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coucou ma douce brigitte sous le soleil mais ce matin un sacré brouillard a couper au couteau je suis allée
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Date de création : 13.06.2011
Dernière mise à jour :
12.03.2025
11581 articles
Nationalité : Royaume-Uni
Né(e) à : Ile de Wight , 1962
Patrick Gale est le cadet d’une famille de quatre enfants dont le père était directeur de la prison de Camp Hill sur l’Île de Wight – tradition familiale apparemment puisque le grand-père dirigeait, lui, la prison voisine de Parkhurst. Patrick Gale ne suivit pas les traces de ses ainés.
Plutôt, après avoir déménagé encore enfant à Londres où son père prit la tête d’une autre prison – Wandsworth – puis à Winchester, Patrick Gale décida de suivre des études d’Anglais dont il sortit diplômé en 1983.
Si l’on en croit son site internet, Patrick Gale, à la suite de ses études, ne trouva jamais de « boulot d’adulte »…
Pendant trois ans il dort à droite à gauche, un soir dans un squat de Notting Hill, le lendemain dans un château en ruine en France.
L’important pour lui, à ce moment-là, c’est l’écriture, il a débuté déjà la rédaction de son premier roman, et survit grâce à de petits boulots : copiste, serveur-chanteur, secrétaire, nègre pour une encyclopédie musicale ou le plus souvent critique littéraire.
En juin 1986, il fait coup double, ses deux premiers romans (The Aerodynamics of Pork et Ease) sont publiés le même jour et remportent un vrai succès.
Il s’installe en 1987 en Cornouailles, une région dont il tombe éperdument amoureux et où il situe l’action de tous ses livres depuis.
Ecrivain reconnu et respecté, il est par ailleurs l’auteur d’une biographie d’Armistead Maupin et se refuse surtout à être étiqueté « écrivain gay en guerre contre les archaïsmes sociaux », il aborde avec beaucoup plus de finesse et de largeur de vue les frictions entre impératif du désir et morale : « le désir me fascine car il est imprévisible, par-delà la morale. »
Il vit actuellement dans une ferme, près de Land's End.
Installé dans le Far West britannique avec son compagnon, il consacre à présent l’essentiel de son temps à l’élevage de bœufs et la culture des brocolis et tente de se perfectionner dans l’art de la conduite d’un tracteur et de sa remorque !
Son dernier roman, Tableau d’une exposition, a obtenu en 2008 le Prix des libraires indépendants en Angleterre.
"J'attends les livres de Patrick Gale comme d'autres attendent le printemps."
Armistead Maupin
Bibliographie :
Tableau d’une exposition (Belfond, 2009)
Une douce obscurité (Belfond, 2006, trad. Isabelle Maillet)
Chronique d’un été (Belfond, 2002)
L'histoire :
Silences, ambivalence des sentiments, passions troubles Patrick Gale nous livre un récit d'une rare finesse
Un roman doux-amer sur le poids des secrets et la poursuite capricieuse du bonheur.
Dido a neuf ans et un caractère bien trempé. Et c'est tant mieux, car la fillette a déjà eu son lot de tragédies. Lorsque sa mère est morte, orpheline, elle vit chez Eliza, sa tante, qui l'a adoptée et élevée avec son ex-mari Giles, jusqu'à ce que le couple se sépare.
Musicologue, Eliza était promise à une brillante carrière avant que l'échec de son mariage ne la fasse sombrer dans la dépression.
Lorsque Eliza apprend que sa mère vient d'être victime d'une attaque, Dido voit l'occasion de connaître enfin sa grand-mère et convainc Eliza de se rendre en Cornouailles au chevet de la malade.
Toutes deux partent pour la Cornouailles.
Eliza est alors loin d'imaginer que ce voyage du retour va lui donner l'occasion miraculeuse de renouer avec sa propre existence.
Un voyage qui va s'avérer riche en révélations...
Les Côtes de Cornouailles
Extraits :
"Eliza arriva chez elle dans une sorte d'état second, retourna se coucher et sanglota jusqu'au moment où elle s'endormit.
Au début, elle avait pleuré parce qu'elle se sentait épuisée et parce que le calvaire de Carlo était enfin terminé, mais la véritable raison de son chagrin était à la fois plus profonde et moins avouable. Carlo n'était pas son chien à proprement parler ; en réalité, il appartenait à Giles. Mais il l'avait acheté sur un caprice, ne l'avait jamais aimé comme il aurait dû et trouvait à peine le temps de l'emmener promener. Il avait ensuite jeté son dévolu sur une compagne allergique aux poils d'animaux — fait qu'il refusait d'admettre, préférant arguer qu'un chien n'avait pas sa place dans une maison sans enfants.
Et s'il existait encore un lien légal entre Giles et elle, Carlo était cependant le dernier vestige tangible d'un mariage parti à vau-l'eau.
À présent, elle était définitivement coupée de ses amarres."
"Car, au moment où il avait retourné le corps de son père pour chercher le pouls, il lui avait libéré les mains — jusque-là enfoncées profondément dans ses poches. Par la suite, il avait souvent imaginé ce qui avait dû se produire quelques minutes après son départ pour la ville. Son père s'était équipé en prévision d'une tâche qu'il n'avait jamais eu l'intention d'accomplir, puis il avait à dessein placé l'échelle dans le mauvais sens, grimpé sur le toit, écarté l'échelle d'un coup de pied et, les mains fourrées dans les poches pour s'assurer que rien n'interromprait sa chute ou ne retarderait sa fin, il avait plongé dans le vide tête la première.
Les actes visant à rendre Pearce libre de poursuivre son rêve de jeunesse l'empêchaient désormais de le réaliser. Il ne pouvait toucher l'argent et devait rester pour continuer le travail de son père. Comment aurait-il pu faire autrement ?"
Mais les racines d'Eliza, élevée à Camborne, se trouvaient dans l'autre Cornouailles — la vraie, affirmaient certains : le fief industrialisé des mines et des carrières, dévasté par les forces conjuguées de la récession et de la pression du marché. Aux yeux des tours opérateurs tout-puissants, mieux valait effacer Camborne de la surface de la terre. L'ironie du sort voulait que la ville ait conservé la Royal School of Mines, bastion éloigné du Prince Albert's Impérial College, qui continuait d'attirer les étudiants ingénieurs venant de comtés où les mines demeuraient une activité économique viable."
"— Je n'arrive pas à t'imaginer ici.
— Moi non plus, lui révéla Eliza.
— T'étais heureuse?
— Pas vraiment. Je veux dire, je n'étais pas malheureuse. Mamy ne nous a jamais maltraitées ni fait de mal. Et elle devait plutôt bien gagner sa vie en tant que professeur, parce qu'on n'a jamais eu faim. C'est juste que je rêvais toujours de grandir pour pouvoir m'en aller. Certaines personnes semblent avoir eu une enfance tellement merveilleuse qu'elles passent ensuite toute leur vie à la regretter. Pour d'autres, ce n'est qu'une étape nécessaire, comme la varicelle ou...une sorte d'état larvaire. Et la plupart du temps, mamy n'était pas très gaie, alors... Bref, elle n'était pas douée pour rendre la vie amusante."
" L'amour des oiseaux était le refuge idéal pour certaines personnes . Semblables à des reptiles sous un déguisement de plumes, les oiseaux ne deviennent jamais assez familiers pour briser le coeur d'un humain ou perturber son équilibre, ainsi que peuvent le faire un chien ou un enfant."
A la découverte des Cornouailles anglaises
"Elle s'était aussi très vite habituée au silence. Ou, sinon au silence, car on entendait toutes sortes de bruits à la campagne, du moins à l'absence de fond sonore. Assise à côté de la caravane de Kitty ou en se réveillant dans la ferme de Pearce, elle avait découvert que les sons se détachaient nettement dans le calme ambiant. Les roucoulements d'un pigeon, le moteur d'un tracteur, le bourdonnement rapide des roues de deux vélos accompagné par les rires des cyclistes, les grognements d'un cochon, le vrombissement d'un hélicoptère, les meuglements d'une vache ; ils s'élevaient de façon distincte, aisément identifiables. Ici, en revanche, tout se fondait ; moteurs de bus, de taxis ou de motos, coups de klaxon, aboiement de chien et claquement des volets électriques de magasins. Et par derrière résonnait la rumeur de la circulation, constante au point d être moins un son qu'un élément du paysage."
"Elle avait repris les habitudes de la masse laborieuse fauchée et jeté son dévolu sur des produits de marques génériques, des articles en promotion pour cause de date de péremption dépassée, et même des fruits et légumes abandonnés au marché proche.
À cette époque, un livre de poche d'occasion, intitulé Cuisiner sans se ruiner, était devenu sa bible."
"— Tout ça n'est qu'une comédie, pas vrai ? Toutes ces histoires de nouveaux départs. Recommencer une nouvelle vie ailleurs. Entamer une nouvelle liaison en ayant fait table rase du passé. On est tous des boules de neige. n ne part pas de rien, on amasse des tas de trucs au fil du temps. "
" Des centaines de couples qui ne s'aimaient pas choisissaient tout de même de rester ensemble. Mais ils avaient dû s 'aimer au moins au début, avant que les sentiments ne s'effacent..."
"Comme après le deuil d'un proche, il n'était pas sage de prendre des engagements à long terme dès la fin d'une relation sentimentale."
"La peur ne lui avait jamais été familière, contrairement à l'ennui ou à l'irritation. En de très rares occasions, une légère anxiété s'était mêlée à la permanence de sa résignation tranquille, de son semblant de bonheur. Mais à présent qu'il avait une chance de devenir véritablement heureux, il avait peur tous les jours. C'est comme si, en accueillant Dido et sa mère, il avait assumé leurs craintes, tel un hôte qui prend les manteaux mouillés de ses visiteurs sans trop savoir où les poser. La nuit, allongé dans son lit, il se tourmentait à leur sujet. Lorsque Eliza avait fait une première tentative pour apprendre à conduire, il avait éprouvé une vive inquiétude, de même qu'au moment où Dido avait annoncé qu'elle voulait prendre des cours d'alpinisme une fois débarrassée de son plâtre. Mais c'était une peur saine, comprenait-il, la preuve que sa vie avait acquis sens et profondeur. Et ces manteaux-là, il ne serait que trop heureux de les tenir toute la soirée."
Mon humble avis
444 pages d'un récit agréable.
Je découvre avec ce livre cet auteur et j'ai beaucoup aimé son écriture, son style, ses personnages attachants car tellement dans la recherche d'eux-mêmes et du bonheur.
Dans ce récit c'est une petite fille Dido, 9 ans, qui a la maturité que n'ont pas les adultes et qui fait face avec un incroyable courage aux épreuves de sa jeune vie.
Il traite plusieurs sujets avec toujours la musique entre les lignes sous différentes formes pour nous parler de l'amour, du couple, de l'usure, des relations amoureuses, des relations familiales, les secrets de famille...
Comment l'adoption d'une nièce change la vie de sa jeune tante, et un sujet grave le cherubinisme .
Il nous emmène dans l'univers des musiciens et celui des fermiers et nous dépayse en Cornouaille dans la campagne anglaise...
Un beau moment de lecture avec une belle leçon de vie et de courage pour ces personnages qui doivent trouver leur voie et le sens de leur vie.
Beaucoup d'émotion à cette lecture.
Superbe...
Mélissa Da Costa, née le 7 août 1990, est une romancière française autrice de best-sellers.
Mélissa Da Costa grandit à la campagne dans l'Ain, près de Mâcon.
Son père travaille dans le bâtiment et sa mère est assistante maternelle.
Elle écrit depuis toute petite mais ne se sent pas légitime pour devenir écrivain. Après des études d'économie, elle occupe un emploi de chargée de communication.
Elle dépose en 2018 un roman sur la plateforme numérique d'auto-édition monbestseller.com sur laquelle elle est repérée et publiée par une petite maison d'édition, Carnets nord. Renommé Tout le bleu du ciel, le roman connaît un succès important et est publié en poche.
Suivront d'autres titres publiés chez Albin Michel :
Les Lendemains (2020), Je revenais des autres (2021), Les Douleurs fantômes (2022), La doublure (2022) et Les femmes du bout du monde (2023) .
Ses romans sont des best-sellers, ils figurent dans le top 10 des livres les plus vendus en France
En janvier 2023, Mélissa Da Costa figure dans le classement publié par Le Figaro des dix auteurs français qui ont le plus vendu de livres en 2022.
Elle atteint la troisième place derrière Guillaume Musso et Joël Dicker avec 844 547 exemplaires vendus au cours de l'année 2022.
L'Histoire :
Petitesannonces.fr : Jeune homme de 26 ans, condamné à une espérance de vie de deux ans par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) pour partager avec moi ce dernier périple.
Émile a décidé de fuir l’hôpital, la compassion de sa famille et de ses amis. À son propre étonnement, il reçoit une réponse à cette annonce. Trois jours plus tard, devant le camping-car acheté secrètement, il retrouve Joanne, une jeune femme coiffée d’un grand chapeau noir qui a pour seul bagage un sac à dos, et qui ne donne aucune explication sur sa présence.
Ainsi commence un voyage stupéfiant de beauté. À chaque détour de ce périple naissent, à travers la rencontre avec les autres et la découverte de soi, la joie, la peur, l’amitié, l’amour qui peu à peu percent la carapace de douleurs d’Émile.
Critiques
Un livre aux dialogues impeccables et aux personnages touchants d’humanité.
Psychologies magazine.
Lumineux et bouleversant.
Version Femina.
Une aventure inoubliable
Elle
Une ode a la vie
La Provence
Un bouleversant voyage
Le Parisien
Un roman stupéfiant de beauté
Ouest France
Cirque de Gavarnie
Extraits :
«Petitesannonces.fr
SUJET : Recherche compagnon(ne) de voyage pour ultime escapade
AUTEUR : Emile26
DATE : 29 juin 01:02
MESSAGE :
Jeune homme de 26 ans, condamné par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) d’aventure pour partager avec moi ce dernier périple.
Itinéraire à valider ensemble. Alpes, Hautes-Alpes, Pyrénées ?
Voyage en camping-car avec passages en randonnées (sac à dos et tente à porter). Condition physique convenable à avoir.
Départ : dès que possible. Durée du voyage : 2 ans maximum (selon estimation des médecins). Possibilité d’écourter.
Profil de mon/ma compagnon(ne) de voyage :
Pas de compétences médicales particulières à avoir : je ne reçois aucun soin ou traitement et je dispose de toutes mes capacités physiques.
Bon mental (je risque de subir des pertes de mémoire de plus en plus importantes).
Goût pour la nature.
Ne pas être effrayé(e) par des conditions de vie quelque peu rustres.
L’envie de partager une aventure humaine.
Me contacter uniquement par mail. Nous pourrons échanger par téléphone par la suite.»
« Émile se frotte le menton. C’est un tic qu’il a depuis gamin, dès qu’il est songeur ou indécis. Il n’est pas certain de son annonce. Il la trouve froide, désincarnée, un peu dingue aussi. Il l’a écrite d’une traite, sans réfléchir. Il est une heure du matin. Il n’a pas dormi depuis une semaine, ou presque pas. Ça n’aide pas pour écrire.
Il relit l’annonce. Il trouve qu’elle laisse un goût bizarre en bouche. Un peu amer. Mais il se dit que c’est bien comme ça, que c’est suffisamment noir pour décourager les âmes sensibles et suffisamment insensé pour décourager les personnes conventionnelles. Seule une personne suffisamment spéciale pourra déceler le ton décalé de cette annonce.
Depuis qu’on lui a annoncé le verdict médical, il voit sa mère pleurer et son père serrer les mâchoires. Il voit sa sœur dépérir, le visage mangé par les cernes. Lui non. Il a pris la nouvelle avec une lucidité totale. Une forme d’Alzheimer précoce, lui a-t-on dit. Une maladie neurodégénérative entraînant une perte progressive et irréversible de la mémoire. La maladie finira par attaquer le tronc cérébral jusqu’à sa destruction. Le tronc cérébral responsable des fonctions vitales : battements du cœur, tension artérielle, respiration… Ça, c’est la bonne nouvelle. La mort le rattrapera rapidement. Dans deux ans au plus tard. C’est parfait. Il n’a pas envie de devenir un poids, de passer le restant de sa vie, des dizaines et des dizaines d’années encore, dans un état de sénilité avancée. Il préfère savoir qu’il mourra bientôt. Deux ans, c’est bien. Il peut encore en profiter un peu.
Ça n’est pas plus mal, finalement, que Laura soit partie, un an plus tôt. Ça aurait beaucoup compliqué les choses. Il se le répète depuis une semaine, depuis le verdict. Laura est partie, il n’a plus de nouvelles depuis un an. Pas un coup de fil. Il ne sait même pas où elle vit. Et c’est tant mieux. Il n’a plus réellement d’attache comme ça. Il peut partir. Il peut entamer ce dernier voyage sereinement. Non pas qu’il n’ait plus personne… Il y a bien ses deux parents, il y a sa sœur Marjorie et son compagnon Bastien, leurs jumeaux. Il y a Renaud, son ami d’enfance, Renaud qui vient de devenir papa et qui cherche une maison pour établir sa famille. Renaud papa et marié…»
Pic du Midi de Bigorre 2872 m par le sentier des Muletiers
«Émile secoue la tête en se renversant sur son siège de bureau. Il n'est plus l'heure d'être sentimental et de ressasser le passé. Il faut se concentrer sur le voyage maintenant, Ce voyage, il en a eu l'idée depuis qu' on lui a annoncé le verdict, Il a pris une heure ou deux pour s'effondrer, puis l'idée de voyage a germé dans son esprit. Il n'en a pas parlé. À personne. Il sait qu' on l' en empêcherait. Ses parents et sa sœur se sont empressés de l'inscrire à l'essai clinique. Le médecin a bien précisé pourtant : il ne s'agit pas de le guérir ou de le soigner, simplement d'en apprendre un peu plus sur sa maladie orpheline. Aucun intérêt pour lui. Passer ses dernières années dans une chambre l'hôpital à faire l'objet d'études médicales. Pourtant, ses parents et sa sœur ont insisté. Il sait pourquoi. Ils refusent d'accepter sa mort. Ils s'accrochent à l'espoir infime que l'essai clinique et ses observations permettent de freiner la maladie. La freiner pour quoi ? Rallonger sa vie ? Rallonger sa sénilité? C'est déjà tout vu : il partira. il règlera tous les détails dans le plus total des secrets, sans leur en toucher un mot, et il partira.
Il a déjà trouvé le camping-car. Il a envoyé l’argent. Il récupérera le véhicule en fin de semaine. Il le stationnera sur un parking en ville, en attendant que tout soit réglé, pour ne pas éveiller les soupçons de ses parents et de sa sœur. Pour Renaud, il hésite encore. Lui en parler ? Lui demander son avis ? Il ne sait pas. Si Renaud avait été célibataire, sans enfant, tout aurait été différent. Ils seraient partis tous les deux. Ça ne fait aucun doute. Mais voilà, les choses ont changé. Renaud a sa vie, ses responsabilités. Et Émile il n’a pas envie de l’embarquer dans ses dernières errances. Pourtant, ils en ont rêvé d’aventures tous les deux. Ils se disaient : « Quand on aura fini les études, on partira avec nos tentes et nos sacs à dos dans les Alpes. » Puis Émile a rencontré Laura. Et Renaud a rencontré Laëtitia. Ils ont laissé tomber leurs envies d’évasion.
Aujourd’hui il peut enfin partir. Il n’a guère plus d’attaches. Il n’a que deux ans à vivre et des proches qui se préparent déjà à le perdre. Maintenant ou dans deux ans, ça ne fait pas grande différence. Il relit une dernière fois l’annonce. Oui, elle est étrange et impersonnelle. Oui, probablement personne n’y répondra. Peu importe, il partira tout de même. Seul. Il craint de mourir seul, c’est quelque chose qui l’angoisse. Mais si ça doit arriver, si personne ne répond à son annonce alors tant pis. Il partira car son dernier rêve est plus fort que sa peur. Il clique sur le bouton « Envoyer » et un message s’affiche à l’écran, lui indiquant que l’annonce vient d’être publiée. Il se laisse aller dans son fauteuil en soupirant. Il est une heure et quart du matin. Si jamais quelqu’un répond, si jamais quelqu’un a la folie ou le courage de lui répondre (il ne sait pas très bien comment le définir)… alors il est persuadé qu’il aura trouvé le meilleur compagnon de voyage de tous les temps.»
«Il a failli effacer l’annonce. Pourtant ce matin quelqu’un y a répondu. Et il est totalement pris au dépourvu… Car ça n’est pas un homme, comme il était intimement persuadé que ce serait le cas, si toutefois une réponse venait à arriver. Non, il s’agit d’une femme. Une jeune femme. Elle dit avoir vingt-neuf ans. L’annonce devrait l’avoir effrayée ou au moins inquiétée. Partir seule avec un homme inconnu, qui se prétend en fin de vie, sans avoir aucune idée précise de l’itinéraire ou du but profond de ce voyage… Mais elle n’a pas eu l’air inquiète. Elle a posté un message court, elle n’a presque pas posé de questions. Est-ce qu’elle est dérangée psychologiquement ?
Petitesannonces.fr
SUJET : Re: Recherche compagnon(ne) de voyage pour ultime escapade
AUTEUR : Jo
DATE : 5 juillet 08:29
MESSAGE :
Bonjour Emile26,
Votre annonce a retenu mon attention.
Je m’appelle Joanne, j’ai 29 ans.
Je suis végétarienne, pas très à cheval sur le ménage et le confort.
Je mesure 1m57 à peine, mais je suis capable de porter un sac à dos de 20 kilos sur plusieurs kilomètres.
J’ai une bonne condition physique malgré quelques allergies (piqûres de guêpes, arachides et mollusques).
Je ne ronfle pas.
Je ne parle pas beaucoup, j’aime la méditation, surtout quand je suis plongée dans la nature.
Je suis disponible dès que possible pour partir.
J’attends de vos nouvelles.
Joanne »
Cabane de Tramezaïgues
« Depuis que le verdict est tombé, ils ne lui laissent plus une seconde de répit. Ni les uns, ni les autres. Ils l'étouffent. Il a hâte de partir, d'en finir avec tout ce cinéma. Même eux, ça les soulagera, au fond. Ils ne le savent pas encore. Pour le moment ils sont emplis de douleurs et pleins de bonnes intentions mais ça finira par leur peser, tout ça. Ils faut qu'ils recommencent à vivre. Personne ne peut plus rien pour lui. Mais eux, ils faut qu'ils vivent.»
«Il a cru qu'il n'avait plus rien quand Laura est partie, qu'il ne lui restait que du vide et des choses insignifiantes. Il n'a pas vu ce qui lui restait, des petites choses de rien du tout qui font qu'on se sent aimé quand même, qu'on reste en vie.»
L'observatoire du Pic du Midi
«Il observe le dos immobile de Joanne. Il songe que ça ne change pas grand-chose, qu'elle soit là ou non. Elle parle peu. Elle ne tient pas de place. Elle respire à peine. Mais elle est là, elle ferme les yeux au contact de l'eau fraîche, elle agite ses doigts quand un rayon de soleil la caresse et ça fait une présence, une présence douce.»
« Le soleil décline doucement. Ils ont garé le camping-car sur un petit terrain mis à disposition par la municipalité. Il y a d'autres voyageurs sur ce terrain. Émile et Joanne les ont salués, de loin. Ils se sont arrêtés à l'ombre, dans l'herbe. Ils ont installé la table et les chaises pliantes sous les arbres. Joanne a proposé de sa voix frêle de préparer une salade et elle s'est assise à la table pour découper les tomates et les poivrons. Émile s'est assis en face et il a sorti son guide de voyage. Cet après-midi, quand ils ont fait les courses, ils ont acheté un guide de voyage pour les Pyrénées. Il y a une carte géante, des photos des plus beaux points de vue et des itinéraires de randonnées. Les aires de service pour camping-cars sont annotées. Émile est penché au-dessus de la carte géante qu'il a dépliée. Il se frotte le menton, entoure un nom de ville de temps en temps. Joanne continue de découper les tomates, indifférente. Quelques mètres plus loin, des enfants jouent avec un ballon en criant. Une dame se fait bronzer devant son camping-car. Un chien jappe.
Eux, ils sont silencieux.»
«C'est toujours plus simple d'accuser son rival d'être la cause de la rupture. C'est beaucoup plus simple que de voir ce qu'on a raté.»
«Je pourrais vous faire une liste des raisons qui m’ont poussé à partir. Ça pourrait vous aider à comprendre et à me pardonner. Vous pourriez en trouver au moins une qui serait valable, pour chacun d'entre vous. La première et la plus évidente, c’est que je ne veux pas de cet essai clinique et que je ne veux pas crever branché à des électrodes. Je ne veux pas être un rat de laboratoire. Si la maladie doit m’emporter, qu'elle m'emporte, mais par pitié que tous ces médecins me fichent la paix !
La deuxième raison, celle qui explique ma fuite, c’est que je ne veux pas devenir un poids pour vous. Si j'étais resté, ça se serait produit. Vous avez mieux à faire. Tous autant que vous êtes.
La troisième raison tient plus à une histoire de fierté et d’ego. Est-ce qu’elle est moins louable? Je ne sais pas. Mais voilà, je ne veux pas ternir l’image que vous avez de moi. Je préfère partir (égoïstement sans doute) en vous laissant une image de moi telle que je l’imagine : jeune, beau, musclé, plein d’avenir, dynamique, séduisant… (riez, oui…)
Je ne veux pas devenir sénile, délirant, je ne veux pas qu'on m'aide à me rappeler mon nom, qu’on doive me réapprendre à lacer mes chaussures ou à faire cuire un œuf. Je ne veux pas que la dernière image que vous ayez de moi soit celle d’un homme diminué et vulnérable (surtout le dernier point). J’ai ma fierté, comme tout le monde. Je préfère vivre mes derniers mois à l’abri de vos regards.
