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Date de création : 16.07.2012
Dernière mise à jour : 16.02.2025
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LA HORDE SAUVAGE OU LES DELICES DE L’EUTHANASIE DE MASSE

LA HORDE SAUVAGE OU LES DELICES DE L’EUTHANASIE DE MASSE

Sans détours, voilà bien le meilleur film de Sam Peckinpah. En tout cas, celui qui a récolté le plus de succès. Á moins, bien, sûr, de considérer que le vieux Sam n’a réalisé que des œuvres cinématographiques majeures et que ce sont les producteurs et autres critiques de bas étage qui n’y ont rien compris. Mais là, on se rapprocherait presque de l’adoration aveugle. Encore que…

Quoiqu’il en soit, « La Horde sauvage » (The Wild Bunch) a consacré Peckinpah en tant que réalisateur de génie pour les uns, de folie pour les autres. En effet, pour l’époque, il est assez rare qu’un film débute par une scène d’action trépidante et s’achève par un tableau héroïque d’anthologie. Ou, plus lucidement, commence par un massacre et se termine par un autre encore plus démesuré. Entre les deux, une bande de hors-la-loi désabusés tentent de survivre du mieux qu’ils le peuvent face aux agressions de la civilisation, de la manière qu’ils connaissent le mieux, c'est-à-dire à coups de flingues. On a souvent cru que Sam Peckinpah faisait l’apologie de la violence en la magnifiant à l’écran. Bien au contraire, il tentait d’en démontrer l’inutilité et la sauvagerie en la filmant sans concessions. D’où ces ralentis artistiques avec force giclements d’hémoglobine et impacts de projectiles, permettant aux spectateurs d’apprécier dans les moindres détails les dégâts que peut faire une balle de calibre 44. Cependant, ce qui se dégage surtout de l’œuvre de Peckinpah, c’est la condamnation de la société moderne et le pessimisme flagrant quant à son devenir. Pour lui, l’homme véritable ne pouvait s’épanouir que dans un univers sauvage, loin des perversions sociales de la grande ville. Mais au-delà de tout ça, le vieux Sam filmait des thèmes chers à son cœur : la liberté, l’amitié virile, la complexité de l’amour, la beauté des grands espaces et la nostalgie de la fin d’une époque, celle de l’Ouest légendaire.Á la fois film d’action et plongée incisive dans les méandres du comportement humain, « La Horde Sauvage » restera pour toujours un western de référence. Libre à chacun d’apprécier ou non ce style si particulier qui a marqué le cinéma de son empreinte indélébile.

 

L’HISTOIRE

 

Texas, 1913. Une bande d’outlaws, connue sous le nom de « Horde Sauvage » (« Wild Bunch »), sévit à la frontière mexicaine. Elle est conduite par Pike Bishop (William Holden), toujours accompagné de son vieux complice Dutch Engstrom (Ernest Borgnine). Souhaitant terminer sa carrière sur un coup d’éclat, Pike décide d’attaquer les bureaux de la Compagnie des Chemins de Fer. Malheureusement, il tombe dans un piège tendu par un de ses anciens amis, Deke Thornton (Robert Ryan). Tiré de sa prison par le Directeur des Chemins de Fer, Thornton doit mettre un terme aux agissements de Bishop et de son équipe en contrepartie de sa liberté. Mais, par souci d’économie, la Compagnie ne lui adjoint qu’un ramassis de chasseurs de primes pouilleux et dépravés, aussi crasseux qu’inefficaces. Le piège tourne au carnage, ces vauriens tirant indifféremment sur les bandits aussi bien que sur les honnêtes citoyens. La Horde Sauvage est décimée et seuls quelques hors-la-loi parviennent à s’échapper de la souricière : Pike, Dutch, les Frères Lyle et Tector Gorch (Warren Oates et Ben Johnson) ainsi qu’un mexicain nommé Angel (Jamie Sanchez). Ils traversent le Rio Grande et rejoignent un complice, le vieux Sykes (Edmond O’Brien), qui les attend dans un campement mexicain et qui a bien connu Bishop et Thornton à l’époque de leur amitié. Au moment de partager le butin, ils s’aperçoivent avec horreur que les sacs ne contiennent que des rondelles de métal sans valeur. Démoralisés, ils décident de s’enfoncer plus avant en terre mexicaine pour échapper à leurs poursuivants et également retenter un coup. Mais la désillusion est au rendez-vous. Les Federales ont ravagé le village natal d’Angel qui découvre la mort de son père, tué par le Général Mapache, et la fuite de sa fiancée Teresa avec ce même Général. Néanmoins, la petite bande se rend à Agua Verde, dans le repaire de Mapache, à la recherche d’une quelconque occasion de se faire de l’argent. Mais les choses tournent mal. Apercevant sa fiancée dans les bras de Mapache (Emilio Fernandez), Angel la tue d’un coup de pistolet. Pike et ses amis réussissent à calmer la situation tandis qu’Angel est aussitôt emprisonné. Repérés par le conseiller militaire de Mapache (un Prussien pur jus), les survivants de la Horde Sauvage sont invités à la table du Général où on les charge d’intercepter une cargaison d’armes (convoyée en train par l’armée américaine) qui permettra aux troupes régulières de combattre Pancho Villa avec plus d’efficacité. Pike accepte cette mission mais demande la libération d’Angel en échange. Ce dernier accepte de se joindre à l’aventure mais renonce à sa part et demande à la place une caisse de fusils pour que son peuple puisse lutter contre l’oppression.

