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jeudi 4 janvier 2018

Les aventures de la sarma. Suite, fin et la recette

Seule dans la cuisine, face à ma cuvette de farce à sarma, à ma montagne de feuilles de chou fermenté rincées et égouttée et me voilà dans l'état d'esprit d'un gars qui va sauter en parachute pour la première fois. Ayde Jano!

Une de mes vieilles amies, Nadezda (son blog, c'est par ici ---> 👉) m'avait prévenue que les femmes allait guetter ma manière de replier les feuilles autour de la farce.
Je m'étais donc informée des différents styles de pliage en usage outre Danube. J'ai finalement opté pour le niveau 1: petit pliage des deux côtés latéraux, avant l'enroulage de la feuille sur elle-même, façon nem. Le système de pliage en biais, avec un petit doigt dans le derrière de la sarma pour bloquer le bazar, ce sera pour la prochaine fois, au niveau d'expertise 2.

Je n'ai pas rougi de mon premier plateau. C'était bien parti. Mon gentil mari n'allait pas être forcé de me répudier comme une pesteuse.


Est alors venu le moment de garnir le fond de mon chaudron d'une couche moelleuse de feuilles impropres au roulage, agrémentées de quelques lardons dodus. L'idée, c'est de ne rien laisser perdre et d'aménager un coussin amortisseur de sarma. Car la sarma supporte l'empilement haut la main (dixit ma belle-soeur qui avait raison), mais pas les soubresauts. En cas de mauvais traitements, la sarma se délite et va même jusqu'à éclater et de mémoire de Serbe, personne n'a jamais osé servir des sarma éclatées.

Une fois le coussin en place, les sarmas s'installent, bien calées les unes contre les autres. Il est permis de combler les interstices avec des lardons et de poser délicatement quelques feuilles de laurier pour parfumer subtilement. Dans ce chaudron-là, j'en ai empilé quatre épaisseurs.


On recolle une couche de feuilles déchirées ou moches sur le dessus et là, un saupoudrage léger de poivre et de paprika doux est bienvenu. Reste à recouvrir d'eau, à couvrir et à mettre sur le feu.


J'en ai fait encore un gros faitout et une cocotte pleine à ras-bord. Une invasion de sarma!!
J'y ai tout de même passé deux bonne heures.

Ensuite, pour la cuisson, j'ai fait un pari risqué.
Je savais qu'il fallait faire cuire les sarma très très doucement et très longtemps.
Très longtemps comment? Là, l'information se diluait.
Ma fille, débrouille-toi.

D'autre part, mes informateurs étaient unanimes sur la question du réchauffement-bonificateur de sarma. Pour une fois que les Serbes sont d'accord sur quelque chose, l'information méritait toute mon attention.

Nous étions mercredi. Je les ai chauffées environ trois heures à bouillons à peine frémissants. Ensuite, j'ai collé mes chaudronnées de sarma sur le balcon. Mon frigo a ses limites.
Le lendemain, jeudi soir après ma journée, je leur ai redonné un coup de jus d'une heure, histoire de ne pas faire perdre son fumet balkanique à la maison (en vérité, ça sent très bon: un peu comme la choucroute, mais en plus épicé). Retour sur le balcon.
Vendredi je les ai laissées tranquilles, au frais.
Samedi, je les ai fait recuire une petite heure.

Dimanche, le grand jour, elles ont rerecuit tout doucement encore une heure avant d'être servies.

Nous avions mis la nappe blanche, versé le vin, disposé sur la table des mets choisis, les convives étaient prêts à recevoir les sarma (et à rendre leur verdict). Imaginez un peu ce que ça fait, pour une pauvre Française, d'être dans cette situation. D'accord, ils étaient déjà aux trois-quarts gavés de burek (feuilleté au fromage bien crapuleux) et d'ajvar (confit de poivrons), mais les sarma, ils les attendaient!

Elles n'étaient pas éclatées,
pas débraillées,
 moelleuses,
goûtues,
Ouf!
Ils étaient contents!!

Comme l'exige la tradition, chaque invité (ils étaient douze) est rentré patafiolé de sarma, avec un sac plein pour continuer la fête à la maison.
C'est ainsi que se termine toute slava digne de ce nom.

