (1), il dresse un réquisitoire sévère contre la politique menée à l'égard de la Mafia, reprochant aux Américains d'avoir joué la carte de la « Pieuvre » entre 1942 et 1944, et d'avoir placé des hommes à elle dans 56 municipalités sur 68 dans la région de Palerme, détruisant par là même toutes les forces novatrices siciliennes. Il n'empêche que son héros ne s'en laisse pas compter. S'il glisse _ non sans humour _ sur les petits délits, il est sans pitié pour les truands de haut vol.
    Dans son troisième roman, L'Opéra de Vigata (2), il nous plonge dans le Vigata de la fin du XIXe siècle. Un préfet venu du nord de l'Italie veut imposer à la population la représentation d'un obscur opéra : Le Brasseur de Preston. Cela commence doucement puis, peu à peu, les passions se déchaînent. Heureusement que le délégué Puglisi _ qui pourrait être l'arrière-grand-père du commissaire Montalbano _, qui connaît admirablement sa ville et ses habitants, peut mettre fin au scandale.
    Comme l'écrit à juste titre Serge Quadruppani : « Andrea Camilleri est un conteur hors pair... qui restitue les saveurs fortes d'une terre, la Sicile. » En attendant, il travaille à un nouveau roman mettant en scène un autre policier dans le Royaume de Naples et des deux Siciles, en 1734. Réjouissons-nous d'avance.
    Pierre LEBEDEL
    (1) La Forme de l'eau, Fleuve noir, 224 p., 52 F et Chien de faïences, Fleuve noir, 228 p., 52 F.
    (2) L'Opéra de Vigata, Métaillé, 228 p., 100 F.
    Les trois romans sont superbement traduits par Serge Quadruppani.




    dimanche 21 juillet 2019

    Andrea Camilleri / La pension Eva



    Andrea Camilleri
    LA PENSION EVA

    Philippe Leuckx
    27.06.2018

    Pour ses quatre-vingts ans, le romancier sicilien d’Agrigente s’inventa une enfance en plein conflit mondial. Le livre paru en français en 2007 est réédité pour notre plus grand bonheur. Ici s’allient humour, truculence, joie de raconter, découvertes propres à l’adolescence, éveil à la sensualité, à la sexualité…

    Nené – double sans doute du romancier – et ses copains Ciccio et Jacolino, pour qui la maison de passe « Pension Eva » devient un terrain de jeu, traversent cette période troublée – on gagne souvent les abris – à l’ombre des jeunes femmes et filles en fleurs. La Pension change de filles comme de chemises : tous les quinze jours, dans les belles semaines et beaux jours, une nouvelle « fournée » et ça fait le bonheur des locaux, des militaires, des jeunes oisifs, vitelloni siciliens, futurs étudiants palermitains.
    À force de récits, d’histoires entrelardées dans ces pages où Camilleri joue de nous en jouant comme un fou – avec subtilité, force références, humour tapageur, langage fleuri, mi-sicilien mi-italien que la plume du traducteur restitue à coups de néologismes (« c’était quelque chose de mieux qu’une auberge» ou « Nené se trouva dans un très vaste salon garni »), le lecteur est englué dans une atmosphère tout à la fois très réaliste et étrange, comme si le temps retracé tissait entre elles enfance merveilleuse et troubles du temps présent. Le grand art de Camilleri est de nous hisser sans pousser du col dans ces chambres interdites, parfois si étroites, et de nous guider dans cet univers de la prostitution, parfois plein de pépites insoupçonnées.

    Du néoréalisme de haut teint (Morante, Pavese, Vittorini, Brancati, Pasolini des « Ragazzi », Fenoglio, Cassola…), le romancier a conservé les atouts les plus vibrants, cette prégnance des lieux et des usages, ce langage pittoresque, ces repas partagés à la Pension dans l’esprit des « cena » à même la rue de Fellini-Roma.

    La guerre, les privations, les risques de bombardements, la peur sont des compagnes du récit sombre et enjoué : on suit peu à peu les événements qui ont été à l’aube de la reconquête de toute la Péninsule par les forces alliées. En filigrane, l’histoire pointe ses drapeaux, et l’œil vif de l’écrivain en dresse un tableau de fond très aigu, très dense et très plausible.

    On rit. On suit avec ravissement les escapades des « héros ». On s’enflamme. On prend peur.