Une autre raison, plus sympathique celle-là, c’est que j’ai toujours voulu le faire, ce fameux voyage en pleine nature!!! Renaud, on se l’était juré ! Tu auras probablement le temps de le faire plus tard, avec Laëtitia et le morveux. Pour moi c’est maintenant ou jamais. C ’est plutôt chouette de partir en réalisant un rêve ;)
Je n’ai pas voulu des adieux. Je suis lâche. Ça fait aussi partie de mes qualités.
C'est come pour cette lettre : c'et plus facile qu'un coup de téléphone. Je ne sais pas si je vous appellerai un jour mais je vous écrirai, c'est sûr. En tout cas aussi longtemps que je me souviendrai de vous.»
«Il a l'impression de fuir une fois de plus, d'esquiver encore les adieux. Peu importe. Dans quelques mois il ne sera plus. Ceux qui resteront s'arrangeront avec leurs souvenirs pour s'inventer des adieux convenables et des raisons valables.»
Lac D'Oncet
« Le silence retombe. Émile sent la boule grossir dans sa gorge. Il aime que Joanne parle librement de ce qui va arriver, qu'elle ne se montre pas gênée. Pourtant, il est dérouté par la facilité avec laquelle elle le fait. C'est comme si la mort, sa mort, ne représentait pas grand-chose, juste une formalité en ce bas monde. C'est bien et c'est troublant à la fois.
Il a fui ses proches pour cette raison, pour se détacher de ça : les liens, l'attachement, la douleur du départ. C'est plus facile de mourir en présence d'une inconnue qui vous regarde avec indifférence, c'est plus facile de n'avoir rien à quoi se rattacher le moment venu. Mais c'est troublant.»
«Il a l’impression qu’ils croisent des gens sur leur ascension mais il n’en est pas sûr car il est plongé dans ses pensées. Il croit comprendre ce que veut dire Joanne quand elle déclare qu’elle préfère marcher seule, et même quand elle s’isole pour méditer dans un champ. On se retrouvé plongé en soi, on n’est plus vraiment conscient de ce qui se passe autour. L’effort physique permet au mental de totalement lâcher prise. Les pensées se succèdent en tourbillon, mais un tourbillon calme et serein. À certains moments, on est à peine conscient qu’on pense. Il y a des souvenirs qui remontent tout doucement, qui s’imposent sans provoquer d’émotions douloureuses. On les regarde avec une certaine distance et avec bienveillance.»
″Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.″
Il fronce les sourcils, se sentant un peu idiot.
″Pardon ?″
Elle relève son chapeau, qui lui tombe sur le front.
″C'est de Proust″
Il se sent bête. Elle doit lire beaucoup plus que lui.
″Tu veux que je te le répète ?
Elle a comme un demi-sourire sur les lèvres. Il hoche la tête.
″Oui...Vas-y...
— Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.
— Ce qu'il veut dire, c'est que...?
Il hésite. Il a peur de passer pour un idiot.
"Ce qui veut dire que ce voyage qu'on fait toi et moi, c'est avant tout un voyage intérieur... Une introspection.»
Elle marche d'un pas vif maintenant, elle regarde droit devant elle.
″Oui″, lâche-t-il.
Il a la bouche sèche.
″Pour voir les choses avec un nouveau regard ?"
Il cherche son approbation. Mais elle conserve un visage inexpressif quand elle parle :
"Comme tu l'as dit, il y a toutes ces choses qui remontent mais là, on les voit différemment, avec de nouveaux yeux."
Elle vient de lui faire une confidence. Elle sait pourquoi il marche et elle marche pour la même raison. Elle vient chercher des réponses, des explications. »
«Il y en a une autre que j'aime beaucoup.
Il hoche la tête pour l'encourager à continuer.
"Le plus grand voyageur est celui qui a su faire une fois le tour de lui-même." C'est de Confucius.»
«Il est toujours allongé sur son duvet, le visage tourné vers les étoiles et il a l'impression que quelque chose s'est débloqué en lui, que ses épaules sont moins lourdes, que son cœur bat plus vite, comme s'il venait de se décharger de quelque chose qui l'enserrait depuis un an.»
"Il a de la chance d'être là ce soir, au milieu des ruines d'une cabane en pierres. Il a de la chance de faire ce voyage. Quelque part, il a de la chance de savoir qu'il va mourir très bientôt. Sans ça il n'aurait jamais pris le temps de partir, de voyager au cœur de lui-même, de voir les choses avec de nouveaux yeux.
Il n'a jamais ressenti ça, ce sentiment de plénitude et de gratitude envers l'univers. Oui, il va mourir mais il est là ce soir, il a compris énormément de choses. Il n'en est pas vraiment sûr mais il a l'impression qu'il vient de se pardonner. "
«2 juillet, 22h
Sur le sentier des Muletiers (pic du Midi), au pied des ruines d'une cabane en pierre.
Nuit dégagé, ciel étoilé.
Me voici à la première page de ce carnet (une idée de Joanne...). Je ne suis pas forcément très emballé par le concept mais je vais tenter de l'écrire tout de même, même si ça me semble être une lubie de fille. Pourquoi elles ont toujours tendance à vouloir écrire des journaux intimes ?
Bon, je dois reconnaître que dans mon cas, c'est plutôt ingénieux. Un aide-mémoire qui me servira également de carnet de lettres. C'est vrai que là où on sera, on n'aura pas toujours la possibilité de poster des courriers. Alors je me lance.»
«Ce soir, il m'est arrivé un truc dingue, un truc qui ne m'était jamais arrivé : je me suis accordé mon pardon. Par rapport à Laura. C'était comme une petite délivrance. Je me suis rendu compte que c'était rare qu'on se montre indulgent envers soi-même. Moi j'avais perdu l'habitude de le faire. En fait, je crois que j'avais oublié que je pouvais m'aimer.»
«On dit parfois qu'à l’heure du grand départ, les mourants voient leur vie défiler devant leurs yeux, qu'ils revivent les moments les plus forts. Je ne sais pas si c'est vrai mais je crois qu'on a tous besoin de faire ce retour sur images avant de s'en aller, de revoir les évènements avec de nouveaux yeux, plus sages, avec le recul des années, de Comprendre (avec un grand C), de pardonner, de se pardonner. Je ne suis qu'au début du chemin. La route est encore longue. J'espère que j'y arriverai, que je trouverai la conclusion de ma vie et que je partirai en paix.»
« Une expression douloureuse traverse son visage. Un aveu de faiblesse. C’est la première fois qu’il peut lire à travers ses traits lisses. Elle souffre. Énormément. Il ne sait pas pourquoi mais à cet instant il comprend que c’est la raison pour laquelle elle s’est renfermée en elle-même, la raison pour laquelle elle mime l’indifférence et n’exprime aucune émotion. Il y a trop de douleur en elle. Si elle laisse échapper ne serait-ce qu’une parcelle de cette douleur, un torrent la rattrapera et elle ne sait pas si elle y survivra.
Elle a la voix lourde et profonde lorsqu'elle répond :
"J'ai à nouveau une raison d'avancer."
Il l'avait compris. Avant même qu'elle n'ouvre la bouche.»
«— J'ai choisi deux mots bretons qui sont assez courts et qu'il pourrait retenir facilement. Pok, qui signifie bisou, et Spi, l'espoir.
Il la trouve touchante avec son petit air sérieux et préoccupé, comme si elle décidait du nom de son nouveau-né.
— Tu as une préférence ? Tu as ton mot à dire, bien sûr...
Cela le fait sourire encore plus largement.
— Quoi ? dit-elle en le voyant sourire.
— Rien...
Il n'ose pas lui dire qu'il la trouve touchante. À la place, il dit :
— On peut l'appeler Pok et considérer Spi comme son second prénom … Qu'est-ce que tu en dis ?"
Joanne acquiesce avec enthousiasme.
— On peut faire comme ça.
Puis elle ajoute avec un large sourire :
— Ce sera le premier chat sur terre à avoir un deuxième prénom!
Cela semble la rendre infiniment heureuse.»
« Lui aussi, elle l'a recueilli. Elle a décidé de l'accompagner dans sa dernière escapade et de lui offrir sa liberté en l'épousant. Il fait partie du lot. Tom Blue, Pok et lui. Elle a décidé de leur donner une seconde chance. À tous les trois. Elle est comme cette petite église, qui se dresse fièrement, intacte et forte, au milieu des ruines de Cômes. Elle est comme ça, Joanne...Un symbole d'espoir au cœur d'une terre de désolation.»
Lac de la Glère et son refuge
«Ma fuite et ma requête sont égoïstes mais pas moins que votre volonté de vouloir me garder sénile et prisonnier près de vous. Je vous ai pardonné. J'espère que vous saurez faire preuve de la même indulgence envers moi. Je vous aime et c'est pour le vie. Ces deux années loin de vous n'y changeront rien. Au contraire...
On dit que c'est en s'éloignant des personnes qu'on réalise l'amour qu'on porte.
Considérons cela comme une chance.
...
Maman, papa, je vous embrasse. Vous n'êtes jamais loin.
Vous êtes toujours auprès de moi, où que je sois. N'en doutez pas.
Votre fils, Émile. »
«Les petits boulots ne sont plus d'actualité. Il n'ose pas le dire clairement à Myrtille mais il se demande bien en quoi il serai utile à quiconque avec ses étourderies de vieux fou. Ce matin encore il a retrouvé sa brosse à dents dans un endroit improbable : sous son oreiller.»
«30 septembre, 23 h
6, Carrero del Massador, Eus
J'imagine que pour freiner ce genre de maladie, il faut sans cesse être stimulé. C'est pour ça que les vieux finissent tous par dépérir dans les maisons de retraite. Ils n'ont plus de stimulations, plus rien qui leur donne une motivation de rester en vie. Ici ça aurait fini par arriver. Malgré Myrtille et Annie, malgré Joanne. Le quotidien m'aurait englouti.»
« — Ici tu vois, je peux regarder le gâteau. On ne regarde jamais vraiment ce qu’on mange. Je peux passer plusieurs minutes à le regarder, à essayer de deviner son parfum, quelle sera sa texture en bouche, si la couche caramélisée sur le dessus sera croustillante ou fondante. Après je peux… je peux fermer les yeux et me concentrer sur l’odeur. Tu sais, l’expression j’en ai l’eau à la bouche… Ce n’est pas une blague. Ça se produit vraiment quand tu regardes et que tu sens avec attention, quand tu laisses l’envie s’installer. Moi, je laisse mon corps réclamer ce gâteau, saliver suffisamment longtemps, jusqu’à ce qu’il soit prêt à recevoir le goût, parce qu’alors je sais que tous mes sens seront en alerte.
Il l’écoute avec attention maintenant mais il ne peut retenir sa petite pique. Il est idiot, c’est comme ça.
— Et tu le manges, à un moment donné ? »
Elle ignore parfaitement ses sarcasmes et elle poursuit comme s’il n’avait même pas parlé.
— Après je le porte à ma bouche et je me concentre sur sa texture contre ma langue, sur la façon dont ma salive l’enrobe… Je le sens fondre lentement, contre mon palais, je découvre les premiers arômes qui se dégagent, mes papilles qui se réveillent. Ça fait comme des petites bulles de bonheur qui éclatent sur la langue. Et puis il y a cette sensation de bien-être dans tout le corps. Tu sais, le cerveau libère les hormones du bonheur en détectant le sucre. Les souvenirs d’enfance qui peuvent remonter en captant un arôme de fleur d’oranger ou de chocolat…
Elle laisse planer une seconde de silence comme si elle était en train de déguster le gâteau et pousse un petit soupir.
— Ensuite, je croque enfin dedans. Et alors c’est comme une grande explosion… Une extase. Le bouquet final.
Il est amusé de l'entendre parler ainsi. Ça semble très très sensuel. Il retient avec peine le sourire immature qui naît sur ses lèvres.
— Il se passe tout ça quand on mange ?
Elle hoche la tête. Il croit deviner un sourire aussi sur son visage.
— Oui. Il se passe tout ça quand on mange. Mais aussi quand on respire, quand on marche, quand on fait l'amour.... il suffit d'y prendre garde.
Il acquiesce et quand il essais de déglutir, il se rend compte qu'il a une boule énorme dans la gorge. Tout à coup il se sent lourd et pataud. Il réalise qu'il n'est qu'un mec complètement gauche. Un type banal qui n'a jamais rien compris à rien. Un type qui n'a jamais tenu de carnet, qui n'a jamais été foutu de comprendre la profondeur d'une citation ou de déguster une part de gâteau en pleine conscience. Elle, elle a appris à vivre. Son père lui a enseigné. C'est pour ça que tout est poétique dans sa tête, que tout est beau et si simple. "
Eus
« Un vent frais balaie la ruelle et ils restent silencieux, chacun perdu dans ses pensées. Et lui, est-ce qu'il était à la hauteur des filles qu'il a rencontrées ? de Laura ? Probablement oui. Ce n’étaient que des filles banales, des filles qui feignaient de déborder de confiance en elles, qui riaient très fort pour montrer au monde entier qu’elles étaient heureuses. Des filles qui sortaient danser sans ressentir les vibrations des basses dans leurs corps. Elles se contentaient de se dandiner en surveillant les regards de désir ou d’envie qu’elles pouvaient faire naître sur la piste de danse. Elles n’étaient jamais là pour être là, dans le moment présent. Elles étaient là pour plaire, pour panser leur ego, pour oublier une mauvaise journée, pour chercher du réconfort dans le regard de quelqu’un, pour se prouver qu’elles étaient encore jeunes. Elles étaient aussi pataudes que lui mais elles avaient la beauté et le charisme suffisant pour le faire oublier.»
« — Tu sens des choses que je ne sens pas. Et tu vois des choses que je ne vois pas. J'aimerais que tu m'apprennes. Dans mo monde les choses sont plus brutes, moins colorées, il n'y a pas de nuances.»
Ce magnifique livre ne peut se résumer ainsi !
Aussi ce sera en deux articles...une petite suite bien méritée...car 683 pages de pur bonheur...A suivre !
Ces photos trouvées sur le Net des merveilleux endroits découverts par nos personnages...Mille mercis à leurs auteurs pour leur partage.
Brigitisis
Suite du voyage :
Extraits :
« Il songe qu'il n'a rien vu venir. Une jeune fille est montée dans ce camping – car avec ce regard absent et cette indifférence quant à son sort. Quand il lui a dit ″ Pour l'itinéraire...On s'est pas mis d'accord″ elle a haussé les épaules et déclaré : ″ Ça n'a pas d'importance pour moi.″ Ça l'avait glacé d'effroi. Aujourd'hui cette même jeune fille se plonge avec concentration dans la lecture de la carte et elle voudrait voir la mer. C'est fantastique. Il ne sait pas si c'est lui qui a fait ça, qui a réussi à lui redonner un peu de goût à la vie ou i c'est Myrtille, les montagnes, Pok, les vieux clochers, les ruelles pavées...»
«Il fait trop sombre, quand ils arrivent aux abords de Peyriac-de-Mer, pour réellement profiter de la vue. Ils distinguent la ville au loin, grâce aux lumières, et les lagons d'eau salée, qui s'étendent à leur droite, le long de la route.»
Peyriac-sur-Mer et son ponton
«C'est une belle journée qui s'annonce. La température devrait atteindre les vingt-cinq degrés. les mouettes tournoient là-haut dans le ciel. Émile plisse les yeux. On aperçoit la ville de Peyriac-de-Mer au loin. Les toits rosés et saumon des maisons. Les lagons d'eau calme. Les hautes herbes qui ondulent sous le vent. Un ou des flamants roses pêchent négligemment, ça et là. Il y a ce ponton, qui semble s'étendre jusqu'à l'horizon.»
Étang de Peyriac-sur-Mer et ses flamands
« Il marche en imaginant les mots qu'il pourra écrire dans son carnet ce soir, à la lueur des bougies que Joanne allumera. Il sait qu'il parlera de l'odeur salée des étangs, bien plus forte que l'odeur de la mer. Du soleil d'octobre, bien plus doux et agréable que celui de l'été. Des cercles formés par les mouettes dans le ciel, de leurs cris, des trainées blanches qu'elles laissent devant ses yeux. Du bruit de ses pas sur le ponton de bois. De l'eau presque immobile et de l'odeur de la vase. Des poissons qu'il aperçoit filer entre deux bosquets de hautes herbes. Des flamants roses au loin, en groupes. De la course du soleil dans le ciel, tandis qu'ils marchent sans dire un mot. De cette dame d'une soixantaine d'années, qui immortalise les rayons du soleil dans l'eau, au bord de l'étang. Du vieux bateau jaune abandonné au bord d'un étang, mangé par la rouille.»
La barque abandonnée dans l'étang de Peyriac-sur-Mer
« Ça n’a rien de compliqué. En fait, il s’agit juste de faire un arrêt sur image. De se mettre soi-même sur pause et d’observer l’instant présent, ce qui se passe autour de nous mais aussi en nous… Noter le moindre détail, c’est vrai, mais également comment ces détails extérieurs se répercutent dans notre intérieur. Tu vois ? Ce que nous fait ressentir ce son, ce que cette image fait naître en nous…
— J’imagine que c’est ton père qui t’y a initiée ? »
Elle acquiesce.
« Oui. Pour lui, c’était même la seule façon de vivre. Apprendre à être là et nulle part ailleurs, en se détachant de nos préoccupations concernant le futur et des regrets du passé. C’est… Je t’avoue que c’est compliqué au début. On est tellement habitués à ressasser ou à essayer d’anticiper. On est rarement vraiment présents à soi. »
Elle laisse son regard se perdre sur l’étendue de l’étang.
« Mais avec le temps, à force de pratique, ça devient plus facile et… ça devient un automatisme. On apprend à se mettre sur pause en regardant un paysage, en dégustant un plat, en écoutant une mélodie… On n’y songe plus et on le fait par réflexe.
— J’aimerais y arriver un jour. À force de vivre dans le passé comme tu dis, ou dans l’angoisse du futur, on finit par oublier qu’il y a de la beauté dans tout… ou presque tout… Quand on est enfant, on le fait naturellement, non ? On s’émerveille devant… devant un caillou qui a des reflets argentés ou… ou devant une plume. On ramasse des pissenlits et on s’extasie devant leur jaune intense. Après ça, on trouve ça laid, les pissenlits… On les considère comme des mauvaises herbes.
Il sourient tous les deux.
— C'est vrai. Quand on est enfant, on sait faire ces choses là.
Émile fronce les sourcils.
— Qu'est-ce qu'il se passe après ? On oublie ?
— Oui... J'imagine qu'après ça, on est trop préoccupés par le fait de se construire un avenir, de réussir socialement, d'amasser un peu d'argent.»
Ile du Soulier
«Ils s'arrêtent sur une plage de sable fin pour pique-niquer. L'air marin leur fouette le visage et Émile s'allonge quelques instants et ferme les yeux. Il a l'impression que l'angoisse s'envole tout doucement.
Quelques heures plus tard, alors qu'ils ont repris le large à bord de l'Alchimiste, ils découvrent l'île du Soulier. Il s'agit d'une arête rocheuse qui émerge de l'eau. Sébastian leur apprend qu'elle est uniquement fréquentée par les oiseaux et que l'accostage y est impossible en raison des roches immergées. Ils en font le tour puis mettent le cap vers l'îlot de la Nadière.»
«Tu ne devrais pas être si gentille avec moi et... t'obstiner à me remémorer toutes ces choses... Parce que de toute façon, c' est toi que j'oublierai en premier. »
Il est frappé lui-même par la dureté de ses mots. Il aimerait la regarder dans les yeux, la prendre dans ses bras, dire n'importe quoi pour rattraper cette phrase qu'il ne faut pas. Elle ne doit pas voir qu'il pleure. Et puis, il a raison au fond. À quoi bon ? Les médecins l'ont dit. La mémoire ancienne restera intacte mais la plus récente s'effacera rapidement. Elle sera la première personne à disparaître de ses souvenirs.»
« Il avait pris la route, en n'ayant absolument plus rien à perdre, plus personne à qui se raccrocher. Il avait accepté l'idée de quitter ses parents, sa sœur, son meilleur ami. Sa vie s'était à demi éteinte quand Laura était partie. Et puis, la faible torche qui continuait de trembloter depuis son départ s'était définitivement évanouie à l'annonce de la maladie. Il était monté dans ce camping-car serein, puisque cette fois-ci il n'avait plus rien. Il s'était résolu à l'idée de partir définitivement. Il n'avait plus qu'à profiter de quelques bribes de bonheur qui lui offrirait encore la vie, avant de disparaître. Le deal était clair. Mais au lieu de partir tout seul, il avait fallu qu'il poste cette stupide annonce... Il avait ramassé cette fille totalement égarée sur cette aire d'autoroute et alors, au lieu de s'effacer à la vie petit à petit, il s'y était accroché avec encore plus de force. A cause d'elle. Parce qu'elle lui avait montré toute la beauté du monde, toute la pureté des sentiments, toute la bonté qui pouvait émaner des êtres. Il avait appris à la voir sourire, chaque jour davantage, à la regarder écrire dans son carnet, veiller sur Pok, observer le ciel et s' asseoir en tailleur sur un ponton.
Il ravale avec difficulté la boule qui lui obstrue la gorge. Il s'éteint, c'est vrai. Il se laisse engloutir par l'angoisse et la peur, de jour en jour. Et tout ça, c'est à cause d'elle. Totalement à cause d'elle. Parce qu'elle l'a réveillé à la vie d'une façon totalement inattendue. Et aujourd'hui il se sent plus vivant que jamais.. Aujourd'hui, grâce à elle, il ne veut plus quitter le monde. Cette idée le terrifie. Et l'idée de la voir disparaître de ses souvenirs lui est devenue insupportable. "
17 Octobre, 18 h 50
Sur le ponton. dernier coucher de soleil sur l'étang de Doul.
Je suis donc face au tout dernier coucher de soleil sur l'étang de Doul. Les flamants roses sont là, ainsi que le scintillements des rubis dans l'eau. Je regretterai ce ponton et ces couchers de soleil. J'aime me dire que les suivants seront tout aussi exceptionnels..
"—Ton passé est en train de s'effacer. Tu... Tu n'y peux rien. Tu n'as aucune prise là-dessus..."
Elle parle d'une voix douce, comme à son habitude.
— Et ton futur... Il...
— Mon futur n'existe pas.
Elle déglutit en acquiesçant.
— Ton futur s'efface lui aussi. Alors..."
Elle marque une courte pause et il croit comprendre où elle veut en venir :
"Alors il ne me reste que mon présent.
Elle tourne la tête vers lui et elle a l'air soulagée qu'il comprenne.
— Il te reste l'instant présent. Et c'est...c'est bien, dans un sens.
Il la regarde avec une pointe d'amertume.
— Ah ?
— Oui. Mon père avait recopié une citation sur le mur du salon.
Elle disait : « Le moment présent a un avantage sur tous les autres : il nous appartient ».
« — Mon père était un brave type. Mais...Je me rends compte que je le connaissais peu."
Joanne accueille ses paroles avec un froncement de sourcils.
"Il passait beaucoup de temps au travail. Quand il était avec nous, à la maison, il était souvent épuisé. Il s'efforçait d'être présent pour nous mais...J'imagine qu'il avait toujours la tête dans ses soucis. Il était souvent plongé dans ses pensées et rarement vraiment là. Il y avait le travail, la maison à payer, des problèmes avec son aînée. Je...Je ne sais même pas ce qu'il aimait. Je le réalise. Je ne sais pas quelle musique il aimait écouter, les rêves qu'il avait...".
Il secoue la tête.
— C'est dingue, non ?
Il n’a jamais vraiment réalisé, avant Joanne, qu’il était passé à côté de son propre père. Ç’avait été une rencontre manquée. L’exemple d’un homme avalé par son quotidien. Un homme qui n’avait pas su être dans le présent, qui avait passé sa vie à s’inquiéter du futur. Il se demande s’il aurait terminé comme son père, avalé par un morne train-train, s’il avait eu l’occasion de vivre plus vieux. Plus jeune, il avait été fonceur. Il avait été vivant. Puis, avec le départ de Laura, il était devenu aigri et apathique. Il aurait sans doute terminé comme son père, mais dans le passé plutôt… la tête dans les regrets, oubliant de vivre au présent. Mais il y avait eu la maladie, le voyage, la rencontre avec Joanne.»
«Ils courent tous les deux sans s’arrêter, s’éclaboussant l’un et l’autre en passant dans des flaques d’eau. On ne distingue plus la tête de Joanne, entièrement masquée par le châle qui lui est tombé sur le visage. Elle court presque à l’aveuglette. Et puis, il y a ce panier en osier, accroché à son bras, d’où dépasse la tête d’un Pok totalement trempé, qui ressemble à une souris effrayée. Émile se met à rire. Un rire nerveux et incontrôlable.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demande Joanne, essoufflée.
— Regarde-nous ! »
Il ne voit pas le visage de Joanne, sous son châle noir trempé, mais il l’imagine bien sourire.
— Tu ressembles à une momie géante qui balade son sphinx. »
21 octobre, 12h 11
Assis à la petite table pliante, devant le camping car.
Ville de Gruissan sous un soleil éclatant.