Dès le dernier convive parti, je me suis écroulée et mon adorable mari a tout rangé et tout nettoyé.  Quand je vous disais que c'était une crème d'homme.
 


Et maintenant, la recette vraie de vraie, la mienne:
Pour six kilos de feuilles de chou fermentées, il faut trois kilos de viande: un tiers de boeuf (gîte), un tiers de veau (blanquette), un tiers de porc (échine).
1kg de poitrine fumée-salée grasse (on en trouve dans les boutiques balkaniques).
1kg de côtes fumées avec beaucoup d'os et peu de viande (pour parfumer, également dans les boutiques balkaniques). Ça ressemble à ça:


500g de riz rond.
Deux oignons.
Deux belles gousses d'ail.
Un bouquet de persil.
Poivre, laurier, paprika.
Huile d'olive.

1/ Hacher l'oignon, puis un beau morceau de poitrine grasse (300-400g). Hacher aussi le persil.
2/ Faire revenir l'oignon haché dans l'huile. Dès qu'il commence à colorer, ajouter l'ail écrasé et ajouter les viandes. Faire raidir sur feu vif en remuant.
Quand les viandes sont cuites, ajouter le persil haché et le riz. Poivrer, "paprikater". Réserver et laisser refroidir. Cette préparation, une fois refroidie, peut attendre plusieurs jours au frais.
3/ Le jour venu, séparer les feuilles de chou de leur base délicatement. Les faire tremper une petite heure dans l'eau froide. Egoutter.
4/ Prendre le temps d'affiner la base de la tige de chaque feuilles avec un couteau, mais il ne faut pas la percer. Les feuilles doivent être fines et assez grandes. Garnir chaque feuille de farce et replier en serrant bien (voir description du pliage plus haut).
5/ Garnir le fond du récipient avec des feuilles abimées et des lardons gras. Disposer les sarma de façon qu'elles ne bougent pas. Glisser des lardons gras et maigres dans les interstices. Disposer deux feuilles de laurier sur chaque couche. Il est possible de faire beaucoup de couches de sarma.
Terminer avec encore une épaisseur de feuilles abimées. Saupoudrer abondamment de poivre et de paprika. Ne pas saler!
6/ Remplir d'eau à hauteur. Placer une assiette à soupe retournée pour empêcher les sarma de remonter, au cas où le couvercle ne suffirait pas.
7/ Faire cuire à bouillons à peine frémissants trois à quatre heures. Goûter. S'il faut saler, là, c'est possible. Recuire une heure le lendemain. Idéalement, encore une heure le surlendemain.
8/ J'ai servi avec une purée de pommes de terre, pour absorber la sauce. C'est possible aussi de présenter de la crème fraîche.

Prijatno!








jeudi 28 décembre 2017

Les aventures de la sarma. Premier épisode.

Voilà un an et demi, j'ai épousé un Serbe.
Je ne suis pas peu fière, parce qu'en plus d'être serbe, mon époux est beau, tendre, joyeux et attentionné.
En prime, je me suis trouvée initiée à la Slava familiale. La Slava, c'est la fête du Saint patron de la famille, Saint Nikola en l'occurrence. 

Sveti Nikola lui-même

A cette occasion, il convient de préparer  une montagne de victuailles pour un tas de gens. Seulement attention!
Pas n'importe quelles victuailles.
Pour ne pas déshonorer la famille, il faut faire des sarma en abondance.
Le béotien esquisse déjà un sourire: comment ça: "Il faut"? Eh bien oui, pas question de se rabattre sur une quelconque ersatz tout préparé de chez Picard ou autre mercenaire du tout fait. L'honneur chez les Serbes, ce n'est pas une plaisanterie et Dieu sait comment pourrait finir une Slava, et donc des sarma, bâclées.
Les sarma, ce sont des délicieux petits pâtés de viande enrobés d'une feuilles de chou fermenté.