      




    vendredi 19 juillet 2019

    Un entretien avec Andrea Camilleri



    Andrea Camilleri


    Un entretien avec Andrea Camilleri

    PAR FABIO GAMBARO
    Février 2000 -

    L'écrivain italien Andrea Camilleri nous a quittés à l'âge de 93 ans. Venu du théâtre et de la télévision, le créateur du commissaire Montalbano, sorte de Maigret sicilien, avait inventé un véritable genre littéraire, celui du polar « giallo ». Nous publions en hommage un entretien avec l'auteur paru en 2000, alors que ses œuvres commençaient à connaître un succès tardif, indémenti depuis.
    Protagoniste d'un exceptionnel phénomène éditorial en Italie, Andrea Camilleri, écrivain inconnu il y a seulement cinq ans, est aujourd'hui le plus lu des romanciers de la péninsule. Depuis deux ans, ses romans, qui se sont vendus à plus de deux millions d'exemplaires, occupent sans discontinuité les premières places des classements des meilleures ventes et ont été traduits dans de nombreux pays où ils ont toujours reçu un excellent accueil. Tous ses livres ont pour cadre une petite ville sicilienne appelée Vigàta, qui est la transfiguration littéraire de Porto Empedocle, la ville natale de l'écrivain. Certains de ses romans appartiennent au genre de l'énigme historique, un genre très cher à Sciascia, et explorent - sans renoncer à l'ironie - les malheurs de la Sicile du siècle passé ; les autres sont des romans policiers plus classiques dans lesquels le commissaire Montalbano - une sorte de Maigret sicilien des années quatre-vingt-dix - s'efforce de comprendre et de combattre la criminalité d'aujourd'hui. Dans les deux cas, Camilleri propose des histoires bien ficelées - avec parfois des procédés de construction assez originaux - qui, tout en utilisant de nombreuses références littéraires plus ou moins affichées, affrontent les problèmes de son pays, à commencer par la mafia et par la corruption des institutions et des hommes politiques, mais savent aussi évoquer la fierté et la richesse de l'identité sicilienne. Mais surtout, cet écrivain de soixante-quatorze ans, qui était metteur en scène et producteur pour le théâtre et la télévision, a su inventer, à partir d'un mélange d'italien et de sicilien, une langue savoureuse et efficace, qui convient parfaitement à ses histoires, mais qui a dû poser de nombreux problèmes à ses traducteurs.
    En France, où cinq de ses livres ont déjà été traduits, deux nouveaux romans sont attendus ce printemps dans les librairies : le troisième épisode des aventures de Montalbano, Le Voleur de goûters (Fleuve Noir), un récit qui croise les problèmes de l'immigration aux activités illicites des services secrets et aux crimes passionnels, et Le Coup du cavalier (éd. Métailié), où, dans la Sicile de la fin du xixe siècle, un homme honnête voulant dénoncer l'illégalité et la corruption est victime d'une machination qui vise à lui attribuer la responsabilité d'un meurtre.
    Nous avons rencontré Andrea Camilleri dans sa villégiature du Monte Aviata, campagne toscane.