Ce soir, Joanne m'initie à la méditation à la bougie. Il s'agit de se focaliser sur la flamme, de la contempler et de laisser filer toutes ses pensées pour lâcher prise. Elle n'abandonne pas, malgré le piètre élève que je fais... Ce soir, je le promets, je vais essayer d'être là et parfaitement là. Je me concentrerai.
Gruissan
« Ils rient à n’en plus pouvoir pendant deux, trois minutes, peut-être quatre, sans s’arrêter, sans réussir à reprendre leur souffle. Ils rient à en avoir la gorge brûlée, les yeux remplis de larmes, ils rient à finir par terre, à genoux, parce qu’ils ne tiennent plus debout. Bon sang, songe Émile quand il parvient enfin à reprendre son souffle, ça, c’est la meilleure thérapie du monde.»
«29 octobre, 02h 07
Assis à la table du camping-car, sur la banquette.
Gruissan. À la lueur de la bougie.
Je ne crois pas avoir été aussi heureux que depuis que je suis avec Joanne, au bord de la mer. C'est in bonheur tellement simple, tellement banal, et pourtant je n'ai jamais été aussi serein. Même si je vais mourir bientôt, même si je vais m'éteindre sans souvenir. Je crois qu'elle a finalement réussi à m'apaiser. Avec sa méditation à la con, ou juste avec son calme, sa façon étrange et si douce d'aborder la vie.
...
Hier soir, j’étais plongé dans un des vieux livres jaunis, que Joanne avait ramenés du vide-greniers. Ils étaient pour moi, ces livres. C’étaient des bouquins de citations. Elle me les a offerts quand on revenait au camping-car. J’ai trouvé une citation si belle que j’ai été réveiller Joanne pour la lui lire. Elle était endormie sur la couchette. La citation disait :
″Si nous pleurons parce que le soleil n’est plus là, nos larmes nous empêcheront de voir les étoiles. ″
J'ai trouvé une citation si belle que j'ai été réveiller Joanne pour la lui lire. Elle était endormie, sur la couchette. La citation disait :
"Si nous pleurons parce que le soleil n'est plus là, nos larmes nous empêcheront de voir les étoiles."
Je lui ai dit que c'était grâce à elle que j'avais compris ceci, grâce à sa façon de vouloir m'ancrer dans le présent. Je lui ai dit que maintenant, grâce à elle, je voyais les étoiles.
J'ai cru l'entendre renifler mais je n'en savais trop rien, il faisait tellement sombre. Elle est restée silencieuse de longues minutes et après ça, elle m'a demandé de la recopier au-dessus de nos têtes, sur le plafond de la couchette.
S'il existe un paradis, un lieu, tout là-haut, où reposent les morts après cette vie sur terre, alors j'en fais la promesse solennelle, je m'arrangerai pour veiller sur elle, pour ne jamais vraiment l'abandonner.
« — Il semble être un garçon curieux, c’est bien… Pourtant il a l’air de n’avoir encore rien appris.
— Il est instituteur !
— La vraie connaissance ne se mesure pas aux diplômes, Joanne. Ni au nombre de livres qu’on a ingurgités d’ailleurs. Montre-lui les étoiles, les plantes qui naissent et qui meurent, la beauté d’un coucher de soleil. Fais-lui sentir les lilas et écouter les relents de la mer.»
Aas, "Village des siffleurs, vallée d'Ossau
« Ce matin, elle a sorti une toile vierge et sa palette de peinture. Elle a posé un pinceau derrière son oreille et elle s'est assise sur le rebord de la fenêtre de leur minuscule chambre. Elle est concentrée sur le paysage. Elle veut dessiner les alpages recouverts de neige, les moutons, la petite clôture en bois qui court tout autour du domaine. Elle veut dessiner Pok, qu'on voit de temps en temps traverser une parcelle de pâturage, laissant de petites empreintes dans la neige.»
« Ils sont sortis dehors, tout doucement. Joanne s'est accrochée au bras d'Emile. Elle ne tremble plus. Ses yeux parcourent le paysage avec émerveillement. Il avait raison. Ils ne sont que tous les deux dans le silence total de la montagne, tous les deux au milieu de l'immensité blanche.
Ils marchent avec une lenteur infinie. Leurs pas laissent des empreintes dans la neige fraiche. Ils avancent, avec l'impression de n'être pas plus réels que le paysage, de n'être que deux mirages.»
«C'est Émile qui a eu l'idée d'y faire apparaître une citation, plutôt qu'une phrase banale. Ils l'ont choisie ensemble hier soir, en feuilletant les vieux livres jaunis de Joanne.
«Les gens sont comme des vitraux. Ils brillent tant qu'il fait soleil, mais, quand vient l'obscurité, leur beauté n'apparaît que s'ils sont illuminés de l'intérieur.» Élisabeth Kübler-Ross
À Myrtille, dont la beauté aura illuminé une partie de notre chemin.
Avec amitié
E&J»
«Elle s'est à peine aperçue que des larmes avaient coulé sur ses joues Elle ne s'entend pas non plus crier son prénom. Si cela s'est produit, s'il a appelé quelqu'un, alors elle aura failli à sa promesse. Elle a juré de veiller sur lui, de le garder loin de ses proches, de l'hôpital... Si cela s'est produit.....»
« Elle ne peut s'empêcher de noter que les notes dans sa voix ont changé depuis ses premières pertes de mémoire. Ses premiers black-out étaient synonymes d'effroi. Ils le plongeaient dans une angoisse sans nom. Elle se souvient encore de cette fois où il suffoquait au réveil, allongé sur l'herbe. Les premières fois, c'était comme s'il comprenait en partie qu'il venait de perdre la mémoire. Il y avait l'effroi et puis il luttait pour comprendre, pour reprendre pied. Mais l'autre soir, sur le chantier, c'était totalement différent. Plus de panique, plus d'angoisse. A la place, cette confusion des lieux, des personnes, du présent et du passé. Comme si désormais, il était trop touché pour prendre conscience du fait même qu'il perdait la mémoire.»
«Papa,
...
Six mois en arrière, il m’a emmenée sans poser aucune question. Il m’a juste emmenée et alors, il m’a montré des choses que je n’avais jamais vues. Des montagnes tellement hautes qu’elles semblaient crever le ciel et créer un pont entre l’au-delà et l’ici-bas. Des plaines tellement vertes, tellement vallonnées et tellement lisses qu’on voudrait s’y allonger et y rester pour l’éternité. Des lacs à l’eau si pure qu’elle vous nettoie l’âme. Des couchers de soleil sur des neiges éternelles qui font briller les yeux plus fort que n’importe quelle larme. Il m’a montré tout ça, comme un dernier cadeau qu’il souhaitait offrir au monde avant de le quitter. »
Avec tout mon amour,
Joanne
«Joanne a retrouvé le dessin qu'elle cherchait. Elle l'avait vu dans un conte d'enfants, quand elle n'avait que huit ans. Joseph le lui avait lu. C'est un arbre noir, au tronc solide, aux branches qui s'élancent vers le ciel comme des jolies virgules. Les racines creusent de profonds sillons dans la terre. Le conte dit que cet arbre s'appelle l'arbre de vie. Il unit les deux mondes : celui du ciel et de la terre, grâce à ses branches, qui montent en extension vers le ciel, et à ses racines qui s'enfoncent profondément dans la terre. Le conte précise que l'arbre perd ses feuilles en hiver mais les retrouve au printemps, représentant "l'expansion de la vie et sa constante victoire sur le mort"
« Le silence revint dans la petite cuisine. Ils pleurent tous les deux en silence. Les larmes s’écrasent sur les petites pièces du puzzle. Joanne pleure et Emile pleure aussi car il perçoit toute sa douleur. Son infinie souffrance. Elle vient de la déposer en lui pour qu’ils la partagent, pour qu’elle ne soit plus seule à souffrir. Alors il accepte ce cadeau. Il l’accepte sans retenue. Alors il pleure avec elle jusqu’à l’aube, dans la petite cuisine de l’annexe, où s’éteignent une à une chacune des bougies tremblotantes, comme autant d’étoiles dans le ciel.
« Souffrir c’est donner
à quelque chose une attention suprême... »
Paul Valéry, Monsieur Teste.
« Elle se répète quelques mots, que son père lui disait quand elle était gamine. Puisqu'on ne peut changer la direction du vent, il faut apprendre à orienter les voiles. C'est une phrase de James Dean.
Elle aime se la rappeler quand elle a besoin de croire en elle, quand les choses lui paraissent difficiles. Ça sonne comme un encouragement. S'adapter, c'est s'en sortir. Il fut savoir réorienter ses voiles. Toujours.»
Cirque de Lescun
« — Dans la vallée d'Ossau, qu'on est en train de traverser, il y a une réserve naturelle et il s'agit d'un des plus grands repaires de vautours. Il paraît que si on monte tout en haut de la pène de Béon, on peut voir tournoyer dans le ciel des vautours fauves et des percnoptères d'Egypte.
Elle a réussi à obtenir son intérêt. Il la regarde avec un regard incrédule.
— Ah bon ?
Elle confirme d'un hochement de tête.
— Alors ça te tente ?
— Oui, ça me tente
— Super. On y va.»
La pène de Béon : la falaise aux vautours
" L'extraordinaire se trouve sur le chemin des gens ordinaires ". Ce sont ces quelques mots de Paulo Coelho qui reviennent en tête à Joanne, quand ils entrent dans Lescun ce jour-là. Le paysage baigné dans la lueur du crépuscule lui inspire des poèmes, des tableaux, des airs de piano. Elle n'a jamais rien vu de si beau. Le paysage s'impose comme une évidence et elle comprend que c'est ici que ce périple devait les mener, depuis ce premier jour, sur l'aire d'autoroute de Roanne.
"La permaculture va à l'encontre de la culture classique. On ne plante plus en lignes bien droites. On laisse les plantes se développer à leur propre rythme et se mélanger. Dans la nature, la monoculture n'existe pas, vois-tu. Et ces mélanges des plantes entre elles sont d'ailleurs ce qui les protège les unes les autres des maladies et des ravageurs."
Les cabanes d'Ansabère
« Elle a fait une terrible erreur. Elle n’aurait pas dû. Elle n’est pas seulement un compagnon de voyage pour une ultime escapade. Elle n’est pas seulement la femme d’Emile.
Elle est une mère. Ce soir, plus que jamais, elle est une mère et elle comprend qu’elle s’est fourvoyée. Elle a empêché une mère de serrer son petit dans ses bras. Une dernière fois.»
«Joseph disait toujours a Joane ″ Pour connaitre l’âge du mort, compte le nombre de personnes présentes à son enterrement. Plus il y a de monde, plus il est jeune.″
Joane avait demandé ce qui expliquait cette absurde théorie et Joseph avait répondu en haussant les épaules
— Un enterrement de vieux ça n’émeut pas grand monde. On ne s’y déplace pas
Joane du haut de ces neufs ans avait répliqué :
— C’est faut ça
Joseph avait haussé de nouveaux les épaules.
— Alors je te donne une autre raison. Les amis des vieux sont déjà vieux... ou morts.»
«Chaque jour porte en lui l'Éternité»
Paulo Coelho L'Alchimiste
Mon humble avis :
Un premier livre de cette auteure ! 683 pages qui m'ont captivé, bouleversé...
Je ne sais pas si ce n'est pas le livre qui m'aura le plus marqué par son histoire magnifique, ses décors et leur description, son dépaysement, sa profondeur, ses merveilleux personnages, sa superbe écriture pudique, poétique, sensible...
Nous sommes vraiment au cœur de la nature, que ce soit dans les hautes montagnes des Pyrénées ou dans les paysages de Gruissan...
Quel roman ! Impossible à lâcher et chouette il pleuvait ! Fini à 1 heure du matin !
Difficile à oublier...Cela fait trois jours que je l'ai terminé mais j'en reste imprégnée pour ce voyage qu'il nous fait faire aussi bien dans des régions magnifiques qu'au plus profond de nous-mêmes avec des personnages attachants et emplis d'humanité....
Beaucoup d'extraits puisque deux articles, mais pas d'extraits qui dévoileraient les secrets importants des personnages et de leur histoire...
Que pourrais-je dire pour donner envie aux autres de le lire ?
Oui, on pleure en lisant ce livre mais nous sommes dans l'émotion d'une leçon de vie...
Avec pourtant une histoire triste et dramatique, l'auteure a su avec talent nous emmener dans un récit plein d'amour de la vie et de sérénité.
De graves et nombreux sujets abordés au fil des pages : la quête du bonheur, la quête de soi, les bienfaits de la nature et de communier avec elle, l'amitié, les belles rencontres, la maladie, la mort, l'autisme, l'amour, les échecs sentimentaux par les mauvais choix de personnes, la vieillesse, la solidarité, les moments simples et beaux de la vie quand on partage des lectures ou des jeux de société ou des randonnées, l'empathie, la résilience...
On retrouve aussi le problème qui se pose du choix de la fin de vie, dans notre pays où l'euthanasie et le suicide assisté hélas restent tabous, un problème d'actualité et qui est au cœur de cette superbe histoire qui à chaque page nous passionne ...
Quelle découverte !
Merci à ma cousine Gilda pour m'avoir téléphoné son émotion à la lecture de ce livre et m'avoir dit : «il faut que tu le lises ! ″
Oui, vraiment, un livre extraordinaire !...
Ces photos trouvées sur le Net des merveilleux endroits découverts par nos personnages...
Mille mercis à leurs auteurs pour leur partage.
Livre lu et posté en 2023, mais je le remets maintenant car le film est sorti hier.
Bien sûr le film ne peut pas raconter tout le livre, il y a forcément des différences et des raccourcis mais j'ai adoré le choix des acteurs pour ces personnages que j'avais tant aimé ...
Un de mes livres préféré et inoubliable pour son humanité.
Brigitisis
Nationalité : France
Né(e) à : Saint-Germain-en-Laye , le 04/04/1971
Jean-Baptiste Andrea est un réalisateur, scénariste et écrivain français.
Il grandit à Cannes, où il est élève de l'Institut Stanislas et fait ses premières expériences de scène, d'écriture et de réalisation. Il décroche ensuite ses diplômes de l'Institut d'études politiques de Paris et de l'ESCP.
Il se lance dans un premier temps dans le cinéma. Il écrit ses premiers films en anglais, comme "Dead End" en 2003, récompensé par plusieurs prix, "Big Nothing" en 2006, avec avec David Schwimmer, "Hellphone" en 2007. Il écrit aussi en français le scénario de "La confrérie des larmes" en 2013, qu’il réalise également et qui met en scène Jérémie Renier et Audrey Fleurot, et plus récemment celui du long-métrage "King" en 2022.
Son premier roman publié en 2017, intitulé "Ma Reine", remporte plusieurs prix dont le Prix Femina des lycéens 2017, le Prix du premier roman de la La Forêt des livres 2017, le Prix "Envoyé par La Poste" 2017 ou encore le Prix Alain-Fournier 2018.
En 2019, il publie son deuxième livre, "Cent millions d'années et un jour" puis son troisième, "Des diables et des saints" en 2021. Ce dernier ouvrage reçoit le Grand prix RTL-Lire en mars 2021 et le prix Ouest-France/Étonnants Voyageurs en mai 2021.
En 2023, Jean-Baptiste Andrea publie son quatrième roman intitulé "Veiller sur elle". Il est récompensé par le prix du roman FNAC 2023 et le prix Goncourt 2023.
Source : Iconoclaste
Résumé :
Au grand jeu du destin, Mimo a tiré les mauvaises cartes.
Né pauvre, il est confié en apprentissage à un sculpteur de pierre sans envergure.
Mais il a du génie entre les mains.
Toutes les fées ou presque se sont penchées sur Viola Orsini.
Héritière d'une famille prestigieuse, elle a passé son enfance à l'ombre d'un palais génois.
Mais elle a trop d'ambition pour se résigner à la place qu'on lui assigne.
Ces deux-là n'auraient jamais dû se rencontrer.
Au premier regard, ils se reconnaissent et se jurent de ne jamais se quitter.
Viola et Mimo ne peuvent ni vivre ensemble, ni rester longtemps loin de l'autre. Liés par une attraction indéfectible, ils traversent des années de fureur quand l'Italie bascule dans le fascisme.
Mimo prend sa revanche sur le sort, mais à quoi bon la gloire s'il doit perdre Viola ?
Un roman plein de fougue et d'éclats, habité par la grâce et la beauté.
Critiques
LeJournaldeQuebec
18 décembre 2023
Un beau, très beau roman qui ne laissera personne de marbre.
LaPresse
05 décembre 2023
On ne manque pas de déceler un charme indéniable.
C’est le genre de roman à la beauté classique et au style indémodable,
qu’on lira sans aucun doute avec le même plaisir dans 10 ou 20 ans.
Une fresque de plus de 500 pages qui mêle l’histoire de l’Italie au XXe siècle,
un amour contrarié et la passion pour l’art.
OuestFrance
09 novembre 2023
Tout en délicatesse, le roman de Jean-Baptiste Andrea « Veiller sur elle » donne la parole au sculpteur de génie Michelangelo Vitaliani, qui revisite l’Italie de ses souvenirs et le chaos du XXe siècle.
Culturebox
07 novembre 2023
Ce roman d'amour nous plonge dans une atmosphère proche des romans de chevalerie au temps de l'amour courtois, dans une ambiance quasi féerique, avec une intrigue aux mille rebondissements et des personnages hauts en couleur.
LeMonde
26 octobre 2023
Un roman sculpté telle une visitation, dans le miracle du surgissement.
Extraits
Abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse - Bellitalie " Ils sont trente-deux. Trente-deux à habiter encore l'abbaye en ce jour d'automne 1986, au bout d'une route à faire pâlir ceux qui l'empruntent. En mille ans, rien n'a changé. Ni la raideur de la voie ni son vertige. Trente-deux coeurs solides — il faut l'être quand on vit perché au bord du vide —, trente-deux corps qui le furent aussi, dans leur jeunesse. Dans quelques heures, ils seront un de moins.
Les frères forment un cercle autour de celui qui s'en va. Il y a eu bien des cercles, bien des adieux, depuis que la Sacra dresse ses murs au-dessus d'eux, Il y a eu bien des moments de grâce, de doute, de corps arc-boutés contre l'ombre qui vient, Il y a eu et il y aura d'autres départs, ils attendent donc patiemment,
Ce mourant-là n'est pas comme autres, Il est le seul en ces lieux à ne pas avoir prononcé de vœux. Pourtant, on lui a permis de rester pendant quarante ans, Chaque fois qu'il y a eu un débat, des questions, un homme en robe pourpre est arrivé, jamais le même, pour trancher. Il reste. Il fait partie du lieu, aussi sûrement que le cloitre, ses colonnes, ses chapiteaux romans, dont l'état de conservation doit beaucoup à son talent. Alors ne nous plaignons pas, il paie son séjour en nature.
Seuls ses poings dépassent de la couverture de laine brune, de chaque côté de la tête, un enfant de quatre-vingt-deux ans en proie à un cauchemar. La peau est jaune, au point de rupture, vélin tendu sur des angles trop vifs. Le front luisant, ciré par une fièvre grasse. Il fallait bien qu'un jour sa force le lâche. Dommage qu'il n'ait pas répondu à leurs questions. Un homme a droit à ses secrets.
D’ailleurs, ils ont l’impression de savoir. Pas tout, mais l’essentiel. Parfois, les avis divergent. Pour tromper l’ennui, on se découvre des ardeurs de commère. C’est un criminel, un défroqué, un réfugié politique. Certains le disent retenu contre son gré – la théorie ne tient pas, on l’a vu partir, et revenir –, d’autres affirment qu’il est là pour sa propre sécurité. Et puis la version la plus populaire, et la plus secrète, car le romantisme n’entre ici qu’en contrebande : il est là pour veiller surelle. Elle qui attend, dans sa nuit de marbre, à quelques centaines de mètres de la petite cellule. Elle qui patiente depuis quarante ans. Tous les moines de la Sacra l’ont vue une fois. Tous aimeraient la revoir. Il suffirait d’en demander la permission au Padre Vincenzo, le supérieur, mais peu osent le faire. Par peur, peut-être, des pensées impies qui viennent, dit-on, à ceux qui l’approchent de trop près. Et des pensées impies, les moines en ont bien assez comme ça quand ils sont poursuivis, au cœur du noir, par des rêves au visage d’ange.
Le mourant se débat, ouvre les yeux, les referme. L'un des frères jure y avoir lu de la joie – il se trompe. On pose un linge frais sur son front, sur ses lèvres, avec douceur.
Le malade s'agite encore et pour une fois, tous sont d'accord.
Il essaie de dire quelque chose."
"Bien sûr que j'essaie de dire quelque chose. J'ai vu l'homme voler, de plus en plus vite, de plus en plus loin. J'ai vu deux guerres, des nations sombrer, j'ai cueilli des orages sur Sunset Boulevard, vous ne croyez pas que j'ai quelque chose à raconter ? Pardon, je suis ingrat. Vous m'avez vêtu, vous m'avez nourri alors que vous n'aviez rien, ou si peu, quand j'ai décidé de me cacher parmi vous. Mais je me suis tu trop longtemps. fermez les volets, la lumière me blesse.
Il s'agite. fermez les volets, mon frère, il semble que la lumière l'incommode. "
"Il Francese. J'ai toujours détesté ce surnom, même si l'on m'en a donné de bien pires. Toutes mes joies, tous mes drames sont d'Italie. Je viens d'une terre où la beauté est toujours aux abois. Qu'elle s'endorme cinq minutes, la laideur l'égorgera sans pitié. Les génies naissent ici comme de mauvaises herbes. On chante comme on tue, on dessine comme on trompe, on fait pisser les chiens sur les murs des églises. Ce n'est pas pour rien qu'un Italien, Mercalli, donna son nom à une échelle de destruction, celle de l'intensité des tremblements de terre. Une main démolit ce que l'autre a bâti, et l'émotion est la même.
L'Italie, royaume de marbre et d'ordures. Mon pays."
"Des familles interdirent à leurs enfants de parler la langue du pays, pour ne pas « faire Rital ». Elles les décapaient au savon de Marseille dans l'espoir de les blanchir un peu. Pas chez les Vitaliani. Nous parlons italien, mangions italien. Nous pensions italien, c'est-à-dire à coups de superlatifs où la Mort était souvent invoquée, les larmes abondantes, les mains rarement au repos. On maudissait comme on passait le sel. Notre famille était un cirque, et nous en étions fiers.
En 1914, l'État français, qui avait mis si peu d'ardeur à protéger Luciano, Salvatore et les autres, déclara que mon père était sans l'ombre d'un doute un bon Français, digne de la conscription, d'autant qu'un fonctionnaire l'avait, par erreur ou par jeu, rajeuni de dix ans en recopiant son certificat de naissance.
Il partit la mine longue, sans fleur à son fusil."
"Les yeux des mères, c’est souvent quelque chose, mais la mienne avait les iris d’un bleu étrange, presque violet. Ils avaient déclenché plus d’un pugilat, jusqu’à ce que mon père mette de l’ordre dans tout ça. Un tailleur de pierre a des mains dangereuses, ce n’est pas moi qui dirai le contraire. La concurrence s’était vite inclinée."
"Heureusement, il y eut le papillon. Il entra à Saint-Michel-de-Maurienne, se posa sur la vitre, entre les montagnes qui défilaient et moi. Après un bref combat contre le verre, il renonça et ne bougea plus. Ce n’était pas un beau papillon, ces gloires de couleur et d’or que je verrais plus tard au printemps. Juste un papillon médiocre, gris, un peu bleuté si l’on regardait en plissant fort les yeux, une phalène abrutie par le jour. Je songeai un instant à le torturer, comme tous les gamins de mon âge, puis me rendis compte qu’en le fixant, seul élément tranquille dans un monde en furie, ma nausée s’en allait. Le papillon resta là pendant des heures, envoyé par une puissance amie pour me rassurer, et ce fut peut-être ma toute première intuition du fait que rien n’est vraiment ce qu’il paraît être, qu’un papillon n’est pas qu’un papillon mais une histoire, quelque chose d’énorme tapi dans un tout petit espace, ce que confirmerait la première bombe atomique quelques décennies plus tard et, peut-être plus encore, ce que je laisse en mourant dans mes soubassements de la plus belle abbaye du pays."
"J'arrivais sans le savoir en plein futurisme. Le monde n'était que vitesse, celle des pas, des trains, des balles, des changements de fortune ou d'alliances. Tous ces hommes, pourtant, toute cette masse semblait freiner des quatre fers.
les corps exultaient, se pressaient vers les wagons, les tranchées, un horizon barbelé. Mais quelque chose, entre deux mouvements, deux élans, hurlait je veux vivre encore un peu."
"La porte s’ouvre en silence – le serrurier qui a vanté la qualité des gonds n’a pas menti.
Il n’allume pas. Les néons d’origine ont été remplacés en même temps que la grille par un éclairage plus doux, et c’est tant mieux, ces néons la brutalisaient. Mais il préfère la voir dans le noir. L’abbé s’avance, la touche du bout des doigts, par habitude. Elle est un peu plus grande que lui. Au centre d’une pièce ronde, un sanctuaire primitif à voûtes romanes, elle se teint un peu courbée sur son socle, abîmée dans un rêve de pierre. La seule lumière vient du couloir, découpe deux visages, la cassure d’un poignet. L’abbé sait chaque détail de la statue qui dort dans l’ombre, pour l’avoir scrutée à s’en user les yeux.
On l’enferme pour la protéger.
L’abbé soupçonne que ceux qui l’ont mise là ont tenté de se protéger eux."