L’attaque du train se solde par un succès complet mais Deke Thornton et sa troupe d’incapables ressurgissent. Pike s’en débarrasse de façon magistrale en faisant exploser le pont qu’ils sont en train de traverser, les expédiant ainsi dans la rivière. Méfiant envers Mapache, Pike cache les armes en divers endroits et, par groupes de deux, les hors-la-loi indiquent au compte-goutte leurs emplacements aux Mexicains moyennant quelques bourses remplies d’or. Quand Dutch et Angel effectuent le dernier déplacement, Mapache leur signale qu’une caisse de fusils manque à l’appel. Dutch rétorque qu’elle est tombée dans la rivière mais Mapache, renseigné par la mère de Teresa, accuse Angel de vol. Impuissant, Dutch ne peut que repartir en abandonnant Angel à son sort. Peu après, Pike et ses hommes aperçoivent le vieux Sykes, poursuivi par Thornton et ses sbires. Blessé, le vieil homme réussit à se cacher dans la montagne. Dès lors, Pike et son équipe n’ont pas d’autre choix que de retourner au quartier-général de Mapache. Ils arrivent juste pour assister au calvaire d’Angel, ensanglanté et tiré sur le sol poussiéreux par la voiture du Général. Pike déclare qu’il souhaite racheter Angel mais Mapache refuse tout net. La colère au cœur, les hors-la-loi n’insistent pas et participent de mauvaise grâce à la Fiesta générale. Dutch s’assoit contre le mur de la cantina et commence à tailler rageusement un bout de bois tandis que Pike, Lyle et Tector goûtent à la féminité locale. Mais la tequila et les filles faciles n’atténuent rien. Pike rassemble ses hommes. Les quatre aventuriers s’équipent en conséquence et, armés jusqu’aux dents, font irruption à la fête du Général. Ils exigent la libération du pauvre Angel, à moitié mort. Mapache accède à leur demande mais, au dernier moment, il tranche la gorge d’Angel juste devant ses amis. Pike et Dutch l’abattent alors sur place. Tétanisés, les soldats et les officiers ne réagissent pas et la situation semble tourner à l’avantage du quatuor. Mais, sans prévenir, Pike ouvre le feu sur l’état-major de Mapache, déclenchant ainsi une bataille sanglante. Malgré leur férocité et leur aptitude au combat, les quatre hommes finissent par succomber sous le nombre de leurs ennemis. La troupe de Deke Thornton n’a plus qu’à ramasser leurs cadavres. Thornton garde le colt de Pike en souvenir. Les chasseurs de primes emmènent les corps mais Thornton ne les accompagne pas. Il reste seul à méditer auprès des ruines du camp de Mapache balayées par le vent du désert. Après avoir entendu des coups de feu dans le lointain, il voit débarquer le vieux Sykes, accompagné d’une petite bande de mexicains. Désireux de participer à la révolution, Sykes demande à Thornton de se joindre à eux. Thornton accepte et repart avec son ancien camarade.

 

UNE MISE EN SCÈNE MAÎTRISÉE

 

De la scène d’ouverture au générique de fin, une constatation s’impose : Sam Peckinpah savait où il allait. Il a utilisé plus de cent kilomètres de pellicules et il a consacré des semaines au montage. Mais chaque seconde de ce film a été réfléchie, pensée en toute conscience. Chaque plan a été conçu de manière précise. Certaines prises résultent d’une longue réflexion, d’autres sont le fruit d’improvisations ou de conseils des acteurs. Si Peckinpah savait ce qu’il voulait, il reconnaissait aussi la valeur de certains avis extérieurs et il s’adaptait à la situation. Très exigeant vis-à-vis de ses acteurs, il les dirigeait d’une main de fer et les forçait à dépasser leurs limites mais il acceptait aussi leurs suggestions. Tant que c’était bon, il filmait. Concernant « La Horde Sauvage », rien n’a été laissé au hasard. Des scènes de foule aux cascades, des batailles aux séquences plus intimistes, tout a été filmé avec le soin le plus extrême. Et même si le plateau ressemblait à une pagaille sans nom, le vieux Sam dominait ce bordel organisé d’un regard d’aigle et plaçait chaque chose, chaque acteur, chaque figurant à l’endroit idéal. Le soir, il visionnait les rushes. S’il était satisfait, le lendemain, il passait à la suite. Sinon, il faisait tout recommencer, quelquefois pour une peccadille. Ainsi, certaines séquences ont été mises en boîte du premier coup et d’autres ont nécessité plusieurs jours de tournage. De toute façon, une vérité évidente saute aux yeux : étant donné l’intensité et la complexité de certaines prises, si Peckinpah n’avait pas su ce qu’il faisait, son film n’aurait ressemblé à rien. Bien entendu, ce n’est pas le cas !

 

DES ACTEURS PLUS VRAIS QUE NATURE

 

Sam Peckinpah savait s’entourer d’acteurs de valeur. Il les choisissait sur un coup de cœur ou après de sérieuses auditions. Tout dépendait également des désistements des acteurs pressentis au départ. Ainsi, a t’il sélectionné Bo Hopkins (Crazy Lee) après l’avoir vu à la télévision et Ernest Borgnine et Robert Ryan en raison de leur performance dans « Les Douze Salopards ». Il est certain que le succès de « La Horde Sauvage » repose sur le génie de Peckinpah mais aussi sur le talent des acteurs. Le vieux Sam savait magnifier ses artistes tout en les poussant au-delà de leurs limites. Mais il acceptait également leurs remarques et leurs suggestions même s’il devait modifier ses plans. Contrairement à Sergio Léone qui privilégiait les « gueules » et les attitudes, Sam Peckinpah se concentrait plutôt sur l’allure générale et la stature de ses acteurs, leur conférant une aura bienveillante ou maléfique selon les personnages. Rarement un réalisateur aura autant mis en valeur ses artistes, du figurant au premier rôle. Dans tous les cas, tourner avec Sam Peckinpah, c’était s’assurer une sacrée carte de visite dans le métier. Car les acteurs en ont vu de dures sur le plateau de « La Horde Sauvage ».

 

DES SCÈNES D’ACTION Á COUPER LE SOUFFLE

 