Chaque famille a sa recette et veille jalousement à sa transmission. Chez les Serbes, on ne rigole pas avec la tradition.
Je suis moi-même d'origine normando-champenoise et ma culture de la sarma est pauvre.
J'ai donc consulté ma belle-soeur qui, maillon féminin du clan serbe, s'y connaît mieux.
Après une explication détaillée au téléphone, constellée de mots serbes désignant de charcutailles mystérieuses, je me suis crue armée. Pas d'agneau, pas d'ail, un peu d'oignon et des oeufs. Dobro (bien).
Erreur!
Ma belle-mère, également avertie de mes intentions, a précisé la chose: beaucoup d'oignon. Et puis elle a appelé la Serbie pour des renseignements à la source. Là-dessus, ma belle-soeur me rappelle. En fait, c'est beaucoup d'oignons, de l'ail et de l'agneau éventuellement.
Tout le monde était suspendu à mes sarma pas encore commencées et j'avais une pression terrible.
C'est là que mon tendre époux s'y est mis.
Il a eu peur de mon inexpérience et surtout, peur de manquer de sarma (l'horreur absolue). Alors il m'a accompagnée jusqu'aux Pavillons sous Bois, chez" Kod dva blizanca" pour acheter tout le nécessaire. Là, on s'est disputés parce qu'il n'y avait pas assez de" kiseli kupus"(le choux fermenté) et ma commande de viande lui semblait hésitante. Effectivement, je tâtonnais un peu, j'avoue.
Une fois revenus avec le chargement, il a fallu trancher, faire la part des choses entre la belle-soeur, la belle-mère et les copines serbes, me réconcilier avec mon cher mari et me jeter à l'eau.
Plus exactement, me jeter dans la viande. J'en ai acheté trois kilos chez le boucher: un tiers de veau (tendron), un tiers de boeuf (gîte) et un tiers de porc (échine), que je lui ai demandé de hacher. Cette viande, j'ai dû la préparer tout de suite. Nous étions samedi et la Slava, le dimanche en huit. Pas question de servir des sarmas avariées. Alors, j'ai fait frichtouiller deux gros oignons hachés, deux belles gousses d'ail dans un peu d'huile. Quand le mélange a commencé à brunir, j'ai ajouté les viandes, agrémentées d'environ 200 grammes de poitrine fumée-salée serbe hachée aussi, c'est à dire bien grasse. Tout ça touillé et bruni sur un feu vif.  En fin de cuisson, j'ai ajouté un bouquet de persil plat frais haché et une petite moitié d'un paquet de 1 kg de riz rond. J'ai saupoudré largement de paprika, de poivre noir (mais pas de sel) et j'ai laissé refroidir. Ensuite, j'ai tout fourré au frigo.

Quatre jours plus tard, mercredi, j'ai attaqué la confection des sarmas pour de bon. J'ai commencé par déplier les feuilles une par une et les faire tremper une bonne heure dans l'eau froide.

Je m'excuse pour la qualité de la photo: il faisait sombre dans la cuisine.

Ensuite:
J'ai enfermé les chats.
Mis mon tablier.
Lavé mes mains.
Respiré un bon coup.
Et j'ai attaqué.

La suite dans le prochain épisode.




lundi 25 décembre 2017

"Joyeux Noël" et pas joyeuses fêtes

On baigne vraiment dans une drôle d'ambiance.
En cette période si particulière qu'est l'Avent et aujourd'hui Noël, les gens se regardent en biais avant de se souhaiter quelque chose. Dans les magasins, ces jours-ci, c'était les "Joyeuses fêtes" qui fusaient. Noël brûle les bouches. Le dévoiement du laïc est tel, qu'il n'est même plus question de glisser l'allusion la plus timide au fait religieux chrétien. Même Noël sent la peste, c'est dire où nous en sommes arrivés!
Qu'on le dise donc, que "laïc" veut désormais dire "athée" et au moins, ce sera clair. On saura pourquoi on enlève les croix un peu partout.

A Ploërmel, le Conseil d'Etat a tranché le 25 octobre 2017: la commune doit enlever la croix et verser 3000 euros d'amende à la fédération morbihannaise de la libre pensée.