"Nous étions en guerre contre les Allemands, les Austro-Hongrois, nos gouvernements, nos voisins, façon de dire que nous étions en guerre contre nous-mêmes. L'un voulait la guerre, l'autre la paix, le ton montait, et celui qui voulait la paix finissait par donner le premier coup de poing."
"Le pays entier était suspendu aux nouvelles du front, après la raclée que les Austro-Hongrois nous avaient infligée à Caporetto. On disait les positions stabilisées non loin de Venise. On disait aussi le contraire, que l’ennemi allait débarquer et nous égorger dans notre sommeil ou, pire, nous forcer à manger du chou."
"Devant la villa, orangers citronniers et bigaradiers s'étendaient à perte de vue. L'or des Orsini, façonné et poli par un vent de mer qui, depuis la côte, soufflait son impensable douceur sur ces hauteurs. Impossible de ne pas s'arrêter, frappé par le paysage coloré, pointilliste, un feu d'artifice mandarine, melon, abricot, mimosa, fleur de soufre, qui ne s'éteignait jamais."
"Il n'y a pas de bonne pierre. Je le sais, parce que j'ai passé des années à la chercher. Jusqu'au moment où j'ai compris qu'il suffisait de me baisser, et de ramasser celle qui se trouvait à mes pieds."
"Les ouvriers s’affairaient déjà dans les champs d’agrumes. À des milliers de kilomètres de là, dans un pays que je n’imaginais pas visiter un jour, de l’autre côté de l’Atlantique, des hommes s’enrichissaient d’une huile noire crachée par la terre, un naphte visqueux qui gagnerait des guerres après les avoir provoquées. À Pietra d’Alba, la fortune venait de couleurs qui changeaient avec le soleil, d’une délicieuse amertume ou d’une sensation de sucré dans un matin froid. Je regrette le monde des oranges. Personne ne s’est jamais battu pour une orange."
" Les morts ne parlaient pas non plus, ou pas pour échanger des banalités. La conclusion s’imposait : ce n’était pas un spectre. La fille avait mon âge. Je ne savais pas si je devais implorer sa pitié pour m’être endormi sur son lit ou défaillir de soulagement.
— Tu ne vas pas encore t’évanouir ? Tu m’as fait une de ces peurs, hier.
— Moi, je vous ai fait peur ? J’ai cru que vous étiez morte !
Elle me dévisagea comme si j’étais devenu fou.
— J’ai l’air morte ?
— Maintenant non.
— C’est absurde, de toute façon. Pourquoi craindre les morts ?
— Euh… parce qu’ils sont morts ?
— Tu crois que ce sont les morts qui font les guerres ? Qui s’embusquent au bord des chemins ? Qui te violent et te volent ? Les morts sont nos amis. Tu ferais mieux d’avoir peur des vivants."
"Mais il m'était arrivé quelque chose, et son nom tournait dans ma tête comme ces mélodies que nos vieux chantaient quand ils avaient trop bu, ces airs du pays qui leur rendaient leurs yeux de vingt ans.
Viola. Viola. Viola."
"De mon lit, à la lueur d'une lampe tempête, j'écrivis ce soir-là à ma mère. Je lui écrivais tous les jours pour lui raconter ma vie. Puis je brûlais la lettre. Je n'en postais qu'une par mois. Je ne voulais pas l'inquiéter, elle qui m'appelait
« mon grand» en exergue de ses courriers. Elle se faisait assez de souci pour moi, pour l'argent, pour ce que je mangeais ou ne mangeais pas. Ses lettres à elle étaient toutes d'une écriture différente, puisque, comme mon père, ma mère était analphabète et devait se faire aider. Aux dernières nouvelles, elle avait quitté la Savoie pour le nord de la France, où elle avait trouvé un travail dans une ferme. Les patrons sont gentils. Je pourrai bientôt prendre des vacances". Je répondais Zio me traite bien, j'économise pour te faire venir . Nous mentions avec amour."
"Viola ne tenait jamais en place. Il en devenait presque difficile de l’observer. Elle était belle, à sa façon, c’est-à-dire à l’opposé de la fille Giordano. Sa féminité n’était pas dans ses formes mais dans l’austérité sensuelle de leur absence, cette manière anguleuse de se mouvoir comme si elle évitait en permanence d’invisibles obstacles, en jouant des coudes et des genoux. Ses yeux presque trop grands sous une chevelure noire ébouriffée, ses traits martelés à même l’os, couleur d’or sombre, accréditaient la thèse des origines méditerranéennes des Orsini."
" —Ta mère, reprit Viola, elle est où ?
— Loin.
— Elle sent quoi ?
— Hein ?
— Une mère, ça sent toujours quelque chose. Elle sent quoi, la tienne ?
— Rien. Enfin si, le pain. Et la vanille, de quand elle fait les canestrelli. Et aussi l’eau de rose que mon père lui avait offerte pour son anniversaire. Et un peu la sueur. Et la tienne, elle sent quoi ?
— Le chagrin. Bon, il faut que je rentre."
"Elle me tendit la main, et je la pris. Comme ça, franchissant d’un seul pas d’insondables abîmes de conventions, d’empêchements de classe. Viola me tendit la main et je la pris, un exploit dont personne ne parla jamais, une révolution muette. Viola me tendit la main et je la pris, et c’est à cet instant précis que je devins sculpteur. Je n’eus pas conscience du changement, bien sûr. Mais c’est à ce moment, de nos paumes alliées dans cette cabale de sous-bois et de chouettes, que me vint l’intuition qu’il y avait quelque chose à sculpter."
" Écouter les morts était son passe-temps favori. Elle s’y adonnait, m’apprît-elle, depuis qu’elle s’était accidentellement endormie sur une tombe pendant l’enterrement d’une aïeule, quand elle avait cinq ans. Elle s’était réveillée, la tête pleine d’histoires qui ne lui appartenaient pas et qui, par conséquent, ne pouvaient lui avoir été soufflées que par en-dessous."
"— Mes parents sont vieux. Je ne parle pas de leur âge. Ils sont d'un autre monde. Ils ne comprennent pas que demain, nous volerons comme nous montons à cheval . Que les femmes porteront la moustache et les hommes des bijoux. Le monde de mes parents est mort. Toi qui as peur des morts-vivants, c'est lui que tu devrais craindre. Il est mort mais bouge encore, parce que personne ne lui a dit qu'il était mort. C'est pour ça que c'est un monde dangereux. Il s'effondre sur lui même."
"L'espace d'un instant, Viola et moi sommes de la même taille. Nous avons presque quatorze ans. La même taille, exactement. Ça ne durera pas, elle le sait, je le sais, nous le savons car j'aime dire nous. Dans une seconde, Viola continuera de grandir et filera vers le ciel. Je resterai là, au ras du sol. Alors nous nous regardons longtemps, bien dans les yeux, plantés l'un dans l'autre. Presque surpris par ce croisement, égalité inattendue, dans une nuit de cimetière et de couleurs rôties par la chaleur du jour. Je me surprends à croire, l'espace d'un instant, que rien ne changera. Mais déjà les forces sont à l'œuvre qui la font pousser, les cellules qui s'empilent, les os qui s'étirent, et molécule par molécule Viola s'éloigne de moi."
"– Non, Mimo. Je voulais te montrer qu’il n’y a pas de limites. Pas de haut ni de bas. Pas de grand ou de petit. Toute frontière est une invention. Qui comprend ça dérange forcément ceux qui les inventent, ces frontières, et encore plus ceux qui y croient, c’est-à-dire à peu près tout le monde. Je sais ce qu’on dit sur moi, au village. Je sais que ma propre famille me trouve étrange. Je m’en fiche. Tu sauras que tu es sur le bon chemin, Mimo, quand tout le monde te dira le contraire.
– Je préférerais plaire à tout le monde.
– Bien sûr. C’est pour ça qu’aujourd’hui tu n’es rien. Bon anniversaire."
« La Pietà » de Michel-Ange
"Difficile d'imaginer qu'elle fut, un jour, une simple montagne. La montagne devint carrière à Polvaccio. On en tira un bloc de marbre, qu'on livra à un homme au visage fruste, marqué par une bagarre avec un confrère jaloux. L'homme, fidèle à sa philosophie, attaqua la pierre pour libérer la forme qui s'y trouvait déjà. Et la femme parut, d'une beauté insensée, penchée sur son fils abandonné dans un sommeil de mort sur ses genoux. Un homme, un burin, un marteau, de la pierre ponce. Si peu de choses pour donner naissance au plus grand chef-d'œuvre de la Renaissance italienne. La plus belle statue de tous les temps, et elle était simplement cachée au fond d'une pierre. Michelangelo Buonarroti eut beau chercher, hurler, il n'en découvrit plus de pareille dans le moindre bloc de marbre. Ses "Pietà" suivantes ressemblent à des ébauches de la première."
"Nos griefs, en bons jumeaux cosmiques, étaient parfaitement symétriques. Elle me reprochait de participer à la construction du monde qui naissait, d'en être l'un des acteurs majeurs. Et je lui reprochais exactement le contraire. D'avoir quitté la scène sous prétexte qu'elle avait, un jour, trébuché en public."
"– Pourquoi m’as-tu abandonné ?
Elle sursauta. Elle avait voyagé longtemps, elle était fatiguée, avait sans doute espéré un autre accueil. Lentement, ses yeux se levèrent, dévorèrent les miens de ce flamboiement violet qui, lui, n’avait pas pâli.
– La vie est une succession de choix que l’on referait différemment s’il nous était donné de tout recommencer, Mimo. Si tu es parvenu à faire les bons choix du premier coup, sans jamais te tromper, alors tu es un dieu. Et malgré tout l’amour que je te porte, malgré le fait que tu sois mon fils, même moi, je ne crois pas avoir donné naissance à un dieu."
"J'avais eu le malheur de dire « il y a du vent ». Viola m'avait donné un coup dans l'épaule, exaspérée.
— Les mots ont un sens, Mimo. Nommer, c'est comprendre. « Il y a du vent », ça ne veut rien dire. Est-ce un vent qui tue ? Un vent qui ensemence ? Un vent qui gèle les plants sur pied ou les réchauffe ? Et quel genre de députée ferais-je si les mots n'avaient pas de sens ? Je ne serais pas différente des autres.
— C'est bon, c'est bon, j'ai compris.
— Répète alors.
—Tramontane, sirocco, libeccio, ponant et mistral."
" – Écoute-moi bien. Sculpter, c’est très simple. C’est juste enlever des couches d’histoires, d’anecdotes, celles qui sont inutiles, jusqu’à atteindre l’histoire qui nous concerne tous, toi et moi et cette ville et le pays entier, l’histoire qu’on ne peut plus réduire sans l’endommager. Et c’est là qu’il faut arrêter de frapper. Tu comprends? "
"J'aimerais savoir comment cela va se passer le franchissement, le dernier souffle. Partirai-je au milieu d'une phrase commencée ? Des mots suspendus, puis plus rien, un beau silence, du soulagement ? Ou faudra-t-il me maintenir sur mon lit pendant qu'on arrachera mon âme à mon à mon corps ?
Tramontane, sirocco, libeccio, ponant et mistral, je t'appelle au nom de tous les vents.
J'ai aimé ma vie, ma vie de lâche et de traître et d'artiste et, comme me l'a appris Viola, on ne quitte pas quelque chose qu'on aime sans se retourner. "
Mon humble avis
581 pages d'un premier roman très particulier.
Il est resté longtemps en tête des livres les plus lus .
J'ai aimé l'écriture poétique, fluide, sobre, qui nous entraîne dans des univers différents au fil de l'histoire et des années.
J'ai aimé cette découverte du métier de sculpteur, ces passages où l'auteur nous plonge dans le monde de l'art et de la création artistique avec passion.
"Un homme, un burin, un marteau, de la pierre ponce."
Une époque particulière où se situe l'histoire : 1904 à 1986 en Italie, la période de l'entre-deux guerres à la première moitié de XX eme siècle avec la montée du fascisme, la deuxième guerre mondiale, Mussolini, et l'influence et le rôle important de l'Église, une grande part historique et très documentée.
L'auteur nous emporte avec des descriptions superbes dans les beaux paysages de l'Italie du Nord mais aussi avec angoisse dans les bas fonds des villes artistiques Milan, Rome et Gênes, passages plus dérangeants car son personnage de Mimo est attachant...
Une pure histoire d'amour platonique avec Viola
"Elle me sourit, un sourire qui dura trente ans, au coin duquel je me suspendis pour franchir bien des gouffres."
Viola que l'on voit grandir, personnage romantique, libre et engagée pour l'époque .
"Nous ne sommes pas des aimants. Nous sommes une symphonie. Et même la musique a besoin de silences. "
Une histoire addictive, passionnante, très émouvante et qui m'a bouleversé parfois car je me suis laissé emporté par ce récit.
Olivier Bourdeaut est un écrivain français, né le 3 juillet 1980 à Nantes dans la Loire-Atlantique.
Il avait trente cinq ans et a longtemps hésité avant de se mettre à écrire, se sentant tout petit devant sa bibliothèque.
Son premier roman En attendant Bojangles, paru en 2016 aux éditions Finitude, est récompensé la même année du prix France Culture-Télérama, du grand prix RTL-Lire, du prix Emmanuel-Roblès et du prix Roman France Télévisions.
Fils d'un notaire nantais, Olivier Bourdeaut est le troisième d'une famille de cinq enfants.
Après son échec au brevet des collèges, il s'oriente vers un BEP vente-action marchande et devient agent immobilier à Nantes.
À l'âge de trente ans, il perd son travail et décide de se consacrer à la littérature.
Il travaille durant 2 ans à l'écriture d'un premier roman, sombre, qui ne trouvera cependant aucun éditeur.
Alors qu'il réside chez ses parents en Espagne, il se consacre à l'écriture rapide (en sept semaines) d'un autre roman léger et loufoque qui deviendra "En attendant Bojangles".
Publié par les éditions Finitude, les premières à s'en être porté acquéreur, le livre reçoit le soutien enthousiaste de Jérôme Garcin dans Le Nouvel Observateur, et rencontre immédiatement le succès auprès du public.
Le sujet de son troisième roman, Florida, est une critique acerbe des concours de beauté américains pour mini-miss et de culturisme.
L'histoire :
Sous le regard émerveillé de leur fils, ils dansent sur «Mr. Bojangles » de Nina Simone.
Leur amour est magique, vertigineux, une fête perpétuelle. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis.
Celle qui donne le ton, qui mène le bal, c’est la mère, feu follet imprévisible et extravagant. C’est elle qui a adopté le quatrième membre de la famille, Mlle Superfétatoire, un grand oiseau exotique qui déambule dans l’appartement. C’est elle qui n’a de cesse de les entraîner dans un tourbillon de poésie et de chimères.
Un jour, pourtant, elle va trop loin. Et père et fils feront tout pour éviter l’inéluctable, pour que la fête continue, coûte que coûte.
L’amour fou n’a jamais si bien porté son nom.
Critiques :
OuestFrance
15 décembre 2023
"En attendant Bojangles", un roman mélancolique et surréaliste.
LeFigaro
04 mars 2021
L’auteur d’«En attendant Bojangles» raconte l’histoire d’une petite fille élevée dans le culte du corps parfait. Féroce et puissant.
LaLibreBelgique
10 mai 2017
Si certains esprits chagrins pourraient refuser de croire à cette histoire, elle n’en demeure pas moins porteuse d’une précieuse féerie et gonflée d’une sincère affection.
Actualitte
19 octobre 2016
Qui ne succomberait pas à l’entraînement de cette vie déchaînée, au sens physique du terme, libérée des contraintes, avide de simplicité et de passions où le bonheur est source de folie et réciproquement.
LaPresse
22 mars 2016
On plonge dans ce premier roman surprenant aussi rapidement qu'on en sort, avec la sensation d'avoir absorbé une grande bouffée d'air frais.
Épigraphe
« Certains ne deviennent jamais fous...
Leurs vies doivent être bien ennuyeuses.
Charles Bukowski
Extraits :
"Mon père m'avait dit qu'avant ma naissance, son métier c'était de chasser les mouches avec un harpon. Il m'avait montré le harpon et une mouche écrasée.
— J'ai arrêté car c'était très difficile et très mal payé, m'avait-il affirmé en rangeant son ancien matériel de travail dans un coffret laqué. Maintenant j'ouvre des garages, il faut beaucoup travailler mais c'est très bien payé.
À la rentrée des classes, lorsque aux premières heures on fait les présentations, j’avais parlé, non sans fierté, de ses metiers mais je m'étais fait gentiment gourmander et copieusement moquer.
— La vérité est mal payée, pour une fois qu'elle était drôle comme un mensonge, avais-je déploré.
En réalité, mon père était un homme de loi.
— C'est la loi qui nous fait manger! s'esclaffait-il en bourrant sa pipe.
Il n'était ni juge, ni député, ni notaire, ni avocat, il n’était rien de tout ça."
"Nouvelles normes, nouveau métier. C'est ainsi qu'il devint « ouvreur de garages ». Pour assurer un parc automobile sécurisé et sain, le sénateur avait décidé d'imposer un contrôle technique à tout le monde. Ainsi, les propriétaires de tacots, de limousines, d'utilitaires et de guimbardes en tout genre devaient faire passer une visite médicale à leur véhicule pour éviter les accidents. Riche ou pauvre, tout le monde devait s'y plier. Alors forcément comme c'était obligatoire, mon père facturait cher, très cher. Il facturait l'aller et le retour, visite et contre-visite, et d'après ses éclats de rire c'était très bien comme ça.
— Je sauve des vies, je sauve des vies ! riait -il le nez plongé dans ses relevés bancaires."
"Tout le temps il chantonnait, mal. Parfois il sifflotait, tout aussi mal, mais comme tout ce qui est fait de bon cœur c’était supportable. Il racontait de belles histoires et, les rares fois où il n’y avait pas d’invités, il venait plier son grand corps sec sur mon lit pour m’endormir. D’un roulement d’œil, d’une forêt, d’un chevreuil, d’un farfadet, d’un cercueil, il chassait tout mon sommeil. Le plus souvent, je finissais hilare en sautant sur mon lit ou caché pétrifié derrière les rideaux.
— Ce sont des histoires à dormir debout, disait-il avant de quitter ma chambre."
"Je n’ai jamais bien compris pourquoi, mais mon père n’appelait jamais ma mère plus de deux jours de suite par le même prénom. Même si certains prénoms la lassaient plus vite que d’autres, ma mère aimait beaucoup cette habitude et, chaque matin dans la cuisine, je la voyais observer mon père, le suivre d’un regard rieur, le nez dans son bol, ou le menton dans les mains en attendant le verdict.
— Oh non, vous ne pouvez me faire çà ! Ce soir nous avons des gens à diner ! Pas Renée, pas aujourd'hui ! "
" Un jour par an seulement, ma mère possédait un prénom fixe. Le 15 février elle s'appelait Georgette. Ce n'était pas son vrai prénom, mais la Sainte-Georgette avait lieu le lendemain de la Saint-Valentin. Mes parents trouvaient tellement peu romantique de s'attabler dans un restaurant entourés d'amours forcés, en service commandé. Alors chaque année, ils fêtaient la Sainte-Georgette en profitant d'un restaurant désert et d'un service à leur seule disposition. De toute manière, Papa considérait qu'une fête romantique ne pouvait porter qu'un prénom féminin.
— Veuillez nous réserver la meilleur table, au nom de Georgette et Georges s'ils vous plaît. Rassurez-moi, il ne vous reste plus de vos affreux gâteaux en forme de cœur? Non? Dieu merci! disait-il en réservant la table d'un grand restaurant.
Pour eux, la Sainte-Georgette n'était surtout pas la fête des amourettes."
"Tout le temps, beaucoup. Il restait assis à son grand bureau devant son papier, il écrivait, riait en écrivant, écrivait ce qui le faisait rire, remplissait sa pipe, le cendrier, la pièce de fumée, et d’encre son papier.
Les seules choses qui se vidaient, c’était les tasses de café et les bouteilles de liquides mélangés. Mais la réponse des éditeurs était toujours la même : « C’est bien écrit, drôle, mais ça n’a ni queue, ni tête. » Pour le consoler de ces refus, ma mère disait :
— A-t-on déjà vu un livre avec une queue et une tête, ça se saurait !
Ça nous faisait beaucoup rire."
"D’elle, mon père disait qu’elle tutoyait les étoiles, ce qui me semblait étrange car elle vouvoyait tout le monde, y compris moi. Ma mère vouvoyait également la demoiselle de Numidie, cet oiseau élégant et étonnant qui vivait dans notre appartement et promenait en ondulant son long cou noir, ses houppettes blanches et ses yeux rouges violent, depuis que mes parents l'avaient ramenée d'un voyage je ne sais où, de leur vie d'avant. Nous l'appelions "Mademoiselle Superfétatoire" car elle ne servait à rien, sauf à crier très fort sans raison."
"Un jour, ma mère avait souhaité emmener Mademoiselle Superfétatoire en ville faire des courses ; pour cela elle lui avait confectionné une belle laisse en perle, mais Mademoiselle avait eu peur des gens et les gens avaient eu peur de Mademoiselle qui criait comme jamais. Une vieille dame à teckel lui avait même dit que c'était inhumain et dangereux de promener un oiseau en laisse sur le trottoir.
— Des poils, des plumes, quelle différence ! Mademoiselle n'a jamais mordu qui que ce soit, et je la trouve bien plus élégante que votre pâté de poil ! Venez Mademoiselle rentrons chez nous, ces individus sont vraiment trop communs et grossiers !"
"Elle ne me traitait ni en adulte, ni en enfant mais plutôt comme un personnage de roman. Un roman qu’elle aimait beaucoup et tendrement et dans lequel elle se plongeait à tout instant.
Elle ne voulait entendre parler ni de tracas ni de tristesse.
— Quand la réalité est banale et triste, inventez-moi une belle histoire, vous mentez si bien, ce serait dommage de nous en priver."
"Puis elle me couvrait de baisers. Elle me picorait disait-elle, j'aimais beaucoup me faire picorer par elle. Chaque matin, après avoir reçu son prénom quotidien, elle me confiait un de ses gants en velours fraîchement parfumé pour que toute la journée sa main puisse me guider."
"Mes parents dansaient tout le temps, partout. Avec leurs amis la nuit, tous les deux le matin et l'après-midi. Parfois je dansais avec eux. Ils dansaient avec des façons vraiment incroyables, ils bousculaient tout sur leur passage, mon père lâchait ma mère dans l'atmosphère, la rattrapait par les ongles après une pirouette, parfois deux, même trois. Il la balançait sous ses jambes, la faisait voler autour de lui comme une girouette, et quand il la lâchait complètement sans faire exprès Maman se retrouvait les fesses par terre et sa robe autour, comme une tasse sur une soucoupe."
"Sur la commode du salon, devant un immense cliché noir et blanc de Maman sautant dans une piscine en tenue de soirée, se trouvait un beau et vieux tourne-disque sur lequel passait toujours le même vinyle de Nina Simone, et la même chanson : « Mister Bojangles ». C’était le seul disque qui avait le droit de tourner sur l’appareil, les autres musiques devaient se réfugier dans une chaîne hifi plus moderne et un peu terne. Cette musique était vraiment folle, elle était triste et gaie en même temps, et elle mettait ma mère dans le même état."
"Dans un coin du hall, il y avait une montagne de courrier que mes parents avaient constituée en jetant, sans les ouvrir, toutes les lettres qu'ils recevaient. La montagne était si impressionnante que je pouvais me jeter dedans sans me blesser, c'était une montagne joyeuse et moelleuse qui faisait partie du mobilier. Parfois, mon père me disait :
— Si tu n'es pas sage, je te fais ouvrir le courrier pour le trier !
Mais il ne l'a jamais fait, il n'était pas méchant."
"En face du canapé, sur une vieille malle de voyage pleine d'autocollants de capitales, se trouvait un petit téléviseur moisi qui ne fonctionnait plus très bien. Sur toutes ses chaînes passaient des images de fourmilières en gris, en noir, en blanc. Pour le punir de ses mauvais programmes, mon père l'avait chapeauté d'un bonnet d'âne. Parfois, il me disait :
— Si tu n'es pas sage, j'allume la télévision !
C'était l'horreur de regarder le téléviseur pendant des heures. Mais il le faisait rarement, il n'était vraiment pas méchant."
"La journée, il allait travailler au palais du Luxembourg, qui se trouvait bien à Paris, pour des raisons que j’avais du mal à comprendre. Il disait qu’il allait travailler tard mais revenait toujours très tôt. Le sénateur avait un drôle de train de vie. En rentrant il disait que son métier était beaucoup plus drôle avant la chute du mur, parce qu’on y voyait beaucoup plus clair. J’en avais déduit qu’il y avait eu des travaux dans son bureau, qu’on avait cassé un mur et bouché les fenêtres avec. Je comprenais qu’il rentre tôt, ce n’était pas des conditions de travail, même pour une ordure. De lui, Papa déclarait :
— L’Ordure est mon ami le plus cher, car son amitié n’a pas de prix !
Et ça, je l’avais parfaitement compris."
"— Je suis sérieuse ! Vous êtes la copie conforme de ce cavalier dont je suis folle amoureuse depuis mon enfance, je me suis déjà mariée mille fois avec lui, car voyez-vous, le mariage étant le plus beau jour de la vie, nous avons décidé de nous marier tous les jours, ainsi notre vie est un perpétuel paradis."
"J'étais donc arrivé à ce moment si particulier où l'on peut encore choisir, ce moment où l'on peut choisir l'avenir de ses sentiments. Je me trouvais désormais au sommet du toboggan, je pouvais toujours décider de redescendre l'échelle, de m'en aller, fuir loin d'elle, prétextant un impératif aussi fallacieux qu'important.