    Fabio Gambaro : Le public vous a découvert depuis quelques années seulement, grâce aux romans publiés au cours des années quatre-vingt-dix. L'écriture a-t-elle été pour vous une passion tardive ?
    Andrea Camilleri : Pas du tout. En réalité, j'ai commencé à écrire tout jeune, à douze ans. Ensuite, au lycée, pendant le fascisme, j'ai eu la chance d'avoir deux excellents professeurs qui m'ont fait connaître ce qu'il y avait de mieux dans la littérature italienne de l'époque - c'est-à-dire Montale, Ungaretti, Alvaro, etc. - mais aussi certains livres étrangers qui paradoxalement réussissaient à passer à travers les mailles de la censure. Par exemple, en 1942 j'ai pu lire La Condition humaine de Malraux : ce livre m'a fait beaucoup réfléchir et m'a ouvert les yeux sur la politique qui, pour moi jusqu'alors, se résumait exclusivement au fascisme, mon père étant un militant convaincu qui avait fait la marche sur Rome avec Mussolini. Tout de suite après la guerre, j'ai lu Conversation en Sicile de Vittorini et Par chez nous de Pavese, deux livres très importants qui nous ont sorti du fascisme. Les lectures m'ont donc permis de découvrir une autre façon de voir la réalité et m'ont poussé à écrire. De Porto Empedocle, ma petite ville natale près d'Agrigente, et de Palerme, où j'étais à la Faculté de Lettres, j'envoyais - comme autant de bouteilles à la mer - des poèmes, des nouvelles et des articles aux revues littéraires et aux journaux qui représentaient le renouveau culturel de l'après-guerre.
    Est-ce que ces premiers écrits reçurent un accueil favorable ?
    A. C. : Oui. En 1947, en participant à un concours de poésie, dont le jury était composé des meilleurs critiques de l'époque Gianfranco Contini, Carlo Bo et Giansiro Ferrata, je me suis retrouvé dans la sélection finale avec Pier Paolo Pasolini et Andrea Zanzotto. A la suite d'un autre prix, Giuseppe Ungaretti publia cinq de mes poèmes dans une anthologie de la plus prestigieuse collection de poésie italienne. Mais, la même année, j'ai également gagné un prix pour une comédie inédite : c'était un texte qui ne me satisfaisait pas - que j'ai d'ailleurs jeté par la fenêtre du train, en rentrant chez moi - mais qui a changé le cours de ma vie, puisque Silvio d'Amico, le président du jury, me proposa une bourse pour le cours de metteur en scène de l'Académie d'Art Dramatique de Rome.
    C'est à ce moment que votre parcours a changé de direction...
    A. C. : En effet, de la poésie je suis passé au théâtre. Je suis resté à Rome et j'ai commencé à travailler dans différents théâtres, en essayant de renouveler le répertoire traditionnel grâce à Adamov ou Beckett. Par exemple, j'ai été le premier à monter Fin de partie de Beckett en Italie, tout en m'intéressant beaucoup à Pirandello. Ensuite, du théâtre je suis passé à la télévision, où j'ai longtemps travaillé.
    A quel moment êtes-vous revenu à l'écriture ?
    A. C. : A la fin des années soixante. Après avoir autant travaillé sur les textes des autres, j'avais envie d'écrire moi-même quelque chose. Ainsi est né mon premier roman, Il corso delle cose (Le Cours des choses), dont le titre est tiré d'une phrase de Merleau-Ponty. Mais ce livre, qui raconte l'histoire d'une amitié difficile entre deux Siciliens, ne trouva pas d'éditeur pendant dix ans. C'est seulement en 1978, alors que j'en avais tiré une fiction pour la télévision, qu'un tout petit éditeur a accepté de le publier. Lorsque j'ai eu le livre entre les mains, j'ai tout de suite eu envie d'en écrire un autre, en me tournant cette fois vers le passé. Parmi les papiers de mon grand-père j'avais retrouvé un tract qui mettait en garde les marchands de soufre contre un autre commerçant de Licata considéré comme malhonnête. De là est née l'idée d'un nouveau roman, Un filo di fumo (Un Fil de fumée), publié en 1980, qui a été le premier de la série historique.
    La fascination pour l'histoire est demeurée un élément central de votre travail. Pourquoi vous attire-t-elle autant ?
    A. C. : Je me tourne vers le passé parce que j'aime démêler des événements complexes et apparemment insaisissables. C'est l'enquête de l'historien qui m'intéresse, la recherche de la vérité et la reconstitution d'une séquence d'événements. J'ai peut-être une conception restrictive du roman, mais j'aime les livres où il y a une enquête, en particulier si elle se déroule dans le passé. Evidemment je me réfère à Sciascia, qui pour moi est surtout un modèle intellectuel car, sur le plan de l'écriture, sa langue et son style étant affilés comme des poignards sont très différents des miens. Sciascia m'a appris la curiosité vis-à-vis de l'histoire et sa façon de se projeter dans notre présent ; il m'a appris à utiliser les traces du passé, les documents, les papiers égarés ; il m'a appris à construire un roman, en prenant comme point de départ une trace trouvée dans des archives. Par exemple, La Saison de la chassenaît d'un dialogue cité dans la fameuse Enquête sur les conditions sociales et économiques de la Sicile 1875-1876 demandée par le Parlement italien tout de suite après l'unification du pays. Le président de la commission demande au maire d'un petit village sicilien s'il y a eu des faits sanglants dans son village et l'incroyable réponse de celui-ci est : « Absolument pas, Votre Excellence, mis à part un pharmacien qui a tué sept personnes par amour. » En lisant cette page, après avoir beaucoup ri, j'ai eu l'idée du roman. De même, l'histoire à l'origine de L'Opéra de Vigàta - un préfet qui veut inaugurer un nouveau théâtre en imposant aux habitants un opéra inconnu - était également dans cette enquête parlementaire, qui pour moi s'est donc avérée être une véritable mine d'or.