Cimetière de Brou, septembre 2012. Une nouvelle élue exige le retrait de la croix qui orne l'entrée du cimetière. Le maire abasourdi est forcé d'obéir: la croix et le cimetière ont été installés après 1905. Il est interdit de faire figurer le moindre signe religieux à l'entrée des cimetières s'ils sont postérieurs à cette date.


On interrompt les séances de cinéma quand les petits risquent d'être contaminés par l'horreur chrétienne.

C'est sûrement un nanard niaiseux, mais ce n'est pas une raison.
 
Oui, mais alors là, laïc = athée, c'est embêtant, parce qu'il faudrait interdire toutes les religions et ça non, c'est pas possible.

Mosquée du cimetière musulman de Bobigny, inauguré en 1937.  

Synagogue du Consistoire de Paris, inaugurée en 1907.

C'est encore plus drôle à l'école.
Là, se souhaiter "Joyeux Noël" relève de la résistance politique. Les parents qui me l'ont souhaité ainsi (et à qui j'ai répondu de la même façon) arboraient un air de connivence qui ne trompe pas: "Elle va le dire? Oui, elle va le dire. Aaah elle l'a dit, donc elle est des nôtres".

Se souhaiter joyeux Noël est devenu un acte de résistance politique.


JOYEUX NOËL MES AMIS!

 




mardi 15 août 2017

Hymne à l'Alsace du nord

Me voilà de retour dans la ville, avec un enthousiasme modéré. J'admets que c'est agréable de retrouver mes chats chéris, mais si j'avais pu, je serais restée pour toujours encore un moment en Alsace.
Centre de sauvegarde de la faune sauvage de Loosthal. Les cigognes libres viennent tenir compagnie à leurs copines en cage qui sont soignées.

 Alsace du nord s'il-vous-plaît. Là où le touriste ne va pas, faute de vinasse en suffisance ou d'abondances fleuries aux balcons. Parce que c'est un bout du monde aussi, sans doute.

Le chat chéri aîné trônant devant les courgettes alsaciennes.

Pourtant, c'est beau. De cette beauté pas fardée qui fait la charme des lieux qui peuvent encore vivre sans touristes.

Zittersheim, vue du jardin où nous prenions notre petit déjeuner.

 Les forêts sont sombres, pentues et tourmentées à souhait, pleines de rochers majestueux enserrés par les racines des arbres immenses. A défaut des trolls qu'on s'attend à voir surgir de derrière les fougères, quelques chevreuils nous sont passés sous le nez.


A l'occasion d'une de ces promenades, j'ai eu le grand honneur de faire connaissance avec les fourmis des forêts. Celles qui construisent des tumuli énormes qui communiquent les uns avec les autres.


Essayez un peu d'approcher pour observer ces dames. Elles attaquent direct. J'ai eu beau fuir sans demander mon reste, elles ont continué à me mordre très loin des précieuses fourmilières. Les bestioles n'aiment pas les étrangers.

Vue d'en bas
 Vue d'en haut.

  
Dans les forêts, on trouve aussi des châteaux qui ont de la gueule, bien que tous ravagés par les armées de Louis XIV au cours de la conquête du Palatinat.

Par exemple, Fleckenstein. 


Même du temps de sa splendeur, l'endroit devait être un poil austère, surtout sans électricité, chauffage et tout le bazar. Ça vous pétrit de respect son gueux.

C'est ainsi que, tout étourdis devant ces sévères édifices, nous sommes allés nous encanailler chez les faiseurs de feu. L'Alsace du nord demeure en effet un endroit où on le dompte de toutes les manières possibles, pourvu qu'il chauffe dur et qu'il soit maîtrisé.  D'où l'existence de cristalleries et de potiers. Lalique et Saint Louis, c'est ici. Des merveilles de délicatesse sorties d'un enfer de chaleur et de manipulations stupéfiantes. Et encore, les ouvriers d'aujourd'hui travaillent dans des conditions correctes; il y a cinquante ans ou plus, c'était autre chose.