Ou bien je pouvais me laisser porter, enjamber la rampe et me laisser glisser avec cette douce impression de ne plus pouvoir rien décider, de ne plus pouvoir rien arrêter, confier son destin à un chemin que vous n'avez pas dessiné, et pour finir, m'engloutir dans un bac aux sables mouvants, dorés et ouatés. Je voyais bien qu'elle n'avait pas toute sa tête, que ses yeux verts délirants cachaient des failles secrètes, que ses joues enfantines, légèrement rebondies, dissimulaient un passé d'adolescente meurtrie, que cette belle jeune femme, apparemment drôle et épanouie, devait avoir vu sa vie passée bousculée et tabassée. Je m'étais dit que c'était pour ça qu'elle dansait follement, pour oublier ses tourments, tout simplement."
"Je m'étais dit que j'étais moi aussi légèrement frappé de folie et que je ne pouvais décemment pas m'amouracher d'une femme qui l'était totalement, que notre union s'apparenterait à celle d'un unijambiste avec une femme tronc, que cette relation ne pouvait que claudiquer, avancer à tâtons dans d'improbables directions."
"J'avais réalisé que je me posais encore des questions à propos d'un problème qui était déjà tranché, je glissais vers cette belle brune, j'étais déjà sur la rampe, je m'étais lancé dans la brume, sans même m'en rendre compte, sans avertissement, ni trompe."
"Le temps d'un cocktail, d'une danse, une femme folle et chapeautée d'ailes, m'avait rendu fou d'elle en m'invitant à partager sa démence."
"À l’école, rien ne s’était passé comme prévu, alors vraiment rien du tout, surtout pour moi. Lorsque je racontais ce qui se passait à la maison, la maîtresse ne me croyait pas et les autres élèves non plus, alors je mentais à l’envers. Il valait mieux faire comme ça pour l’intérêt général, et surtout pour le mien. À l’école, ma mère avait toujours le même prénom, Mademoiselle Superfétatoire n’existait plus, l’Ordure n’était pas sénateur, Mister Bojangles n’était qu’un bête disque qui tournait comme tous les disques, et comme tout le monde je mangeais à l’heure de tout le monde, c’était mieux ainsi. Je mentais à l’endroit chez moi et à l’envers à l’école, c’était compliqué pour moi, mais plus simple pour les autres. Il n'y avait pas que le mensonge que je faisais à l'envers, mon écriture aussi était inversée. J'écrivais comme "un miroir", m'avait dit l'institutrice, même si je savais très bien que les miroirs n'écrivaient pas. La maîtresse aussi mentait parfois mais elle, elle avait le droit. Tout le monde faisait des petits mensonges parce que pour la tranquillité, c'était mieux que la vérité, rien que la vérité, toute la vérité."
"Pour que mon écriture aille dans le bon sens, la maîtresse m'avait envoyé chez une dame qui redressait les lettres sans jamais les toucher et qui, sans outil, savait les bricoler pour les remettre à l'endroit. Alors malheureusement pour Maman, après j'étais presque guéri. presque, parce que j'étais aussi gaucher par-dessus le marché, mais la maîtresse n'y pouvait rien."
"L'avantage avec ma retraite anticipée, c'est qu'on pouvait partir en Espagne sans attendre tout le monde, et parfois ça nous prenait comme une envie de faire pipi, en quand même un peu plus long à préparer. Le matin, Papa disait :
— Henriette, faisons les valises, ce soir je veux prendre l'apéritif sur le lac !
Alors on jetait des milliards de choses dans les valises, ça volait dans tous les sens. Papa hurlait :
— Pauline, où sont mes espadrilles ?
Et Maman répondait :
— À la poubelle, Georges ! C'est encore là qu'elles vous vont le mieux !
Et Maman lui lançait :
— Georges, n'oubliez pas votre bêtise, on en a toujours besoin !
Et mon père répondait :
— Ne vous en faites pas, Hortense, j'ai toujours un double sur moi !
On oubliait toujours des trucs, mais on était souvent pliés en quatre pour faire nos bagages, en deux temps trois mouvements."
"— Mon petit, dans la vie, il y a deux catégories de personnes qu'il faut éviter à tout prix. Les végétariens et les cyclistes professionnels. Les premiers, parce qu'un homme qui refuse de manger une entrecôte a certainement dû être cannibale dans une autre vie. Et les seconds, parce qu'un homme chapeauté d'un suppositoire qui moule grossièrement ses bourses dans un collant fluorescent pour gravir une côte à bicyclette n'a certainement plus toute sa tête. Alors, si un jour tu croises un cycliste végétarien, un conseil mon bonhomme, pousse-le très fort pour gagner du temps et cours très vite et très longtemps.
Je l'avais beaucoup remercié pour ses conseils philosophiques.
— Les ennemis les plus dangereux sont ceux qu'on ne soupçonne pas ! avais-je déclaré reconnaissant. "
"Le miroir est plus objectif, il juge vraiment, parfois cruellement, mais sans mettre d'affectif."
"Puis, lorsque le dernier quartier ensoleillé disparaissait derrière le sommet de la montagne, Bojangles retentissait, porté dans l'atmosphère par la voix douce et chaude de Nina Simone et l'écho de son piano. C'était tellement beau que tout le monde se taisait pour regarder Maman pleurer en silence.
D'une main, j'essuyais ses larmes, et de l'autre je tenais les siennes. C'est souvent dans ses yeux que je voyais les premiers feux exploser après le sifflement du décollage."
« Son comportement extravagant avait rempli toute ma vie, il était venu se nicher dans chaque recoin, il occupait tout le cadran de l'horloge, y dévorant chaque instant. Cette folie, je l'avais accueillie les bras ouverts, puis je les avais refermés pour la serrer fort et m'en imprégner, mais je craignais qu'une telle folie douce ne soit pas éternelle. Pour elle, le réel n'existait pas. J'avais rencontré une Don Quichotte en jupe et en bottes, qui, chaque matin, les yeux à peine ouverts et encore gonflés, sautait sur son canasson, frénétiquement lui tapait les flancs, pour partir au galop à l'assaut de ses lointains moulins quotidiens. Elle avait réussi à donner un sens à ma vie en la transformant en un bordel perpétuel. Sa trajectoire était claire, elle avait mille directions, des millions d'horizons, mon rôle consistait à faire suivre l'intendance en cadence, à lui donner les moyens de vivre ses démences et de ne se préoccuper de rien.
Lorsqu’en Afrique nous avions aperçu une grue blessée sur le bord d’un sentier, elle avait souhaité la garder pour la soigner. Nous avions dû prolonger notre séjour d’une dizaine de jours, puis une fois l’oiseau guéri, elle avait voulu le ramener à Paris, mais elle n’avait pas compris qu’il faille obtenir des certificats, les couvrir de tampons, de signatures, remplir des montagnes de formulaires pour passer la frontière.
— Pourquoi toutes ces dingueries ? Ne me dites pas qu’à chaque fois que cet oiseau survole les frontières, il doit remplir ce formulaire et qu’il doit se coltiner tous ces fonctionnaires ! Même la vie des oiseaux est un calvaire ! avait-elle vociféré, exaspérée, pendant qu’elle matraquait de coups de tampons le bureau du vétérinaire."
"Je ne peux pas passer mes journées à vous attendre, je ne peux pas vivre sans vous ! Votre place est avec nous deux...Pas une seconde, surtout pas une journée ! D'ailleurs je me demande bien comment font les autres pour vivre sans vous, chuchota-t-elle, la voix brisée en sanglot, passant d'une colère lourde, à une tristesse sourde en quelques syllabes seulement."
"Le problème avec le nouvel état de Maman, c'est qu'il n'avait pas d'agenda, pas d'heure fixe, il ne prenait pas rendez-vous, il débarquait comme ça, comme un goujat. Il attendait patiemment qu'on est oublié, repris notre vie d'avant, et se présentait sans frapper, sans sonner, le matin, le soir, pendant le dîner, après la douche, au milieu d'une promenade. Dans ce cas là, nous ne savions jamais quoi faire et comment le faire, pourtant, au bout d'un moment, nous aurions du avoir l'habitude..."
"— Ils vont garder ta mère en observation pendant quelque temps, c'est plus simple ainsi. Comme ça, lorsqu'elle sortira, elle sera complétement guérie. Encore quelques jours et tout sera fini, ça nous laisse le temps de réparer les dégâts du salon pour son retour. Tu choisiras la couleur de la peinture, tu vas voir, on va bien s'amuser ! affirma-t-il, même si ses yeux tristes et doux disaient tout le contraire.
Pour être gentil avec moi, mon père était aussi capable de faire des mensonges à l'envers."
"Les médecins nous avaient expliqué qu'il fallait la protéger d'elle-même pour protéger les autres. Papa m'avait dit qu'il n'y avait que des médecins de la tête pour sortir des phrases pareilles. Maman était installée au deuxième étage de la clinique, celui des déménagés du ciboulot. Pour la plupart, le déménagement était en cours, leur esprit partait petit à petit, alors ils attendaient calmement la fin du nettoyage, en mangeant des médicaments.
Dans le couloir, il y avait beaucoup de gens qui semblaient pleins et normaux à l extérieur, mais qui en fait étaient presque vides à l intérieur. Le deuxième étage était une salle d' attente géante pour accéder au troisième étage, celui des décapités mentaux. À cet étage là, les patients étaient beaucoup plus marrants. Pour eux le déménagement était terminé, les médicaments avaient tout enlevé, il ne restait que de la folie et du vent."
" Il m'emmenait souvent au cinéma, comme ça, dans le noir, il pouvait pleurer sans que je le voie. Je voyais bien ses yeux rouges à la fin du film, mais je faisais comme si de rien n'était. Mais avec le déménagement, il craqua deux fois en se mettant à pleurer en plein jour. C'est vraiment différent de pleurer en plein jour, c'est un autre niveau de tristesse."
"Heureusement, Maman reprit les choses en main. Un vendredi soir, en arrivant à la clinique, nous avions trouvé tous les couloirs vides. Toutes les portes étaient ouvertes, mais les chambres étaient désertes. Par un seul décapité mental à l'horizon. Même Bulle d'air s'était envolée. En marchant dans la clinique, nous avions fini par entendre du bruit, de la musique et des cris venant du réfectoire. En ouvrant la porte, on avait vu des choses qu'on n'avait jamais encore vues."
"De toute façon j'ai toujours été un peu folle alors un peu plus, un peu moins, ça ne va pas changer l'amour que vous avez pour moi, n'est ce pas ?"
"— Mais enfin, Georges, vous êtes fou ! Ce n'est pas discret du tout ! s'était exclamée ma mère, qui baissa ses grosses lunettes de star avant de rajuster son foulard de fuyarde.
— Au contraire, Miss Liberty, vous n'y connaissez rien, les cavales, c'est comme les mensonges, plus c'est gros, mieux ça passe."
« Pour masquer les odeurs de gueule de bois de mon marin et de ma star de cinéma, nous nous étions arrêtés sur la Costa Brava pour cueillir du romarin et du thym sur le bord d'un chemin. En les observant, assis sous un olivier, rire et discuter en offrant leur visage blanc au soleil, je m'étais dit que jamais je ne regretterais d'avoir commis une folie pareille. Un si beau tableau ne pouvait être le fruit d'une erreur, d'un mauvais choix, un éclairage si parfait ne pouvait entraîner aucun regret. Jamais. »
Ainsi écrivait mon père dans ses carnets secrets que j'ai découvert plus tard, après."
"Hystérie, bipolarité, schizophrénie, les médecins l’avaient accablée de tout leur savant vocable pour désigner les fous à lier. Et ils l’avaient liée à un bâtiment déprimant, et ils l’avaient liée chimiquement avec des tonnes de médicaments, et ils l’avaient liée pour sa démence sur une simple ordonnance, tamponnée d’un caducée. Il l’avaient liée loin de nous pour la rapprocher des fous."
"Ce compte à rebours qu'au fil des jours heureux j'avais oublié de surveiller, venait de se mettre à sonner comme un réveil malheureux et détraqué, comme une alarme qui fait saigner les tympans avec son incessant vacarme, un bruit barbare qui nous dit qu'il faut fuir maintenant, que la fête vient de se finir brutalement.
Pourtant, à la naissance de notre fils, lors de l'accouchement, avec ses hurlements, Constance semblait avoir évacué certains aspects de son comportement tempétueux et déluré. Je l'avais observée chuchoter des vœux à l'oreille de notre bébé fraîchement emmailloté, des vœux de bienvenue assez naturels dans une bouche maternelle et j'avais trouvé cette banalité réconfortante et belle, cette normalité m'avait rassuré."
"Elle lui avait appris à vouvoyer tout le monde car elle considérait le tutoiement comme le meilleur moyen d'être à la merci des gens, elle lui avait dit que le Vous était la première barrière de sécurité dans la vie, ainsi qu'une marque de respect qu'on devait à l'humanité tout entière."
"Pour les petites filles de son âge, elle lui avait suggéré de leur présenter ses hommages par des baisemains, ce qui rendait nos promenades en ville, dans les rues et dans les parcs, charmantes et hors du temps. Il fallait le regarder quitter son bac à sable et trottiner pour aller s'emparer des mains des jeunes filles éberluées de voir ainsi leurs mains couvertes de baisers. Il fallait voir les yeux de la clientèle des grands magasins le suivre d'un regard bovin, oubliant totalement leurs listes de courses, et l'observer s'incliner avec déférence pour effectuer sa révérence. Certaines mères le regardaient faire, puis tournaient la tête pour tomber nez à nez avec leur fils assis dans leur caddie, la bouche ouverte et couverte de miettes de biscuit, et semblaient se demander ce qui avait bien pu se passer, si c'était leur enfant qui était raté ou le nôtre qui était taré."
"— Tu sais, fiston, Suzon a beaucoup d’imagination, elle joue avec tout, même avec sa filiation, mais dans l’arbre, ta Maman, ce sont les racines, les feuilles, les branches et la tête en même temps, et nous, nous sommes les jardiniers, nous allons faire en sorte que l’arbre tienne debout et qu’il ne finisse pas déraciné, lui avais-je répondu par une métaphore confuse enroulée dans un enthousiasme forcé, tandis qu’il acceptait dubitativement sa mission sans la comprendre vraiment."
En rentrant le soir, seul avec lui, sur le chemin de notre maison, je m'étais dit qu'il avait raison, au point où nous en étions, nous n'avions pas d'autres solutions que de botter le cul à la raison. Je lui avais dit, pour ne pas l'accabler, lui épargner l'horrible vérité, que sa mère un jour pourrait rentrer, mais les médecins m'avaient annoncé tout le contraire, pour eux, elle ne pourrait jamais sortir, son état allait devenir de pire en pire, ce bâtiment déprimant — comme elle l'avait désigné — était son seul avenir. Je ne lui avais pas dit que pour épargner la vie des autres elle devait y mourir. En marchant dans la rue, en cette belle soirée de printemps, la main de mon fils dans la mienne, je n'étais plus l'imbécile heureux que je m'étais toujours flatté d'être, j'avais laissé la deuxième partie de mon titre s'envoler loin et disparaître. Lorsque j'avais rencontré sa mère, j'avais tenté un pari, j'avais lu toutes les règles, j'avais signé le contrat, accepté les conditions générales et pris connaissance des contreparties. Je ne regrettais rien, je ne pouvais pas regretter cette douce marginalité, ces pieds de nez perpétuels à la réalité, ces bras d'honneur aux conventions, aux horloges, aux saisons, ces langues tirées aux qu'en-dira-t-on. Désormais, nous n'avions pas d'autre choix que de foutre un coup de pied au cul de la raison, et pour cela nous allions ajouter un avenant au contrat. Après des années de fêtes, de voyages, d'excentricités et d'extravagante gaîté, je me voyais mal expliquer à mon fils que tout était terminé, que désormais, nous irions tous les jours contempler sa mère délirer dans une chambre d'hôpital, que sa Maman était une malade et qu'il fallait attendre sagement de la voir sombrer. Je lui avais menti pour pouvoir continuer la partie."
"Puis elle s’isolait pour pleurer de chagrin, on avait l’impression qu’elle n’allait jamais s’arrêter, comme lorsqu’on a pris trop de vitesse en dévalant une pente, ses chagrins venaient de très haut, ses chagrins venaient de très loin, elle ne pouvait pas y résister."
"Papa et moi, nous nous sentions totalement inutiles devant cet état-là.
Il pouvait essayer de la consoler en lui parlant doucement pour la rassurer, et j'avais beau lui faire des câlins, ça ne servait à rien, dans ces moments-là, elle était inconsolable, il n'y avait pas d'espace pour nous entre ses problèmes et elle, la place était imprenable."
"Et puis tout d’un coup, j’avais vu Maman sortir de nulle part pour rejoindre le cœur de la piste en sautillant, une main sur la hanche et l’autre offerte en direction de mon père. Même si elle avait l’air sûre d’elle, j’avais vraiment eu très peur et j’ai pensé qu’ils n’avaient pas le droit à l’erreur. Papa était entré dans l’arène le menton dressé et la foule s’était calmée, par curiosité, pour observer danser les seuls étrangers de la soirée. Après un silence d’une éternité, l’orchestre avait démarré et mes parents avaient commencé à danser doucement en se tournant autour, la tête légèrement baissée et les yeux dans les yeux, comme s’ils étaient en train de se chercher, de s’apprivoiser. Pour moi, c’était beau et angoissant à la fois. Puis la grande dame en rouge et noir se mit à chanter, les guitares s’énervèrent, les cymbales se mirent à frétiller, les castagnettes à claquer, ma tête à tourner et mes parents à voler. Ils volaient mes parents, ils volaient l’un autour de l’autre, ils volaient les pieds sur terre et la tête en l’air, ils volaient vraiment, ils atterrissaient tout doucement puis redécollaient comme des tourbillons impatients et recommençaient à voler avec passion dans une folie de mouvements incandescents. Jamais je ne les avais vus danser comme ça, ça ressemblait à une première danse, à une dernière aussi. C’était une prière de mouvements, c’était le début et la fin en même temps. Ils dansaient à en perdre le souffle, tandis que moi je retenais le mien pour ne rien rater, ne rien oublier et me souvenir de tous ces gestes fous. Ils avaient mis toute leur vie dans cette danse, et ça, la foule l'avait très bien compris, alors les gens applaudissaient comme jamais, parce que pour des étrangers ils dansaient aussi bien qu'eux. »
"Et moi, j'allais devoir apprendre à vivre sans eux. J'allais pouvoir répondre à une question que je me posais tout le temps. Comment font les autres enfants pour vivre sans mes parents ?"
"— Regardez cette chapelle, Georges, elle est remplie de gens qui prient pour nous ! s’était-elle exclamée dans l’édifice vide.
Puis, en sautillant dans la nef centrale, elle avait noué son châle autour de son cou pour le transformer en traine de mariée. Au fond, le grand vitrail multicolore, transpercé par le soleil levant, diffusait une lumière mystique au cœur de laquelle tournoyait la poussière dans une valse intemporelle, un tourbillon qui planait juste au-dessus de l’autel.
— Je jure devant Dieu tout-puissant que toutes les personnes que je suis vous aimeront éternellement ! avait-elle psalmodié, mon menton entre ses mains, pour mieux hypnotiser, de son regard céladon, mes yeux ensorcelés.
— Je promets devant le Saint-Esprit d’aimer et de chérir toutes celles que vous serez, jour et nuit, de vous accompagner toute votre vie et de vous accompagner partout où vous irez, avais-je répondu en appliquant mes mains sur ses joues rebondies, gonflées par un sourire débordant d’abandon.
— Vous jurez devant tous les anges que vous me suivrez partout, vraiment partout ?
— Oui, partout, vraiment partout !"
"Maman me racontait souvent l’histoire de mister Bojangles. Son histoire était comme sa musique : belle, dansante et mélancolique. C’est pour ça que mes parents aimaient les slows avec Monsieur Bojangles, c’était une musique pour les sentiments."
Mon humble avis
159 pages qui se lisent très vite.
C'est ma petite fille qui me l'a offert avec cette dédicace :
«Un petit livre qui fait le chemin depuis ma librairie préférée à Paris à ta maison gapençaise et je l'ai beaucoup aimé. Il parle d'amour, de folie, d'excès, de tristesses, de joies, de toutes ces émotions trop fortes que l'on nous conseille de maîtriser et que les personnages vivent pleinement.»
C'est tout à fait cela et elle l'a très bien résumé.
L'histoire nous est raconté par deux personnages en alternance : les souvenirs d'enfance d'un enfant attendrissant et les carnets intimes de son père qui montreront le côté plus grave retrouvés par le fils qui fera de tout cela un roman à la construction intéressante.
Un style plaisant, poétique avec une écriture fluide qui exprime les sentiments avec pudeur, douceur, tendresse...et de l'humour toujours même dans le tragique et l'émouvant.
Je l'ai lu comme une fable car c'est déjanté, drôle, tendre mais déroutant, déstabilisant, dramatique et complètement irréel et fantaisiste...
Il traite de la folie "Hystérie, bipolarité, schizophrénie"
"Le problème c'est qu'elle perdait complètement la tête. Bien sûr, la partie visible restait sur ses épaules, mais le reste, on ne savait pas où il allait."
et de l'amour passion
"Le temps d’un cocktail, d’une danse, une femme chapeautée d’ailes, m’avait rendu fou d’elle en m’invitant à partager sa démence.
Elle avait réussi à donner un sens à ma vie en la transformant en un bordel perpétuel."
Des sourires et de la tristesse ...
Le personnage de l'enfant est très attachant...
"Le problème avec le nouvel état de Maman, c’est qu’il n’avait pas d’agenda, pas d’heure fixe, il ne prenait pas rendez-vous, il débarquait comme ça, comme un goujat."
"J'allais pouvoir répondre à une question que je me posais tout le temps. Comment font les autres enfants pour vivre sans mes parents ?"
Merci ma Gaïna pour ce choix original...
J'adore partager l'amour de la lecture avec toi...
Un petit livre empli de fantaisie, d'humour, d'amour, de folie, de tendresse ...mais tellement dramatique aussi. Comme la vraie vie pour ce côté là!
L'auteur
Nationalité : France
Né(e) à : Annecy , le 15/10/1973
Franck Thilliez est un romancier de policiers et scénariste.
Ingénieur de formation, il s’illustre d’abord dans les nouvelles technologies et devient très tôt spécialiste en informatique.
Il allie cette passion à son goût pour les thrillers pour donner naissance à son premier roman, «Conscience animale » (2002) suivi de "Train d’enfer pour Ange rouge" (2003), qui a été nominé au Prix SNCF du polar français 2004.
Il publie en 2005 "La Chambre des morts" (Le Passage), qui deviendra par la suite en 2007, le film éponyme d’Alfred Lot, avec Mélanie Laurent dans le rôle de Lucie Henebelle.
Il reçoit pour son deuxième roman le Prix des lecteurs Quai du polar en 2006, et le Prix SNCF du Polar français en 2007.
Le succès rencontré lui a permis de cesser son travail d'informaticien à Sollac Dunkerque pour se consacrer exclusivement à son travail d'écriture.
À partir de là vont se succéder les thrillers mettant en scène Franck Sharko ("Deuils de miel", 2006), ou Lucie Henebelle ("La Mémoire fantôme", 2007).
Il publie également des one-shots tels que "La Forêt des ombres" en 2006, "L’Anneau de Moebius" en 2008 et "Fractures" en 2009, mêlant psychiatrie, neuroscience et cinéma.
Mettant la barre toujours plus haut, Franck Thilliez décide de réunir ses deux inspecteurs fétiches, Franck Sharko et Lucie Henebelle dans une trilogie ayant pour thème la violence.
Son premier opus, "Le Syndrome E", est publié au Fleuve Noir en 2010.
C’est la consécration immédiate.
Classé dès sa sortie dans les listes des best-sellers, le roman se vend dans une quinzaine de pays dont les États-Unis.
La suite du "Syndrome E", "Gataca" paraît au Fleuve Noir en 2011 et le dernier opus de la série, "Atomka", en 2012.
Ces deux policiers travailleront ensuite ensemble dans "Angor" (2014), "Pandemia" (2015), "Sharko" (2017).
C’est la société de productions Escazal Films, que Franck Thilliez a choisie pour adapter les aventures de ses célèbres flics à la télévision.
Franck Thilliez publie au Fleuve Noir "Vertige" en 2011, "Puzzle" en 2013 et "Le Manuscrit inachevé" en 2018.
En 2022, il publie "Labyrinthes" dans la collection Fleuve Noir.
Franck Thilliez est également scénariste.
Son premier scénario, "Obsessions", de Frédéric Tellier, diffusé sur France 2 en février 2010, a obtenu le Prix Mireille Lantéri en 2011.
Il a aussi écrit avec Mikaël Ollivier "Insoupçonnable", diffusé sur France 2 en 2012.
Son site : http://www.franckthilliez.com/
Page Facebook : https://www.facebook.co
L'histoire
Dans l'univers hostile du Grand Nord, personne ne vous entend crier.
Détective et criminologue à Lyon, Teddy Schaffran apprend que le corps de sa fille a été découvert dans une ville minière très isolée du Grand Nord québécois, Norferville.
Morgane a été sauvagement mutilée, abandonnée dans la neige non loin d'une réserve autochtone.
Sans réfléchir, Teddy plaque tout pour se rendre sur place, bien décidé à comprendre ce qui s'est passé.