    Les traces du passé et les documents d'archives sont-ils suffisants pour donner lieu à un roman ?
    A. C. : Bien sûr que non. J'aime les données de l'histoire, mais j'ai besoin de les manipuler, de les transformer et de les réinventer. Il en résulte un roman qui n'a pas la prétention d'être objectif comme un essai. D'ailleurs, les vrais historiens risqueraient l'infarctus, car si j'utilise des documents, j'invite néanmoins le lecteur à ne pas les considérer comme une vérité absolue. C'est pour cela que je brouille les cartes et que dans chaque roman je recherche une nouvelle solution sur le plan structurel. Dans La Concession du téléphone j'ai essayé d'effacer le narrateur, en proposant un roman composé exclusivement de documents et de dialogues, comme une sorte de dossier dans lequel je n'interviens pas, en laissant au lecteur la tâche de se construire son propre roman. Tout comme dans L'Opéra de Vigàta, où il est obligé de reconstituer la séquence chronologique du récit. La participation du lecteur est toujours fondamentale, puisqu'il doit collaborer à la construction du roman. J'ai appris cette leçon au théâtre : le théâtre n'est rien sans le spectateur, le livre n'est rien sans le lecteur.
    A côté des romans historiques, cette fascination pour l'histoire vous a également poussé à écrire de véritables essais historiques...
    A. C. : C'est vrai. La strage dimenticata (Le Massacre oublié) est consacré à la mort de 114 prisonniers, en 1848, dans la prison de Porte Empedocle. Tout le monde a oublié ce massacre. J'ai voulu savoir ce qui était arrivé et j'ai donc accumulé beaucoup de matériel autour de cet événement historique oublié. Un jour j'ai tout montré à Sciascia, en lui disant qu'il pourrait en faire un excellent sujet pour un de ses livres. Il a gardé les documents quelque temps, mais ensuite il m'a conseillé de l'écrire moi-même. Je lui ai dit que je n'étais pas capable d'écrire comme lui, mais il m'a répondu : « tu ne dois pas l'écrire comme moi, tu dois l'écrire avec ton propre style ». C'est ce que j'ai fait. Après ce premier essai, qui date de 1984, j'en ai écrit un deuxième sur la « bolla di componenda ». C'est encore une histoire assez surprenante révélée par l'enquête parlementaire sur la Sicile de 1875. Cette bulle était une feuille vendue dans les églises entre Noël et l'Epiphanie, dans laquelle il y avait une liste de péchés suivie des différents prix à payer pour racheter son âme. Beaucoup de gens ont parlé de ce document mais personne ne l'avait jamais vu. Lorsque j'ai publié le livre, un lecteur m'a affirmé qu'il avait retrouvé une « bolla di componenda » du xviie siècle. Ce n'était donc pas une légende.
    Au début de votre tardive carrière d'écrivain, il y a donc la passion pour l'histoire et ses secrets. Mais dans les années quatre-vingt-dix vous avez commencé à écrire des romans policiers. Pourquoi ?
    A. C. : Lorsque j'ai recommencé à écrire, je travaillais encore pour la télévision et le théâtre, j'avançais donc très lentement et il se passait beaucoup de temps entre un livre et l'autre, parfois même trois ou quatre ans. Plus tard, j'ai eu la possibilité d'écrire davantage et de tenter autre chose que le roman historique. Il faut savoir que je commence toujours par un élément ou un épisode qui, dans la rédaction finale, ne sera pas au début du roman, puisqu'au fur et à mesure j'ajoute beaucoup d'autres histoires à cette idée initiale. En général, donc, je n'écris pas de façon chronologique. Toutefois, pendant que j'étais en train d'écrire L'Opéra de Vigàta, je me suis demandé si j'étais capable d'écrire un roman du début à la fin, en suivant la chronologie du récit. J'ai décidé de faire un essai, en choisissant le genre policier. Encore une fois c'est Sciascia qui m'en a donné l'idée avec sa Brève histoire du roman policier, dans laquelle il y a des observations très intéressantes. Il parle par exemple de la structure du polar comme d'une sorte de contrainte pour l'écrivain, qui est obligé d'en suivre la logique, la temporalité et la chronologie. C'était donc le genre idéal pour ma tentative. Ainsi j'ai écrit La Forme de l'eau , le premier livre de la série du commissaire Montalbano.
    En effet, ensuite vous vous êtes pris au jeu et avez publié d'autres polars avec le même protagoniste...
    A. C. : C'est vrai, mais c'est la faute de Montalbano. Dans ce premier roman, il n'avait qu'une simple fonction narrative, le personnage était incomplet, ses contours n'étant pas bien définis. Puisque j'ai une formation théâtrale pour laquelle un rôle doit toujours être complet, j'ai décidé d'écrire un deuxième polar, Un Chien de faïence, pour essayer d'améliorer Montalbano. Ainsi je pensais en avoir fini avec lui, mais il a eu beaucoup de succès et depuis revient vers moi régulièrement. Je suis actuellement en train d'écrire sa cinquième aventure et j'ai vraiment la tentation de le faire disparaître pour de bon. Mais je voudrais également ajouter que presque tout de suite j'ai eu besoin d'élargir le champ du roman policier, de sortir de la cage de sa structure et de rajouter une autre perspective. C'est pour cela que j'aime mêler plusieurs histoires dans le même livre, une histoire policière ou politique, une histoire d'amour, la mafia, etc.