Premiers Gallé exposés à 'ancienne cristallerie de Meisenthal

Cristallerie Lalique: extraction d'un four en terre refractaire. Pas plus de trois secondes devant le four chauffé à plus de 1400°C obligent à un ballet, où chacun sait exactement quand il doit intervenir pour relayer le collègue. Imaginons l'époque où les tenues ignifuges n'existaient pas.
Les potiers de Betschdorf ou de Soufflenheim travaillent chez eux, encore en famille pour beaucoup. Eux aussi ont appris à maîtriser les caprices des cuissons au four: la poterie, c'est autre chose que de passer un poulet à la broche. En flânouillant, j'ai atterri dans l'atelier de Monsieur Ruhlmann, un ancien des Arts Décoratifs  qui travaille encore à l'ancienne (four à bois et vernissage au sel) avec sa femme. Un superbe capharnaüm  plein de merveilles.

Les poteries gravées et peintes à l'oxyde de cobalt, en attente de cuisson, laquelle n'est organisée qu'après quelques mois, tant la préparation du four est longue.

Deux des précieuses tasses achetées à Monsieur Ruhlmann. Technique du grès au sel: du sel est projeté dans le four à 1250°C en fin de cuisson: les vapeurs de sodium s'amalgament à la silice présente dans l'argile pour former une fine couche de verre un peu granuleux en surface. Les poteries ainsi traitées sont absolument étanches.

Comme la vie n'est pas faite uniquement de forêts et de poteries, il a été parfois question de manger. Là, inutile de commenter, les images parlent d'elles-mêmes.

Eaux de vie diverses de chez Hepp: abricot, coing, framboise... et une belle réserve de miel de sapin et de forêt.
Le kugelopf de chez Boistelle, à Saverne

Sublime choucroute de chez Meisenlocker à Strasbourg                                  































































    Charcutailles achetées au marché 
de Wingen sur Moder, 
chez la plantureuse Madame Schwab.





Je m'arrête là? J'ai pitié?
Allez, encore une petite!

N'oublions pas la tarte flambée. Les gens qui la proposent sont éleveurs en semaine. Les vendredis, samedis et dimanches soirs, ils deviennent restaurateurs pour arrondir leurs fins de mois. Pas des feignants... On s'en est collé des ventrées scandaleuses en rugissant d'extase.

LA tarte flambée. La Grange. Neuwiller.

mardi 25 juillet 2017

Guerre contre l'eczéma: l'arme secrète viendra-t-elle d'Alep?

Depuis que la Syrie subit toutes sortes d'horreurs et de destructions, plus personne n'évoque ses douceurs.
 

 Les monuments millénaires, 
Palmyre, joyau détruit par les rustauds islamistes qui n'aiment pas ce qui est ancien et beau.

la cuisine succulente,
Merveille non encore interdite par ces gros salopards d'extrémistes islamistes, qui aiment bouffer du bon.

 et le savon. 
Savonnerie pas encore pulvérisée par les gros dégueulasses de Daesh, qui n'aiment pas le savon.

Alors le savon justement, je m'y suis intéressée de près il y a peu, parce que depuis mars, un eczéma tenace a envahi une partie de ma personne. C'est nouveau et assez déroutant. Ma peau est devenue curieusement grenue là où il sévit et ça gratte! Même la nuit. Tout le temps. J'ai beau me dire qu'il ne faut pas, que ma peau est déjà écorchée, rien n'y fait: je me gratte.

Je me suis mise à traquer tout ce qui est susceptible d'apaiser la colère du seigneur eczéma. Il s'agit surtout d'éviter le contact avec des produits qui l'excitent: quasiment tous les détergents sont à fuir, les adoucissants, à honnir et si je dois m'épiler les jambes (en été, ça se fait), il me reste la pince idoine. Quant au savon, j'ai intérêt à bien le choisir, sous peine de me réveiller couverte de croûtes sanguinolentes. C'est ignoble.



L'adversité affine la mémoire. De ses tréfonds, un lointain souvenir a émergé: la réputation du savon d'Alep.
J'ai fouiné aussi sec sur internet pour lui donner de la substance et de fait, ce savon-là fait l'unanimité auprès des scrofuleux de tous poils, de allergiques et des mères de nourrissons à la peau tendre. Bonne pioche. Encore fallait-il mettre la main sur du véritable savon d'Alep et pas sur un de ces ersatz hors de prix, susceptibles de gratouiller ce qui me reste de peau saine. A ce stade de mes recherches, j'ai failli baisser les bras. Alep à feu et à sang, j'imaginais mal que des savonneries continuassent à fonctionner dans un pareil maëlstrom.