Là-bas, Léonie Rock, une flic métisse, est mise sur l'affaire.
Elle est alors contrainte de renouer avec cet endroit coupé de tout où elle est née et où, adolescente, trois inconnus l'ont violée.
Un retour vers son enfer, alors que les températures frôlent les -20°C.
Ensemble, ces deux êtres éprouvés par la vie vont se démener pour trouver des réponses malgré l'inhospitalité de la nature et des hommes.
"ll se passe des événements si terrifiants à Norferville
que j'ai préféré créer cette ville de toutes pièces"
Franck Thilliez
Épigraphe
« La viande vivait sur la viande, la vie sur la vie.
Il y avait les mangeurs et les mangés.
La loi était MANGE ou SOIS MANGÉ.»
Jack London
"Tandis que sa collègue marquait une pause, le criminologue perçut des bruissements derrière lui. Il se retourna vers la forêt. Apparu entre deux bouleaux, un animal au pelage cendré reniflait l'air dans sa direction.
Il songea à un loup, bien qu'il n'en ait jamais vu en vrai de sa vie. Des petits panaches blanchâtres s'échappaient de sa gueule ouverte. Au fond, la bête, un peu décharnée, semblait plus curieuse qu'agressive. Et ce qui interpella Teddy, ce furent ses yeux vairons. Noir et insondable à droite, d'un bleu d'une clarté cristalline à gauche.
Exactement comme les siens avant l'accident. Il les fixa sans bouger. Il n'avait pas peur. Au contraire, cette rencontre inattendue l'intéressait. Peut-être étaient-ils pareils, tous les deux. Perdus. Solitaires. Au bord du gouffre."
" — Vous savez, personne ne choisit vraiment de vivre ici. Les gens viennent uniquement pour l'argent, le travail, ou pour se reconstruire une vie en partant de zéro, parce que c'est mieux pour eux de disparaitre de la civilisation. Norferville est idéale pour ça."
" Il n’y a pas de livres dans la culture innue. Les traditions, les connaissances, la langue elle-même se transmettent oralement. Si on perd la langue, c’est le peuple qui finira par disparaître. Alors le français, c’était comme le ver dans la pomme. Pourtant, quand les gamins se sont mis à le pratiquer à la maison, mon grand-père les a laissés faire. Pour leur bien, leur avenir. Une sorte de sacrifice forcé. Parce que c’est ça, la colonisation. Cette espèce de serpent pernicieux qui vous fait douter de votre identité. Elle vous fait douter de vous-même.
Ils arrivaient à présent devant le chalet de Teddy.
— Vous savez, il y a un mot qui n'existe pas en innu. Un mot intraduisible.
— « Colonie » ?
— « Liberté ». C'était un concept qui n'avait pas lieu d'être chez ce peuple. Mes ancêtres ont toujours vécu dans un espace sans clôture, sans frontière. Ils ne parquaient pas les bêtes dans des enclos. En fait, le seul moyen de traduire ce mot, c'est « la fin de l'enfermement ».Apikunakanu.
Elle prit une grande inspiration.
— "La moitié de mon sang est innu. Je vis loin d'eux, mais ils font partie de moi. Ne jugez pas mal cette communauté avec ce que vous allez voir ou entendre. Les Blancs ont voulu leur imposer, en un siècle, ce qu'ils ont eux-mêmes mis des millénaires à développer. Ils les ont contraints à vivre dans des réserves à consommer dans les supermarchés, ils leur ont apporté l'alcool et les machines à sous, qui font des ravages. Et je ne pare pas de la drogue. À une époque, il leur ont pris leurs enfants pour les éduquer dans des pensionnats où ils les frappaient afin d'éradiquer l'Indien qui était en eux. L'histoire de ces peuples nomades, que la plupart des Canadiens ne connaissent pas, n'est qu'une profonde et douloureuse blessure...
Et cette blessure, elle la portait dans sa chair, Teddy le devinait. Gênée de s’être ainsi dévoilée, Léonie finit par lui adresser un timide sourire qu’il put déceler sous le masque qui protégeait son visage du froid : ses yeux se bridèrent légèrement.
— Si vous avez besoin de quoi que ce soit…, souffla-t-elle.
— Merci, Léonie. Ça va aller…"
"À l'arrière plan, il distinguait les collines pelées, creusées en strates rougeâtres par d'énormes véhicules jaunes. Ici il n'y avait plus un arbre debout. Juste une surface hostile, comme bombardée à certains endroits. Il s'agissait des anciens trous de mine laissés tels quels, sinistre héritage d'avant la réouverture.
— Vous n'en verrez pas le bout, commenta Léonie. Les mines s'étendent sur plus de vingt kilomètres, d'est en ouest. Je ne sais pas si vous avez noté, mais on est à la frontière entre la province du Québec et celle du Labrador. La fosse du Labrador est l'une des principales régions productrices de minerai de fer au monde. Du minerai d'excellente qualité qui ne contient que très peu de déchets."
"De chaque côté du chemin, la nature brute régnait.
Un monde de silence qui haïssait le mouvement, figeait la vie, jusqu'à la sève sous l'écorce des pins, et intimidant par son immensité, sa force et son haleine blanche qui saisissait les visages. Une poudre de lumière oblique parvenait tout juste à pleuvoir entre les cimes alourdies d'une neige éblouissante et quand elle touchait le sol, elle en soulignait d'un trait de pinceau l'extrême rudesse. Teddy était fasciné par cette terre sauvage, il en percevait la beauté dangereuse, sans pitié, celle-là même qui avait failli l'emporter la veille. Et, surtout, il comprenait mieux pourquoi le mot « liberté », l’un des plus poétiques de la langue française, n’existait pas en innu. On ne pouvait définir ce qui était à la fois partout et nulle part."
"— Le Windigo. Il était en train de prendre possession de mon fils.
Le Windigo... Le nom évoquait vaguement quelque chose à Léonie. Panashue hocha la tête comme s'il avait lu en elle.
— Ton grand-père a dû te raconter l'histoire, quand tu étais petite. La créature, mi-homme, mi-animal, a un cœur de glace. Elle vit dans les profondeurs de la forêt et se rapproche de nous lorsqu'elle est très en colère. Elle se nourrit de tout ce qui vit, avec une préférence pour la chair humaine. Chaque fois qu'il dévore une proie, le Windigo grossit, devient plus fort et a besoin de manger de nouveau. C'est un cercle sans fin. Il n'est jamais rassasié et tue, encore et encore, jusqu'à décimer tout ce qui l'entoure.
Léonie se rappelait. On entretenait cette légende pour éviter que les enfants ne s'aventurent seuls dans la nature hostile environnante. "
" — Au lieu de l'attaquer, le Windigo peut aussi prendre possession de l'esprit d'un homme, poursuivit l'Innu. Ça lui permet de passer inaperçu et de se glisser dans la communauté. Rapidement, la personne habitée a de la fièvre, puis elle ressent des envies incontrôlables de manger de la chair. Animale d'abord, humaine ensuite."
" — Regardez dehors. Regardez nos forêts, nos lacs. Avant, il y avait des milliers de caribous, des poissons à profusion qui assuraient notre survie. Ca faisait sept mille ans qu'on vivait ainsi, en harmonie avec la nature. En moins d'un siècle, on les a laissés tout détruire, et de nouveau on les laisse faire aujourd hui. Ce projet minier à proximité du lac Wood est une folie. On dit que c'est ça qui a attisé la colère du Windigo. Ce que nous sommes devenus.
Animé, il conclut en écrasant son index sur la table.
— Et maintenant qu'il est sorti des profondeurs les plus froides du Nitassinan, maintenant qu'il a parcouru tout ce chemin pour nous punir, soyez-en certains : il ne repartira plus..."
"Les témoignages étaient cohérents et menaient tous à une entité unique: le Windigo.
Chaque fois que le nom avait été évoqué, la jeune femme avait capté le même éclat dans les yeux de ses interlocuteurs. La peur, une terreur irrationnelle jaillie de légendes ancestrales. Celle du monstre venu exercer sa vengeance à cause des méfaits de l'homme."
"— J'aurais dû m'inquiéter, oui, poursuivit Connie. Mais ça fait peut-être trop longtemps que je fais ce métier et que je vois des gens ne plus donner de nouvelles du jour au lendemain. Vous n'imaginez pas les difficultés que traversent ces femmes qui fuient leur réserve pour se retrouver dans une ville comme celle-ci, sans attaches sociales ni familiales. En plus du choc culturel et du racisme, elles deviennent les proies des dealers de crack et des proxénètes. "
"Ces familles s'inquiétant pour leurs filles qui se sont évanouies dans la nature sans que personne les écoute. Ces agressions sexuelles, ces punitions qui ont lieu dans les réserves sans qu'un policier lève jamais le petit doigt. Et puis ce tueur en série, à Vancouver, dont on reparle beaucoup en ce moment..."
"Les autorités se fichent royalement des autochtones. Quand vous signalez qu’une itinérante a disparu dans une ville comme Montréal, qu’est-ce qu’ils vous répondent ? Qu’elle a changé d’endroit, tout simplement. S’il y a bien un vrai crime, c’est cette indifférence."
" — Je crois que je ne m'habituerai jamais à ce froid polaire.
— Ne vous plaignez pas, il n'y a pas encore de couche de glace au bas des fenêtres. J'ai connu ça, dans ma jeunesse. Un record à moins 57°C. Il n'y avait pas d'école, évidemment. Les habitants laissaient tourner les moteurs des voitures toute la nuit, sinon elles ne redémarraient pas le lendemain. On ramassait même des chauve-souris au pied des arbres, les pauvres étaient complètement givrées. Une sorte de fumée de mer arctique, mais partout dans la ville.
— Mon Dieu...
— Je pense que vous préféreriez l'été à Norferville. Le soleil qui ne se couche pas pendant des semaines et les hordes de mouches qui pullulent à cause de toutes ces mares formées par la fonte des neiges, s'amusa-t-elle.
— Sans façon."
"— La vie est tellement étrange, dit Teddy entre deux bouchées. Faite d'équilibre et de moments de bascule . On a beau relever la tête, avoir l'impression de marcher droit, on sait qu'on va finir par retomber. Ce qu'on ignore, c'est quand et de quelle façon."
"— Ces femmes étaient des déracinées, des laissées- pour -compte. Vous n'êtes sans doute pas au courant, mais une commission d'enquête est en train de se mettre en place à l'échelle du Canada tout entier. Un comité des Nations Unies est de la partie, c'est vous dire le sérieux du truc. Quelque chose va émerger, quelque chose qui marquera au fer rouge l'histoire de notre pays.
— De quoi est-il question ?
— Grâce à des associations et aux témoignages qu'elles recensent, une liste s'allonge de jour en jour.
Cette liste contient, pour l'instant, le nom de plus de mille deux cents Amérindiennes disparues ou assassinées au Canada sur les quarante dernières années, dans l'apathie politique et l'indifférence des médias les plus absolues... Une tragédie qui a même donné naissance à un hashtag sur Twitter : #MMIW, pour "Missing and Murdered Indigenous Women."
"Patrick n'était pas du genre à se révolter ni à militer pour quoi que ce soit, mais ça le rendait triste de voir que ces gens, qui avaient vécu en pleine nature pendant des siècles, avaient fini par être parqués tels des animaux. Tout ça pour qu'on puisse construire des barrages, abattre des forêts ou exploiter du minerai. Apparemment, on appelait ça le progrès...En attendant, nul n'ignorait qu'une véritable épidémie de suicides ravageait les communautés autochtones depuis des années, et Uashat ne faisait pas exception."
"— Ça pourrait faire un bon début de polar, nota Teddy pour tenter de détendre l'atmosphère. Un homme et une femme coincés dans une voiture au cœur d'un désert de glace, alors qu'une tempête approche.
— Ou une mauvaise fin."
"Il fallait que Teddy voie ça au moins une fois dans sa vie. Jusqu'à l'horizon, à 360 degrés la glace bleu clair des petits lacs interconnectés jouait avec la lumière dorée du soleil. Les collines scintillantes, bordées d'arbres, donnaient l'illusion qu'ils dansaient autour d'eux. A califourchon sur le motoneige, elle coupa le moteur.
— On prend juste 5 minutes. Normalement, ici, tu dois entendre battre ton coeur très fort dans tes oreilles. Rien que d'autre que toi, ton coeur et tout ce qui t'entoure. C'est la vibration puissante du Grand Nord."
"En guise de conclusion, j'aimerais d'ailleurs citer un extrait de la préface du rapport final de l'enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées disponible à cette adresse"
https://www.mmiwg-ffada.ca/fr/
Franck Thilliez
« Nous honorons votre force, votre courage et votre persévérance dans votre quête de justice et de guérison suite à la perte de vos grands-mères, de vos mères, de vos soeurs, de vos tantes, de vos filles, de vos nièces, de vos cousines et de vos amies proches.
Nous voulons rendre hommage aux survivantes de la violence qui nous ont fait part de leur histoire. Vous avez fait preuve d'une force, d'un courage et d'une résilience à toutes preuve en partageant votre vérité propre, car beaucoup d'entre vous vivent encore aujourd'hui des traumatismes et de la violence systémique. Nous sommes extrêmement touchés que vous nous ayez confié vos expériences.»
" Des victimes de l'indifférence, du laxisme des institutions, des failles d'un système. C'était ça, qui était en train d'émerger à travers tout le Canada. Des tueurs en série dont on découvrait soudain l'existence. Des cadavres d'autochtones vieux de dizaines d'années qu'on retrouvait au fond des grandes rivières de l'Ontario et que personne n'avait jamais recherchés. Des femmes violées dans les réserves québécoises qui osaient enfin témoigner. Des Angeline. Des Léonie. Des Maya.
Les monstres étaient partout, même dans les coins les plus reculés. Le Mal n'avait pas de frontière, pas de hiérarchie, il frappait tout le monde, il habitait tout le monde. Paul Liotta, tout comme Sid Nikamu, faisait partie de ces prédateurs. De ces hommes qui avaient décidé de se laisser guider par leurs obsessions, leurs déviances. Et aujourd'hui, Léonie comptait bien les faire passer à la caisse. Chacun leur tour."
Mon humble avis
448 pages captivantes, dépaysantes...
Tous les livres de cet auteur sont dans ma rubrique lecture car j'adore son style, son écriture, sa poésie des mots, ses descriptions, sa psychologie des personnages, ses travaux de recherches extraordinaires qu'il fait pour chaque enquête dans laquelle il nous entraîne.
Un nouveau thriller avec une intrigue diaboliques et machiavélique, glaçant par son histoire et par son décor et sa température qui frôlent les - 20°.
Les descriptions de ces paysages du grand Nord québécois sont fantastiques et nous y sommes emportés au fil des pages.
Pas de Sharko et d'Hennebelle que nous retrouverons dans son prochain roman, mais Teddy et Léonie, deux personnages éprouvés par la vie et attachants qui sont amenés à collaborer dans un climat hostile et dangereux, malgré l'inhospitalité de la nature et des hommes sur l'enquête du crime de Morgane, la fille de Teddy.
Des sujets forts et importants y sont traités comme toujours de façon très pertinente avec une connotation sociale : les dégâts sur l'environnement avec les projets miniers qui détruisent le territoire des Innus et annihilent leur mode de vie ancestral, le parcage dans des réserves insalubres et indignes, les violences faites aux femmes autochtones souvent piégées dans des réseaux de prostitution, abusées, assassinées, violées dans l'indifférence totale, les pièges du Web et des réseaux sociaux, les dangers de la solitude et de la pauvreté pour les femmes.
Cela m'a rappelé un film que j'avais adoré et qui m'avait bouleversé : Wind River. Inspiré par des faits bien réels, Wind River se termine par un intertitre qui rappelle que les Amérindiennes aux États-Unis sont quatre fois plus souvent violées et harcelées sexuellement et qu'elles ont dix fois plus de risques d'être tuées que les non-Autochtones.
Le film se clôt sur un message indiquant que le FBI ne tient pas de statistiques sur les disparitions de femmes amérindiennes avec le nombre impressionnant de disparitions.
Comme dans ce film, Franck Thilliez nous donne des liens à aller visiter, ce que j'ai fait et partagé.
Une lecture addictive, émouvante et passionnante...
J'ai adoré!!!
Virginie Grimaldi est une romancière française née en 1977 près de Bordeaux (Gironde)où elle vit toujours.
L'envie d'écrire lui vient en lisant les carnets de poèmes de sa grand-mère, et elle rédige un premier brouillon de roman à l'âge de 8 ans.
En 2009, elle crée le blog Femme Sweet Femme dans lequel elle rédige des billets humoristiques sous le pseudonyme de « Ginie ». Ce blog gagne en popularité et lui permet de se lancer dans l'écriture de son premier roman. Elle le ferme en 2018.
En 2014, elle reçoit le 2e prix E-crire Aufeminin, parrainé par Tatiana de Rosnay, pour sa nouvelle intitulée La Peinture sur la bouche.
Virginie Grimaldi publie son premier roman en 2015. Intitulé Le Premier Jour du reste de ma vie, il raconte l'histoire de Marie, une femme malheureuse qui décide de quitter son époux et de partir 3 mois en croisière pour trouver le bonheur. Le magazine Biba salue une histoire drôle et légère, qui « fait du bien ». L'ouvrage sera un best-seller. La même année, elle signe chez les éditions Fayard.
En 2016, elle publie un deuxième roman, Tu comprendras quand tu seras plus grande. Dans ce livre, Julia, une psychologue malheureuse, reprend goût au bonheur en travaillant dans une maison de retraite du Sud de la France. Le quotidien belge L'Avenir le classe parmi ses 10 livres feel-good et chick lit qui « font du bien », soulignant le style drôle, vif et addictif de Virginie Grimaldi. L'ouvrage sera lui aussi un best-seller, et les droits seront vendus pour un projet d'adaptation cinématographique.
En 2017 sort son troisième roman, Le parfum du bonheur est plus fort sous la pluie, où Pauline, à la suite de sa rupture avec son mari Ben, tente de le reconquérir en lui écrivant des lettres.
« Avec simplicité et sincérité, l'auteure nous rappelle que chacun crée sa propre réalité. » L'ouvrage devient un best-seller, et fait partie des 12 romans sélectionnés pour le 48e prix Maison de la Presse.
En 2018, elle publie son quatrième roman, Il est grand temps de rallumer les étoiles (le titre est une référence aux Mamelles de Tirésias de Guillaume Apollinaire). Avant même la sortie du livre, elle en vend les droits pour une adaptation au cinéma. Consacrée aux relations mère-fille, l'histoire est racontée à travers le point de vue de 3 femmes différentes : Anna, mère divorcée en difficulté financière, et ses filles Lily (12 ans) et Chloé (17 ans). Ce roman est lui aussi un best-seller.
En 2018, elle publie également Chère Mamie, recueil de « cartes postales » humoristiques, originellement postées sur Instagram et adressées à sa grand-mère. L'ensemble des bénéfices est reversé à l'association Cékedubonheur, qui organise des activités ludiques pour les enfants hospitalisés.
En avril 2019, afin d'expliquer l'image de superficialité de la littérature feel-good, dont elle fait partie, elle déclare au Parisien que les auteurs de ce genre ont collectivement « commis des erreurs », et confie elle-même ne pas avoir aimé ses premières couvertures et trouver certains de ses titres trop légers.
Le Parisien estime d'ailleurs que Virginie Grimaldi s'éloigne des canons de ce genre littéraire dans son nouveau roman, l'auteure précisant à ce sujet : « Je déteste les histoires qui finissent trop bien. Je n'ai pas envie d'inspirer quelque chose de positif à tout prix. »
Intitulé Quand nos souvenirs viendront danser, ce roman est publié en mai 2019. Tiré à 100 000 exemplaires, il se place rapidement en tête des ventes.
Il raconte l'histoire de Marceline, 84 ans, décidée à défendre son quartier et ses voisins octogénaires des menaces d'un maire voulant tout raser, et couchant par écrit sa vie, ses souvenirs et son combat. Le Parisien remarque que Virginie Grimaldi « aborde des sujets aussi profonds que bouleversants », tels que la mort ou le vieillissement, et que « sa plume est de plus en plus légère, ses explorations de plus en plus intimes. »
Il estime en outre que ce cinquième roman est son meilleur et le plus abouti.
Le 20 octobre 2020, elle publie Chère Mamie au pays du confinement dont les bénéfices profitent à l'AP-HP et qui fait suite à son roman Chère Mamie.
Le 14 juin 2022, Virginie Grimaldi fait part de sa décision de quitter les éditions Fayard à la suite de la nomination d'Isabelle Saporta. Cette dernière est accusée de sacrifier l’indépendance de la société, propriété du groupe Hachette, sous l'influence de Nicolas Sarkozy et de Vincent Bolloré. La romancière écrit alors : « Mes valeurs et mes convictions ne sont plus en phase avec la direction que prend la maison ». En octobre, elle annonce rejoindre la maison Flammarion.
Le 15 décembre 2022, son roman Il est grand temps de rallumer les étoiles est élu "Livre favori des Français" par l'émission éponyme de France Télévisions, prix faisant voter plus de 100.000 lecteurs.
2015 : Le Premier Jour du reste de ma vie
2016 : Tu comprendras quand tu seras plus grande
2017 : Le parfum du bonheur est plus fort sous la pluie
2018 : Il est grand temps de rallumer les étoiles
2019 : Quand nos souvenirs viendront danser
2020 : Et que ne durent que les moments doux
http://brigitisis.centerblog.net/11381-
2021 : Les Possibles
2022 : Il nous restera ça
2023 : Une belle vie
2024 : Plus grand que le ciel
Tous ses romans traduits dans plus de vingt langues sont drôles et émouvants.
Ils font écho a la vie de chacun.
Elle a vendu plus d'un million d'exemplaires en France.
Critiques
"Hypersensible, proche de ses lecteurs comme de tous ceux qu’elle croise au gré de ses rencontres, la romancière capte mieux que personne les sentiments, les peurs, les espoirs et l’expérience de chacun, qu’elle retranscrit avec élégance et tendresse dans ses livres."
Culturebox
27 mai 2024
Pas de doute, Virginie Grimaldi sait y faire ! On est touché par l'histoire d'une rencontre entre le rire et l'émotion de deux solitudes dans la peine.
Epigraphe
Je voudrais que tu sois là
Que tu frappes à ma porte
Et tu me diras c'est moi
Devine ce que j'apporte
Et tu m'apporterais toi.
Boris Vian
L'histoire
Elsa et Vincent se croisent chaque mercredi dans la salle d'attente de leur psychiatre.
Elle est écorchée et mordante.
Il est rêveur et intranquille.
Elle est conseillère funéraire.
Il est romancier.
Elle vient de perdre son père.
Il cache sa plus grande blessure.
Elle est en retard. Il est en avance.
Ils ont pourtant rendez-vous.
Entre deux éclats de rire, Virginie Grimaldi compte ces instants fragiles où l'empreinte des souvenirs se mêle aux promesses d'une rencontre.
Extraits
Elsa
"Je suis conseillère funéraire, je travaille dans la même concession depuis plus de dix ans. C'est une entreprise familiale, et ça change tout : j'ai bossé plusieurs mois dans une chaîne nationale, et il manquait le côté humain que je cherchais en empruntant cette voie. J'aime mon métier. Je l'aime vraiment."
"Des histoires tragiques, j'en ai vu un paquet. Des morts, j'en ai rencontré beaucoup. On s'y fait, à force. Au début, ça m'impressionnait, j'ai même cru que je devrais me réorienter, mais finalement, les corps, ce n'est pas le plus dur. Le plus dur, c'est le chagrin. Ça, je ne m'y fais pas. J'en emporte toujours un peu avec moi, le soir."
"Il n'a pas refait sa vie après ma mère. Il disait que c'était par choix, qu'il ne supporterait plus de vivre avec quelqu'un, qu'il avait pris des habitudes de vieux garçon, qu'il aimait avoir le lit pour lui tout seul et l'entière jouissance de la télécommande. Je crois surtout qu'il n'a jamais réussi à remettre les morceaux de son coeur dans le bon sens."
"Mon plus bel héritage est son sens de l'humour. C'est ce qui nous a rapprochés jusqu'au bout. C'est aussi ce qui me manque le plus aujourd'hui. Je tiens mon humour de mon père, et, sans lui, je ne sais pas si je pourrai encore rire.
Depuis, je me demande. Pourquoi ne voit-on vraiment les gens que quand ils ne sont plus là ?"
" Cette injonction à aller bien coûte que coûte, à devoir vite tourner les pages encombrantes, ça m'emmerde prodigieusement. Sans doute parce que j'y suis perméable. Je me suis longtemps mis une pression colossale pour vivre dans la joie et la félicité, ou tout au moins m'en approcher le plus possible. J'ai longtemps tenu à laisser la tristesse à ma porte, comme une vieille amie dont je connaissais le pouvoir destructeur pour l'inviter à entrer."
Ça m'a frappée quelques jours après la mort de mon père. Je me suis dit : « Il ne faut pas que je sombre, je dois rester debout ». Même brisée par l’une des pires épreuves, mon but ultime était d’aller mieux. Tout de suite mieux. Et pour la première fois, je n’ai pas réussi."
"Elle avait serré ce grand jeune homme à la barbe naissante en se demandant s'il existait un stade à partir duquel on ne considérait plus ses enfants comme des bébés. Leur mariage? Leur premier cheveu blanc ? Leur premier déambulateur ? Elle connaissait déjà la réponse, elle commençait par ja et finissait par mais."
