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Date de création : 11.04.2010
Dernière mise à jour :
13.02.2025
1317 articles
Vient de paraître
1920-2020. Cent ans de militantisme dans les Pyrénées-Orientales
Réalisé par l’Amicale 66 des Vétérans du PCF et de la mémoire militante, ce recueil de 115
pages, illustré de photos d’archives, inclut les biographies, récits de vie et articles sur le
centenaire du PCF, parus au cours de l’année dans le Travailleur Catalan.
« Emaillées d’analyses ponctuelles sur tel ou tel choix marquant un moment fort de notre
histoire, ces belles pages, ces tranches de vie, nous disent que l’humilité, le courage,
l’intelligence et la fraternité sont le berceau des combats universels : la paix, la liberté, la justice
sociale, l’émancipation de l’être humain, le communisme. » Extrait de l’avant-propos.
Le recueil, en souscription à partir de 10 €, peut être commandé dès maintenant :
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Antoine Sarda, à droite, avec Miguel Estrella
Antoine Sarda, fidèle à ses idéaux
Communiste de toujours et pour toujours, élu au long cours, passionné d’histoire, de littérature et d’arts, Antoine Sarda a créé le festival d’Estagel qui, dès 1983, rendit la commune célèbre.
Fils de viticulteur, né à Tautavel en 1940, Antoine Sarda fit des études à l’Ecole normale d’instituteurs et sitôt sorti, occupa un premier poste d’enseignant à Planèzes. Il fit ensuite son service militaire en Afrique dans le cadre de la coopération. Il racontait à ce sujet qu’il y avait découvert le colonialisme, et aussi des idées fortes qui lui restaient chevillées au corps, celles de l'internationalisme, de la lutte des classes et du sort des peuples opprimés. Devenu, à son retour, enseignant au collège d’Estagel, c’est tout naturellement imprégné de ces idées qu’après les événements de mai 68, il adhère en 1970 au parti communiste. Un peu plus tard, il milite aux côtés d’André Tourné, de René Constantin et de ses camarades communistes pour la victoire du Programme commun de la gauche.
Elu de longue date et pour longtemps
Reconnu et apprécié par la population du canton de Latour de France, il est brillamment élu conseiller général au premier tour en 1976. L'année suivante, il remporte l'élection municipale d'Estagel et devient le maire de la commune de naissance de François Arago. Il est élu et réélu conseiller général pendant 32 ans et maire d'Estagel pendant 24 ans. Il est même devenu, sur proposition de l'état et du conseil municipal Maire Honoraire d' Estagel en 2013. Cette longévité a fait de lui un élu incontournable dans le canton et le département. Un de ses camarades de collège écrivit au moment de sa disparition : « Plus que maire, il était le village. L’accent, la voix profonde, le physique massif, les gestes délicats et surtout le petit air malin… ».
Antoine Sarda a toujours géré avec intérêt les dossiers du canton et appréciait son travail avec ses collègues du Conseil général. Mais il estimait avoir véritablement pris toute sa dimension départementale en tant qu’homme de culture, d'ouverture d'esprit et d'initiatives, en devenant Vice-président du Conseil général chargé des affaires culturelles, auprès du président Christian Bourquin pendant près de 10 ans. Il s’acquittait de cette fonction ave l’élan et la générosité du passionné qu’il était, avec une vigueur et une intransigeance qui lui valurent parfois des inimitiés. Mais aller de l’avant, s’engager à fond, c’était « son job ». L’œil ouvert sur le département, il s’intéressa notamment au Musée d’Art moderne de Céret, au Château-musée de Bélesta, au musée de préhistoire de Tautavel… Il suivait attentivement le destin du train du Pays cathare et des Fenouillèdes, et soutint un nombre incalculable d’autres initiatives, petites et grandes.
Le festival d’Estagel
Professeur d’histoire et fin connaisseur des philosophes grecs, Antoine Sarda lisait avec passion Rousseau, (son Dieu), Hugo, Proust, La Bruyère, Aragon… Il était fou d’opéra. Et c’était primordial pour lui de faire partager ses goûts. Si bien qu’avec le concours de Roger Payrot, son complice, il créa en 1983 le festival d’Estagel. Un événement considérable pour une commune de 2000 habitants. Plusieurs lieux de la ville y étaient consacrés : la halle du collège, la chapelle Saint-Vincent, les jardins. Opéras, théâtre, concerts, poésie, animations et multiples rencontres, à la guinguette, notamment, en étaient le quotidien. En 1990, Guy Jacquet mit en scène La Tosca, avec Daniel Tosi à la baguette. Une autre fois ce fut Danièle Catala pour Lakmé. Le théâtre y accueillit, entre autres, Anne Clément. Roger Payrot écrivit des pièces qui y furent jouées. En 1991 ce fut l’année Mozart .Les spectateurs, habitants des Pyrénées-Orientales mais aussi vacanciers très nombreux, s’y pressaient, et on refusait des places. Pendant plusieurs années, il y eut aussi deux autres festivals de trois jours, en hiver et au printemps. Résumant l’esprit de cet extraordinaire événement, Pierre Agudo écrivait dans l’Humanité du 16 août 1990, sous le titre A la santé de Madame Tosca : « En terre catalane, festival s'accorde avec Estagel. "Marier le rock et Puccini, le théâtre de rue et le théâtre de texte, les brochettes et l'électro-acoustique, la figuration libre et le petit Muscat frais, ce n'est pas associer la carpe et le lapin, c'est retrouver la saveur des plats régionaux riches de rencontres confondantes" Le mot de son président Roger Payrot situe ce huitième Festival d'Estagel qui vient de s'achever sous la devise: Divers plutôt qu'éclectique». Et n’oubliant ni les plasticiens, ni la solidarité internationale, Agudo ajoutait : « Réunis par Frédéric Roulette, directeur de la Galerie de l'horloge, Campos, Margat, Fern, Kenji, Ivan, Szaler, Calcium, Murua, donnent à voir, dans cet espace Mandela où les festivaliers se retrouvent tous les soirs, pour goûter au vin des côtes de Roussillon-villages, et apprécier dans la musique quelques échantillons de leurs œuvres. » Sans oublier de signaler que les habitants d’Estagel bénéficiaient d’un pass au tarif privilégié pour un festival réalisé en priorité pour eux.
Soutien des viticulteurs, fin connaisseur du vin et du vignoble
Antoine Sarda était aussi un défenseur inconditionnel de la viticulture, et plus particulièrement des viticulteurs de la vallée de l’Agly où il résidait. Un de ses camarades raconte : « Je garderai à jamais l’image de toi, pendant la fête de l’Humanité en 1998, d’une intervention devant plus de mille personnes, pour expliquer les vins doux naturels avec ton accent et ta faconde, en défendant les vins du département et particulièrement ceux de la vallée de l'Agly. Le public composé de connaisseurs était subjugué et conquis. Par expérience, et je le sais encore plus maintenant, ton intervention a permis modestement de promouvoir nos vins. »
Avec ses camarades, il passait durant des semaines de longues heures à réfléchir, à disserter sur l'action publique, sur le militantisme. Il contribuait à alimenter Le Travailleur Aglyan, journal de la section du parti communiste. Lors de ses obsèques, en 2014, son camarade et ami Dominique Poirot évoquait ainsi ces moments : « A part François Arago, dont tu portais haut le souvenir et la défense des actions qu'il avait menées, tu soulignais te reconnaître dans la chanson de Jean Ferrat Ma France. Comme lui, tu aimais chanter. Tu affirmais que Victor Hugo et Robespierre représentaient pour toi, à la fois l'incarnation de notre devise de la révolution française, Liberté, Égalité, Fraternité, et l'une des voies à suivre pour nos combats futurs, particulièrement celui de la sixième république dont tu ne verras malheureusement pas l’arrivée. Je n'oublie pas non plus ta soif de bien comprendre Marx, et ta volonté permanente de faire partager tes connaissances aux autres. »
Dominique ajoutait : « Tu n'as pas arrêté d'être un militant actif. La semaine dernière, comme toutes les semaines, tu es venu à la section du parti communiste à Estagel pour faire le point de la situation politique internationale, nationale et locale. Comme dirigeant, tu as participé jusqu'au bout à toutes les réunions. A chaque fois, ton appréciation, tes commentaires étaient attendus par tes camarades. Antoine, nous n'entendrons plus au siège de la rue Morat, ta voix forte et rocailleuse. Les habitants d'Estagel et du canton n'auront plus l'occasion de venir discuter avec toi en toute simplicité. Crois-moi, ton souvenir restera gravé dans nos mémoires. »
Gravé aussi, et toujours debout, même s’il n’a plus le même éclat ni un public aussi nombreux, le festival d’Estagel, dont il faudra bien un jour écrire toute l’histoire, en y incluant le texte des pièces que Roger Payrot a composées pour les y faire jouer, et en nous souvenant qu’il a ouvert la voie à bien d’autres activités culturelles, actuellement vivantes et florissantes, dans notre département.