Et bien si!

Quelques savonneries héroïques continuent à fonctionner, avec toutes les difficultés qu'on imagine, dans le nord de la ville. Il existe même des têtes brûlées qui acheminent ce précieux savon vers les frontières voisines pour qu'il soit commercialisé.
Tous les savonniers ne sont pas restés, loin s'en faut. Beaucoup ont fui et l'un d'entre eux, Monsieur Harastani a atterri en France, à Santeny, où il a recommencé à fabriquer ses savons. Ce sont les mêmes. Avec Monsieur Constantini, ils ont crée la marque Alepia, dont j'ai lu le plus grand bien sur internet. Il existe des forums de fous furieux du savon d'Alep, de ces gens qui comparent les crus de savons comme des vins; et bien même ceux-là chantent les louanges d'Alepia.
Tard dans la nuit, résistant à la gratouille, j'ai pris le risque et acheté deux savons de première qualité à 40% d'huile de baies de laurier*. L'un en direct d'Alep, un de France (pour comparer) et de la lessive à base de savon d'Alep pulvérisé. 
Il faut savoir vivre dangereusement.


 Ils sentent tous les deux très bon. Ils sont également agréables sur la peau et je me suis même lavé les cheveux avec: ils conviennent aussi bien qu'un shampooing. Pour le moment, je ne vois pas la différence entre eux. J'ai juste un respect craintif pour le syrien, parce qu'il vient d'un coin en guerre et que ça fait drôle.

La lessive est extra. Il faut diluer du savon dans l'eau avant de le mettre dans le réservoir de la machine. L'adoucissant désormais, ce sera du vinaigre blanc. J'ai récupéré un linge impec et doux, qui ne puait même pas le vinaigre.

Reste à voir maintenant si mon eczéma cédera à cette nouvelle arme.
Je vous donnerai des nouvelles.


* Onze euros le savon d'environ 200 grammes.Ceux-là sont les plus chers. Il y en a beaucoup d'autres moins riches en huile de baie de laurier et des promotions.

dimanche 2 juillet 2017

Courrier de Russie

J'ai reçu il y a peu un colis de Russie.

Je m'étonne encore qu'il soit arrivé.



J'aurais été embêtée qu'il reste bloqué, parce qu'il était plein de jolis rouleaux en bois tels que ceux présentés lors d'un précédent billet.
Nous avions organisé une rouleaux-party avec des copines et commandé en nombre des rouleaux sculptés à Vera, qui habite à Astrakhan et tourne le rouleau comme un chef.
Outre ses talents, elle est honnête, parce que j'ai cafouillé en lui faisant le réglement et je lui ai envoyé le double de ce que je lui devais. Elle m'a remboursé rubis sur l'ongle vie Paypal immédiatement.

D'autres sites russes sur lesquels on peut acheter de quoi se tenir bien au chaud l'hiver ont retenu toute notre attention et la rouleaux-party a illico tourné à la rigolade régressive la plus débridée.

Caleçon hivernal qui pense à tout


La chapka de la mort





Du coup, j'ai réattaqué une séance de petits gâteaux, sauf que là, j'ai suivi mon instinct franchouillard et fait dans le sablé terroir. Les recettes russes à base de lait concentré ne m'inspiraient pas.






Le problème, c'est que je n'ai pas de recette; tout est au pif. En substance: farine, sel, sucre, puis beurre mou en quantité suffisante pour qu'en mélangeant du bot des doigts, on obtienne une pâte grasse qui forme des sortes de grumeaux.



Lier avec un ou deux ou trois jaunes d'oeuf, selon la quantité de mélange, jusqu'à former une boule lisse qui se tient bien. 
 Laisser reposer au frais une petite heure, étaler au rouleau normal, puis au rouleau décoré, sur un plan de travail légèrement fariné.

