A sofreguidão
antigovernamental da direta, a superficialidade desinformada da grande
comunicação social, o facciosismo de uma parte dos comentadores políticos têm
inquinado o debate político e apoucado a qualidade da vivência democrática. Um
dos tenores da direita, que aliás a renega, disse ontem trovejando contra o
Governo no campo da saúde que até faltam medicamentos no SNS.
Este texto, que transcrevo na língua em que
foi publicado, na página da revista francesa “Alternatives Économiques”, mostra como não estamos perante um
problema apenas português e como é profunda a desinformação de uma parte
significativa dos mais fanáticos inimigos de atual governo, nomeadamente, neste
caso, do cabeça de cartaz do PSD.
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Pénurie de médicaments : la faute à la mondialisation
La liste des médicaments en
rupture de stock s’allonge en France. L’organisation de la production éclatée
aux quatre coins du monde et les acteurs qui pensent plus à leur
profitabilité qu’au service public en sont les principaux responsables.
Vaccin contre l’hépatite B en rupture
d’approvisionnement, l’anticancéreux Hexastat en rupture de stock, tout comme
le Proleukin, les pénuries
de médicaments ne cessent de progresser en France. « En septembre,
cette année j’en suis déjà à plus de 70 médicaments pour lesquels j’ai signalé
une rupture, indique Ahmet Ercelik, pharmacien parisien, il y a quelques
années, c’était uniquement 10 à 20 produits par an. » Les chiffres de
l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) témoignent de cette envolée
du nombre de pénuries ; alors qu’en 2008, on comptabilisait seulement 44
signalements de rupture de stock ou d’approvisionnement, ce chiffre est monté à
871 en 2018, et pourrait bien encore augmenter cette année.
Si les causes de ces pénuries
sont multiples, elles sont surtout d’ordre industriel et économique. La
mondialisation de la production du médicament et sa concentration tendent à
vider certains tiroirs de pharmacies. « Dans de nombreux cas de figure,
les phénomènes de pénuries résultent d’une priorisation des objectifs
économiques face aux enjeux de santé publique », résument deux
parlementaires dans un rapport sénatorial sur
le sujet. Cette évolution du marché n’est évidemment pas sans conséquences sur
les patients.
En effet, les répercussions de
ces pénuries peuvent rapidement être graves. Si on parle de rupture dès qu’un
médicament n’est pas disponible dans un délai de 72 heures, la durée médiane de
rupture est, elle, de 7,5 semaines. Surtout, ces chiffres ne concernent que les
médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), c’est-à-dire pour lesquels
un arrêt de traitement peut entraîner une « perte de chance pour
le patient » de guérir, voire mettre en jeu son pronostic vital.
Des médicaments qui n’ont pas d’alternatives.
Concrètement quand ces cas se
présentent, le patient rappelle son médecin pour tenter de trouver un
substitut, « mais parfois la solution n’est pas très adéquate et pour
certains patients le changement de traitement ne convainc pas »,
indique un pharmacien parisien voulant garder l’anonymat. Le substitut peut
présenter un rapport bénéfices/risques moins avantageux que le médicament
initialement recommandé. « De plus, le substitut devient davantage
demandé et se retrouve parfois également en rupture. La pénurie entraîne la
pénurie », résume le pharmacien.
Nombre de
signalements de ruptures de stocks et d'approvisionnements en France
Note : Il s’agit du nombre
de signalements de ruptures de stocks ou d’approvisionnement, qui ne débouche
pas systématiquement sur une rupture.
« Il est possible que des
pertes de chances, des progressions, des effets indésirables, voire des décès
soient aujourd’hui liés directement ou indirectement à ces tensions
[d’approvisionnement] ou ruptures »,
note par ailleurs l’Institut national du cancer (IncA). Ces conséquences
individuelles peuvent déboucher en outre sur des risques collectifs en mettant
en jeu la santé publique avec notamment des craintes de résurgence de certaines
maladies.
Des pénuries qui
coûtent à la Sécu
Les conséquences sont aussi
financières, puisque les substituts peuvent être plus onéreux pour la Sécurité
sociale. En outre, pour faire face aux pénuries, la France importe des
médicaments de l’étranger mais à des conditions tarifaires moins avantageuses.
La gestion des pénuries est également chronophage pour les pharmacies mais
aussi pour les hôpitaux qui sont tout aussi touchés par les ruptures. Pour les
établissements parisiens de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux
de Paris), la seule gestion des pénuries occupe 16 équivalents temps plein.