« La Horde Sauvage » est avant tout un western d’action, proche par moments du western italien et qui se démarque de certains films hollywoodiens où l’on s’ennuie ferme entre des prises de vues à rallonge et des dialogues à n’en plus finir, pour attendre un hypothétique coup de feu survenant en fin de bobine. Ici, pas question de s’endormir. Entre l’attaque des bureaux de la Compagnie des Chemins de Fer, l’explosion d’un pont et l’affrontement final, on est servi. Quelques minutes seulement après le début du film, le spectateur en prend plein les yeux et les oreilles. Pike et sa bande, déguisés en militaires, dévalisent tranquillement la caisse des Chemins de Fer. Mais ils sont attendus gentiment à la sortie par une escouade de chasseurs de primes hirsutes qui les canardent depuis les toits. Des corps tombent, des femmes hurlent. Des chevaux hennissent, se cabrent ou roulent à terre. Les armes crachent leur contenu mortel dans un vacarme assourdissant. Des vitrines éclatent en morceaux. Des gens apeurés tentent de s’échapper à travers la fumée et la poussière. Une pauvre dame qui faisait ses courses est piétinée par un canasson tandis qu’un homme rebondit sur place, transpercé à plusieurs reprises par des projectiles de gros calibre. Un cavalier tombe de sa monture et se fait traîner le long de la rue principale. Un bandit reçoit une décharge de chevrotines en plein visage. Le bruit des détonations couvre à peine les cris des blessés. Plans au ralenti et séquences en vitesse réelle sont alternés afin d’aboutir à un effet de sauvagerie esthétique. Et au milieu de cette horreur apocalyptique, paralysés par la peur, une petite fille et un petit garçon se serrent dans les bras l’un de l’autre (le garçonnet est d’ailleurs joué par le propre fils de Sam Peckinpah). Là, le public frôle l’apoplexie. Arrêtez ! Arrêtez ! On en a eu assez ! Ah, désolé Messieurs-Dames mais ça ne fait que commencer ! On calme quand même le jeu avec une cascade d’une incroyable beauté. Pike et ses acolytes chevauchent dans le désert mexicain en direction d’Agua Verde. En descendant une dune, le bourrin du vieux Sykes trébuche, entraînant les autres chevaux et leurs cavaliers dans une chute vertigineuse. Crinières ondulantes et nuages de sable fin envahissent l’écran dans un superbe ralenti. Ce moment, beau et magique à la fois, permet de faire une pause dans un climat devenant de plus en plus pesant.Vers le milieu de l’aventure, on a droit à une scène spectaculaire : l’explosion d’un pont entraînant chevaux et cavaliers dans la rivière. Pike et son équipe viennent de dévaliser le train transportant les fameuses caisses de fusils et ils sont poursuivis par Deke Thornton et ses pouilleux. Mais Mister Bishop leur réserve une surprise de taille. Saboté avec des cartouches de dynamite, le pont s’effondre et les poursuivants prennent un bain gratuit. Sensationnel ! Et à l’époque, pas d’images de synthèse. Tout est filmé en direct avec un ponton articulé qui s’abaisse après la mise en fonction des charges explosives, propulsant chevaux et cascadeurs dans une rivière agitée. Certains (hommes et bêtes) ont d’ailleurs failli être emportés par le courant. Et que dire de la séquence finale ? Quatre hommes affrontant une armée entière dans une hacienda séculaire pour venger la mort de leur ami. De la grande classe ! Ça explose et ça tiraille à tout va. Dutch balance quelques grenades amicales, histoire de réchauffer l’ambiance. Tector, Lyle et Pike se relaient à la mitrailleuse et envoient un bon paquet de Mexicains en enfer. Les cartouches vides rebondissent sur le sol avec un bruit métallique. Un soldat tombe d’une tour. Le sang éclabousse les uniformes beiges des Federales tandis que les chemises blanches de Pike et de Lyle se teintent de taches rouge sombre, prémisses d’une fin dramatique. Cette scène d’anthologie (baptisée « la Bataille du Porche Sanglant » par l’équipe de tournage) a nécessité une douzaine de jours de travail. Pointilleux à l’extrême, Sam Peckinpah a fait jouer et rejouer sans relâche cette séquence jusqu’à ce qu’il soit satisfait. Chaque soir, les uniformes militaires et les vêtements civils étaient lavés, séchés, rapiécés (en raison des impacts de balles) et vieillis. Et le lendemain, tout recommençait. Au programme : soleil de plomb, sueur, poussière, explosions, cascades exténuantes avec, en prime, les invectives du vieux Sam. Mais Peckinpah a fini par obtenir ce qu’il recherchait et le résultat est époustouflant. Sans doute une des meilleures scènes de bataille jamais filmée ! Oui, dans « La Horde Sauvage », l’action est très présente. Un peu trop, au goût de certains. Fort heureusement, Sam Peckinpah savait l’alterner avec des instants très émouvants.

 

DES MOMENTS D’ÉMOTION INTENSE

 

Si ce film expose complaisamment les exploits violents d’une bande d’asociaux, il ne manque pas non plus de séquences qui serrent le cœur. Ainsi, la vision des survivants de la Horde sauvage quittant le village natal d’Angel, après une fiesta notoire, noue la gorge du spectateur. Pike et ses hommes s’éloignent en file indienne et les villageois leur font une haie d’honneur tout en chantant une vieille ballade mexicaine. Personne ne rit ou ne pleure. Les Mexicains se contentent de regarder partir ces cavaliers vers leur destin. Aucune effusion inutile ne vient troubler cette solennité. Angel prend avec tendresse le paquet de provisions que lui tend sa mère, Lyle reçoit en cadeau un sombrero des mains d’une jolie fille et Dutch se voit offrir une rose de la part d’une accorte senorita. La dignité et l’émotion retenue dominent cette scène. On a presque l’impression d’assister à une procession funéraire. Évidemment, cela en est une mais on ne le sait pas encore. Pareillement, la rencontre fortuite entre Angel et sa fiancée Teresa au camp de Mapache nous fait rapidement comprendre tout l’amour qu’il lui porte et toute la haine qu’elle éprouve envers la misère de son ancienne vie. Elle clôt ce face-à-face pesant en éclatant d’un rire forcé, artifice que trahit son regard empli de larmes. On peut aisément se douter que, pour cette scène, le vieux Sam n’a pas dû se contenter de vagues répliques théâtrales et qu’il a dû ordonner à ses acteurs de mettre le paquet. De même, quand Dutch est contraint d’abandonner Angel, accusé de vol par Mapache, la tension dramatique est à son comble. Dutch ne laisse filtrer aucune émotion et déclare calmement aux Mexicains qu’ils n’ont qu’à s’occuper de ce voleur. Il ne peut rien faire d’autre pour se sortir de ce guêpier. Le désarroi et l’incompréhension se lisent sur le visage d’Angel tandis qu’il voit son compagnon s’éloigner tranquillement et que les soldats rient bruyamment. Enfin, la découverte par Deke Thornton du cadavre de Pike après la bataille finale constitue un sommet d’émotion dramatique. Il contemple tristement son ami mort, ramasse son colt en souvenir et s’éloigne d’un pas traînant, accablé par cette fin tragique. Ces plans de quelques minutes à peine contiennent autant de sentiment et de passion que dans tout « Love Story ». Bien sûr, « La Horde Sauvage » contient d’autres scènes du même acabit. La discussion entre Pike et Dutch, le soir du hold-up sanglant, au sujet de leur avenir incertain. Le prêche de Pike exhortant son équipe à rester unie, juste après la chute des chevaux dans le désert. D’autres encore. Assurément, Sam Peckinpah savait faire vibrer la corde sensible. Cela ne l’empêchait pas d’intégrer dans ses films quelques parenthèses humoristiques.