Notes recueillies par Yvette Lucas
Emile Lassalle, dit « Milet », notre centenaire
Militant dès son plus jeune âge dans le milieu agricole, il le demeura toute sa vie. Il créa un maquis, fut déporté et échappa de justesse à la mort sur un bateau allemand. Il continua à militer jusqu’à son centenaire en compagnie de son épouse Françoise qui partageait ses convictions et son action.
Paysan et militant
Né en 1905 à Thuir dans une famille paysanne, Emile Lassalle y mourut en 2008, à l’âge de 102 ans. Peu de temps avant de devenir centenaire, il allait encore chaque semaine porter à domicile le Travailleur Catalan. Son père, Jean Lassalle, radical et anticlérical, fut au début du XXe siècle conseiller municipal de Thuir. Il avait quatre frères et sa mère, Thomase Gali, était, comme beaucoup de femmes à l’époque, de tradition catholique. Emile obtint le Certificat d’études primaires à l’âge de 12 ans et se consacra ensuite aux travaux agricoles dans l’exploitation familiale. Sa famille fut très affectée par la mort d’un des fils à la guerre, un autre étant blessé à quatre reprises ; à la suite de ces malheurs la mère mourut en 1916. Tout ceci rendit Emile profondément antimilitariste. Tout jeune, il côtoya les militants socialistes de Thuir, ceux qui allaient en 1920 prendre le chemin du parti communiste. Emile Lassalle fit son service militaire au moment de la guerre du Rif (1925). Il lisait alors l’organe régional du parti communiste qui pénétrait dans la caserne. Dès son retour à Thuir il adhéra au parti communiste dont il devint un militant très actif. Pour sa part petit exploitant agricole, il s’engagea dans les luttes des ouvriers agricoles et fut chargé du secrétariat du syndicat des ouvriers agricoles de Thuir, qui adhéra à la CGTU et rassemblait en 1929-30 environ 300 adhérents. Emile Lassalle participa en 1931 au VIe Congrès national de la CGTU. En 1937, après la réunification syndicale, il était secrétaire du syndicat CGT des ouvriers agricoles de Thuir.
Il se maria en 1929 avec Françoise Salvado qui était née en 1908 dans la province de Lérida, en Cerdagne espagnole, et qui mourut en 2005, l’année du centenaire d’Emile, après une longue vie de partage, aussi bien conjugal que militant. Ils eurent un fils Armand, né à Thuir en 1929. Armand milita au PCF et fut élu au conseil municipal de Thuir Il eut deux filles. La fille de l’une d’elles, Emilie Hoerner, recueillit la mémoire de son arrière-grand-père et mit en forme son autobiographie inédite, un tapuscrit de 50 feuillets.
Emile Lassalle devint aussi, vers 1935, secrétaire de la cellule de Thuir du parti communiste, puis de l’une d’elles lorsqu’elles furent au nombre de trois. Il fut aussi secrétaire de la section de Thuir, jusqu’à la dissolution du PCF en septembre 1939. Mobilisé en 1939 dans une unité qui regroupait des « suspects politiques », il fut démobilisé en juillet 1940.
Une entrée en résistance qui « allait de soi »
Dès son retour à Thuir son domicile fut perquisitionné. Il prit contact fin 1941 ou début 1942 avec l’organisation communiste clandestine dirigée par Julien Dapère et fut un des fondateurs du des FTPF (Francs tireurs et partisans français) à Thuir. Dès le mois de mars 1943 il participa activement à la création du maquis FTPF de Caixas, le premier maquis des Pyrénées-Orientales où se réfugiaient les réfractaires au STO. Il en assurait le ravitaillement. Il rejoignit ensuite les FTPF de l’Aude et plus tard allait se diriger vers les maquis de l’Aveyron. Mais il fut arrêté à Perpignan par une patrouille allemande en juin 1944 et fut déporté en juillet 1944 au camp de Neuengamme. Devant l’avance alliée, en 1945, les Allemands déplacèrent une partie des déportés du camp de Neuengamme à Lübeck, embarquant sur trois cargos en mer Baltique quelques centaines de prisonniers parmi lesquels Emile Lassalle. Une tragique aventure maritime, un bombardement par l’aviation anglaise se produisit alors, tuant des centaines de prisonniers. Embarqué sur le troisième bateau, Emile Lassalle en sortit miraculeusement indemne. Il regagna Thuir le 22 mai 1945, ne pesant que trente-cinq kilos. Il y retrouva, aux côtés de Françoise qui n’avait jamais douté de son retour, son poste de secrétaire de la section communiste.
Un engagement profond, durable, dans la paix comme dans les malheurs.
Il fut candidat tête de liste du PCF à Thuir de 1945 à 1971, toujours sans succès, contre les socialistes Noguère et Gregory. Il fut aussi candidat, en 1945 au conseil général, là aussi battu par le socialiste. Julien Dapère le proposa pour l’ordre de la Légion d’honneur et il fut fait chevalier le 8 avril 1989 en sa qualité de soldat des FFI, résistant et déporté. Après 1945 et durant toute sa longue vie Emile Lassalle, toujours agriculteur, fut un militant communiste dévoué, très actif et très estimé. Il fut aussi durant une longue période président de l’Amicale 66 des Vétérans du PCF, continuant ensuite à assister aux assemblées générales presque jusqu’à son centenaire. Il éprouva aussi le besoin d’écrire le récit de sa vie qu’il paracheva peu de temps avant sa mort avec l’aide de son arrière-petite-fille.
Lors de ses obsèques à Thuir, en 2003, Georges Bartoli déclarait : « Oui, l’engagement d’Emile Lassalle est un engagement de classe, profond, sincère, instinctif ». Il notait aussi le caractère de ce paysan obstiné, mais discret autant que modeste, sa fidélité lucide, claire, volontaire, et la confiance qu’il savait faire aux jeunes.
Yvette Lucas
Une biographie d’Emile Lassalle est publiée dans le maitron - https://maitron.fr
Narcis Falguera. Une longue marche jamais interrompue
Officier de l’Armée républicaine espagnole, militant communiste et syndical, interné en France lors de la Retirada,Narcis Falguera devint résistant dans les rangs de l’AGE (Agrupación de guerrilleros españoles) et de la UNE (Unión nacional española). Mineur et sidérurgiste dans la France d’après-guerre, il mena ensuite à Prades une retraite active au service de la mémoire des combats et des idéaux de ses compagnons de guerre et de résistance.
Narcis Falguera est né en 1920 à Barcelone. Après ses études primaires, grâce à l’aide de son grand’père, il fit des études de commerce et de comptabilité. Il adhéra alors aux Jeunesses socialistes unifiées (JSU) et s’engagea très vite, à 17 ans, dans l’armée républicaine espagnole. Il suivit une formation à l’école des commissaires politiques puis entra à l’école militaire de Gavà. Ayant obtenu divers grades et fonctions, il combattit surtout sur le front d’Aragon, au nord de Huesca. Le 13 février 1939 un groupe de militaires dont il faisait partie fut accueilli en France par les tirailleurs sénégalais. Narcis Falguera, jeune lieutenant de 19 ans, sortit des rangs et interpella les officiers français. « C’est là, dit-il, que je suis devenu interprète. J’ai fait la présentation des officiers espagnols aux officiers français, en faisant remarquer que d’officiers à officiers on avait des égards. ».De là, il n’échappa pas aux camps : le Barcarès, Septfonds, la poudrerie de Mauzac (Dordogne), enfin Argelès-sur-Mer dont il sortit avec un Groupement de travailleurs étrangers pour construire des routes forestières dans l’Hérault. C’est alors qu’il rencontra Clotilde, son épouse, avec laquelle il eut deux filles. Ils vécurent ensemble, militant la main dans la main, jusqu’à la mort de Clotilde, un peu avant celle de Narcis.
Après la guerre, la Résistance
Au sein du Groupement de travailleurs étrangers, il participa à la constitution d’une organisation espagnole, rattachée à la Unión Nacional Española (UNE), qui entra en relation avec les premiers noyaux de résistance du secteur. Le bras armé de la UNE pour l’Hérault se constitua en 11e Brigade de guerilleros espagnols. Début juin 1944, l’Agrupación de Guerilleros españoles (AGE), composante des FFI, comptait 9 divisions.
Après la libération du sud-ouest, Narcisse poursuivit l’action avec la 11e Brigade de guérilleros qui se rassemblait à Quillan (Aude) en vue de combattre pour libérer l’Espagne. Au cours des combats connus, et notamment l’« Opération de Val d’Aran » (octobre 1944), qui échoua parce que non soutenue et non souhaitée par les Alliés, il devint chef d’état-major de sa brigade. Intégré ensuite dans l’armée De Lattre de Tassigny il fut démobilisé en mars 1945. Devenu civil, il travailla dans les mines de charbon de Graissessac (Hérault) et en Lorraine dans la sidérurgie, continuant toujours à mener des activités politiques (PCE, PCF) et syndicales (CGT). A sa retraite il s’installa à Prades avec Clotilde sans cesser de participer aux activités de ses compagnons de combat et de résistance.
