L’ami James Sacré devait répondre les sculptures de Bernard Pagès…
Voilà un livre qui organise sur un beau papier les échos des deux œuvres à l’occasion de plusieurs expositions d’été du sculpteur. Cela commence par cette résonance à La Torse que Sacré définit comme « le vivant après sa défaite » : toute une allégorie de notre situation, toute une anthropologie de l’art d’aujourd’hui : « la torse ou l’inventée ». Ce que j’aime dans ces résonances c’est justement ce passage du verbe au nom ou plutôt cette verbalisation de tout ce qui s’arrêterait à des noms, titres et autres définitions, enracinements, identifications quand il s’agit d’« emportements dans les assemblages de couleurs et de ferrailles tourmentées », comme précise Sacré. C'est tout autant les renversements du masculin au féminin et l'inverse. C'est tous les renversements qui ne cessent de mettre en mouvement les comparaisons, les échanges de lieux et de moments, de références et de cultures: les renversements font la relation plus que les termes. Et nous sommes bien loin des rapports de la "Peinture" et de la "Poésie" comme j'ai entendu hier sur France Culture, nous sommes dans la "réson" des oeuvres, nous sommes dans le sujet-relation d'une activité multiple qui change tout, et la peinture ou la sculpture et la poésie, qui change jusqu'à voir, entendre, s'entendre, aimer, vivre. Et Sacré de continuer le « mélange » à l’œuvre, en œuvre, ainsi :
Comme quelque chose de puissant dans un ciel de Poussin. Ou quelque chose d’indien (échelles des Kivas) dans les régions du Sud-Ouest américain.
Oui, Sacré et Pagès, c’est ensemble et chacun en échos dans des historicités propres et toujours mises à jour, à notre écoute intérieure, « la tension maximale d’une forme au point de se défaire » : forme de vie, cela va de soi, telle cette « renversée » » de Pagès que Sacré renverse « avec en bout du canon lisse la flammèche de métal bleue tordue et partant en l’air comme un ruban de sperme ».
Bref, avec Pagès comme avec Sacré, en art c’est le « surgeon » qui emporte et alors « le sol aussi est du ciel », le langage est divin et, avec la sculpture, le poème nous fait « le corps d’un acrobate ».
Informations :
Parcours de sculptures de Bernard Pagès à Aix-en-Provence et à l’abbaye de Silvacane à la Roque-d’Anthéron tout cet été (commissaire : Evelyne Artaud).
James Sacré, Bernard Pagès, Élancées de fêtes, mais tenant au socle du monde, éditions La Pionnière (7, rue des Apennins. 75017 Paris. 0146272609.www.lapionniere.com. contact@lapionniere.com (96 pages avec de nombreuses photosprix : 28 €)