 

L’HUMOUR, CONTREPOIDS DE LA TENSION DRAMATIQUE

 

Si « La Horde Sauvage » est ponctuée de détonations en tout genre, elle résonne aussi d’éclats de rire gras et tonitruants. Des bouches cradingues aux sourires édentés vomissent des ricanements brutaux. Au moment où on s’y attend le moins, un humour noir ou candide fait se bidonner les divers protagonistes de cette extraordinaire épopée. Les Mexicains rient de bon cœur quand Pike et Dutch leur expliquent qu’Angel n’a pas voulu attenter à la vie du Général Mapache mais qu’il a tiré sur Teresa par jalousie. Par la suite, ils se marrent encore plus devant la face blême d’Angel, désemparé par l’abandon de Dutch. Le vieux Sykes rigole franchement devant la mine dépitée de ses complices, réalisant subitement qu’ils ont risqué leurs vies pour des rondelles de métal sans valeur. Et juste après, les survivants du hold-up raté se tortillent à leur tour devant cette ironie du sort tout en vidant une bouteille de tequila. Cet intermède rend ces hors-la-loi plus humains. On croirait presque que ce sont de bons citoyens qui se marrent tout en buvant un coup après une rude journée de travail. Seule différence : leur métier consiste à voler et à trouer des peaux humaines. D’autres épisodes humoristiques parsèment ce film sauvage, comme l’annonce faite par Lyle de ses fiançailles avec une grosse Mexicaine après un bain dans un tonneau de vin, déclenchant l’hilarité générale de ses camarades. Ou quand, tenant en respect clients et employés au cours du hold-up, le jeune novice Crazy Lee demande à Pike sur un ton stupide de paysan attardé : « I kill’em know ? » (« Je les tue maintenant ? »). Ces moments relâchés offrent une pause bienvenue dans cet univers de méchanceté et de violence. Sam Peckinpah a su parfaitement équilibrer coups de feu et éclats de rire, rendant ainsi ses personnages plus attachants mais aussi moins primaires qu’ils n’y paraissent.

 

DES PERSONNAGES COMPLEXES

 

Loin du manichéisme des westerns hollywoodiens, Sam Peckinpah emprunte la voie défrichée par Sergio Léone et met en scène les aventures d’antihéros opportunistes, à la moralité douteuse, vivant selon leurs propres lois en marge de la société. Personne n’est ni bon, ni mauvais. Certains sont moins pourris que d’autres mais tous ont recours à la violence pour survivre dans un univers de plus en plus réglementé. Pike Bishop, chef incontesté de la Horde Sauvage, semblerait le plus vertueux. Possédant un code de l’honneur bien à lui, il proclame à qui veut l’entendre que quand on s’est allié à quelqu’un, on reste avec lui jusqu’au bout. Cependant, par le biais de flashbacks habiles, on apprend qu’il s’est échappé des griffes de la police en laissant derrière lui son ami Deke Thornton, blessé et incapable de le suivre. Équitable et intransigeant sur la notion de partage, il remet Lyle et Tector à leur place quand ceux-ci exigent que les parts d’Angel et du vieux Sykes soient diminuées, sous prétexte que le premier débute dans le métier et que le second s’est contenté de garder les chevaux au campement. Charismatique et imposant, il encourage ses troupes dans le feu de l’action d’un cinglant « Come on, you lazy bastards ! » (« Bougez-vous, tas de feignants ! »). Malheureusement, il appartient à une époque révolue et il étouffe dans ce monde moderne et policé. Conscient de son âge, il sait que son mode de vie ne cadre plus avec la société actuelle. Il déclare d’ailleurs à son équipe qu’il est temps de réfléchir au-delà de leurs fusils car ces beaux jours tirent à leur fin. Il souhaiterait réussir un dernier gros coup et se retirer. Mais quand Dutch lui demande ce qu’il aurait l’intention de faire, il élude la question. Changer de vie à son âge lui paraît bien impossible. Et quand son vieux complice lui dit que, quoiqu’ils tentent, les hommes de loi les attendront en force, Pike lui répond qu’il ne voudrait pas que ce soit autrement. Pike pense que le Mexique, terre d’aventures, pourrait être la solution à son problème. Effectivement, ce pays lui permet au moins de regagner la confiance de ses hommes (ébranlée après le hold-up raté) avec le succès de l’attaque du train. Mais, comme aux États-Unis, il y retrouve aussi la civilisation en marche ainsi que la corruption qui en découle. Dutch Engstrom suit également un code de conduite particulier. Acceptant sans problème les inconvénients d’une vie de hors-la-loi, il ne se départit jamais de son sens de l’humour qui a tout de même ses limites. Ainsi, après avoir pénétré dans le repaire de Mapache, il ne lui faut que quelques minutes pour affirmer que ce général à la manque n’est qu’un vulgaire bandit. Pike lui rétorque alors qu’il en connaît quelques autres dont il ne peut dire le nom. Mais Dutch ne goûte pas cette plaisanterie. Piqué dans sa fierté, il répond qu’ils n’ont rien à voir avec ce type et qu’ils n’ont jamais pendu personne. Il a aussi une façon de penser bien spéciale. Pour lui, l’important n’est pas la parole donnée mais celui à qui on la donne (sous-entendant ainsi que si on la donne à un naze, on peut la reprendre sans problème). Débonnaire et calme, volontiers souriant, il peut réagir avec une rapidité déconcertante quand un danger le menace. Il est alors capable de tout (comme utiliser une femme en guise de bouclier contre des tirs ennemis).Traînant avec Pike depuis de nombreuses années, il le soutient toujours dans ses décisions face aux autres membres de la bande. Les frères Lyle et Tector Gorch sont plus prévisibles. Bandits basiques, ils ne rêvent que d’argent facile et ne pensent qu’à picoler et s’envoyer des prostituées. Moins expérimentés que leurs aînés, il leur reste pas mal d’astuces à apprendre. Cependant, ils évoluent tout au long de l’aventure, développant notamment leur esprit d’équipe. Ainsi, Lyle finit par apprécier Angel (qu’il ne pouvait pas encadrer au début). Et quand Dutch raconte à ses amis qu’il a été obligé d’abandonner Angel mais que celui-ci n’a rien révélé de leur accord concernant une caisse de fusils, Lyle convient que le Mexicain a un sacré cran. Le vieux Sykes, lui, est un vestige du passé. Un vétéran de l’époque héroïque du Far-West où un homme libre pouvait parcourir des centaines de kilomètres sans rencontrer personne. Il a travaillé avec Pike et Deke Thornton au temps où ils étaient tous amis. Malgré son allure de clochard, il connaît son boulot en vrai professionnel. D’ailleurs, ce n’est que plusieurs jours après le hold-up raté qu’il demande à Pike si son petit-fils, Crazy Lee, s’est bien comporté et a abattu sa part de travail comme les autres. Estimant que son chef avait d’autres choses à penser, il n’a pas voulu lui apporter un souci supplémentaire à gérer. Quand Pike lui répond que son petit gars s’est bien débrouillé, le vieil homme émet un grognement satisfait. Il sait que son petit-fils est mort mais il n’a pas à rougir de sa descendance. C’est un véritable hors-la-loi à l’ancienne qui ponctue souvent ses phrases d’un ricanement homérique.

Angel semble le plus réservé de l’équipe et n’est pas un bandit au sens strict du terme. Il ne mène cette vie que pour gagner un peu d’argent pour la survie de son village. Il avoue d’ailleurs à ses compagnons que sa famille et ses amis ignorent tout de ses activités en dehors du village. Il respecte les traditions ancestrales mexicaines et désire ardemment se venger de Mapache, l’assassin de son père. Tiraillé entre le désir de suivre ses camarades et le refus de fournir son pire ennemi en armes et en munitions, il renonce à sa part de butin en échange d’une caisse de fusils destinée aux révolutionnaires.