Je graisse légèrement le rouleau à l'huile de tournesol avant usage et je saupoudre la pâte d'un petit peu de farine.

Pour le nettoyer, il suffit de le gratter avec une vieille brosse à dents et de l'essuyer.


Ensuite, dorer au pinceau léger avec un jaune d'oeuf mêlé à un peu de lait et au four, jusqu'à ce que les sablés soient bien dorés.


A la cuisson, les motifs s'estompent un peu. Il va falloir que j'étudie la question.

mercredi 17 mai 2017

Ma vie d'artiste Kyogen

Croyez-moi si vous voulez, hier soir, j'étais au Japon.
Il y a six cent cinquante ans.
Autour de 1350.

Et là, vous vous dites que la pauvre Io, bien que gavée de vacances, en a pris un sérieux coup sur la cougourde.

Point!

Hier soir, une amie japonaise m'a invitée à une soirée d'initiation au Kyogen à la maison de la culture du Japon. J'ai sauté sur l'occasion. Le Nô, j'en avais entendu parler, mais le Kyogen, jamais. Alors j'étais fort curieuse et je n'ai pas été déçue.

L'endroit était à peu près vide à 18h30, lorsque nous sommes arrivées. Nous avons commencé par une expo gratuite et fréquentée par exactement trois personnes sur l'oeuvre architecturale de Junzô Sakakura. J'aurais bien aimé esquiver ça, mais la moindre des politesses était tout de même de ne pas commencer par un caprice. Pas si barbant que ça, Sakakura. Intéressant même. Et très connu, semble-t-il. Un disciple de Le Corbusier.



Après avoir pris une mini pause sur des chaises Sakakura (il s'est aussi préoccupé de ce détail),
 nous sommes passées en un éclair du dernier étage au troisième sous-sol de l'endroit avec le sentiment d'être englouties dans les limbes.

Là, un monsieur fort poli nous a accueillies avec les courbettes d'usage, nous expliquant l'essentiel, vérifiant nos billets (5 euros, pas cher pour une heure trente de kyogen) et nous guidant jusqu'à une porte en exactement dix secondes.
Une dame a pris le relais pour nous remettre un mystérieux document sur lequel figurait des syllabes. "Usagi - An no yama kara, kon no yama ae"...
Nous avons pris place sur des gradins, peuplé d'une vingtaine de personnes a majorité européenne, dont certaines à la dégaine bizarre. Le reste était Japonais, à la dégaine normale.
Au centre: une vaste scène étincelante, où attendait un homme, vêtu à la manière traditionnelle, dont je suis infichue de me rappeler le nom.


Dans un silence quasi religieux, il a entrepris de nous expliquer la symbolique de la scène, du pin qui constituait le décor et l'art du Kyogen. Une dame aux cheveux gris traduisait.

En résumé, le Kyogen, c'est le pan comique du Nô et le style a été fixé entre 1300 et 1400. Voilà pourquoi la chanson imprimée sur le fameux papier était en japonais dialectal et présentait sous forme de charade l'existence d'un lapin aux spectateurs." Usagi" veut encore dire lapin aujourd'hui.

Alors, le monsieur a entrepris de nous apprendre à chanter la chanson du lapin.
D'une voix claironnante, moitié psalmodie, moitié mélodie, faisant durer chaque syllabe, il vous a modulé ça de telle sorte que tout le monde est resté scié. Le silence a été total. Mais il a fallu se lancer en répétant de nos voix chevrotantes (et en japonais médiéval) la chanson du lapin.
Ann Nôôô Yaamâââââ Karaaaaa (la voix remonte en virgule aigue), Konnnnn Nôôô Yaaamâââââ Aaaaéé (re-virgule aigue). Et ainsi de suite.
La puissance comique de la chose tenait au choix du vocabulaire qui évoquait l'arrivée trottinante du bestiau oreillu et les onomatopées lapinesques: "Fu! Pu! To."

Le fils du monsieur, quinze ans grand maximum et aussi habillé à l'ancienne, avait rejoint son papa sur la scène et nous a collé la honte en chantant d'une belle voix assurée ce que nous-mêmes, nous essayions de bredouiller.