Toujours dévoué aux nobles causes
En 1984, Narcis Falguera fut élu au comité national de l’Amicale des anciens guérilleros espagnols en France-FFI (AAGEF-FFI). En 1989, il en devint vice-président national, puis président entre 1995 et 2015. Il était membre du conseil national de l’ANACR. Titulaire de la Croix du combattant volontaire 1939-1945 avec barrette, de la Croix de combattant volontaire de la Résistance, de la Croix du combattant, nommé Chevalier de la Légion d’honneur en 2013.
Grand et solide, capable d’avoir résisté à bien des vicissitudes, Narcis était un homme d’une grande dignité, d’une remarquable douceur et d’une très grande force de concentration. Une attitude qui ne l’a jamais quitté jusqu’à ses derniers moments.
En 2009, au moment du 70e anniversaire de la Retirada, Narcis Falguera avait été interviewé par le Travailleur Catalan. Nous lui laissons la parole.
« La proclamation de la République, le 14 avril 1931 en Espagne, donnait au peuple espagnol l'espoir que l'ère de liberté et de démocratie dont il avait rêvé était possible. C'est pour défendre cette légalité que le peuple espagnol se leva contre les généraux rebelles en 1936. Au cours de l'année 1939, alors que la République Espagnole était écrasée par les troupes de Franco grâce à l'aide de l'Allemagne et de l'Italie, des centaines de milliers de républicains espagnols, civils et militaires mêlés, affluent en France et sont pour beaucoup d’entre eux parqués dans des camps dits de concentration. Avec un petit groupe de 180 hommes, nous fûmes affectés à la construction du Camp de concentration du Barcarès (P.-O.) qui, au rythme de l'édification des baraquements, se remplissait de réfugiés venant des autres camps de la région. L'effectif, à la fin des travaux, devrait être de 65 000 hommes environ. Malgré ces difficiles conditions de vie, les réfugiés, dont l'espoir de retourner en Espagne pour combattre sur le front du centre fut déçu, s'organisèrent en se regroupant par affinités et s'activèrent à donner un sens à leur vie concentrationnaire. A la déclaration de la guerre en septembre 1939, un certain nombre de républicains espagnols, ayant analysé la situation, considérèrent cette guerre comme la leur. Une partie des internés des camps groupés en CTE (compagnies de travailleurs étrangers) seront employés dans les fortifications de la frontière du nord-est. Lors de l'invasion de l'été 1940, des milliers d'entre eux seront faits prisonniers et envoyés au camp d'extermination de Mauthausen et ceci à partir du mois d'août 1940 !
L'effondrement militaire et politique de 1940 transforme totalement la vie de la nation française. La population est démoralisée et stupéfaite par la défaite. Malgré cela, une élite de patriotes commence à résister. Dans la France de 1940 - 1941, malgré le malheur qui les frappe, les immigrés trouvent au travers du combat résistant, une forme d’intégration. Ils savent, par expérience, ce qui est programmé pour eux : l'exclusion, la mise en esclavage, la mort. La reconnaissance envers le pays qui les avait accueillis, l'attachement aux valeurs de la France des Droits de l'Homme, fait que la lutte qu'entament les français, dans leur diversité, contre l'occupant nazi et Vichy, est bien la leur et prolonge le combat entamé, avant guerre, dans leur pays. La première manifestation des espagnols dans la Résistance active, est sans doute l'organisation, en coopération avec les services secrets alliés, des réseaux de passage clandestin des Pyrénées. A partir des camps et des lieux de travail qui leur sont imposés se constitue la base des organisations clandestines pour continuer le combat contre Franco et par là, en s'intégrant à la Résistance française, se lancer massivement dans la lutte armée, particulièrement dans le sud-ouest. Leurs unités de combat, sous commandement unifié espagnol, sont organisées sur le modèle qui avait été employé en Espagne : le XIVème Corps de Guerilleros, spécialisés dans les combats de maquis est le bras armé de L'UNE -Union Nationale Espagnole-.
A la libération, est lancée l'opération "Reconquista de España". Plusieurs unités de guérilleros espagnols franchissent les Pyrénées dans le but de provoquer un soulèvement, en Espagne, qui devait provoquer la chute du régime de Franco. On sait que cette opération fut un échec. Les républicains espagnols ne réussirent pas à entraîner les alliés à les aider à rétablir la République Espagnole ».
En 2009, Narcisse Falguera suivait attentivement les décisions prises en Espagne, qu’il jugeait encore bien insuffisantes pour tenter de rétablir les républicains espagnols dans leurs droits. Les dispositions de la Loi de mémoire adoptée en 2007 faisaient alors l’objet d’analyses et de débats approfondis afin d’explorer leurs insuffisances et la manière de les utiliser sans céder aux pressions. Cette attention à ce qui se passait en Espagne s’est poursuivie jusqu’à sa mort, survenue début 2019, l’année de ses 99 ans. Lors de la journée d’hommage à la République espagnole qui eut lieu à Ille-sur-Têt en 2011, Narcis Falguera avait conclu son allocution par ces termes :Que vive à jamais le souvenir des combattants de la Liberté ! Nous lui dédions ce salut.
Y.L.
Antoine Cayrol, Jordi Pere Cerdà en littérature
Figures militantes. Antoine, un enfant de la montagne devenu résistant, écrivain, poète, reconnu grand maître en littérature catalane.
Jordi Pere Cerda est un grand écrivain. Un très grand, même, voilà une affaire entendue. Le projet que portèrent certains de ses admirateurs, visant le Nobel de Littérature, n’avait rien de saugrenu. C’était aussi un cœur fidèle, fidèle en amitié et plus largement dans tous ses engagements. Nous avions placé en exergue du numéro spécial que le Travailleur Catalan lui a consacré peu de temps après sa disparition une phrase qui résume l’être humain qu’il était : Penso que es el gust del poble que m’ha portat a fer el que he fet i a ser el que soc[1], formule dont je soulignais alors la difficulté de la traduction (mais n’est-ce pas le lot de toute traduction, d’autant plus lorsque le texte est authentiquement original, novateur, disons poétique, dans sa langue d’origine ?). Comment entendre en effet ce « goût du peuple », qui l’avait « conduit à faire ce qu’il avait fait et à être ce qu’il était » ?
Cet amour de l’humain inscrit jusqu’à la façon dont les plus intimes l’ont toujours appelé, non pas du nom de plume, mais du nom de baptême (Jordi Pere Cerdà, c’est d’abord Antoine Cayrol) : simplement Antoine, mieux même « l’Antoine ». Poser le nom de baptême (il est né en 1920 dans une famille de sensibilité de gauche et au catholicisme de bon aloi de la campagne de Cerdagne) à son propos c’est d’ailleurs souligner la complexité de l’homme, traversé de questions et de débats qu’il aimait partager avec d’autres êtres humains friands d’authenticité comme lui, certains qui croyaient parfois au ciel, alors que lui n’y croyait pas.
Ce serait cependant amputer le personnage d’une dimension importante que ne pas mettre en relief, dans ce « goût des gens », son engagement personnel, social, politique, jamais démenti, et qui justifie sa place dans cette galerie des grandes figures communistes de son département[2]. Oui, son goût pour le peuple est passé durant toute sa vie par une fidélité, d’abord ostensible, celle du jeune homme et encore de l’homme jeune, militant, personnellement engagé dans les luttes sociales, les joutes politiques, puis plus discrète, mais toujours aussi forte, dans son temps d’homme mûr et d’écrivain tout entier absorbé par une œuvre dont il savait l’importance, sans que cela entache en quoi que ce soit sa modestie naturelle.
Jeune et résistant, épris de justice, fidèle à ceux qui sont tombés
L’engagement fut donc d’abord celui d’un militant, en des temps où les clivages politiques étaient intenses et les confrontations parfois virulentes. Durant la deuxième guerre mondiale, ce paysan et poète fut, on le sait, un résistant. Beaucoup de ses textes portent la trace de cette époque, et l’écrivain, dans les dernières années de sa vie, avait le souci de conserver la mémoire de cette période, qui fut celle ou se tissèrent les liens forts avec les communistes. L’adolescent a lu les penseurs chrétiens, Teillard de Chardin, Georges Mounin, il a suivi les articles de la revue Esprit. Pourtant, ce n’est pas dans la pensée sociale chrétienne qu’il étanchera sa soif de justice. C’est en définitive auprès des communistes qu’il trouvera sa voie. Auprès de grands noms, comme celui d’André Marty le dirigeant national aux attaches familiales et à la sensibilité catalanes. Mais aussi et surtout auprès de mentors moins connus, comme Josep Mas. Originaire de l’autre côté des Pyrénées (de la cependant voisine ville de Ripoll), ce militant participe en France à l’organisation de la résistance au franquisme, puis, dans la logique des temps, à celle au pétainisme, en particulier en créant les réseaux transfrontaliers. Son nom apparaît dans plusieurs textes, comme dans le poème Ara que l’hivern où il est celui qui fait passer la frontière à des fugitifs :
(…)Jo em recordaré d’en Mas
Passant gent fugint de França
Un dia de tempestat[3] (…)
Une pièce de théâtre, El dia neix per tothom[4], fait aussi une place explicite à celui que A. Balent qualifie de « résistant et guerrillero ».