Général d’opérette, Mapache rêve sans doute de devenir un Napoléon mexicain. Malheureusement, il ne voit qu’un poivrot en uniforme quand il se regarde dans un miroir. Cette évidence consternante le plonge dans une neurasthénie alcoolique parfois suivie de dangereuses colères. Bourré en permanence, plus habile en pinçage de fesses qu’en stratégie militaire, il lutte difficilement contre les troupes de Pancho Villa et pense que des fusils plus modernes pourraient lui procurer un avantage certain. Il se révèle surtout comme un sadique hors normes. Quant à Deke Thornton, il oscille entre des sentiments contradictoires. On ne sait pas clairement s’il en veut à Pike de l’avoir abandonné mais il doit remplir une mission : mettre un terme aux agissements de son ancien ami en échange de sa liberté. Il ne veut surtout pas retourner en prison mais sa tâche le dégoûte. D’autant plus que la Compagnie des Chemins de Fer lui a flanqué un ramassis de chasseurs de prime dépenaillés qui ne valent pas un clou. Quand Coffer, le chef de ces clodos, lui demande quel genre d’homme est Pike, Deke répond sans hésiter : « Le meilleur ! ». Il éprouve encore de l’admiration pour Pike et préférerait sans doute chevaucher avec lui qu’avec ce troupeau de gibiers de potence. De leur côté, Coffer et T.C. (les deux chasseurs de prime les plus représentatifs) rivalisent de crasse, de nullité et d’ignominie. Le plus drôle, c’est que Coffer arbore un magnifique crucifix en bois sur sa poitrine. Dès qu’ils flinguent un mec, ils se précipitent pour le dépouiller jusqu’au caleçon. Ils s’engueulent souvent pour savoir lequel d’entre eux a plombé le pauvre gars. C’est d’ailleurs ce qui se passe en pleine rue après le hold-up raté. Coffer traite T.C. de sale menteur mais l’affrontement viril se transforme en scène de ménage, le pauvre T.C. balbutiant d’un ton pleurnichard « Tu ne devrais pas me parler comme ça ! ». On peut donc se demander si ces deux types, qui constituent un tandem de choc (si l’on peut dire), ne forment pas non plus un gentil petit couple. Les acteurs Strother Martin et L.Q. Jones ont eux-mêmes orienté cette scène dans ce sens et Sam Peckinpah les a laissé faire, trop heureux d’ajouter une ambivalence de plus. Tous ces personnages compliqués et de mentalité différente procurent donc au spectateur une foule de sentiments variés allant de l’attachement à la haine. Cependant, un point commun les rassemble inévitablement : ils ont tous recours à une violence extrême pour se tirer d’affaire.

 

UNE VIOLENCE STYLISÉE

 

Cette violence tant décriée, Sam Peckinpah l’a filmée brutalement mais aussi de manière esthétique et intelligente. On pourrait presque parler de chorégraphie. Bien sûr, les corps criblés de balles tournoyant au ralenti et les jets d’hémoglobine sont devenus sa marque de fabrique. Le vieux Sam a quasiment inventé le réalisme violent à l’écran et à ce titre, le cinéma d’action moderne lui doit énormément. Mais la puissance de Peckinpah réside aussi dans ce qu’il suggère. Peut-être même davantage que dans ce qu’il montre. « La Horde Sauvage » fourmille de plans rapides, provoquant un choc subliminal chez le spectateur, et tout aussi efficaces qu’une séance de fusillades. Un vautour juché sur la poitrine d’un soldat mort. Pike enlevant sèchement un morceau de châle accroché à un étrier, seul vestige de la femme écrabouillée par son cheval quelques instants plus tôt. La voix rocailleuse d’un chasseur de prime qui demande qu’on lui passe un couteau car il vient de repérer une dent en or dans la bouche d’un cadavre. Il y a aussi des séquences un peu plus longues et marquées par une violence inouïe. Mapache, complètement ivre, chassant méchamment les pleureuses qui portent le corps de Teresa. Pike achevant un de ses hommes, blessé au visage, et qui ne peut plus tenir en selle. Des enfants qui courent dans la rue principale juste après le hold-up sanglant et qui tirent sur les corps étendus à coups de pistolets imaginaires. Oui, la violence existe ! Elle fait même partie de la vie de tous les jours. Sam Peckinpah ne la glorifie pas, il tente au contraire d’en dégoûter le spectateur. Mais sa manière de filmer témoigne d’un talent particulier jamais égalé.

 

UN STYLE CINÉMATOGRAPHIQUE SUBTIL

 

Sam Peckinpah n’excelle pas seulement dans les scènes d’action spectaculaires. Il sait aussi instaurer une ambiance qui captive le spectateur, qui le remue au plus profond de son être ou l’émeut aux larmes. Les deux scènes majeures d’ouverture et de fin de « La Horde Sauvage » témoignent de cette manière de filmer tout en finesse. Au tout début, l’arrivée de cavaliers militaires en ville est alternée avec un groupe d’enfants s’amusant à plonger des scorpions au milieu d’un monceau de fourmis et le prêche d’un pasteur ennemi de la bouteille devant un parterre de bigots. Le générique est souligné par un arrêt de l’image, transformée à la façon des vieilles photographies d’antan. On ne sait pas trop où on va. Qui sont ces soldats et pourquoi pénètrent-ils dans les bureaux de la Compagnie des Chemins de Fer ? Soudain, le chef de l’escouade saisit un employé par le col et le balance contre le mur. Pike apparaît en gros plan et ordonne d’une voix dure « If they move, kill’em ! » (« S’ils bougent, tuez-les ! »). L’image se fige en noir et blanc sur son visage déterminé. Là, on a compris ! Une autre séquence nous montre l’activité fébrile qui règne sur le toit du bâtiment d’en face. Un gros moustachu tiré à quatre épingles s’agite et secoue un homme qui dort, le chapeau enfoncé sur ses yeux. Deke Thornton s’étire et inspecte calmement le bas de la rue. Les autres types qui les accompagnent sont sales, poisseux, carrément crasseux et armés jusqu’aux dents. Au loin, une fanfare se met en marche pour accompagner la procession de la Ligue Antialcoolique qui va passer juste à cet endroit. On se doute que quelque chose d’horrible risque de survenir. Dans le même temps, les membres de la « Horde Sauvage » comprennent qu’on les attend à la sortie. Pike donne ses ordres pour le repli et fixe Dutch qui hoche calmement la tête. Ces professionnels ne paniquent pas pour si peu. Sur le toit, ce n’est pas la même chanson. Les chasseurs de prime paraissent haletants et mal assurés. Leur chef, Coffer, embrasse le canon du fusil qu’il étreint en tremblotant. On se demanderait même s’il n’est pas en train d’expédier des boulettes de chocolat dans son calebar (si toutefois il en porte un). Cette nervosité extrême tranche avec le calme de Deke Thornton, habitué à ce genre de situation. Le rythme s’accélère soudainement avec des plans alternés des visages des chasseurs de prime et des bandits. La musique de la fanfare se rapproche inexorablement tandis que s’amplifie le battement sourd d’un cœur qui bat la chamade. Le spectateur retient son souffle en se cramponnant à son fauteuil. Maintenant, le massacre peut commencer ! On en est presque soulagé car cette attente devenait insoutenable. On réalise alors l’immense talent de Sam Peckinpah. Arriver à un tel niveau de tension relève du grand art !