"Ils s'étaient connus à l'âge où les personnalités ne sont pas encore définies, et les traits de caractère qui leur paraissaient à l'époque anecdotiques avaient fini par prendre toute la place. Au terme d'une énième incompréhension qui avait donné lieu à une énième nuit à l'hôtel du cul tourné, ils avaient reconnu l'évidence: ils seraient plus heureux séparés. Malgré la nostalgie et l'amertume de l'échec, ils s'étaient quittés sans haine ni trop de larmes, et avaient conservé une profonde affection l'un pour l'autre."
"Quand mon père s'est retrouvé seul u départ de ma mère, il a adopté un chien. Il s'appelait Kooki. Un boxer pot de colle et joueur, tout ce dont il avait besoin. Il a été son compagnon pendant douze ans. Il a ensuite accueilli Effie, qu'il a gardé sept ans. Par deux fois, il a eu le coeur brisé par leur disparition, par deux fois il a juré qu'il n'en reprendrait pas, que c'était trop douloureux. Qu'il préférait se passer du bonheur plutôt que le perdre un jour. Il a chaque fois fini par retourner traîner sa solitude dans un refuge, et par rentrer chez lui avec une autre solitude posée sur le siège arrière de la voiture. Sa dernière chienne, Soka, une rottweiler au passé atroce, vit chez moi depuis que mon père n'est plus là."
"Le truc, c'est qu'on envisage pas réellement notre propre mort. On garde l'échéance dans un coin reculé de notre esprit, on y pense comme à un pays lointain, on angoisse parfois, quand on effleure cet inévitable, mais le recouvre d'un mouchoir. L'idée même est intolérable. Comment concevoir que l’on n'existera plus, que l’on ne sera plus nulle part, que l’on s’effacera peu à peu des mémoires, que la valse du monde se poursuivra sans nous, alors que nous sommes là, présents, conscients ? Comment accepter qu’un jour nos pensées se tairont, laisseront place au silence ?
On ne nous prépare pas assez. La mort est un tabou, on la tait aux enfants, on la tient à distance des vivants. Je crois qu'on se trompe. On devrait nous enseigner qu'on va mourir comme on nous enseigne le théorème de Pythagore. On devrait nous préparer, pour qu'au chagrin ne s'ajoute pas la sidération. On devrait nous dire que nos jours sont comptés, que, quoi que l'on fasse, notre existence prendra fin, que la seule inconnue est l'échéance, qu'on ne peut pas ralentir, pas revenir en arrière, pas mettre sur pause. Alors, peut-être l'accepterait-on plus facilement. Peut-être même vivrait-on plus intensément."
"C'est d'une cruauté sans nom de voir s'éteindre quelqu'un qu'on aime, de pouvoir encore toucher ses mains, caresser sa peau, entendre sa voix, voir sa poitrine se soulever, sentir son souffle, recevoir son regard, de pouvoir s'en repaître, s'en gaver, en sachant que ce sera bientôt fini et que ce bientôt ne nous appartient pas. Il rejoindra le monde des souvenirs, le monde des absents. C'est d'une cruauté sans nom d'avoir rendez-vous avec la mort. De la savoir en chemin. De l'attendre."
"L'engouement pour ce genre de littérature, si l'on pouvait l'appeler ainsi, la dépassait. Certains arguaient que ces histoires faciles, pleines de bons sentiments, permettaient au grand public d'entrer dans la lecture, mais, à ses yeux, il ne s'agissait ni plus ni moins que d'un nivellement de la culture par le bas."
""Je n'étais pas une petite fille drôle, docteur, je le suis devenue parce que je voulais redonner le sourire à mon père. Sa tristesse envahissait tout. J'ai développé un nouveau membre pour m'adapter à mon environnement.
L'humour n'est pas seulement son héritage. Avec le temps, c'est devenu notre langage. La vanne, la blague, la boutade, le jeu de mots, la galéjade. Mon père était mon meilleur public, le plus important. Jusqu'au bout."
"J'ai très peur de l'alcool, docteur. Je connais son pouvoir. Certains soirs, je ressens le besoin de me servir un verre. J'essaie de me raisonner, de penser à autre chose, mais, une fois que l'envie s'est plantée dans mon cerveau, la seule manière de la déloger et de l'assouvir. J'ai peur parce que j'aime la sensation du liquide qui coule dans ma gorge, qui réchauffe mon corps, qui détend mes muscles. J'ai peur parce que c'est trop souvent une solution, la réponse simple à une angoisse, à une appréhension, à ma tristesse. J'ai peur parce que je connais les dégâts de l'alcool."
"L'alcool lui a tout pris. Sa femme, ses enfants, son travail, la majeure partie de sa vie et de sa dignité. Surtout, il nous a volé plein de bons souvenirs.
...
C'est peut être cela que j'aurais dû dire à mon fils au lieu d'essayer de crier plus fort que ma détresse.
" Le regard du médecin m'a soupçonnée d'être celle qui voulait en finir, j'ai eu le sentiment atroce de vouloir abréger la vie de mon père, alors que c'était tout le contraire. Même dépendant, même diminué, j'aurais voulu ne jamais avoir à me passer de lui.
" Tenez, vous savez pourquoi je pleurais en entrant dans votre cabinet ? Parce qu'un type que je connais à peine a pris le temps de chercher un livre, de réfléchir à un message, de l'écrire, juste pour me faire sourire. Et ça m'a bouleversée."
"Mon enfant si souriant s'est assombri. Des maux de ventre le pliaient en deux. Pendant les vacances, il reprenait vie. J'ai enfin ouvert les yeux. Il a changé d'établissement à la rentrée de janvier. Ça n'a pas tout réglé, il y en a toujours pour rejeter la différence, mais l'équipe enseignante était vigilante, et il a pu terminer le collège de manière plus sereine.
J'ai failli passer à côté, docteur. Pourtant mon fils est le centre névralgique de ma vie."
"Un jour, dans un podcast, j'ai entendu un psy dire que, quand on donnait la vie, on donnait aussi la mort. J'ai trouvé cette phrase extrêmement violente, il m'a fallu du temps pour admettre qu'elle était vraie. Nos enfants mourront un jour, tôt ou tard. C'est la règle du jeu."
" Elsa hésita. Elle appartenait à une époque où on élevait les petites filles en leur apprenant à donner la priorité aux désirs des autres, quitte à étouffer les leurs. C'est ainsi qu'elle s'était construite, en reproduisant le schéma maternel. Que ce soit avec son père ou, plus tard, avec son beau-père, sa mère s'était oubliée. Il y a quelques mois encore, dans la même situation, Elsa aurait immédiatement délaissé son lit et son livre et aurait tenu compagnie à Vincent, parce que c'était « ce qui se faisait ». La mort de son père avait déplacé son ego. Elle se rendait compte, désormais, que son désir lui importait."
" L'intensité demeure intacte, la même qu'au premier jour, insoutenable, insondable. On ne s'habitue pas à l'absence. On la tolère, on la supporte. Qu'est-ce qu'on pourrait faire d'autre ? Il n'y a pas de courage dans cette affaire. De la résignation, oui. De la capitulation, peut-être. Ça ne fait pas moins mal avec le temps. Ça fait mal moins souvent.
Il y a des jours pires que les autres. Je n’avais rien contre les 8, avant. Ils m’étaient complètement indifférents, traversaient les mois sans que je leur accorde d’intérêt particulier, parce qu’on ne sait jamais sur quel numéro va s’arrêter notre roue. Depuis toi, je vois approcher les 8 avec méfiance, je les redoute, ils ont la figure de ton absence."
"Elle s'était souvent demandé, parfois avec un poil de dédain même si elle s'en défendait, qui étaient ces gens qui avaient des heures à perdre pour aller à la rencontre d'un auteur. Elle les assimilait à ces adolescentes fans de chanteurs coréens qu'elle voyait à la télé, sans les comprendre davantage. Ces rencontres étaient unilatérales, l'écrivain récoltait les louanges, et les lecteurs, après avoir longuement piétiné pour atteindre leur idole, repartaient heureux d'avoir été gratifiés d'une signature et d'un sourire automatique.
En moins d'une heure, elle avait revu sa position. Ce à quoi elle assistait, cette attente patiente, ces mercis gratuits, c'était un acte d'amour. Autour d'elle, dans ces allées chargées de livres, ils étaient des milliers à venir rencontrer celles et ceux qui les avaient emportés dans leur univers, arrachés quelques heures à la réalité, dans l’unique dessein de leur rendre la pareille."
Vincent
"Bon. Manon est partie. Elle a embarqué ses fringues, ses crèmes, ses bouquins, les affiches encadrées, ma table basse, les bougies, la commode, la vaisselle, elle a même pris le lustre dans le salon. Je suis célibataire, dans le noir, je bouffe avec les doigts, et j'en ai absolument rien à foutre."
"Je m'entendais répéter« désolé » tout en ayant conscience que ça ne suffirait pas. On est désolé de marcher sur le pied de quelqu'un, d'arriver en retard, d'avoir manqué un appel, de ne pas aimer un plat de pâtes, à la limite, j'aurais pu être désolé qu'elle parte avec ma table basse. Mais saboter une relation, laisser un amour se consumer comme un mégot mal écrasé, faire souffrir celle qu'on a promis de ne jamais blesser, ça mérite plus qu'un simple "désolé", pas vrai ?
C'est chiant, je vous consulte une fois par semaine depuis six mois, et je ne suis toujours pas foutu de savoir ce que vous pensez. Je ne sais pas trop à quoi ça sert, tout ça. À chaque fois, je me dis que c'est la dernière. Et je reviens. Tout ça pour causer tout seul et faire un chèque à la fin. Ça fait cher le monologue."
"En rentrant chez moi, j'ai pris un certain plaisir à mesurer combien il était devenu con (c'est fou comme la déchéance des autres rassure sur sa propre médiocrité). Mais ce qui m'a vraiment foutu la gerbe, c'est qu'il pense réellement que son ex est responsable. Pour ne pas payer une pension alimentaire, le mec préfère se priver d'un boulot qui lui plaît, ne pas avoir une thune, vivre dans sa chambre d'ado à quarante-cinq ans, manger la soupe de maman tous les soirs devant le journal télévisé, et c'est de sa faute à elle. Vous comprenez ? Il est sincère dans sa connerie. On peut à ce point distordre la réalité, se raconter une autre histoire plutôt que se remettre en question. On préfère désigner un innocent coupable pourvu qu'on ne le soit pas."
"Pardon, je sais plus où j'en étais. Ah oui, l'inspiration.
On me demande souvent d'où elle vient, s'il y a une recette, un moyen de capter les idées. Je n'ai pas la réponse, et il est probable qu'il existe autant de cas que d'écrivains. Pour ma part, une fois l'idée plantée dans ma tête, je deviens sa chose. C'est là que je me transforme. Mes oreilles poussent, des yeux s'ouvrent derrière ma tête, mes sens sont aux aguets, je suis une parabole, je capte tout, le mise, le digère. Le monde devient matière première. Mon cerveau est en ébullition constante, il pianote l'histoire en arrière-plan, comme une musique de fond qui ne s'arrête jamais.
C'est seulement quand j'ai posé le mot « FIN» que les lecteurs refont surface, que je me demande s'ils seront au rendez-vous. Je me le demande à m'en faire mal au bide. Chaque fois, je suis persuadé qu'on y est, que c'est le roman de la déception, que tout le monde va se rendre compte de l'imposture."
"Quand il fait froid et que la batterie est vide, la volonté ne suffit pas. C'est exactement ce qui se passe là, à l'intérieur de ma carcasse. J'ai beau le vouloir, l'espérer, ma batterie est à plat. C'est plus fort que moi, j'ai le cœur en hiver."
"Voilà, j'ai tout pour être heureux, je le sais, pourtant je me sens vide.
Plus rien n'a de sens. Je ne retiens que le négatif, je doute de tout le monde. On dit que j'écris des histoires pleines d'humanité, mais je ne crois plus en l'humain. Je nous trouve agressifs, lâches, cruels. Décevants. Je ne m'informe plus. Je n'ai pas ouvert un journal ni allumé la télé depuis des mois. L'actualité m'agresse, je me sens dévoré par la souffrance des autres, bien au chaud sur mon trône doré. Parfois je...
...
C'est dur à dire. Même dans ma tête.
Parfois, je regrette d'avoir fait des enfants. Je me sens terriblement égoïste d'avoir parachuté deux innocentes dans ce monde-là."
"Je me lève pas tous les matins en pensant : «J'ai vendu des millions de livres. » En revanche, savoir qu'il y a autant de personnes touchées par ce que j'écris, c'est vertigineux. J'écris sur des sujets très personnels en étant persuadé qu'ils n'intéresseront que moi. Quand tous ces gens me disent que je parle de leur vie, je me sens moins seul. Ça, j'admets que c'est précieux pour le gamin qui se croyait toujours à part."
"Ce qui le bouleversait le plus était sans nul doute les lecteurs intimidés. Ceux qui n'osaient pas, qui balbutiaient, les yeux humides. Il savait, d'expérience, qu'ils repartiraient avec le regret de ne pas avoir dit tout ce qu'ils étaient venus dire. Alors, Vincent faisait la conversation, tel un coiffeur au bac, leur demandait s'ils habitaient loin, s'ils lisaient beaucoup, quels auteurs ils aimaient, il lui arrivait souvent de commenter la météo ou la ville qui l'accueillait."
"Vincent portait sur son travail un regard dépourvu d'indulgence. II n'aimait rien tant qu'écrire, entendre l'idée germer, les personnages lui parler, voir le brouillard se lever tandis qu'il tapait frénétiquement sur son clavier, chercher le mot juste, le rythme qui claque, se laisser surprendre par des directions imprévues, sentir les rouages de son imagination se mettre en branle, voir les pages se noircir, et, de toutes ces lettres mises bout à bout, une histoire naître.
A contrario, se relire était une torture. Comme se voir sur une affiche ou s'entendre à la radio.
Il se demandait comment il avait pu consacrer autant d'heures à pondre une telle bouse, les personnages lui paraissaient soudain grotesques, l'histoire dispensable, le style anecdotique. Il prenait les critiques positives avec distance et les négatives à coeur, car il avait la douloureuse manie d'être d'accord avec ces dernières."
"Le métier d'écrivain est solitaire, mon seul collègue est mon ordinateur, en période intensive je peux passer des jours à ne parler à personne. C'est un luxe, j'ai connu les collègues cons et les patrons pas moins, mais les réunions à la machine à café me manquent parfois. Je retrouve ça dans les salons.
J'y ai fait de belles rencontres, certains auteurs sont devenus des amis."
" Elle me tient pour responsable de l'échec de notre couple. Elle a raison, en partie. Une histoire n'est pas lue de la même manière par tout le monde. Elle m'a toujours reproché mon manque d'initiative, ma tendance à me laisser porter. Elle ne supportait plus mes « Comme tu veux », elle rêvait que je vienne l'enlever à la sortie du bureau pour un dîner au coucher de soleil, mais, quand me venait l'idée, la somme des contraintes me faisait renoncer. Le temps de trajet, la météo instable, le champagne chaud, et si elle avait prévu autre chose ? Je suis de la race des suiveurs, par confort, par paresse, et les années passant, par habitude. Je me noie dans un verre d'eau, les collines sont des montagnes, je ne tente même pas l'ascension. Je croyais qu'Anaïs aimait ça, que ça collait bien avec son goût pour les tableaux Excel. J'ai cru qu'on se complétait, que nos qualités et nos lacunes respectives s'assemblaient comme les pièces d'un puzzle. Quand elle m'a quitté, elle m'a dit « Je te rends service, tu n'es pas heureux ».
"Pascal ne peut pas être plus éloigné de moi. Il a retapé son appartement du sol au plafond, carrelage, placo, peinture, plomberie, il pédale quarante bornes tous les dimanches matin, vient de passer sa ceinture marron de karaté, a longtemps joué au rugby en pro D2 et entraîne l'équipe de l'école. II a rejoint la liste du maire sortant lors des dernières élections, dirige une équipe de vingt personnes dans une entreprise dont je ne comprends pas le projet, tout ça en organisant des vacances idylliques pour sa famille. Le plus étonnant, c'est que ses journées font la même durée que les miennes. Je me demande souvent où s'écoulent les heures perdues, Pascal, lui, se demande plutôt comment faire l'amour et se brosser les dents en même temps.
Je n'ai rien vu venir. Rien."
"Alors oui, je n'exagère rien, mes filles sont tout pour moi. Depuis le divorce, je suis en apnée une semaine sur deux en attendant qu'elles me redonnent de l'air."
" Ça n'a pas tardé. J'ai eu mon premier commentaire négatif.
« Livre insipide, aucune profondeur, aucune psychologie, si j'avais pu mettre zéro je l'aurais fait. Quitte à gâcher du papier, préférez du triple épaisseur."
C'est net et rythmé. Manon n'a même pas pris la peine de prendre un pseudonyme.
Ça m'a fait rire. Et je lui suis reconnaissant de ne pas avoir mentionné mes – très occasionnels – problèmes d'érection. De toute façon, je suis habitué, ma propre mère n'aime pas mes livres. Elle ne le dit pas comme ça, c'est plus subtil. Elle se contente de m'envoyer un laconique « J'ai bien aimé » par SMS, suivi d'un mail interminable dans lequel elle pointe toutes les phrases qu'elle reformulerait, celles qu'elle ne comprend pas, et les passages qu'elle couperait. À l'inverse, elle est souvent dithyrambique pour parler des livres des autres."
"Ils n'ont jamais eu de grandes ambitions, mes parents. Il reste peu de place pour les rêves quand on croule sous les contraintes. Boucler les fins de mois, remplir le frigo, assurer les cadeaux d'anniversaires et ceux de Noël, partir au camping.
Que leur fils unique s'en tire mieux qu'eux. Ils n'étaient d'ailleurs pas d'accord sur l'itinéraire de ma réussite, ma mère espérait que je trouve un boulot dans lequel je m'épanouisse, mon père me souhaitait un gros salaire. Moi, je visais pas grand chose, je n'envisageais pas de quitter le milieu dans lequel évoluait ma famille depuis la plus haute branche de l'arbre généalogique. Là où j'ai grandi, ce n'est pas la passion qui nous tire du lit. Là où j'ai grandi, on est locataire, on attend la CAF, on entoure les promotions sur les prospectus, on prend les articles sur l'étagère du bas, on a une carte électron, on redoute les appels masqués, on porte les vêtements des autres, on reconnaît la caissière de LIDL, on préfère les débuts de mois, on fait ses comptes, on préfère quand le facteur ne s'arrête pas, on fait tourner le lave-linge la nuit, on attend que les films passent à la télé, on couvre ses cheveux blancs soi-même, on sait où l'essence est la moins chère, on se persuade que « qui dort, dine » est un proverbe valable dans toutes les familles."
"Mais personne ne parviendra à me convaincre que j'ai plus de mérite que mon père, qui a des plaques en métal tout au long de la colonne vertébrale à force d'avoir fabriqué des maisons auxquelles il ne pouvait même pas rêver. Jamais je ne penserai que j'ai plus de mérite que ma mère et toutes ses collègues. Savez–vous que l espérance de vie d'un cadre est supérieure de cinq ans à celle d'un ouvrier ?"
Dialogues entre Elsa et Vincent
"— Merci de m'avoir pris, dit-il après quelques minutes pour rompre le silence. Personne ne s'arrêtait, je dois ressembler à un tueur en série.
— C'est bien que vous vous en rendiez compte.
— Vous êtes toujours aussi sympa ?
— Uniquement avec les tueurs en série."
"— Je travaille dans l'édition. Et vous ?
— Pompes funèbres.
— Vous déconnez.
C'était la réaction usuelle quand Elsa évoquait son travail, et ce n'était pas pour lui déplaire.
Vincent observa attentivement son visage :
— Je n'aurais jamais imaginé ça.
— Je réserve ma capuche noire et ma faux aux grandes occasions.
Il rit franchement. Elle avait raison : c'était complètement con. Il s'entendait parfois débiter de platitudes n'ayant pour autre but que de remplir les silences. Evidemment que la profession des gens n'était pas identifiable à leur allure, sinon quoi ? Les bouchers auraient des tabliers maculés de sang, les informaticiens des lunettes triple foyer, les publicitaires le nez plein de poussière blanche, les coiffeuses un côté de la tête plus court avec des mèches rouges, les secrétaires les ongles vernis, les facteurs des mollets surdéveloppés, les psychiatres une barbe, les bûcherons des chemises à carreaux et les acteurs porno une bite à la main ?"
Mon humble avis
Dans le livre que j'avais lu " ET QUE NE DURENT QUE LES MOMENTS DOUX "
http://brigitisis.centerblog.net/11381- VIRGINIE GRIMALDI, avec beaucoup d'émotion, nous parlait des bébés qui doivent être dans les services de réanimation néonatale parce qu'elle l'avait vécu...
Dans celui-ci, elle aborde deux sujets qui lui tiennent particulièrement à coeur : l'écriture et la perte d'un être cher.
Elle fait cela par le truchement des deux personnages Elsa, inconsolable du décès de son papa et Vincent, un écrivain, avec lui aussi un mal de vivre, dont le vrai motif nous sera dévoilé seulement dans les dernières pages...mais qui concerne aussi un deuil.
Dans ses remerciements, à la fin du livre, la beauté de l'écriture, l'émotion de chaque ligne, la puissance de chaque mots nous est expliquée
« Ce roman est mon dixième, et son écriture aura été aussi éprouvante que salvatrice. Il est né dans une période chargée de chagrin, de celles que l'on traverse tous un jour, en s'accrochant aux bouées que l'on trouve. Mes bouées ont été l'amour de mes proches et l'écriture. Les mots ont ce pouvoir consolateur, pour ceux qui les reçoivent comme pour ceux qui les posent...
Papa, je sais combien tu détestais te faire remarquer, mais j'espère que, là où tu es, tu apprécies ce roman qui t'est dédié. C'est une fiction, bien sûr, mais tu reconnaîtras sans doute quelques souvenirs.»
Avec Vincent, on partage le plaisir qu'elle a de rencontrer ses lecteurs, des anecdotes de ces rencontres, ses joies, ses doutes, ses peurs, la solitude devant l'ordinateur, la dureté du monde de l'édition
Avec Elsa, elle nous fait vivre la grave dépression qui survient après le décès d'un être cher :
"Ce plus jamais est insupportable."
Les regrets qui surgissent
"Pourquoi ne voit-on vraiment les gens que quand ils ne sont plus là?"
La difficulté pour continuer avec l'absence
"On ne s’habitue pas à l’absence. On la tolère, on la supporte."
L'acceptation
"Ça ne fait pas moins mal avec le temps. Ça fait mal moins souvent"
J'ai trouvé un article où ce cheminement du deuil est très bien expliqué :
https://www.doctissimo.fr/psychologie/deuil/Deuil-comment-consoler-un-proche
Les 5 étapes décrites sont tout à fait développées dans l'histoire d'Elsa.
Avec ces deux cœurs qui se livrent au même psychiatre qui ne dit jamais rien, chapitre après chapitre, et grâce à la salle d'attente, ces deux blessés de la vie se rencontrent et malgré le chagrin manient à merveille l'humour !
Bien sûr, d'autres sujets sont traités : la vie de famille, le harcèlement scolaire, les liens parents - enfants, les divorces, les séparations, le problème de l'alcoolisme, l'amour, la reconstruction... Et toujours avec sensibilité et émotion.
Émouvant, passionnant, bouleversant mais un livre qui console...
327 pages que j'ai dévoré entre sourire et larmes...
Mélissa Da Costa, née le 7 août 1990, est une romancière française autrice de best-sellers.
Mélissa Da Costa grandit à la campagne dans l'Ain, près de Mâcon.
Son père travaille dans le bâtiment et sa mère est assistante maternelle.
Elle a également deux sœurs, Jeanne, devenue sage-femme, et Clara, animatrice dans un Ephad.
Elle écrit, dès ses sept ans, des poèmes, des contes puis des romans.
Ne se sentant pas légitime pour devenir écrivaine, elle choisit un cursus en économie.
De 2008 à 2011, elle suit des études d'économie et de gestion à l'Institut d'administration des entreprises (IAE) de Lyon.
Puis elle occupe un emploi de chargée de communication dans une mairie en Isère dans le domaine de l'énergie et du climat.
Elle suit également des formations en aromathérapie, naturopathie et sophrologie.
Après avoir déjà écrit quatre romans, Mélissa Da Costa décide d’en publier deux en auto-édition sur la plateforme Amazon, qui ne rencontrent pas de succès.
Puis elle dépose en 2018 l'un de ses romans sur la plateforme numérique d'auto-édition monbestseller.com sur laquelle elle est repérée et publiée par une petite maison d'édition, Carnets nord.
Renommé Tout le bleu du ciel, le roman, qui évoque la maladie d’Alzheimer précoce et raconte le voyage d'un jeune homme condamné, avec une inconnue, connaît un succès important en livre de poche.
En mai 2020, capable de vivre de sa plume, elle quitte son emploi de chargée de communication dans une mairie.
Après son premier succès suivront d'autres titres publiés chez Albin Michel :
Les Lendemains (2020)
http://brigitisis.centerblog.net/11054-
Je revenais des autres (2021)
http://brigitisis.centerblog.net/11080-
Les Douleurs fantômes (2022)
http://brigitisis.centerblog.net/11081-
La doublure (2022)
http://brigitisis.centerblog.net/11797-
Les femmes du bout du monde (2023).
http://brigitisis.centerblog.net/11488-
Tenir debout (2024)
http://brigitisis.centerblog.net/11743-
Elle écrit également en 2023 La faiseuse d'étoiles dont les droits sont reversés à l'Unicef.