Plus proche, essentiellement en âge, Maurice Briand, l’étudiant réfugié à Saillagouse, sera le premier compagnon de lutte : ensemble, les deux jeunes gens prendront en charge des fugitifs, en étroite liaison avec les réseaux voisins de la Haute vallée de l’Aude ou de la plaine roussillonnaise. Plusieurs de ces réseaux ont entre autres caractéristiques remarquables qu’en leur sein voisinent des hommes et des femmes d’opinions politiques ou religieuses souvent très différentes. Ainsi, Maurice Briand est catholique, et cependant le vrai premier « formateur en politique » pour Antoine. Le goût pour le dialogue et le compagnonnage, forgé en ces dures années, en particulier avec les chrétiens, ne se démentira jamais tout au long de la vie du poète[5] : cet homme de convictions ne tombera jamais dans le piège du sectarisme quel qu’il soit.
C’est enfin auprès des camarades restés inconnus de la grande Histoire, mais avec lesquels il partage le risque des missions, que se forgeront ses convictions politiques. C’est encore dans le beau Ara que l’hivern, que d’autres noms apparaissent :
(…)Jo recordaré en Joan,
Josep, Boris, i Maurici
que mori alla a Neuengamme.
(…)
Ce Maurici, mort « là-bas », à Neuengamme, semble là pour nous rappeler combien la notion d’engagement a un sens fort en ce temps de guerre.
Une guerre qui prend cependant fin, et c’est tout naturellement que celui qui a porté les couleurs communistes dans les combats devient un éminent porte parole de son parti dans les joutes politiques dans les années qui suivent la Libération. Antoine Cayrol devient alors un adversaire de certains camarades dans la clandestinité, sans que se démentent relations respectueuses et souvent amicales.
Militant communiste et écrivain, fidèlement
Les affiches électorales des années cinquante et les articles des journaux de la même décennie font ainsi voisiner Antoine Cayrol avec les autres représentants illustres du parti communiste dans le département. Guillaume Julia, dans le Haut Vallespir (il sera longtemps le maire emblématique de Saint Laurent de Cerdans), André Tourné pour la vallée de l’Agly (lui ira jusqu’à la députation). Les hauts plateaux de Cerdagne et du Capcir, géographiquement plus isolés que la vallée de l’Agly et ignorant les industries sandalières ou textiles du Vallespir, sont traditionnellement plus réticents aux idées communistes. Antoine Cayrol, s’il bénéficie d’une aura et d’une considération personnelles incontestables, n’aura pas la carrière politique des ténors locaux de son parti de l’époque. Il sera cependant élu municipal à Saillagouse, y exerçant même brièvement la fonction de premier magistrat (1952-1953), et pourra se prévaloir de scores très honorables à différentes élections, des cantonales aux sénatoriales.
Au sein du parti communiste, il est devenu membre du comité fédéral dès 1947. Son action dans cette instance reste importante tant qu’il vit en Cerdagne, jusqu’en 1958, et décroît à partir du moment où il vient habiter en famille à Perpignan. Il faut dire que sa vie personnelle et surtout professionnelle prend à partir des années soixante un chemin à la fois nouveau et exigeant : celui de l’écriture.
Il faut se souvenir, même si cette donnée a parfois donné lieu à une théâtralisation excessive, qu’Antoine Cayrol, à Saillagouse, est boucher. Il le restera d’ailleurs à Perpignan, où il commence par créer (en 1960) une boucherie dans le quartier de Saint Assiscle où il réside. Mais cinq ans plus tard il rachète la Librairie de Catalogne, mettant ainsi en harmonie sa passion pour la littérature et sa vie professionnelle, faisant aussi de ce lieu et jusqu’en 1976 et son départ à la retraite un foyer de rayonnement de la culture catalane.
Ecrivain de langue catalane, reconnu parmi les plus grands
Car s’il ne faut pas négliger son attachement indéfectible au communisme et au parti qui porte ce nom, on ne saurait non plus en oublier l’essentiel de ce qui mobilisa son énergie : la culture catalane, et plus précisément la Littérature, de ses formes d’expression les plus « populaires » jusqu’au plus « savantes »: poésie, théâtre, prose romanesque, textes d’idées… Après des premiers pas dans la poésie en langue française, et un début de correspondance avec des auteurs et éditeurs parisiens de renom, une évidence s’impose à lui : il a un besoin impérieux d’écrire dans sa langue, le catalan. Dès 1951 il a publié un recueil poétique en catalan, La guatlla i la garba,suivi en 1954 par Tota llengua fa foc.C’est toutefois dans les années soixante que commencent à s’enchaîner les publications. A la poésie s’ajoute le théâtre, avec des pièces parfois écrites dans les années précédentes, parfois plus récentes, qui trouveront peu à peu leur public : Angeleta, Tres dones i el sol… Il en est convaincu, le théâtre est le bon moyen pour apporter aux catalans culture et récupération de leur langue.La prose, ce genrequasi absent des écrits en catalan durant toute la première moitié du siècle, trouve aussi en lui un artisan exceptionnel, contes et nouvelles semblant préparer le magnifique Passos estrets per terres altes de 1998, un roman digne des plus grands.
Dans toute cette production, les considérations sociales sont toujours présentes, mais sans effet de didactisme, sans sacrifier le souffle de l‘action, le génie des images novatrices.
Créateur et innovateur, il enrichit et diversifie la langue catalane
Par contre, ce travail de création originale se double d’une autre tâche tout aussi singulière ; Cerdà a rapidement compris que le catalan « littéraire », essentiellement barcelonais, ne peut rendre compte de ses racines septentrionales ; de sorte que sa création s’accompagnera d’un vrai travail de linguiste, non pas dans le bureau du chercheur mais « en action » en quelque sorte, dans les textes : produire une œuvre, oui, mais en forgeant dans le même mouvement une langue apte à traduire faits, pensées et émotions de son « pays », qui « colle » à lui. On n’a pas encore, à vrai dire, pris la mesure de l’apport de Jordi Pere Cerdà à la langue catalane, qu’il enrichit du vocabulaire et des expressions de Cerdagne comme de ses propres trouvailles, à la manière d’un C.F. Ramuz pour le français.
Ce travail fondateur va s’exercer dans ses écrits personnels, mais aussi au sein de structures qu’il rejoint, voire crée, souvent.
Son nom est indissociable du GREC, le Grup Rossellonès d’Estudis Catalans, fondé en 1960. Le Grec jouera un rôle très important dans la valorisation de là langue et de la culture catalanes, en créant par exemple en 1969 l’Universitat Catalana d’Estiu à Prades. Jordi Pere Cerdà (il est décidément légitime de parler davantage de lui sous son pseudonyme à partir de 1960 et de son fort investissement dans l’écriture) sera directeur pendant plusieurs années de la revue Sant Joan i Barres, au sein de laquelle il crée le supplément Almanac Catala Rossellones. La mention de cet acte n’est pas anecdotique : l’almanach, n’est-ce pas la forme de l’écrit qui a été, durant des siècles, la seule à être diffusée jusqu’au plus profond des campagnes européennes, au sein de ce « peuple » si cher à Antoine ? Cette forme est explicitement destinée pour lui à favoriser l’écriture en catalan, populaire : si le communiste reste un écrivain, l’écrivain ne perd jamais de vue les objectifs du communiste…
On lui a d’ailleurs à cet égard parfois reproché un manque de prise de distance avec les options des communistes, en particulier sur la scène internationale, à l’occasion des grandes crises de l’Est. C’est assurément parce que la fidélité s’exerce d’abord pour lui auprès des êtres humains du « pays », à entendre au sens profond de terroir : pour Antoine comme pour Jordi Pere, en effet, le monde c’est « ce qu’on peut embrasser du regard ».
C’est ainsi que, sans éclat, mais avec obstination, il maintiendra ses engagements jusqu’à la fin de sa vie, le 11 septembre 2011, jour de la Diada, la fête nationale catalane !
Cet engagement, il en faisait mémoire en disant d’un tel, de sa voix douce de bon géant : « c’est un camarade » ; et toute la tendresse coulait vers l’accent mis sur le dernier « e », pas muet du tout en l’occurrence !