Ensuite, nous avons été invités à nous déchausser, à revêtir des chaussettes, pour monter sur cette vénérable scène du Nô et nous essayer à la danse du lapin.

C'est effrayant de difficulté.

Tout en chantant d'une voix d'outre-tombe la puissance comique de l'évocation d'un lapin qui surgit de la montagne en se trémoussant et agitant les oreilles, il convient de mimer au petit doigt près. C'est codifié à mort. Interdiction absolue d'improviser quoi que ce soit et, à part quelques saccades, tout va très lentement.

Le danseur tient un éventail fermé dans la main droite, qui prolonge son geste. "Ann Nôôô Yaamâââââ Karaaaaa", il faut glisser doucement et en rythme le pied gauche en oblique vers la gauche tout en chantant et lever lentement le bras droit armé de l'éventail pour évoquer la montagne qu'on voit là-bas. La main gauche, elle, reste collée au corps, poing serré mais pas trop. Et puis le pied droit rejoint le pied gauche. On se retrouve pieds joints. Ensuite, ça part à droite et ça continue jusqu'à "U! Sa! Giii! Jya!!" C'est un lapin.

Le jeu-danse du monsieur était évident et léger comme une plume. Nous derrière, de vrais tonneaux, mais ce n'est pas grave, parce que j'ai découvert un art d'une exigence et d'une grâce insondables. Le pouvoir comique de Kyogen, à mes yeux d'Européenne, en dit long sur le Nô qui lui, n'est pas comique et sur l'immensité du chemin qui reste à parcourir pour les comprendre.

                       Je n'ai trouvé que cette vidéo. Le monsieur d'hier était bien meilleur.

dimanche 30 avril 2017

Les rouleaux à impressions: quand les gâteaux deviennent des oeuvres d'art

Regardez-moi ça.
Ça se mange.



Et il y en a encore pas mal comme ça.

J'ai choisi des motifs traditionnels, devinez d'où?



        
De Russie.


J'ai réalisé ces merveilles grâce à des rouleaux de bois décorés, achetés à Vera Boukreieva.
Elle habite à Astrakhan et fabrique des empreintes en bois absolument magnifiques.

Voilà mes rouleaux, arrivés en une semaine après une commande par internet (non, je ne suis pas allée exprès à Astrakhan les chercher. C'est loin, Astrakhan! Sur l'embouchure de la Volga, au bord de la mer Caspienne: 4000 km tout de même).




                                         Et le détail:


Vera fournit des recettes sur son site. J'ai essayé celle des biscuits blancs. Il y en a d'autres: ici, c'est en russe. Attendez un peu que je teste les deux autres recettes et je les publierai en français. Comme celle-là, que j'ai un peu modifié.





BISCUITS BLANCS
200g de beurre
200g lait condensé sucré
 1 jaune d'oeuf
              3 bonnes cuillères à soupe de sucre glace
         1 sachet de sucre vanillé
          100 g de fécule de pommes de terre
    300g de farine


Mélanger le beurre mou et le lait concentré. Ajouter le jaune d'oeuf, puis le sucre glace et le sucre vanillé. Ajouter petit à petit, en touillant à la fourchette, les farines préalablement mélangées. On obtient une pâte lisse et compacte. Laisser reposer une heure au frais.

Huiler légèrement le plan de travail et le rouleau.
Etaler la pâte au rouleau normal à 5mm d'épaisseur. Repasser le rouleau décoré dessus en appuyant suffisamment pour que les motifs s'y gravent bien. Découper et placer sur une plaque recouverte de papier sulfurisé.

Cuire une dizaine de minutes à chaleur tournante: les gâteaux ne doivent pratiquement pas se colorer.

De fait, l'impression sur la pâte se fait très facilement.
Si besoin, ensuite, les rouleaux doivent être brossés et si rincés uniquement si c'est nécessaire. Dans ce cas, il faut les essuyer soigneusement et les huiler très légèrement pour les protéger. Je n'ai pas rincé les miens.

Et maintenant, je me déguste un de ces petits gâteaux en sirotant mon café, en compagnie de mon azalée qui est de bonne humeur.