tu es parti avec
à l’ami Jérome Roger qui nous a laissé sa voix le 30 novembre 2022
avec toute la force de ses lectures de Charles Péguy
tu es parti avec
le rêve d’un
livre qui traverse l’air
de se dire encore
la vie la mémoire
vive d’un penser
en vers quand tu lis
les ballades
du cœur qui a tant
battu
tu es parti avec
l’ordre même du cœur
devant les dunes et l’arrondi
d’un océan le fracas
en désordre des vagues
qui recommencent
comme les battements
de ton cœur en plein
vent tout contre
l’ordre la commotion
du souffle l’organique
d’un désordre résonnant
tu es parti avec
leurs voix aux plus anciennes
chansons qui font la ronde
des signatures ces mêmes
recommencements d’appel
en appel du cœur des lectures
bien loin de la littérature
tous les humbles psaumes
qui tiennent
voix debout
debout dans l’inquiétude
invincible
tu es parti avec
ce point de voix le cœur
d’un enfant qui joue
aux billes
dans l’air d’une ritournelle
pour mordre la bête
et rire d’un grand coup
d’aile avec l’espérance
des destins fraternels
jusqu’en la folie
de nos carnavals
de rimes
tu es parti avec
la rage d’amour et la joie
dans ce grand bois
où vivre une cicatrice
un effondrement une
inquiétude un point
de suture mal joint et le ciel
profond le seul océan le seul abîme
sans fond toute la divine
folie pour que culbute
cul par-dessus tête
la morale hypocrite
tu es parti avec
tirées des tripes arrachées
du cœur les improvisations
en échos entrelacés dans un réseau
de tu bouleversant nos habitudes
de lecture renversant l’éloquence rendue
à son impuissance son
imposture pas un jeu
ce trouble des reprises
des airs rejoués
dans les déliaisons de nos
rencontres inattendues
tu es parti avec
ce vase mal délavé d’une oreille
tendue dans le labyrinthe de ton
écoute entre la détresse
et le rire appel et rappel
toujours ces jeux de ta mémoire dans
mes oublis dans ce fatras
comme un cheval époumoné craignant
plus que tout un ordre mort quand
c’est le ton de ta matière
qui organise le corps
de nos recroisements
tu es parti avec
un affleurement perpétuel
de voix qui s’entendent
au présent de la relation
la reformulation en pleine vie
déroutante
quand l’épopée toute ma petite vie
trouve des délires pour
chanter la complainte
à ton cœur la légende
à tes jours et ces
œillets aussi à la chaleur du jour
tu es parti avec
le flot désendigué
trop trempé de soupe
en excroissances rebelles
et acharnées pour dégorger mon
amertume alors délavée
dans toute l’écume d’un certain malheur
sans céder sur ton désir
qui me hante dans toute
ta retenue blanche
une amitié désormais songeuse
dans cette nuit cruelle
tu es parti avec
tout le royaume de la perdition quand
la rupture à la verticale
de la multitude crie le secret de cette
psalmodie toute l’évocation
organique des accents bibliques à corps
perdu de ton amour
à la croix des deux
routes quel chemin monte quand
l’autre en contre-bas résonne encore
ma passion de te dire
sans aucun plan
tu es parti avec
sans tomber dans l’oreille
d’un sourd un air chanté un air
très simple un air populaire toute l’horreur
du magistère et le bonheur
la joie de bafouer ce qui y prétend de défier
les maîtres de la parole
dite alors de pic en pic
ma jubilation danse tout le long de ton
carnaval le rire le meilleur de la vie
qui ne s’épuise pas jamais ne s’épuise
à ces recommencements