Antoine Cayrol, dit Jordi Pere Cerdà, fut décidément bien lui-même aussi bon camarade qu’excellent écrivain !
C&C
[1] Je pense que c’est « le goût du peuple » qui m’a amené à faire ce que j’ai fait et être ce que je suis.
[2] Les informations et données factuelles Antoine Cayrol et le communisme sont extraites de la brillante synthèse de l’historien André Balent, à laquelle on se reportera pour plus de précisions (El Mon Jordi Pere Cerdà,in hors-série « spécial J.P. Cerdà » du Travailleur Catalan, décembre 2011).
[3] (…) Je ferai mémoire de Mas, faisant passer des fugitifs de France, une nuit de tempête (…)
[4] Le jour naît pour tout le monde.
[5] Un des textes les plus émouvants du numéro spécial cité est ainsi le fait d’un prêtre…
Marcelle Farines-Sentis, un engagement précoce autant que durable
Engagée très jeune au temps de la guerre d’Espagne, Marcelle Farines, devenue l’épouse de Francis Sentis, n’a jamais cessé de militer pour son propre compte tout comme en famille.
Marcelle Farines est née à Hanoï en 1920. Son père, engagé après son service militaire dans l’Infanterie coloniale passa la durée de la Première Guerre Mondiale en Chine dans la région de Canton. Il fut ensuite affecté spécial à la Compagnie Française des Chemins de fer de l’Indochine et du Yunan. Avec son épouse Pauline Villanove il eut deux filles, Marcelle et Odette. Malade il revint en France en 1931 et s’installa à Perpignan. Nous prenons connaissance des deux filles dans le récit de Cécile Baurès lorsqu’elle évoque son action au début de la guerre d’Espagne quand elle aide les volontaires à passer en Espagne pour intégrer les Brigades internationales : « Ma sœur et moi nous avons apporté les paquets aux autobus départementaux, on a été reconnues par une femme qui a donné notre adresse et nous avons eu la visite des gendarmes. Les sœurs Farines étaient à la maison, elles venaient nous indiquer les jours de vendanges, ce sont elles qui ont prévenu mon frère qui était à la permanence du P.C… Marcelle Farines est l’épouse de Francis Sentis. ».
Une très jeune militante
Le récit publié par Georges Sentis, fils de Francis et de Marcelle, fait aussi remonter à cette époque les débuts de la vie militante de sa mère : « Elève à l’Ecole Primaire Supérieure, Marcelle milita dès 1937 ( ?) à l’Union des Jeunes filles de France (UJFF) et fut particulièrement active dans l’aide à l’Espagne républicaine. A la Libération, Marcelle fut responsable du foyer perpignanais de l’Union des jeunes filles patriotes puis de l’Union de la Jeunesse républicaine de France (UJRF). A la fin d’août 1946, une importante délégation de jeunes catalans se rendit à Paris pour participer au 1er Congrès national de l’UJRF et à la fête de l’Humanité. Marcelle écrit alors à ses parents : « Souvenirs magnifiques du premier jour de Congrès. Le défilé a été grandiose malgré une pluie battante à certains instants. Nous sommes fiers et heureux de la réussite de nos efforts. » Le défilé se terminait par une grande fête entre la Tour Eiffel et le Trocadéro. De retour à Perpignan elle raconte encore : « Il y avait le fameux Comité fédéral. Nous avons travaillé dur, tous les jeunes étaient animés de bonne volonté. Ils avaient tous des idées lumineuses. Il ne nous reste plus qu’à attendre les réalisations. »Elle relate aussi la manière dont se constitue et évolue l’organisation. Des modifications ont été apportées au Comité Fédéral. Thubert, de Bages, Jerez de Font-Romeu et Hernandez ont été élus au Comité Fédéral. Gispert a été élu secrétaire fédéral, Hernandez secrétaire à l’organisation et Vidal responsable à la propagande. Marcelle raconte encore « La journée s’est terminée par une réunion intime à laquelle assistaient les délégués au Congrès de l’UJRF et les CDH qui étaient à la fête de l’Humanité. Léo Figuères et André Tourné s ‘étaient joints à nous. Un vin d’honneur nous a été offert puis Gispert a fait un compte-rendu de notre équipée à Paris. Léo était radieux de voir un tel enthousiasme… »
Aux côtés de Francis, communiste et syndicaliste
Le 8 mars 1947 Marcelle se marie avec Francis Sentis ; ses parents les accueillent alors chez eux dans le quartier de la route de Cabestany. Marcelle et Francis auront trois enfants : Georges, Henri et Brigitte.
Mariée à Francis, Marcelle continua à militer. Elle fut pendant plus de trente ans trésorière du syndicat CGT des impôts, vivant en 1947 la situation difficile créée par la scission de F.O.
Avant guerre Marcelle avait milité avec Rose Blanc, dite Rosette, disparue à Auschwitz. Elle fut avec Francis parmi les animateurs du Comité qui œuvra à l’édification d’un monument dédié à Rosette. Elle participa comme lui à l’activité de nombreuses associations et mena à ses côtés la vie militante active d’une femme communiste consciente et déterminée, le soutenant aussi contre les vicissitudes que lui occasionnait la terrible surdité consécutive à l’accident de train subi lorsqu’il était militaire. Lorsque j’ai connu Marcelle à la fin de leur vie, alors que la maladie lui interdisait de fréquentes et longues sorties, j’ai pu constater la force de sa présence aux côtés de Francis, son intérêt de tous les instants et le partage qu’elle faisait avec lui de tous les événements politiques qui faisaient leur quotidien. Avec de temps en temps les souvenirs récurrents de cette grande fête à Paris qui l’avait tant marquée et de la période exaltante de la Libération.
Yvette Lucas, à partir des souvenirs évoqués par Georges Sentis dans « Francis Sentis, une vie au service du « bien commun » et de ses rencontres personnelles avec Marcelle.
Francis Sentis, un combattant infatigable.
Engagé aux Jeunesses communistes dès sa jeunesse, résistant de la première heure, Francis Sentis fut une figure militante aimée du Parti communiste perpignanais jusqu’à son dernier souffle.
« Sa vie bien remplie fut une vie de résistance et de combats », déclarait son camarade Jacky Pugnet en 2013 lors des obsèques de Francis Sentis qui venait de décéder à l’âge de 90 ans. Né en 1923 dans le quartier populaire de Saint-Jacques à Perpignan, Francis est le fils de François Sentis, livreur au dépôt perpignanais des Eaux du Boulou, et de Marie Batlle, ouvrière aux usines de papier à cigarettes Bardou-Job de Perpignan. François et Marie achetèrent une parcelle de terrain au milieu des vignes, à proximité du Hameau de Saint-Gaudérique, où habitait la majeure partie de la famille Sentis. Pendant son temps libre, François y construisit un « casot », afin de protéger des intempéries les outils du jardin. Lorsque Marie, la mère de Francis, décéda de phtisie, le 7 mai 1930, ce casot était devenu une véritable maison à force de travail. Les grands parents paternels de Francis l’élevèrent et l’inscrivirent à l’école de Saint-Gaudérique. Son père se remaria en 1931 avec Augustine Mille, marchande de volaille. À la naissance de leur fille, Jacqueline, François quitta son emploi pour travailler avec sa femme sur son étal au marché. Mais les faibles revenus familiaux l’obligèrent à se faire embaucher comme manutentionnaire et chauffeur chez un épicier en gros. Francis pour sa part fut reçu au concours d’entrée à l’École primaire supérieure de Perpignan en 1936, et obtint son Brevet d’enseignement primaire supérieur ( BEPS) en 1939. L’option choisie, Arts et Métiers, lui permettait de préparer le concours d’entrée à l’École Nationale des Arts et Métiers d’Aix-en-Provence.
Mais son père ayant été mobilisé en 1939, Francis ne put continuer ses études et fut obligé de travailler. Il remplaça son père chez le grossiste en épicerie. Après la démobilisation de ce dernier en 1940, il continua de travailler à ses côtés. Les conditions de travail étaient très difficiles. Bien que cherchant un autre emploi, Francis resta dans la même entreprise jusqu’à ce qu’en septembre 1942 le patron exigeât plus de travail pour le même salaire. D’où une discussion qui s’envenima. François intervint et décida que son fils et lui démissionnaient. Francis s’en alla faire les vendanges à Opoul (Pyrénées-Orientales), où il apprit par un camarade que les Ponts-et-Chaussées recrutaient un dessinateur. Après entretien, il fut admis comme dessinateur auxiliaire à compter du 1er octobre 1942. Sa présence aux Ponts-et-Chaussées fut interrompue par ses activités de résistance mais reprit après la guerre. Il y fit toute sa carrière, y consacrant d’importantes activités militantes et syndicales et y demeura jusqu’à sa retraite.
En 1947, il épousa Marcelle Farines, elle-même militante de l’UJRF. Ils eurent trois enfants, Georges, Henri et Brigitte. Profondément unis, Francis et Marcelle militèrent ensemble tout au long de leur vie et se soutenaient mutuellement.
