Par exemple, j'ai enfin fini de tronçonner mon cerisier et je vous prie de croire que ça prend du temps, cette fantaisie-là.
Aujourd'hui pourtant, malgré une furieuse envie de faire la sieste, je ne résiste pas à une causette bloguesque.
A cause d'une queue.
Non mais ça y est! J'en vois qui gloussent en pensant que je vais encore les saoûler avec mes chats!
Et bien pas du tout.
Ce matin, je tenais la main d'un ami infortuné, obligé de s'envoyer une visite à la préfecture de Paris.
Nous avons donc fait la queue ensemble et nous nous sommes trouvés pris en sandwich entre un écrivain bègue, dont la nigauderie touchait au sublime, qui contait fleurette à une puissante Africaine, et une petite Marocaine bavarde et tellement râleuse que même Vlad aurait été stupéfié.
![]() |
Aucune image ressemblant de près ou de loin à ce que j'ai vu ce matin n'est disponible sur le net. J'aurais dû photographier moi-même. |
![]() |
Les images de queue sont soit pas regardables, soit barbantes. Heureusement que les toutous sont là. |
![]() |
Hein? Quand même! Bobigny, c'est autre chose! Observons que là au moins, le net propose à la consultation des images qui collent à la réalité. Tandis que Paris fait de la propagande. |
Mon ami restait imperturbable, tandis que je dissimulais ma bonne humeur croissante dans ma grosse écharpe.
C'est alors que ma voisine de queue de devant, une petite brune terne, a commencé à râler.
Contre un monsieur qui photographiait les enfants chinois, d'abord. C'est vrai que la scène était charmante: deux tout petits s'ébrouant en riant sur la place, devant la queue zigzagante.
Cette initiative l'avait mise en rage. Ne voyant pas trop où était le problème et sentant venir une séance de récrimination pénible, je m'efforçais de ne rien exprimer, mais je l'ai regardée (contrairement à mon compagnon de queue qui perdait savamment son regard dans le vague d'un air sévère) et la séance a commencé.
Après le photographe, est venu le tour des resquilleurs. Car la grande porte s'ouvrait et personne ne surveillait la queue (alors qu'à Bobigny, les uniformes veillent au grain), sauf deux policiers postés juste à l'entrée.
Cette petite dame à l'oeil aiguisé vitupérait d'une voix douce, qui rendait ses considérations encore plus déroutantes. "Je ne suis pas raciste, mais regardez qui fait la queue et qui est agglutiné près de l'entrée." En effet, la ligne tendait vers l'Européen et l'Asiatique, tandis que le noeud de gens en désordre était plutôt coloré.
Ça prenait un tour pénible et pour la décourager de continuer plus avant, j'ai avancé un "Ils étaient peut-être là avant" sans conviction. Grossière erreur. Elle a pris mon propos au premier degré et m'a aussi sec reproché ma clémence. Pour un peu, j'étais responsable du déferlement de crève-la-faim sans foi ni loi qui étaient en train de submerger le pays. "Je ne veux pas payer pour ces gens-là, c'est pour ça que je ne veux pas de la nationalité française et que je m'en vais au Canada". Tiens donc! Elle était marocaine et, en se radoucissant un peu, m'a expliqué par le menu que la France foutait le camp à cause des pique-assiettes Noirs et Arabes qui venaient y faire la loi avec la bénédiction des Français. Il a été question de natalité galopante, de pays saigné, d'injustice et du détail de la manière dont les Canadiens, eux, faisaient le tri à leurs frontières. J'étais édifiée.
A ce stade de la discussion, un policier avenant nous a priés d'avancer. J'étais bien contente de ne pas être au Maroc où leurs homologues guident les queues à coups de trique et encore plus d'être débarrassée de cette petite dame douce et hargneuse. Je me demande comment mon ami s'en serait tiré sans moi. Est-ce que son air fermé aurait suffit à lui clouer le bec?
Après quoi, on nous a introduits dans les lieux avec force contrôles, conduits par des types costauds assez peu amènes. Contrôles inutiles au demeurant, puisqu'aucun ne m'a délestée des deux couteaux et des ciseaux rangés dans mon sac à main.
Ensuite, nous nous sommes trouvés assis à attendre avec un numéro à la main, dans cet univers Revizoresque caractéristique de nos belles administrations. La queue était terminée. Mon ami s'est animé. Le spectacle était fini.