Face à ce qui représente donc un
enjeu de santé publique et d’accès à la santé, la ministre concernée, Agnès
Buzyn, s’est saisie du problème. Elle a déroulé au début de l’été une feuille de route pour « lutter
contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments ».
Au programme : transparence et partage de l’information entre les
différents acteurs, renforcement de la coordination nationale et européenne,
mise en place d’un comité de pilotage associant tous les acteurs.
Des causes à
chercher du côté de la production
S’attaquer au problème des
pénuries nécessite de comprendre quelles en sont les causes. Si ces
dernières sont d’évidence multifactorielles, elles proviennent principalement
du côté de la production du médicament. Que ce soit un défaut de production, un
manque de matière première ou une capacité de production insuffisante,
cette partie est responsable de 65 % des cas de rupture de
stock.
Globalement, la demande de
médicaments connaît une augmentation mondiale, tirée par les pays émergents
comme la Chine. « L’augmentation de la demande, doublée d’une
imprévisibilité du marché, participe à créer des tensions sur la chaîne de
production», confirme Thomas Borel, directeur des affaires scientifiques du
Leem (Les entreprises du médicament), syndicat professionnel regroupant
les principaux industriels. Autrement dit, les capacités de production peinent
à suivre l’évolution de la demande, de telle manière qu’il y a par moments une
inadéquation entre l’offre et la demande.
Cette dernière est cependant
aussi le résultat d’un secteur qui s’est largement mondialisé au cours de la
dernière décennie. La France est ainsi loin d’être le seul pays touché par les
pénuries, les Etats-Unis ou la plupart des pays européens le sont également.
De plus, la production d’un
médicament est d’un niveau de technicité très élevé et demande beaucoup de
temps, de six mois pour un produit classique à trois ans pour certains
vaccins. « Un simple problème électrique sur un site de production ou
la détection d’une substance non prévue dans le processus peut entraîner un
arrêt de la production pour un moment », résume Thomas Borel du Leem.
Ainsi un grain de sable dans la chaîne de production, au sens propre comme
figuré, peut provoquer un arrêt.
« Une perte
progressive d’indépendance sanitaire »
Comme dans d’autres secteurs,
cette mondialisation s’est accompagnée d’une délocalisation de la production,
qui a quitté les pays industriels, principaux consommateurs de médicaments,
vers des pays à plus bas coûts et aux normes plus souples. C’est
particulièrement vrai pour la fabrication du principe actif, la molécule, qui
constitue la matière première. Alors que dans les années 1990, la molécule des
médicaments vendus sur le marché européen était presque uniquement
produite sur le Vieux Continent, aujourd’hui 80 % proviennent de pays
tiers, principalement la Chine et l’Inde. « L’industrie chimique,
qui produit ces principes actifs, a eu des politiques de délocalisation vers
des zones à moindres normes environnementales », confirme Thomas
Borel. La Chine et l’Inde concentrent à eux seuls 61 % des sites de
production de molécules inscrits auprès des agences européennes.
Répartition par
pays des sites de production de substances pharmaceutiques actives pour des
médicaments commercialisés en Europe et enregistrés auprès des agences européennes
Pour la production du médicament,
la proportion est moindre mais tout de même importante, puisque 40 % des
médicaments finis commercialisés en Europe proviennent de pays tiers, indique
l’Agence européenne du médicament.
Les sénateurs parlent ainsi d’une « perte progressive d’indépendance
sanitaire » pour notre pays.
Le marché mondial
dépend d’une poignée d’usines
En parallèle des délocalisations,
le secteur s’est fortement concentré. « Pour doper leur rentabilité,
les firmes ont concentré leur production sur un même site pour augmenter le
volume et ainsi réaliser des économies d’échelle », explique
Nathalie Coutinet, économiste à l’université Paris 13. Si bien que pour
certains principes actifs et médicaments, le marché mondial dépend de quelques
sites de fabrication, voire d’un seul. « Pour certains vaccins, le
marché européen est ainsi approvisionné à partir d’un seul site de
production », regrette Yann Mazens, chargé de mission à France Assos
Santé.
Cette concentration se retrouve
également auprès des entreprises qui ont multiplié les fusions et rachats ces
dernières années, à l’image de la fusion cet été entre les américains Pfizer et
Mylan. Le français Sanofi n’est pas en reste, en 2018, il a acquis pour plus de
10 milliards de dollars l’américain Bioverativ et le belge Ablynx pour près de
4 milliards d’euros.
