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mercredi 7 novembre 2012

Queue bavarde

Oui je sais. Je tiens mon blog de manière un peu relâchée en ce moment. C'est que mon existence s'organise autrement: plus de vraie vie et moins de machine infernale d'ordi. Alors le dosage entre les deux laisse à désirer et je m'en excuse platement.
Par exemple, j'ai enfin fini de tronçonner mon cerisier et je vous prie de croire que ça prend du temps, cette fantaisie-là.

Aujourd'hui pourtant, malgré une furieuse envie de faire la sieste, je ne résiste pas à une causette bloguesque.
A cause d'une queue.
Non mais ça y est! J'en vois qui gloussent en pensant que je vais encore les saoûler avec mes chats!
Et bien pas du tout.

Ce matin, je tenais la main d'un ami infortuné, obligé de s'envoyer une visite à la préfecture de Paris.
Nous avons donc fait la queue ensemble et nous nous sommes trouvés pris en sandwich entre un écrivain bègue, dont la nigauderie touchait au sublime, qui contait fleurette à une puissante Africaine, et une petite Marocaine bavarde et tellement râleuse que même Vlad aurait été stupéfié.
Aucune image ressemblant de près ou de loin à ce que j'ai vu ce matin n'est disponible sur le net. J'aurais dû  photographier moi-même.

Les images de queue sont soit pas regardables, soit barbantes. Heureusement que les toutous sont là.
A 8h10, nous étions à pied d'oeuvre, plantés au milieu de la place. Mon ami rencogné dans un renfrognement explicite et moi, pas mécontente d'être là. Mon terrain de queue habituel, c'est Bobigny et le décor n'est pas le même.

Hein? Quand même! Bobigny, c'est autre chose! Observons que là au moins, le net propose à la consultation des images qui collent à la réalité. Tandis que Paris fait de la propagande.
En outre, la discussion qui s'est engagée à l'arrière a achevé de me réjouir. Le gars bredouillant qui se prétendait poète et écrivain tentait visiblement d'entreprendre la Noire dodue et lymphatique située immédiatement derrière moi. Le malheureux était tellement timide qu'il alignait les ricanement bêtas et les propos cousus de fil blanc fluo du genre: "D'habitude je ne parle pas aussi facilement, surtout aux femmes. J'ai du mal avec les femmes, vous savez. D'ailleurs je suis célibataire. mais avec vous hihihihi je sens que le courant passe. J'ai tout de suite vu que vous étiez gentille hihihihii." Et ainsi de suite. La fille, prudente, flairant l'éventuelle possibilité de profiter de l'occasion, restait évasive. Elle a quand même eu le culot de se prétendre apprentie vétérinaire, ce qui semblait hautement improbable. Mais dans le fond, face au distingué écrivain de sciences fiction qui argumentait aussi savamment, tout était permis. Là-dessus, ils ont échangé leurs noms et leurs numéros de téléphone. Le gars s'est excusé de devoir se sauver parce qu'il était en retard (qu'on veuille bien m'expliquer ce qu'il faisait là), et il s'est enfui dans un galop de guingois incroyablement disgracieux.
Mon ami restait imperturbable, tandis que je dissimulais ma bonne humeur croissante dans ma grosse écharpe.

C'est alors que ma voisine de queue de devant, une petite brune terne, a commencé à râler.
Contre un monsieur qui photographiait les enfants chinois, d'abord. C'est vrai que la scène était charmante: deux tout petits s'ébrouant en riant sur la place, devant la queue zigzagante.
Cette initiative l'avait mise en rage. Ne voyant pas trop où était le problème et sentant venir une séance de récrimination pénible, je m'efforçais de ne rien exprimer, mais je l'ai regardée (contrairement à mon compagnon de queue qui perdait savamment son regard dans le vague d'un air sévère) et la séance a commencé.
Après le photographe, est venu le tour des resquilleurs. Car la grande porte s'ouvrait et personne ne surveillait la queue (alors qu'à Bobigny, les uniformes veillent au grain), sauf deux policiers postés juste à l'entrée.
Cette petite dame à l'oeil aiguisé vitupérait d'une voix douce, qui rendait ses considérations encore plus déroutantes. "Je ne suis pas raciste, mais regardez qui fait la queue et qui est agglutiné près de l'entrée." En effet, la ligne tendait vers l'Européen et l'Asiatique, tandis que le noeud de gens en désordre était plutôt coloré.
Ça prenait un tour pénible et pour la décourager de continuer plus avant, j'ai avancé un "Ils étaient peut-être là avant" sans conviction. Grossière erreur. Elle a pris mon propos au premier degré et m'a aussi sec reproché ma clémence. Pour un peu, j'étais responsable du déferlement de crève-la-faim sans foi ni loi qui étaient en train de submerger le pays. "Je ne veux pas payer pour ces gens-là, c'est pour ça que je ne veux pas de la nationalité française et que je m'en vais au Canada". Tiens donc! Elle était marocaine et, en se radoucissant un peu, m'a expliqué par le menu que la France foutait le camp à cause des pique-assiettes Noirs et Arabes qui venaient y faire la loi avec la bénédiction des Français. Il a été question de natalité galopante, de pays saigné, d'injustice et du détail de la manière dont les Canadiens, eux, faisaient le tri à leurs frontières. J'étais édifiée.
A ce stade de la discussion, un policier avenant nous a priés d'avancer. J'étais bien contente de ne pas être au Maroc où leurs homologues guident les queues à coups de trique et encore plus d'être débarrassée de cette petite dame douce et hargneuse. Je me demande comment mon ami s'en serait tiré sans moi. Est-ce que son air fermé aurait suffit à lui clouer le bec?