Francis Sentis en résistance
Tout en n’étant inscrit dans aucun parti politique François, le père, lisait l’Humanité. Vivant parmi les ouvrières et ouvriers, Francis fut très jeune sensibilisé aux luttes syndicales, notamment au moment du Front Populaire. Il nous l’a raconté dans un récit que nous avons déjà publié. Ce fut donc très naturellement qu’il rejoignit les Jeunesses communistes en 1938 puis en septembre 1940 le Parti communiste français alors clandestin.
Entré dans la résistance dès l’âge de 17 ans, il s’employa à réorganiser la JC, dont il devint le responsable de région catalane, puis aida, malgré les dangers et la répression, à la formation d’un groupe de Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF) de Perpignan. Trois groupes de trois jeunes furent constitués ; Francis assurait la liaison entre les responsables de chaque groupe. Les tracts ou « papillons », tapés par Francine et Odette Sabaté, lui étaient remis par Jean Gispert pour être diffusés aux trois groupes. Jean Gispert était en contact avec le triangle régional clandestin du PCF et recevait tracts et journaux clandestins. Ce fut aussi pendant cette période, en juin 1941, avant l’occupation de la zone sud par les Allemands que Georges Lamirand, secrétaire général à la Jeunesse du gouvernement de Vichy, vint dans le département dans le cadre d’une tournée en Languedoc et en Roussillon. Le Parti communiste et la Jeunesse Ouvrière Chrétienne décidèrent de perturber l’assemblée des jeunes prévue au théâtre municipal. Le chahut organisé obligea Lamirand à battre en retraite, mais entraîna une sévère répression qui désorganisa l’organisation clandestine du Parti. Francis fut alors chargé de réorganiser les JC, puis à partir de mai 1942 de prendre en charge le Front patriotique de la jeunesse, organisation de jeunesse du Front national. Le 21 juin 1942, les communistes seuls, puis le 14 juillet 1942, de façon unitaire cette fois, des manifestations importantes se déroulèrent. La répression vichyste frappa de nouveau. L’occupation de la zone sud amena le Parti à solliciter ses cadres pour constituer des groupes FTPF. Francis participa à ce travail, en relation avec son responsable inter-régional Ildefonse Hernandez. Une grande part du travail des jeunes consistait à lutter contre le Service du travail obligatoire. Écrire, taper, ronéoter des tracts, les diffuser au plus près des requis, retarder les trains nécessitait aussi d’avoir un lieu pour se cacher (maquis). Ce travail de distribution de tracts ou de retardement des trains était dangereux pour la sécurité des militants, ainsi en avril 1943, Francis fut convoqué à la Police judiciaire. Interrogé puis relâché, il décida de rejoindre une « planque » dans l’Aveyron et continua de résister dans ce secteur.
Militant jusqu’à son dernier souffle
La France libérée, Francis Sentis intégra d’abord, le 22 octobre, le 4e groupement de tabors marocains, et participa aux offensives permettant la libération de Gérardmer (novembre 1944). À cette occasion, il fut cité à l’ordre du jour du bataillon et il conduisit un détachement de la 4301e qui défila devant les généraux de Gaulle et de Lattre de Tassigny. Le 29 novembre 1944, Francis intégra avec son unité le 1er groupement de tabors marocains dans le cadre d’un groupement tactique pour participer à « la bataille des cols et des crêtes », pendant laquelle les températures oscillaient entre moins 20° et moins 30°. Il fut proposé à une citation à l’occasion de la bataille du col de Bramont (3 et 4 décembre 1944). Après la chute de Colmar (9 février 1945), il obtint une permission. Malheureusement, à Collonges-au-Mont-d’Or (Rhône), le train dérailla et Francis fut grièvement blessé. Hospitalisé à Lyon (hôpital Édouard-Herriot) pour y subir huit opérations, de février 1945 à février 1946, il rejoignit ensuite l’hôpital militaire de Toulouse pour y être opéré une dernière fois.
À Toulouse, il milita dans l’Union des jeunesses républicaines de France (UJRF), organisation née de la fusion des Jeunesses communistes et de plusieurs organisations résistantes jeunes. Le 27 septembre 1946, il fut réformé et démobilisé. Ce qui ne l’empêcha pas d’être hospitalisé à plusieurs reprises pour des questions médicales liées à cet accident de train. Cet accident lui provoqua une très sévère surdité qu’il dut subir toute sa vie. Surdité qu’il surmonta avec une force remarquable, et qui ne l’empêcha jamais d’être un militant dévoué, efficace et reconnu comme tel.
Revenu à la vie civile, Francis Sentis resta toute sa vie un grand militant. Ayant débuté comme dessinateur aux Ponts et Chaussées il y travailla jusqu’à la retraite. Il y fut un grand dirigeant syndical et s’employa à y reconstruire un syndicat CGT dont il fut le secrétaire départemental en 1975. Il eut d’importantes fonctions au niveau national et à la mutuelle de l’Equipement. En politique, dès la fin des années 40 et jusque vers 1970, il fut membre du secrétariat de section de Perpignan et du Comité fédéral et du Bureau fédéral des Pyrénées-Orientales. Il fut plusieurs fois candidat aux élections municipales d’abord à Canet, dont il fut la tête de liste en 1977, enfin candidat aux Régionales en 1985. Enfin, malgré son âge et une santé délicate, en raison de sa blessure à la tête, il aida à la mise en place et au développement de l’Amicale des vétérans du PCF dont il assuma la présidence départementale dès avant l’an 2000 et jusqu’à son dernier souffle.
Figure incontournable de l’histoire du PCF dans le département des Pyrénées-Orientales, militant infatigable, doué d’une capacité d’analyse politique remarquable, passeur de mémoire, Francis avait un contact incomparable avec les jeunes qui le lui rendaient bien. Il participa également à l’activité de nombreuses associations : Secours populaire, UNRPA, Eclaireurs de France, puis ANACR dont il fut le secrétaire départemental d’honneur en 2004. Il fut aussi secrétaire du Comité de l’histoire de la Résistance catalane.
Jusqu’au bout, en combattant acharné il était présent dans les manifestations, dans les luttes. Les vicissitudes de la vie, loin de l’abattre, l’avaient renforcé dans ses idéaux. Francis était un homme rare : affable, humble, courtois bien que ferme sur les principes. Empli d’un amour immense envers les siens comme envers ses semblables, il eut toujours une obstination, un courage qui forçaient l’admiration.
Yvette Lucas
Militant actif, curieux et passionné, Claude Cortale
Générations de militants. Fils du résistant et dirigeant communiste des P.O. Fernand Cortale, Claude Cortale fut un militant actif et dévoué en même temps qu’un passionné de nature et de littérature.
Fils de Fernand Cortale, résistant FTPF, commerçant, longtemps secrétaire fédéral communiste des Pyrénées-Orientales, et de Jeanne Cortale, commerçante, membre du Parti communiste, militante de l’UFF, Claude Cortale est né le 18 février 1932 et mort le 27 novembre 2005 à Perpignan. Il suivit sa scolarité jusqu’au niveau du baccalauréat avant de travailler avec ses parents dans leur commerce d’ameublement puis d’en assurer la direction. Sa femme, Janine Hervera, couturière, était membre du Parti communiste. Lui-même adhéra à l’UJRF dès 1945, à l’âge de treize ans puis au PCF en novembre 1953. Il fit son service militaire de 1953 à 1955 en Allemagne puis en Algérie, fut rappelé le 1er septembre 1955 jusque début 1956.. Élu au comité fédéral du PCF dans les P.O. dès 1956, il est entré au bureau fédéral en 1961 et a siégé au secrétariat fédéral de 1962 à 1972. Il ne fut pas réélu au bureau fédéral en 1982 ni au comité fédéral en 1984, sous l’effet d’une réorganisation de la direction fédérale. Continuant à militer tout au long de sa vie il a participé au cours de ses dernières années au bureau départemental de l’Amicale 66 des vétérans du PCF.
Passionné de nature et de littérature
Claude Cortale avait aussi d’autres intérêts. Attaché au village montagnard de Fontpédrouse, en Conflent, cet amoureux de nature et de pêche en connaissait à fond le vaste territoire. S’intéressant aux cabanes en pierres sèches, il en fit l’inventaire et leur consacra un ouvrage intitulé Les Coves. Avec un groupe de bénévoles, il en construisit une, vers 1997, dans le secteur du lac de Carança, à plus de 2 200 m d’altitude. Rien de ce qui concernait la culture catalane ne lui était étranger. Il laissa un roman, La Marque, qui fut publié post mortem en 2006 : il y recréait la vie d’un village des Pyrénées catalanes en 1922. En 1995, il fut élu conseiller municipal de Fontpédrouse - Saint-Thomas-les-Bains - Prats-Balaguer (mairie de gauche, avec un maire communiste). Nous présentons ci-dessous le chaleureux hommage que lui adressa à ses obsèques, en 2005, son ami et camarade Jean-Louis Alvarez
Y.L.
