En passant dans l'exposition Balthus aux écuries du Quirinal (Rome) le 5 décembre 2015
© Harumi Klossowski de Rola
courbée sous la lumière
faut-il t’attendre la jambe
tendue pour que ma hanche
écarte le drapé et montre
quel amoncellement ou
disparate c’est ta tête
ombrée et ta main tient
la carte comme ton rêve
allume la bougie contre
la flamme ce gilet rouge
plein d’ombres dans ton
visage tes cheveux tombent
de noirceurs ta vie m’illumine
les pattes de la table jouent avec celles du fauteuil
et du tabouret : ce jeu de jambes comme reprise
du jeu de cartes : nous jouons la vie arrêtée
La patience, 1943
se pencher sur le gouter comme si
la nature morte animait le désir
les pommes poussent et le conte
tranche le regard perce jusqu’à
boire ce vin lourd sur les vagues
de la nappe blanchie bientôt maculée
tu vois que je mange beaucoup
quand tu me
prends vite
Nature morte avec un personnage, 1940
elle lit et voit
les deux chaussettes rouges
jusqu’au cœur des triangles
:
tes obliques dessinent
quel rouge
c’est mon délire
La chambre, 1947-1948 (Washington)
faire voir mais le chat
se tourne vers mon démon
et tu rougis de tous tes débordements
d’extasiée je te caresse sans râler
La chambre, 1952-1954
bien te voir en face et trouver la texture
d’un chandail bleu-vert comme pour effacer
le visage et étaler ton sourire
puis venir dans tes deux mains
jointes posées sur le jaune
dormir dans le dessin comme
s’enfoncer dans ton rêve d’épaisseur
où les plis crient dans l’ouate
de nos jouissances non pas voir
mais t’écouter encore longtemps
avec la lumière autour le papier
pour te voir comme endormie
tu es ma petite fille si je suis
ton genou et je lève la jambe
pour toucher tes yeux autant
de fois que nous aimons le faire
je n’attends pas si tes yeux
Colette de profil, 1954
© Harumi Klossowski de Rola