Après quoi, on nous a introduits dans les lieux avec force contrôles, conduits par des types costauds assez peu amènes. Contrôles inutiles au demeurant, puisqu'aucun ne m'a délestée des deux couteaux et des ciseaux rangés dans mon sac à main.
Ensuite, nous nous sommes trouvés assis à attendre avec un numéro à la main, dans cet univers Revizoresque caractéristique de nos belles administrations. La queue était terminée. Mon ami s'est animé. Le spectacle était fini.


samedi 3 mars 2012

Bande de petits salopards!

En France, l'enfant est roi. Surtout à l'école. Rachid a sauté sur Jeremy en classe pour lui "niquer sa race"? Maeva a traité Laura de "sale pute"? Qu'à cela ne tienne: l'enfant est au centre du système.


Négociation et écoute sont mères de l'éducation, l'enseignement, nique ta... rien. Pas question qu'un adulte se risque à leur balancer une tarte, même si ça démange.
Au mieux, on réunit un conseil des maîtres, où l'inspection est conviée. On cause, ça tourne en rond. Ça ne sert absolument à rien et en plus, on a flanqué en l'air un peu du précieux temps de repos du midi.
Si le prof n'a pas le chic pour mater les monstres, la classe retourne doucement à la sauvagerie primitive dans l'indifférence générale.



Ailleurs, par delà les mers, les méthodes sont différentes.
- Refus de ramasser les miettes de gâteau, à la cantine? Arrestation immédiate et brutale: bras cassé de l'ado délinquant.
- Bataille de purée? Gaz lacrymogène.
- Tu verses du lait sur le crâne de ta copine? Arrestation, direction le tribunal. Casier judiciaire.
- Tu refuses de montrer ton badge à l'entrée du lycée parce que tu trouves ça idiot, vu que tout le monde te connaît. Rébellion, insubordination, intrusion. Taser.
- Insolence? Un flic te braque son arme (chargée) dessus.**

Autres lieux, autre moeurs.

Dans ce pays amoureux de l'ordre, un gamin condamné à une amende restée impayée est rattrapé par sa turpitude à ses 17 ans: incarcération immédiate pour non-paiement. Même si à l'époque, il avait 10 ans.
Même si leur faute consistait en une bêtise pas bien grave: s'asperger de parfum en classe, parce que les copains vous traitaient de "grosse vache qui pue".
Dans les cas extrêmes, renverser une table en classe, par exemple, les mômes filent directement en prison. Ils peuvent y rester des années. Leur vie est foutue.

Le plus incroyable, c'est que les parents râlent bien un peu, mais mollement.

- Ce sont les professeurs qui devraient faire régner l'ordre et la discipline.
- On a besoin de la police à l'école, mais ils devraient y aller moins fort.
- Ils ne devraient pas patrouiller dans la cour.
- Mon fils a été tué parce que la police a tiré sur lui. Il leur braquait dessus un faux pistolet qui avait l'air vrai, le pauvre. Ils auraient dû utiliser un Taser et le drame ne serait pas arrivé.

Dans ces conditions, évidemment, tout élève pauvre ayant été arrêté se voit automatiquement interdit d'université. Car aux boursiers, on pose la question fatale: "avez-vous été arrêté(e)?". Mieux vaut que ce soit "non". Sinon, pas de bourse.
Ceux qui ont les moyens de payer les frais exorbitants d'une scolarité universitaire, en revanche, peuvent avoir massacré père et mère. On ne leur demande rien.

Et maintenant, un petit jeu.
Qui est capable de dire quel est ce pays où la discipline est reine et où les mômes n'ont qu'à bien se tenir?


Je parie des fraises Tagada* que vous trouvez en moins de 10 secondes!


*Ou des bandes au coca qui piquent.



*Ou des crocodiles gélatineux.


*Ou tout machin sucrailleux.












** Source: Courrier International N° 1109. Extrait de The Guardian. Chris McGreal