La fin de « La Horde Sauvage » est filmée avec encore plus de subtilité et de lyrisme. Pike, Dutch, Lyle et Tector retournent au camp de Mapache, l’équipe de Deke Thronton sur leurs talons. Ils demandent à Mapache de libérer leur compagnon Angel mais le Général les éconduit de façon hautaine et provocante (notons quand même au passage qu’il perd légèrement de sa superbe devant le regard féroce que lui décoche Pike). Tandis que Pike et les frères Gorch tentent de trouver l’oubli dans la tequila et les charmes des femmes mexicaines, Dutch taillade furieusement un bout de bois, assis en plein soleil. Un moment après, Pike termine sa bouteille et rejoint Lyle et Tector. Il les dévisage chacun leur tour puis leur lance un « Let’s go ! » (« Allons-y ! ») péremptoire. Là, on sent qu’il va y avoir du grabuge ! Lyle regarde son frère puis Pike et répond « Why not ? » (« Pourquoi pas, »). C’est le moment où tout bascule. Des frissons parcourent l’épine dorsale du spectateur. Deux répliques ! Deux répliques seulement et quelques gros plans des visages ont suffi à instaurer ce climat poignant là où bien d’autres réalisateurs auraient opté pour une longue tirade. Dehors, les trois hommes sont accueillis par le sourire carnassier de Dutch qui a compris ce qui se passe, rien qu’en les regardant. Le quatuor se barde de flingues et de munitions puis marche de front vers la fiesta du Général au son d’une ballade mexicaine mêlée de tambours militaires. D’une façon ou d’une autre, on sait que ça va barder. Le spectateur transpire à grosses gouttes. L’irruption des quatre pistoleros jette un méchant froid à la fête de Mapache. Sommé de libéré Angel, il fait mine de céder mais, exalté par l’alcool et rassuré par la présence des soldats qui l’entourent, il égorge le pauvre diable. Pike et Dutch le descendent alors séance tenante. Et c’est la surprise ! Les Mexicains restent figés sur place, peu désireux de se prendre une bastos gratuite. Personne ne bouge. Le temps est suspendu. On entendrait une souris péter. Les quatre hors-la-loi s’échangent un regard dubitatif, lâchent un sourire. On dirait qu’ils vont s’en sortir. Le spectateur ne remue même plus un orteil, tétanisé par le suspense. Puis Pike se retourne, aperçoit le Prussien en grande tenue et… le dégomme soudainement, entraînant ses amis dans une bataille épique et sanglante.

Détonations assourdissantes, rafales de mitrailleuse, nuages de poussière, explosions de grenades, corps ensanglantés volant dans tous les sens, blessures en gros plans… tout y passe ! Un morceau de bravoure sans précédent !

La vision ralentie de Lyle (tirant à la mitrailleuse et hurlant sa douleur et sa colère tandis que des impacts de balles maculent sa chemise blanche d’un sang écarlate) va marquer les mémoires à tout jamais. Á un moment, la caméra prend de la hauteur et on assiste à la scène au travers des jumelles de Deke Thornton. Vu d’en haut, le spectacle est encore plus saisissant. Et on ressent presque les émotions de Deke qui donnerait cher pour descendre là-bas et prêter main forte à son ancien pote. Tout au long de ce combat spectaculaire, on a le souffle coupé. On exulte quand les quatre survivants de la Horde Sauvage envoient des soldats au tapis. On tremble quand ils reçoivent une balle. On espère qu’ils vont s’en tirer. Et Sam Peckinpah a réussi ! Oui, il a réussi à transformer ces bandits en héros avec le spectateur entièrement rallié à leur cause. Un tour de force ! Oui, on espère qu’ils vont survivre. Allez, au moins un ! Mais Peckinpah n’est pas un réalisateur à l’eau de rose et la logique reprend le dessus. La lutte est trop inégale. Blessés, amoindris, les quatre outlaws se retrouvent en fâcheuse posture. Le regard échangé par Pike et Dutch en dit long. Pike hurle un furieux « Come on, you lazy bastards ! » mais le Destin est en marche. Les deux frangins sont collés au mur par une rafale de plomb. Secoués par d’innombrables impacts, ils ne s’effondrent qu’au bout d’une bonne minute. Pike fait un carnage avec la mitrailleuse, encouragé par Dutch qui l’exhorte à buter tous ces pourris. Mais il finit par tomber sous les projectiles (dont un tiré par un enfant en uniforme, tout un symbole !), sa main crispée sur la poignée de l’engin mortel, tandis que Dutch se précipite péniblement vers lui. Á cette hécatombe succède un silence de marbre, seulement troublé par la voix tremblante de Dutch qui prononce le nom de son copain juste avant de rendre l’âme. Depuis le début, on a chevauché avec eux, on s’est battu avec eux. On a vibré et vécu avec eux. Et là, c’est fini. Ils sont morts. On en a la gorge serrée, les tripes nouées.