    jeudi 18 juillet 2019

    La mort de l'écrivain Andrea Camilleri suscite une vive émotion en Italie



    Andrea Camilleri


    La mort de l'écrivain Andrea Camilleri suscite une vive émotion en Italie


    L'écrivain sicilien Andrea Camilleri est décédé suite à un arrêt cardiaque, mercredi, à l'âge de 93 ans. Ce "pape" du polar, au style riche et jubilatoire, avait tiré le roman noir vers la littérature. Toute la classe politique italienne a salué hier sa mémoire y compris Matteo Salvini le leader de la Ligue d'extrême-droite.


    18 juillet 2019


    A l'annonce de la mort d'Andrea Camilleri, toute la classe politique italienne a salué hier sa mémoire. Et pourtant l'écrivain sicilien, ancien militant communiste, n'avait jamais épargné l'actuel ministre de l'Intérieur.

    Récemment, Andrea Camilleri disait même à propos de sa politique anti-migrants qui bénéficie du soutien de l'opinion publique, qu'elle lui rappelait l'enthousiasme des foules pour Mussolini qu'il avait observé étant adolescent. Andrea Camilleri intervenait ponctuellement dans le débat public.

    De Silvio Berlusconi, il disait par exemple qu'il incarnait la culture du motorino, c’est-à-dire celle du "petit malin" qui en Vespa se faufile et s’arrange toujours. Mais c'est sans doute dans ses personnages qu'Andrea Camilleri a exposé le plus profondément sa vision du monde notamment à travers le commissaire Montalbano. Un policier humain, débonnaire et aimant la bonne chère qui, lutte contre la corruption mais toujours dans le respect des lois et des autres en particulier des migrants.   

    "Je n'ai pas peur de mourir, je regrette seulement d'avoir à laisser les personnes que j'aime le plus", écrivait Andrea Camilleri, qui s'est éteint à 93 ans dans un hôpital romain, où il était dans un état critique depuis un arrêt cardiaque en juin.

    Rapport complexe à son personnage

    Le succès a été foudroyant pour son personnage de Salvo Montalbano, dont la première aventure, "La forme de l'eau", était parue en 1994, alors que son auteur avait déjà 69 ans. Son succès de librairie vaudra au commissaire Montalbano de devenir le héros d'une série télévisée suivie par des centaines de millions de spectateurs à travers le monde, des Etats-Unis à l'Australie en passant par l'Europe et même... l'Iran.

    L'auteur avait un rapport complexe au personnage qui l'a rendu célèbre. "Je l'aime et je le hais à la fois. Je lui dois presque tout, il m'a ouvert la voie pour les autres romans. Mais il est envahissant, prétentieux, antipathique, et quand je tombe sur un os, je le vois arriver qui me dit "Moi je ferais comme ça"", racontait le romancier, toujours entouré de cendriers débordant de mégots.

    La Sicile, sa terre natale

    S'il reconnaissait avoir "une dette immense envers le commissaire Maigret de Simenon", il avait choisi le nom de Montalbano en hommage au romancier catalan Manuel Vazquez Montalban, créateur de Pepe Carvalho.

    Andrea Camilleri était né le 6 septembre 1925 à Porto Empédocle, ville de la côte sud de la Sicile sur laquelle il a calqué "Vigata", la cité imaginaire de ses romans.

    Metteur en scène de théâtre, réalisateur de télévision et scénariste, il alternait les enquêtes de Montalbano avec de nombreux ouvrages historiques. Il a ainsi construit une oeuvre monumentale, vendue à plus de 30 millions d'exemplaires à travers le monde et traduite en plusieurs dizaines de langues, où il a tracé un portrait personnel de ses concitoyens et de sa terre natale.

    RTS


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