Claude,
Parce que rien ne te paraissait relever de l'impossible, je vais tenter l’impossible : te parler comme si tu m'entendais.
Gravir un sommet par le chemin le plus escarpé à mes côtés, c'était réalisable.
Comme tu t'étais convaincu que tu pouvais vaincre ce que tu appelais l'araignée. Tu en avais convaincu ton entourage et jusqu'au dernier souffle de ta vie tu t'es battu. Contre cette tumeur du cerveau qui après t'avoir faussé la vision, a emporté ta vie à une vitesse vertigineuse.
Une vie d'enthousiasme, de dynamisme de courage, de combat, de tolérance, d'espoir.
Tu es né à Saint Mathieu, à la rue Neuve. Un Mathouët, de ce grand village du cœur de Perpignan. Une petite enfance heureuse avec Fernand, Jeannette et Michèle. Instants de bonheur vite brisés par la guerre, la clandestinité, la séparation.
Fernand, Officier de la résistance, Libérateur de Toulouse, activement recherché part combattre. Jeannette qui doit se cacher tant son arrestation est imminente. Deux enfants et leur grand mère chez les cousins Bonzom à Ria. La fuite de la maman. Tu assistes, muet. Ton souci: préserver les vie de Jeannette, de Fernand, de ta petite sœur. Tu m'avais dit récemment que tu recueillais tes souvenirs d'enfance jusqu'à 11 ans.
La libération, le retour triomphal des ces combattants de l'ombre, les retrouvailles de la famille. Autant d'évènements qui ont marqué' ta vie et ont fait de toi un homme dur, un homme engagé, un militant, un communiste. Et c’est très jeune que tu donnes ton adhésion aux jeunesses communistes, puis au parti communiste, engagement qui ne s'éteindra jamais tant ta conviction, que la construction d'un monde meilleur est possible, était forte.
La scolarité, le magasin de meubles, et, pour le jeune homme épris de paix que tu étais, c'est la guerre d'Algérie. Guerre que tu trouvais profondément inutile et injuste, ton insoumission te vaudra de perdre le grade de sergent que tu avais obtenu. Tu racontais cet épisode avec fierté, et tu avais raison.
Un grand moment de ta vie fut lorsque la municipalité de François Rouquet ancien maire de Fontpédrouse donna location du presbytère à ta famille, que tu découvris ce village, l'adoptas et y fus adopté.
Tu savais marier le sérieux et l'humour. Tu n'avais pas manqué de relever le petit trou qui permettait au curé d'observer l'assistance de son appartement avant de descendre dire la messe.
Fontpédrouse devenait pour toi le lieu d'évasion, le lieu de rêve, le lieu d'inspiration. Tu me faisais remarquer que le parti t'avait envoyé des dizaines de fois aux élections et que tu étais toujours battu, qu'à Fontpédrouse, il avait suffi d'une seule fois en 1995, pour que tu deviennes conseiller municipal, rôle dont tu t'acquittais avec motivation, passion, assiduité. Et tu étais devenu, naturellement le chargé des questions de l'environnement et de la montagne. Il est vrai que le Parti t'envoyait aux élections surtout dans les cantons les plus difficiles, notamment le centre ville. Tu eus même la chance un jour d'arriver au deuxième tour, face à un candidat de droite, et à côté d'un candidat socialiste qui s'appelait Paul Alduy, et qui se retira, se voyant battu. Tu eus alors cette phrase: «et moi qui m'apprêtais à une traversée tranquille ».
Nos vies se sont croisées un jour de juillet 1970. Lorsque tu vins en gare de Fontpédrouse, sur la pointe des pieds, me demander d'adhérer au parti communiste. Depuis, notre amitié ne s'est jamais démentie. Et dans la dédicace que tu fais sur le livre « LES COVES » ou la mémoire des bergers, tu m'écris «les coves, un jalon sur le chemin de l'amitié. Affectueusement ».
Entre toi et moi, c'était plus que de l'amitié. Oui, c'était de l'affection. L'affection que peut procurer un homme aussi attachant que toi. Je t'encourageai dans toutes tes initiatives. Faire l'inventaire des cabanes de berger. Découvrir qu'il y en avait 23, en trouver 22. La 23ème nous l'avons découverte ensemble. Effondrée. Et puis vint cette idée folle. «Et si on la reconstruisait ». Sans aucun savoir faire, sans expérience, avec ton art pour réunir les hommes et les femmes, nous avons connu une extraordinaire aventure humaine. Construire une cabane, puis deux. La seconde est par ailleurs inachevée comme ta vie. Nous avons voulu laisser des traces de tes investigations. Nous y avons réussi. A jamais, la Carança et la vallée de la Baillette seront marquées de ton empreinte. Ton livre restera avec les témoignages de ces bergers aujourd'hui disparus.
Nous avons vécu un fabuleux moment d'émotion, de travail, de rêve. Tu nous faisais rêver. Aux «bruxes » de Carança, à ces « femmes vikings bardées de fer qui allaient surgir sur un drakkar noir », à « ces prêtres du vin chaud et de la pierre sèche ».
Nous avons vécu des moments inoubliables dans ce que tu appelais « notre Patagonie », des jours, des nuits dans la neige, le froid, harassés de fatigue, mais nous avons laissé des traces pour la postérité. Grâce à toi, Claude.
Tes talents d'écrivain faisaient de toi un homme de culture. La culture des gens modestes. Ton style était élégant. Les mots étaient recherchés et sobres, accessibles à tous. Tu as écrit un roman. Je ne l'ai pas lu. II va être édité et tu ne le verras pas. Je le connais parce que chaque fois que tu avançais, tu me faisais écouter tes enregistrements. Seulement pour la véracité des faits qui ont divisé ce petit village de Fontpédrouse dans les années 30. Le marquage des troupeaux qui pénalisait les bergers pauvres au bénéfice des bergers moins pauvres. Les héros de ce roman, Baptiste et Régine qui ne seront imaginaires que pour le lecteur sont des personnages réels, et eux te survivront.
Claude, ta vitalité, ta force, t'ont fait espérer de t'en sortir. Le mal a été plus fort. Pourtant tes proches n'ont pas ménagé leurs efforts pour t'aider à guérir.
Jeannette, ta maman, avec qui tu t'apprêtais à passer un séjour formidable là-haut. Cette maman si forte devant les pires épreuves de la vie, la perte de Fernand, la perte de sa fille Michèle. Nous sommes à tes côtés, Jeannette et nous espérons que nous t'apportons un peu de réconfort.
Brigitte, ta fille et Jean François et leurs enfants, Clément ton deuxième enfant, perdent leur papa. Je
sais combien tu as vécu pour eux. Ils seront fiers de toi, de ta vie, de ton œuvre.
Claudie, ta compagne, sa fille Elsa auront été présentes à tes côtés. Elles auront été une lueur d'espoir, jusqu'à ton dernier souffle.
Tous ceux que tu as aimé, tes neveux, Dominique et Jean, ton cousin Jeannot, ton ami Zizi, tous les autres que je ne citerai pas. Aujourd'hui, tous te pleurent. Ce dernier dimanche est à marquer pour tous d'une pierre noire. La rue de l'église nous semblera bien vide sans ton sourire et tes mots gentils. Nous penserons à toi, souvent. Tu es un symbole, un symbole sur le chemin de la vie, sur le chemin de l'espérance.
Jean-Louis ALVAREZ
Perpignan, le 29 novembre 2005
Bio établie par Yvette Lucas
Jean Catala. Engagé et passionné.
. Instituteur, puis professeur ; syndicaliste, dirigeant communiste dans les Pyrénées-Orientales, conseiller général du canton de Perpignan 1 (1979-1984) selon le Maitron : Jean Catala, notre camarade.