Au cinéma, il est rare de voir autant de génie concentré en si peu de temps. Ensuite, les séquences suivantes sont réalisées tout en subtilité et en suggestions. La mélancolie et la tristesse remplacent l’action et la violence. Deke découvre le corps sans vie de celui qui fût autrefois son ami. Il le regarde d’un air triste et désolé, sachant au fond de lui que cette mort était inévitable. Il s’empare du colt de Pike et s’éloigne tristement. Les chasseurs de prime embarquent les dépouilles des membres de la Horde Sauvage, Coffer à leur tête, coiffé du chapeau de Tector. Deke reste adossé à un mur en ruines, le visage balayé par le vent du désert, les narines emplies de l’odeur des cadavres commençant à mûrir au soleil. Soudain, on entend des coups de feu dans le lointain. Un moment après, Deke aperçoit le vieux Sykes qui se pointe avec le chef du village d’Angel et une poignée de péones. Là, on comprend que les chasseurs de prime n’ont pas été bien loin et que Pike et ses amis ont eu la sépulture qu’ils méritaient. Le vieux Sykes demande à Deke Thornton ce qu’il compte faire. Devant sa réponse évasive, il lui propose de se joindre à sa nouvelle bande qui compte bien donner un coup de pouce à la Révolution. Deke accepte sans hésiter et repart avec le vieux Sykes qui éclate d’un ricanement gras et moqueur. Des images de Pike et de ses amis en train de rire viennent se superposer puis, dernier moment d’émotion, on revoit le départ des hors-la-loi du village d’Angel. La vieille ballade mexicaine retentit à nouveau. L’image se fixe et le générique de fin commence à défiler. Les lumières se rallument. Le spectateur met un certain temps à se lever de son fauteuil. Quand « La Horde Sauvage » a été projetée pour la première fois, bon nombre de gens en sont ressortis choqués, remués, abasourdis. On comprend aisément pourquoi. Le style particulier de Peckinpah, fait de force et de puissance mais aussi de finesse, frappe donc le spectateur au creux de l’estomac. Mais son talent lui a aussi souvent permis d’insérer bon nombre d’allusions plus ou moins déguisées dans ses films.

 

SYMBOLES, CLINS D’ŒIL ET RÉFÉRENCES

 

« La Horde Sauvage » regorge d’allégories finement placées. Ainsi, dès le début, Sam Peckinpah propose une image forte. Des enfants s’amusant à plonger des scorpions au milieu d’une fourmilière. Le message est clair : tout le monde porte en lui une violence intérieure depuis le jour de sa naissance. De plus, cette séquence préfigure le dénouement final. Les scorpions symbolisent les bandits, puissants et dangereux, qui finiront par être balayés par leurs ennemis (les fourmis représentant l’armée mexicaine) plus faibles mais bien plus nombreux. De même, l’automobile du Général Mapache souligne l’avance inexorable et inévitable du progrès. Et ce n’est pas non plus un hasard si les membres de la Horde Sauvage s’attaquent à la Compagnie du Chemin de Fer, symbole de la civilisation en marche. Par le biais de quelques clins d’œil habiles et rapides, Sam Peckinpah égratigne au passage la Ligue Antialcoolique (il a toujours été un buveur notoire) et l’hypocrisie de la religion (les bigots à l’air revêche écoutant leur pasteur, la diatribe de Mapache envers les pleureuses et leurs prières inutiles, le crucifix porté par un tueur sanguinaire). Une référence historique doit être également signalée. Quand Dutch demande à Pike où il déniché le vieux Sykes, Pike lui répond que le vieil homme a refroidi en son temps pas mal de types du côté de Langtry. En voyant la bouille du vieux Sykes, sa barbe jaunie et son regard malicieux, impossible de ne pas penser au légendaire juge Roy Bean. Enfin, Peckinpah évoque la jeunesse et l’innocence à jamais perdues, traumatisme qui hante chacun d’entre nous. Quand Pike regarde Lyle et Tector s’amuser comme des gosses devant le tour qu’exécute une jeune et jolie Mexicaine avec une ficelle, il n’en croit pas ses yeux. Le vieux chef du village lui lance alors cette phrase significative : « Nous rêvons tous de redevenir des enfants, même les pires d’entre nous. Surtout les pires d’entre nous ! ». Des allusions de ce genre, il y en a bien d’autres dans « La Horde Sauvage » et il appartient à chacun de les découvrir selon sa sensibilité. Elles nous renseignent aussi clairement sur les opinions de Sam Peckinpah.

 

LES THÈMES DU VIEUX SAM

 

Le réalisateur a évoqué pas mal de thèmes tout au long de sa filmographie mais ils sont tous réunis dans « La Horde Sauvage ». Tout d’abord, l’essentiel, le fondamental. La LIBERTÉ nécessaire à tout homme qui se respecte et qui donne de la saveur à la vie. Ensuite, sa contrepartie. La dénonciation de la société et de sa violence de masse organisée. Entre la violence des marginaux et celle des soi-disant gardiens de l’ordre, la frontière semble bien mince. Seule une légalité toute relative fait pencher la balance. Ainsi, Deke Thornton demande au directeur de la Compagnie des Chemins de Fer quel effet cela fait d’être du bon côté de la loi et d’agir en toute impunité. Le gros parvenu répond sans détours que cela fait un bien fou. L’amitié prévaut également dans ce film sauvage et reste solide même si la trahison pointe quelquefois le bout de son nez. En fait, Deke Thornton ne poursuit Pike Bishop que contraint et forcé. Lors de l’embuscade, il le tient au bout de son fusil mais il fait exprès de le manquer. Et sur le pont, il épaule sa Winchester mais hésite à faire feu. Quant aux survivants de la Horde Sauvage, ils restent solidaires à travers les épreuves, malgré quelques grosses disputes. D’ailleurs, on retient davantage leurs éclats de rire que leurs coups de gueule. Ce sont leurs affinités, bien plus fortes que leurs divergences, qui les poussent justement à tenter de sauver Angel au péril de leurs vies.Bien plus qu’un film d’action, « La Horde Sauvage » est avant tout une histoire d’amitié. Sam Peckinpah nous expose également sa vision pessimiste de l’amour qui semble n’apporter que des ennuis, notamment à Pike (qui s’est pris une balle dans la cuisse il y a des années pour une histoire de femme) et à Angel (qui se retrouve dans un fameux merdier à cause de sa passion exacerbée pour Teresa). La nostalgie de la fin d’une époque est également évidente. Nous sommes en 1913 et l’Ouest traditionnel n’existe plus depuis longtemps. Les vieux hors-la-loi épris de grands espaces n’ont plus leur place dans cette société moderne qui a changé les codes de l’honneur et… de la violence. Seul le Mexique semblerait porter promesse d’aventures pour des hommes libres et vigoureux. C’est ce que pense Pike qui emmène tout son petit monde à la poursuite du rêve mexicain. Mais là-bas, il retrouve son vieil ennemi, le progrès. Une automobile transporte le Général Mapache, lui-même courtisé par des conseillers militaires allemands (la Première Guerre Mondiale se profile à l’horizon). Piégé par le modernisme, Pike n’aura d’autre solution que celle de finir en beauté.

Sans faire l’apologie de la criminalité ou du gangstérisme, Peckinpah suggère que seul le refus de toute convention sociale peut sauver un homme digne de ce nom. Enfin, tout l’amour qu’éprouvait Sam Peckinpah pour le Mexique illumine de nombreuses séquences de « La Horde Sauvage ». On est submergé de paysages grandioses et magnifiques, inquiétants et sauvages. On est noyé sous des gros plans de visages burinés et pittoresques, porteurs de bien des histoires. Peckinpah a tourné son film dans la région où Pancho Villa avait installé son quartier-général et a engagé de nombreux paysans locaux en qualité de figurants. Ce film reflète complètement l’admiration qu’il ressentait pour ce pays et dont il ne s’est jamais départi (il a encore rendu hommage au Mexique avec « Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia », une œuvre injustement incomprise). D’ailleurs, quand les survivants du hold-up sanglant s’apprêtent à traverser le Rio Grande et que Tector affirme que le Mexique ressemble au Texas, Angel lui rétorque avec passion qu’il ne sait pas regarder. Sam Peckinpah a donc laissé de nombreuses pistes de réflexion à la disposition du spectateur. Mais est-on vraiment certain du message qu’il voulait faire passer ?