Evolution du nombre
d'entreprises de l'industrie du médicament en France
Sont comptabilisées les
entreprises proposant au moins une substance pharmaceutique à usage
humain.
La chaîne de production se
retrouve très éclatée entre la fabrication de la matière première, celle du
médicament, son conditionnement et sa distribution, qui peuvent se faire dans
des pays et continents différents. « Or comme tout fonctionne à flux tendu,
cela renforce les risques sur la chaîne d’approvisionnement », ajoute
Nathalie Coutinet, également auteure de l’ouvrage Economie du
médicament1. Fragmentation,
éloignement, concentration, l’organisation de la production de médicaments
conduit en réalité à maximiser les risques d’approvisionnement. Or quand un
site alimentant une grande partie du marché mondial connaît un
arrêt de production, la concurrence est vive pour la gestion de stocks restants.
Les grossistes
jouent des différences de prix
Autre conséquence de la
mondialisation du marché : « En cas de rupture
d’approvisionnement, au moment de réassortir, les différents pays les acteurs
ont tendance à privilégier les marchés les plus rémunérateurs »,
explique Marie-Christine Belleville, auteure d’un rapport sur le sujet
pour l’Académie nationale de Pharmacie. Les grossistes jouent aussi des
différences de prix d’achat des médicaments entre les pays européens, en
revendant dans un Etat, proposant un prix élevé, un produit obtenu dans un
autre à bas prix. A ce sujet, le gendarme du secteur, l’ANSM (l’Agence nationale de
sécurité du médicament), a présenté en mai cinq injonctions
contre des grossistes pour défaut de service public.
Au-delà des problèmes sur la
chaîne de production, les pénuries s’expliquent parfois simplement par la
décision des industriels d’arrêter la production. Ces derniers mettent
notamment en avant la non-rentabilité de certains médicaments et évoquent
un effet ciseaux entre des coûts de production qui augmentent avec des normes
de sécurité et de qualité croissante, et un prix qui tend à baisser pour
certains produits.
Bonne santé
financière du secteur
« La non-rentabilité pour la
production d’un produit est peut-être réelle à un instant T, mais pour juger de
la rentabilité d’un médicament il faut prendre en compte tout son cycle de vie,
c’est-à-dire également le moment où il n’était pas encore dans le domaine
public et protégé par un brevet et donc vendu à un prix supérieur », estime l’économiste Nathalie Coutinet. Toutes ces
informations ne sont pourtant ni connues, ni publiques, tant
l’industrie pharmaceutique est caractérisée par une opacité. Impossible par
exemple de connaître le coût de production d’un médicament.
Le secteur témoigne cependant
d’une très bonne santé financière : son taux de profitabilité en
France est de 8,5 %. Sanofi a par exemple été en 2018 la seconde
entreprise du CAC 40 la plus généreuse en versant près de 5 milliards d’euros
de dividendes.
Introduire un minimum de
transparence dans tout le circuit du médicament serait un premier pas pour
s’attaquer aux pénuries. Mais il s’agit surtout de s’atteler aux problématiques
industrielles. Une relocalisation de la production en Europe, en multipliant le
nombre de sites pour diminuer les risques, apparaît à ce titre comme une
partie de la réponse. Pour ce faire, les industriels du médicament demandent
des exonérations fiscales ciblées pour permettre les relocalisations. «Un
peu facile, personne ne les a forcés à délocaliser », ironise Nathalie
Coutinet, également membre des Economistes atterrés.
Quelques pistes de solutions pour
faire face aux pénuries sont aujourd’hui sur la table comme attribuer une
partie de la production à des acteurs publics (à l’image de la pharmacie
centrale des armées) sur certains médicaments jugés essentiels. Donner
davantage de moyens à l’ANSM. Cette dernière ne semble en effet pas
suffisamment armée pour traiter le problème, que ce soit en matière de moyens
humains pour traiter les pénuries, mais aussi de sanctions contre les acteurs
responsables. « Il s’agit tout de même de pointer les responsabilités,
rappelle Yann Mazens, de France Assos Santé, et notamment les stratégies
industrielles ayant débouché sur les pénuries. »
·
1. Economie du médicament, par Philippe
Abecassis et Nathalie Coutinet, coll. Repères, La Découverte, 2018.