Il est né à Orléans mais son père était originaire d’Estagel. Ce père militaire de carrière mourut des suites de ses blessures de guerre. Jean fut ainsi élevé par sa mère et chez ses oncles paternels, agriculteurs à Estagel. Orphelin de guerre, il fit ses études secondaires au Prytanée militaire de La Flèche et postula, muni de son baccalauréat, pour un poste d’instituteur auxiliaire. Nommé à Argelès-sur-mer il épousa à Collioure en 1941 Ginette Massegu, fille d’un catalan de Poblet (province de Tarragone) venu s’installer en France en 1917. En 1942 Jean Catala fut nommé instituteur à Dorres où il demeura jusqu’à la fin de la guerre. Il enseigna ensuite à Via, jusqu’en 1952 puis à Pézilla-la Rivière. Entre temps il avait préparé à l’Université de Toulouse une licence de philosophie, devenant ainsi professeur devenant ainsi professeur de philosophie des années 60 jusqu'à sa retraite". Résidant désormais à Perpignan, il fut professeur de philosophie au Lycée Déodat de Séverac à Céret, puis au Lycée technique Al Sol et enfin au Lycée François Arago à Perpignan où il termina sa carrière. Ginette, son épouse, géra à partir du milieu des années 60 la Librairie franco-espagnole à Perpignan. Un lieu très fréquenté jusqu’à la mort de Franco car les catalans de l’autre côté de la frontière venaient y chercher une littérature introuvable en Espagne. Le couple Catala eut trois enfants : Jean-Michel né en 1942 qui fut un moment dirigeant national du Mouvement de la Jeunesse Communiste et écrivit dans Clarté, avocat spécialiste de droit commercial et international ; Georges, né en 1944, avocat pénaliste à Toulouse, et Danielle, née en 1947, comédienne. Longtemps animatrice à Toulouse de la Cave-Poésie avec René Gouzenne, elle exerça ensuite à Strasbourg, à Perpignan et de nouveau à Toulouse. Gravement malade, Jean Catala mourut à Vernet-les-Bains en 1984, à 64 ans.
Militant syndicaliste très actif, Jean Catala s’engagea aussi en politique au sein du parti communiste
Membre du Syndicat national des instituteurs depuis 1944, il devint membre du conseil syndical de la section départementale en 1957 et en était toujours membre en 1962. Professeur à Arago, Jean Catala, membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire, devint secrétaire de la section syndicale du lycée. En 1967, il succéda à André Boutonnet comme secrétaire, puis secrétaire adjoint de la section départementale de la Fédération de l’éducation nationale. Il faisait équipe avec Gérard Erb, instituteur puis professeur d’enseignement général des collèges. Il militait activement au sein de la tendance Unité et action (la FEN reconnaissant les tendances, on y trouvait Unité et Action, proche de la CGT et du parti communiste, UID, proche de FO et du parti socialiste, et EE, Ecole émancipée). Actif au sein de Unité et action Jean Catala conserva sa fonction jusqu’en 1970, quand la section de la FEN fut conquise, à la suite du SNI, par la tendance UID. Adhérent depuis 1945, il entra aussi au conseil départemental du Mouvement de la paix en 1952.
Dès son adhésion, en 1951, il milita non moins activement au PCF. Il devint secrétaire de la section communiste de Font-Romeu, puis, à partir de 1953, milita dans la cellule de Pézilla-la-Rivière. Membre du comité fédéral, il devint membre du bureau fédéral en 1953. Après avoir suivi les cours de l’école centrale pour les instituteurs communistes en 1953, il devint responsable du travail des instituteurs communistes et de la diffusion de L’École et la Nation. Il organisa deux journées d’études par trimestre pour les instituteurs communistes, initiative qui fut citée en exemple. Secrétaire d’une des sections communistes de Perpignan, il anima avec vigueur la commission des intellectuels au sein du bureau fédéral au début des années 1970. Il resta membre du bureau fédéral jusqu’en 1982, puis participa au comité fédéral jusqu’à son décès.
Candidat aux élections, élu conseiller général
Aux élections municipales de Perpignan en 1977, candidat sur la liste d’union de la gauche (PCF, PS, PSU, MRG, gaullistes de gauche), conduite par René Argelliès, radical de gauche, il s’investit pleinement dans cette rude bataille où la gauche entreprit, vainement, de déloger l’ex-socialiste Paul Alduy, maire depuis 1959. Au deuxième tour, la liste de l’union de la gauche obtint 45 % des suffrages exprimés. Ce fut bien sûr, Alduy qui fut élu.
Jean Catala, instituteur à Pézilla, avait déjà été candidat aux élections au conseil général dans le canton de Millas. En 1979, il se présenta dans le canton de Perpignan I (Vernet) où, avec 2 676 voix puis 5 125, il l’emporta. Il devint alors président du groupe communiste du conseil général. Il s’imposa rapidement comme élu de ce canton populaire du nord de Perpignan, au moment de la grande lutte perdue des ouvrier-e-s de l’usine de poupées Bella. Il suivit également le dossier de l’usine textile Punto Blanco de Perpignan en passe d’être fermée. Excellent orateur, maîtrisant les divers dossiers (culture, viticulture, industrie et économie), il devint l’un des ténors du conseil général et, bien que dans l’opposition, dit son biographe du Maitron, il sut se faire apprécier par les élus de la majorité départementale, présidée par Guy Malé.
Dans les années 1970, il s’intéressa à l’eurocommunisme, se montra moins rigide et beaucoup plus ouvert au dialogue, disposition facilitée par son rôle au Conseil général. À partir de la fin des années 1970, il s’engagea pour que son parti s’impliquât davantage dans la reconnaissance de la langue et la culture catalanes et travailla à la rédaction du manifeste de la fédération des Pyrénées-Orientales du PCF Pour la langue et la culture catalanes, une avancée pour la démocratie. Per a la llengua i la cultura catalanes, una avançada de la democràcia(Perpignan, 1978, 47 p). Son ouverture se manifesta aussi pour son intérêt pour le festival Confrontation, organisé par l’Institut Jean Vigo. Il avait été un temps réticent vis-à-vis de cette réalisation, car elle émanait de son collègue, Marcel Oms, professeur de lettres modernes au lycée du Clos Banet avec qui il était en désaccord politique. Il sut néanmoins reconnaître la valeur de cette création et fréquentait, assurément avec grand plaisir, les salles du festival durant son mandat au conseil général. Sur le plan culturel on sait aussi qu’il participa activement aux premiers moments de l’Agram, groupe diffuseur de chansons roussillonnaises, qui existe encore aujourd’hui. Il y avait pour nom Jaime et lors de son décès le groupe lui dédia une chanson au cours d’un concert au Théâtre municipal de Perpignan.
Yvette Lucas
On trouvera la biographie de Jean Catala dans le Maitron à l’adresse suivante : http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article18973, notice CATALA Jean, Joseph, François, Michel par André Balent et Jacques Girault.
Per a la cultura i la llengua catalanes. Un manifeste.
Fédération du PCF des Pyrénées-Orientales. En 1978, le parti communiste se déclare pour une avancée de la démocratie dans son manifeste bilingue Pour la culture et la langue catalanes.
En 1978 alors que les partis de gauche, non sans obstacles et divergences, se sont unis dans un programme commun, la Fédération du PCF des Pyrénées-Orientales publie le manifeste bilingue Pour la culture et la langue catalanes. Une avancée de la démocratie. Les débats concernant les langues régionales ne sont pas nouveaux dans le parti communiste et ont souvent abouti à des propositions constructives. Le manifeste des P.O. très lié à son territoire aborde en lien étroit économie, culture et langue.
La dégradation d’un département et ses conséquences
Le manifeste est pensé et construit à un moment où s’est développé dans la France du Sud un grand mouvement nommé Volem viure al pais, mouvement occitan mais aussi catalan. Ce mouvement est né de la montée du chômage et de la disparition des moyens de vivre au moment où la concentration industrielle délaissait, et pour longtemps, très délibérément nos régions. L’introduction nous le dit : « Un Roussillon défiguré, contraint au marasme, à l’exode et au chômage ». Elle développe les effets le la crise globale et durable qui affecte (déjà !) la société capitaliste, les effets conjugués du Marché commun, qui frappent de plein fouet toute l’activité économique du département et notamment l’agriculture, richesse du pays catalan. Mais aussi les industries traditionnelles comme le bâtiment, l’industrie sandalière, la papeterie, la pêche, les conserves de fruits, de légumes et de poissons, l’extraction du minerai de fer, du feldspath…
Des solutions économiques et culturelles intimement liées
Signalant les effets désastreux de cette politique et les luttes qui tentent d’y faire obstacle, le manifeste fait aussi état d’une immense frustration culturelle : place de la culture mutilée, étriquée, conforme aux exigences du grand capital, politique d’austérité et de mutilation particulièrement inapte à assumer les diversités culturelles de la France, à recueillir et porter plus avant les richesses constituées par les cultures qui appartiennent en propre aux populations des différentes régions de France. Et de constater que la langue et la culture catalane souffrent cruellement de cette situation, de noter le gâchis de talents qui en résulte et toutes les insuffisances observées dans l’enseignement, à l’Université et au-delà. Le manifeste est très constructif et développe sur plus de vingt pages son fil directeur : l’issue démocratique, la parole aux habitants du pays catalan. Il faut créer à tous les niveaux des structures réellement démocratiques, donner les moyens à tous les roussillonnais de gérer eux-mêmes leurs propres affaires (sans la contrainte des préfets dont on souhaite la disparition), en donnant ainsi corps à la revendication de « Viure i treballar al pais », toutes les dimensions du projet étant précisément et longuement détaillées et argumentées.
Les chevilles ouvrières de ce travail qui afait date sont les regrettés Jean Catala,Jaume Figuerola et Antoine Cayrol.
Yvette Lucas