 

UNE MORALE INCERTAINE

 

Au sujet de « La Horde Sauvage », on a dit et écrit beaucoup de choses : apologie de la violence, nihilisme, fascisme, folie destructrice, coup de génie. Il est sûr que ce film n’a laissé personne insensible. Beaucoup de gens ont tenté de trouver une morale à cette œuvre renversante. Certains y ont vu une dénonciation de la guerre du Vietnam. Pourquoi pas ? Le film étant sorti en 1969, il n’y aurait rien d’étonnant à cela. D’ailleurs, Sam Peckinpah n’a jamais démenti ouvertement cette hypothèse. On pourrait aussi voir dans « La Horde Sauvage » le symbole de la lutte ancestrale entre l’individu et le groupe, entre le marginal et la société. La liberté ou la mort ! Là, on frôle l’idéologie anarchiste. Mais, après tout, le vieux Sam aurait pu arborer le drapeau noir sans problème. D’autres ont parlé de rédemption (un groupe de hors-la-loi ne vivant que pour eux-mêmes font, pour la première fois de leur vie, quelque chose pour quelqu’un d’autre). Oui, ça se tient… seulement d’un point de vue catholique. D’autres encore ont avancé la notion de sacrifice.

Mais quelqu’un a-t’il pensé au suicide ? Il faut bien souligner que, quand les quatre compères décident de rendre une petite visite à ce Général de pacotille, ils n’ont aucune intention de se faire descendre. Ils marchent tranquillement, sûrs de leur force et de leur habileté au combat. Après avoir plombé Mapache, ils ne rencontrent aucune résistance. D’abord surpris, ils se mettent à sourire car ils ont la situation bien en main. Mais Pike, lui, ne sourit pas. Incrédule, il se retourne et aperçoit l’officier allemand. Son visage se crispe et il pète une durite. Á ce moment là, que se passe t-il dans sa tête ? Réalise t-il que tout le monde est bien content car, Mapache mort, il y a de la promotion dans l’air ? Comprend-il que ce système corrompu ne s’arrêtera jamais ? Veut-il terminer sa carrière en beauté ? En tout cas, il tire dans le tas. Et c’est lui seul qui décide du massacre final. D’ailleurs, juste après ce coup de feu, le visage de Dutch affiche une totale incompréhension. Pike fout ses potes dans la merde ! Bien sûr, les trois autres dégainent et flinguent à tout-va par réflexe, par esprit de vengeance ou par fidélité. Mais c’est Pike l’instigateur de cette tuerie. Et il sait par avance où cela va tous les mener : à la destruction finale ! Pike semble avoir fait sienne la maxime du célèbre écrivain Ambrose Bierce qui déclarait dans sa dernière lettre : « Être un gringo à Mexico, ça c’est de l’euthanasie ! ». Il se suicide sans oublier d’emmener un paquet de salopards avec lui, y compris ses amis. Voilà une théorie bien séduisante ! Et qui n’aurait sans doute pas déplu au vieux Sam. Pour finir, bon nombre de personnes ont taxé ce film de profondément pessimiste.  Pessimiste, il l’est par certains côtés. Mais par certains côtés seulement. Car, à la fin, il y a une lueur d’espoir. Oui, à la fin, il y a un gagnant. Et qui ça, Messieurs-Dames ? Mais le vieux Sykes, voyons ! Le vieux Sykes qui se tape sur les cuisses avec son rire de pochard. Le vieux Sykes qui a survécu à tout ce foutoir. Le vieux Sykes qui a récupéré Deke Thornton et qui compte bien donner encore du fil à retordre aux autorités. Le vieux Sykes qui leur enfonce profondément à tous un doigt quelque part où le soleil ne brille jamais. Anachronisme vivant, survivant rebelle et indompté, il repart avec sa nouvelle bande vers de nouvelles aventures. Pour lui, l’heure de la retraite n’a pas encore sonné. Le message est évident : dans la lutte pour la liberté, certains tombent tandis que d’autres continuent le combat. Finalement, « La Horde Sauvage » est un film tellement complexe que chacun pourra y trouver la morale qui lui convient, ce qui est assurément la marque d’un grand maître du septième art.

 

EPILOGUE

 

Calibrée au départ sur la base d’un budget initial de 3,5 millions de dollars et d’une durée de 70  jours de tournage, « La Horde Sauvage » a largement enfoncé ces prévisions. Le film a totalisé un budget final de 6 millions et a nécessité 81 jours de travail.  La Warner aurait pu stopper Sam Peckinpah dans son élan, évitant ainsi ces dépassements outranciers. Mais le directeur de la compagnie avait vu les premiers rushes du réalisateur et avait ressenti la puissance dégagée par ces quelques images. Peckinpah a donc disposé de toute la liberté nécessaire pour réaliser un chef-d’œuvre. « La Horde Sauvage » a engrangé plus de 10,5 millions de bénéfices, se plaçant ainsi dans les meilleurs films du box office de 1969. Cette œuvre cinématographique atypique a consacré Sam Peckinpah en tant que réalisateur de talent mais l’a aussi affublé d’une réputation de fasciste et de fou. Beaucoup de gens lui ont souvent reproché son approche esthétique de la violence.

Mais il y a fort à parier que ces mêmes personnes soient retournées voir ce film si odieux parce qu’elles n’avaient pas bien vu le gros type se faire truffer de plomb à la dix septième minute. Le voyeurisme, ça a du bon. Conscient de ce paradoxe et de cette hypocrisie, il déclarait : « On me reproche toujours de mettre de la violence dans mes films mais quand je n’en mets pas, personne ne va les voir ! ». Sam Peckinpah n’aura plus jamais l’occasion de travailler sur un tel projet. Il passera le reste de sa vie à vider des bouteilles tout en réalisant des films géniaux qui connaîtront des échecs retentissants. Cependant, avec « La Horde Sauvage », il a pu appliquer un principe honorable qu’il avait déjà évoqué dans « Ride the high country » (« Coups de feu dans la Sierra ») : rentrer chez lui la tête haute (« enter his house, justified ») ! Si le cinéma existait bien avant « La Horde Sauvage », après ce film superbe, il n’a en tout cas plus jamais été le même.

 

Olivier Aubry