Ses romans sont considérés comme des best-sellers : dès 2021, ils figurent dans le top 10 des livres les plus vendus en France.
En janvier 2023, Mélissa Da Costa apparait dans le classement publié par Le Figaro des dix auteurs français qui ont le plus vendu de romans en 2022.
Elle atteint la troisième place derrière Guillaume Musso et Joël Dicker avec 844 547 exemplaires écoulés au cours de l'année 2022.
En 2024, selon un rapport du Figaro, Melissa da Costa devient l’autrice la plus lue de France, prenant la place qu’occupait Guillaume Musso depuis douze ans.
Assimilée auteur feel-good, Mélissa Da Costa réfute cependant cette étiquette.
Mélissa Da Costa est mariée à un infographiste et mère de 2 enfants. Elle vit en région parisienne.
page Facebook :
https://www.facebook.com/Melissadacostaauteure
L'histoire
Passion, faux-semblants, emprise...
Qui manipule qui ?
Une jeune femme fragile en quête d'un nouveau départ.
Un couple magnétique et fascinant prêt à lui ouvrir les portes de son monde doré.
Un trio pris au piège d'un jeu cruel et d'une dépendance fatale.
Dans ce roman sombre et envoûtant, Mélissa da Costa explore, à travers l'histoire d'une passion toxique, la face obscure de l'âme humaine et les méandres du désir.
Après les succès de Tout le bleu du ciel, des Lendemains, et de Je revenais des autres, romans aux deux millions de lecteurs, elle révèle une nouvelle facette de son talent.
Épigraphe
«Je n'ai pas peur des sorcières, des lutins, des apparitions, des géants vantards, des esprits malins, des farfadets, etc., ni d'aucun autre genre de créature, hormis les être humains.»
Goya, 1792
Citations
"L’Éternel Dieu donna cet ordre à l’homme : « Tu pourras manger les fruits de tous les arbres du jardin, mais tu ne mangeras pas le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras, c’est certain. »
L’éternel Dieu dit : “Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je lui ferai une aide qui soit son vis-à-vis.”
L’éternel Dieu forma une femme à partir de la côte qu’il avait prise à l’homme et il l’amena vers l’homme.
L'homme dit « Voici cette fois celle qui est faite des mêmes os et de la même chair que moi. On l'appellera femme parce qu'elle a été tirée de l'homme.»
C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, et ils ne feront qu'un."
" Ils se ressemblaient, tous ces matins d’adieux. Nos soirs de retrouvailles aussi. Nos mains qui n’en pouvaient plus de s’attraper, mes yeux qui n’arrivaient pas à croire qu’il était là, vraiment là, pour trois mois. L’amour que nous faisions dans sa chambre d’adolescent, chez sa mère, Irène, ou dans mon studio."
"J’avais mis ma vie entre parenthèses pendant cinq interminables années pour les beaux yeux d’un marin qui n’avait jamais envisagé de se fixer."
"Forte de ces constatations, je me suis mise à déambuler dans le Vieux-Port de Marseille avec une idée précise me faire embaucher comme hôtesse sur un yacht. J’avais les compétences nécessaires : ménage, service, restauration, je connaissais. Jean m’avait toujours dit que les salaires étaient mirobolants à bord des yachts. Deux mille euros net par mois, à quoi il fallait ajouter le gîte, le couvert et les bonus : primes et pourboires qui étaient une institution dans la profession.
L'argent, j'en avais grandement besoin. Mes comptes étaient à sec. Je travaillais neuf mois sur douze pour profiter des retours de Jean. Je n'ai jamais gagné plus du Smic."
« En fait, je cherche quelqu'un, mais pas pour ce yacht. J'aurais dû vous le préciser. C'est pour ma femme, Clara. Son nom d'artiste est Calypso Montant. Ça vous dit peut-être quelque chose ? »
C'est la première fois que j'entends ce nom.
«Elle est peintre. Elle expose à Saint-Paul-de-Vence, où nus vivons, mais parfois ailleurs, le temps d'une soirée, à Saint-Tropez ou à Cannes, quand je parviens à la convaincre. Clara n'aime pas trop sortir de sa tanière.»
« Elle aurait besoin d'un bras droit, quelqu'un qui fasse tout cela pour elle, à sa place. Comme une doublure.»
"Il se dégage de ces rues une atmosphère intime et romantique. Partout, l’odeur subtile et enivrante des pierres chaudes et des fleurs qui bordent les ruelles, les odeurs de cuisine également : ail qui chauffe dans l’huile d’olive, herbes de Provence.
Il y a aussi les talons qui claquent sur les pavés, le marteau d'un artisan qui termine sa journée, une radio allumée et les bruits de la vie qu'on attrape au vol en traversant une minuscule ruelle déserte : des couverts qui cognent contre une assiette, un enfant qui pleure, une machine à laver qui ronronne, une télévision allumée Et toujours cet émerveillement muet : des gens vivent ici dans ce cadre enchanteur..."
"Tout en elle dégage une vulnérabilité délicate. Son corps mince et éthéré. Ses épaules saillantes. Ses bras fins. Ses mains frêles. Sa pâleur."
"« Je vais vous montrer ma dernière oeuvre. Venez.»
Je la suis jusqu'à une toile devant laquelle je marque un temps d'arrêt. Ce qui m’interpelle d’abord, c’est la noirceur du tableau. Il est composé de couleurs sombres : noir profond, gris lourd, brun rougeâtre. Pas une lumière ne vient l’éclairer. Puis mon regard capte la scène. Le corps nu et maigre d’une jeune fille posé sur une roche, dans un décor sinistre. Le ciel rougeoyant est empli de fumée noire. La jeune fille semble offerte, même si le mot « sacrifiée » me vient d’abord. Autour d’elle rôde un cercle de créatures squelettiques, ni humaines, ni animales. Leurs gueules évoquent des museaux de taureaux. Elles se tiennent sur leurs pattes arrières. Leur colonne vertébrale est saillante, leurs cotes sont visibles.
« Je l'ai intitulée Soir de banquet»"
« Je me suis prise de passion pour le romantisme noir pendant les Beaux-Arts. Vous connaissez ?
— Non...
— C'est un genre qui est né en Grande-Bretagne à la fin du XVIIIe siècle. On dit qu'il s'inspire du gothique et qu'il s'est développé en réaction aux Lumières, au vent de liberté qui s'est mis à souffler à cette époque. C'est un mouvement qui a bousculé les conventions sociales, morales et esthétiques. Les tableaux représentent des scènes de spiritisme, de monstre, la souffrance, l'agonie, la mort... On y trouve des démons, des vampires, des scènes de cannibalisme et d'extrême violence.»
Je ne sais pas à quoi je m'attendais, mais certainement pas à ça. Dans quoi suis-je en train de m'engager ? Je n'ai aucun penchant particulier pour la noirceur, pour les monstres, la violence...
« Vous avez étudié l'art, Evie ?
— Non, je n'y connais pas grand chose.
— Si c'est un domaine qui vous interesse, vous devriez vous plaire ici, à Saint-Paul-de-Vence.
— Ne t'emballe pas, ma chérie, intervient Pierre depuis l'autre bout de la pièce.
— Pardon ?
— Evie n'a pas encore accepté.»
Je reste muette en entendant sa remarque. Pourtant, si stupéfaite que je sois par les toiles de Clara, je n'ai aucune envie de laisser passer cette opportunité."
" Plus tard, alors que Clara prépare du café, il évoque le montant du salaire, ce qui provoque chez moi une quinte de toux.
« Ce n'est pas suffisant ,» s'inquiète Pierre.
Je répète, incertaine d'avoir bien compris :
« Quatre mille euros net par mois ?
— Comme base, oui», confirme-t-il.
Je n'ai jamais gagné cette somme, pas même en travaillant quarante heures par semaine à la boutique. Je n'ai jamais espéré gagner autant d'argent.
« Nous pourrons compléter cela avec des primes, à l'occasion de vernissages ou d'événements spéciaux. Si cela vous convient, bien sûr."
Je m'empresse d'acquiescer, effrayée à l'idée qu'ils puissent changer d'avis.
« Vous pourrez vous installer ici, dans la chambre d'amis, en attendant de trouver quelque chose. Les locations sont chères intra-muros ».
"Il n'y a rien de plus facile que de partir d'un endroit lorsqu'on est fermement décidé à le faire. Quitter Marseille m’est ainsi d’une facilité déconcertante en cette fin de mois de septembre, je rends le studio meublé que j’occupais et je n’ai en tout et pour tout que trois sacs d’effets personnels. Le préavis de l’appartement est de un mois mais j’ai négocié son raccourcissement avec l’agence, en échange de ma caution.
"De ma vie à Marseille, c'est elle qui me manquera le plus. Elle n’a jamais lésiné sur les moyens pour m’aider à passer le temps, tous ces longs mois où Jean était en mer. Invitations à dîner, déjeuners sur le port, promenades sur la plage le dimanche après-midi. Elle détestait me savoir seule, enfermée dans mon cagibi."
"Je me suis apprêtée avec plus de soin aujourd'hui. J’ai passé une robe rouge. Jean a toujours dit que le rouge m’allait à merveille, avec ma peau pâle et mes cheveux noirs. J’ai mis des sandales noires. Il fait encore chaud, même si l’été est fini. J’ai les mains moites, mais c’est surtout à cause de mon impatience."
"Je découvre la chapelle des Pénitents Blancs, redécorée par l'artiste belge Jean-Michel Folon. Je n'ai jamais vu une chapelle aussi belle et lumineuse. L'artiste a couvert ses murs intérieurs de dessins simples aux couleurs pastel. Chaque forme, chaque arrondi, chaque arc est épuré, les vitraux sont résolument modernes."
La chapelle des Pénitents Blancs redécorée par Jean-Michel Folon
"Tandis que nous nous apprêtons à débarrasser le petit déjeuner, Clara m'attire soudain dans la véranda avec une certaine excitation. D'une pochette rouge, elle extrait une feuille qu'elle me montre. Il s'agit de la reproduction d'un tableau.
« C'est Le Cauchemar, de Füssli. 1781.»
« Gardez-la, Evie. C'est un grand classique du romantisme noir. Vous pourrez l'observer plus en détail et vous faire une idée là-dessus.»
Cette perspective ne me déplaît pas. Chercher les indices, les symboles, décrypter le sens ? Comme un jeu de piste. Je crois que ça pourrait m'amuser.»
Saint-Paul-de-Vence
"Saint-Paul-de-Vence le matin, c'est comme un moment volé à la vie. Un moineau qui chauffait ses ailes au soleil s'envole à notre passage, des odeurs de pain frais s'échappent d'une boulangerie, quelqu'un ouvre ses volets et une tête aux cheveux hirsutes, bouffie de sommeil, apparaît au-dessus d'une jardinière de géranium. Les premières boutiques s'éveillent. Le village s'ébroue tout doucement. Je crois comprendre le plaisir de Clara à partir à l'assaut des ruelles de si bonne heure."
« — Et Calypso ? D'où ça vient ?»
« — De la mythologie grecque. Calypso est une nymphe de la mer. Elle a séduit Ulysse, puis l’a retenu prisonnier pendant sept ans dans sa grotte, par amour. Mais ça n’est pas tellement la partie de son histoire qui m’intéresse. L’étymologie de son nom est plus intéressante. Calypso vient du verbe kaluptein, « recouvrir », « cacher ». Calypso est celle qui vit cachée, hors du monde, hors du temps…»
"Durant ces premiers jours chez les Manan, je tente de me faire à cette nouvelle douceur de vivre, au calme tranquille de la maison, aux mots d'amour que Pierre sème partout dans la maison quand il s'absente. « Couvre tes pieds, mon coeur » derrière la cafetière. « Mange de la viande, je t'aime.» collé sur le réfrigérateur.
Jean ne me laissait pas de tels messages. Mes parents entre eux non plus. D’ailleurs, je ne les ai jamais vus se manifester le moindre signe d’affection. Mon père passait son temps à faire comme si nous n’existions pas, obnubilé par la télé. Ma mère transférait son besoin vital d’exister en faisant du bruit, beaucoup de bruit, en donnant son avis à tort et à travers, en s’accaparant la vie de sa fille, en distillant son venin partout.
Non, jamais je n'ai connu un foyer aussi harmonieux que celui de Pierre et Clara. J'essaie de m'y habituer auprès d'eux, comme si c'était tout naturel, mais chaque instant reste un émerveillement."
Les leçons de Clara débutent au petit déjeuner, dans la décontraction la plus totale. Elle se ressert une tasse de café, et moi, j'abandonne mes toasts.
Après Le Cauchemar, nous étudions La mort et le Fossoyeur de Carlos Schwabe. Un tableau tout en contrastes représentant un fossoyeur à demi enfoncé dans un trou qu’il a creusé. Au-dessus de lui se tient accroupie une jolie jeune femme aux traits fins et aux ailes noires. L’ange de la mort."
La mort et le Fossoyeur de Carlos Schwabe
« Voyez-vous contrairement à de nombreux artistes, Schwabe a une vision paisible de la mort et de l'au-delà. Elle est représentée par une femme douce et bienveillante. La mort, pour Schwabe, est à la fois un espoir et un accomplissement.»
"Je découvre jour après jour d'autres peintres du romantisme noir. Je ne comprends pas en quoi cela me sera utile pour mon travail d'assistante mais je me prête au jeu. Plus les symboles se révèlent à moi, plus je prends du plaisir à les chercher, à les deviner, à les interpréter."
" Ma mère a toujours prétendu que j’étais d’une curiosité maladive. Il ne m’a fallu que deux heures, seule dans la maison silencieuse, ce vendredi soir, pour céder à la tentation. Un regard. Juste un coup d’œil rapide. Le silence était pesant. Pas de livre à lire. Pas de télévision. Aucun ami à retrouver pour prendre un verre."
"Je n'ai pas l'intention de voler ou de fouiller, non. je veux juste entrapercevoir leur intimité. La couleur de leurs draps. Leurs odeurs dans la salle de bain. Les photographies aux murs, s'il y en a..."
"Clara porte un vêtement ample, comme une large chemise en lin qui dénude une de ses épaules et couvre à peine sa poitrine. On devine la pointe d’un sein sous l’étoffe. L’autre sein est offert sans pudeur, d’un joli blanc laiteux, comme son ventre lisse. L’étoffe fine dévoile le début de ses cuisses. Le portrait s’intéresse seulement au buste et au visage de Clara. Un visage qui n’est pas vraiment là. La Clara du cliché fixe le photographe, mais le voile vaporeux dans ses yeux laisse penser que son esprit est ailleurs. Où ? Sa peau est dévoilée, mais c’est son regard mélancolique qui captive.
Il y a autre chose qui m'intrigue. Des mots couchés en bas de la photo, d'une écriture noire sur le blanc froissé des draps. « Clara vue par Thierry, offerte par Pierre. À vie, mon amour». C'est signé « P »."
"La chemise ample, le sein à demi dévoilé, le ventre nu, le regard qui fixe le photographe, Thierry, donc, sans pudeur. Je secoue la tête. Non. Ça ne peut pas être cela. C’est pourtant logique. La phrase le dit. Le laisse entendre en tout cas. Clara offerte par Pierre à Thierry ?"
"Eau de rose. Fragrance féminine par excellence. Elle n’est pas entêtante, pas comme ces crèmes bon marché qu’on trouve en supermarché. Celle-ci est fraîche, discrète. « Rose de Damas », indique le pot. Du regard, je cherche le parfum aux notes de jasmin, celui que Clara porte quotidiennement. Je ne le trouve pas. Elle a dû l'emporter."
"J’ai terminé mon intrusion. J’éprouve un drôle de sentiment mêlant honte et culpabilité. Quel genre de fille es-tu, Evie Perraud ? Que cherchais-tu exactement ? Je referme la porte de la salle de bain. Dans la chambre gagnée par l’obscurité, je jette un dernier regard au portrait au-dessus du lit. Je ne distingue plus que le contour de son corps et le blanc des draps. Le visage au regard voilé est invisible."
« Vous n'avez pas à vous inquiéter de quoi que ce soit. Je m'occuperai de vous acheter des tenues, des bijoux, tout ce dont vous pourriez avoir besoin pour jouer mon rôle. Nous continuerons nos cours sur le romantisme noir. Nous poursuivrons l'analyse des tableaux, ceux des autres peintres mais aussi les miens. Dans quelques semaines, vous serez capable de parler de mes œuvres aussi bien que moi.»
"Elle me vend tout ce qu'elle répugne à vivre, tout ce qu'elle a en horreur mais elle le vend avec des étoiles dans es yeux car elle a deviné à quel point elle fait battre mon coeur."
"Je me replonge dans le tableau. Le vol des sorcières de Goya, réalisé en 1797, exposé au musée du Prado. Je suis censée connaître tout cela, avoir étudié aux Beaux-Arts, vénérer Goya comme l'un de mes maîtres."
Le Vol des sorcières de Goya 1797
« D'après certains textes, une femme a été créée en même temps qu'Adam. Avant Eve. Lilith. Elle n'est pas évoquée dans la Bible canonique que nous connaissons mais elle est présente dans la Bible hébraïque, la Kabbale juive, le Talmud et dans de nombreux mythes. Ce qui est particulièrement intéressant chez Lilith, c'est qu'elle a été créée à partir de la même terre qu'Adam. Contrairement à Ève, elle a été conçue comme l'égale d'Adam. Contrairement à Ève, elle a été conçue comme l'égale d'Adam. Et cette position, Lilith n'a cessé de la revendiquer.»
« — Lilith est un autre visage de la féminité. Elle est l’envers symbolique d’Eve. Elle concentre en elle toutes les craintes et terreurs que fait naître le mystère de la procréation.»
« C'est donc de Lilith que vient le mythe de la femme fatale ? .»
Ève et le serpent de Franz von Stuck
" - Le nom angélique de Satan ?
- En réalité, ils sont tous les mêmes. Lucifer, le Diable, le serpent, le Malin, Azazel, Satan, ou encore Samaël. Sous ces différents noms se cache le même personnage, celui qui attire l'Homme vers le mal."
« — Il y a une grande part d’inexplicable dans l’inspiration. Un esprit d’artiste va puiser dans l’immense réservoir que constitue son inconscient. Je suis incapable d’expliquer la plupart de mes toiles. Les couleurs, les personnages, la lumière, l’atmosphère, je n’ai aucune idée dont les choses me viennent. J’ai souvent l’impression qu’elles me sont soufflées. »
« — L’art est le dernier grand mystère du monde. Laissons-lui cette dose de sacré.»
"Le marquis de Sade a semble- t'-il ses faveurs, puisque Clara en a surligné de nombreux passages, au fil des pages. Sur l'une d'elle, cette citation que je découvre « La beauté est la chose simple, la laideur est la chose extraordinaire, et toutes les imaginations ardentes préfèrent sans doute toujours la chose extraordinaire en lubricité à la chose simple.» Clara m'avait prévenue : « Beaucoup de gens sont fascinés par le morbide. Ça vous étonne ?» La phrase de Sade semble résonner comme une preuve supplémentaire de ce qu'elle a avancé. Fascination et malaise, attirance et répulsion, tout cela est indissociable."
« — Il faut entrer dans son rôle, c'est ça le secret pour paraître assuré, donner l'illusion. Il suffit de revêtir un costume. De se glisser dans la peau d'un autre. Et alors, plus rien n'a vraiment d'importance puisqu'on se contente de jouer un rôle, n'est-ce pas?»
Je ne suis pas tout à fait convaincue."
« — J'ai appris aujourd'hui que les gens ne viennent que pour parler d'eux. C'est incroyable ! Certains n'ont posé aucune question sur vos œuvres ! Tout ce qui les intéressait c'était de trouver un interlocuteur pour écouter leurs pseudo- connaissances.
«— Vous savez ce que disait Sacha Guitry »? « ll y a des gens qui parlent jusqu'à ce qu'ils aient enfin trouvé quelque chose à dire."'
Nous sourions, nous terminons la bouteille de champagne.»
Mon humble avis
567 pages mais j'arrêterai les citations à la page 193 pour ne rien dévoiler de cette histoire si captivante, si addictive...
Je laisserai ici Evie heureuse avec sa mission de doublure, écoutant Cesaria Evora, un verre de champagne à la main...
C'était le livre que je n'avais pas encore lu de cette autrice que j'adore depuis son premier Tout le bleu du ciel...
Son dernier Tenir debout m'avait bouleversé également...
Avec sa plume si tendre, son écriture si belle, elle sait nous émouvoir, jusqu'aux larmes souvent.
Dans ce roman c'est une autre facette d'écriture avec un changement total de style et elle nous emporte dans un roman noir, un drame, mais quel thriller psychologique ! Saisissant !...
Elle nous entraîne et avec quel talent dans l'univers de la peinture qui appartient au courant du romantisme noir avec des tableaux empreints d'une atmosphère angoissante, macabre : Füssli, Goya, Carlos Schwabe, Franz von Stuck, Paul Delaroche, et dans celui de la littérature du marquis de Sade et de Baudelaire ...
"Les vers de Baudelaire me reviennent en mémoire, plus réels que jamais.
Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?
Le destin charmé suit tes jupons comme un chien,
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien."
Elle s'inspire aussi de nombreuses références religieuses car pour Clara :
"L'inspiration est un don divin. Une faveur céleste. Il y a du vrai là -dedans. L'inspiration ne peut s'expliquer. Elle relève du sacré. Pour ma part, je ne chercherai jamais à en percer le mystère. Elle est. C'est tout. C'est tout. D'ailleurs, pour être honnête avec vous, Evie, la conscience de ce que je peins ne me vient qu'après coup, lorsque je repose mon pinceau et que je recule.
- Vraiment ?
- Oui. Je peins plongée dans un état qui pourrait s'apparenter à une transe, puis je prends conscience de ce que j'ai fait. Jamais dans l'autre sens."
Univers de prédateur, de relation toxique, de manipulation, d'ambiance malsaine et destructrice dans un milieu de luxe, d'argent, de mythes et légendes...Mais aussi un univers de drogue, de sexe, de volupté...Des scènes érotiques et des mœurs dérangeants...
Sur tous les sujets traités, Melissa a fait un travail de documentation extraordinaire qui m'a captivé et émerveillé !
Et la fin est absolument surprenante, déchirante...
Difficile à lâcher quand on l'a commencé tant il est envoûtant et addictif.
Il faut un sacré talent pour écrire une telle histoire et pouvoir entraîner ainsi les lecteurs, livre après livre, dans des univers si différents et toujours captivants !
Passionnant, étonnant, bouleversant...
L'autrice
Mélissa Da Costa, née le 7 août 1990, est une romancière française autrice de best-sellers.
Elle écrit, dès ses sept ans, des poèmes, des contes puis des romans. Ne se sentant pas légitime pour devenir écrivaine, elle choisit un cursus en économie.
De 2008 à 2011, elle suit des études d'économie et de gestion à l'Institut d'administration des entreprises (IAE) de Lyon.
Puis elle occupe un emploi de chargée de communication dans une mairie en Isère dans le domaine de l'énergie et du climat.
Elle suit également des formations en aromathérapie, naturopathie et sophrologie.
Après avoir déjà écrit quatre romans, Mélissa Da Costa décide d’en publier deux en auto-édition sur la plateforme Amazon, qui ne rencontrent pas de succès.
Puis elle dépose en 2018 l'un de ses romans sur la plateforme numérique d'auto-édition monbestseller.com sur laquelle elle est repérée et publiée par une petite maison d'édition, Carnets nord.
Renommé Tout le bleu du ciel, le roman, qui évoque la maladie d’Alzheimer précoce et raconte le voyage d'un jeune homme condamné, avec une inconnue, connaît un succès important en livre de poche.
http://brigitisis.centerblog.net/11038-
http://brigitisis.centerblog.net/11039-
En mai 2020, capable de vivre de sa plume, elle quitte son emploi de chargée de communication dans une mairie.
Après son premier succès suivront d'autres titres publiés chez Albin Michel :
Les Lendemains (2020),
http://brigitisis.centerblog.net/11054-
Je revenais des autres (2021),
http://brigitisis.centerblog.net/11080-
Les Douleurs fantômes (2022),
http://brigitisis.centerblog.net/11081-
La doublure (2022)
et Les femmes du bout du monde (2023).
http://brigitisis.centerblog.net/11488-
Elle écrit également en 2023 La faiseuse d'étoiles dont les droits sont reversés à l'Unicef.
Ses romans sont considérés comme des best-sellers : dès 2021, ils figurent dans le top 10 des livres les plus vendus en France.
En janvier 2023, Mélissa Da Costa apparait dans le classement publié par Le Figaro des dix auteurs français qui ont le plus vendu de romans en 2022.
Elle atteint la troisième place derrière Guillaume Musso et Joël Dicker avec 844 547 exemplaires écoulés au cours de l'année 2022.
En 2024, selon un rapport du Figaro, Melissa da Costa devient l’autrice la plus lue de France, prenant la place qu’occupait Guillaume Musso depuis douze ans.
Assimilée auteur feel-good, Mélissa Da Costa réfute cependant cette étiquette.
Mélissa Da Costa est mariée à un infographiste et mère de 2 enfants.
Elle vit en région parisienne.
Épigraphe
« Les gens sont comme des vitraux. Ils brillent tant qu'il fait soleil, mais, quand vient l'obscurité, leur beauté n'apparaît que s'ils sont illuminés de l'intérieur.»
Elisabeth Kübler-Ross
Critiques :
"Elle a conquis ses lectrices avec Tout le bleu du ciel, les a désarçonnées avec La doublure et enthousiasmées avec les Femmes du bout du monde."
Olivia de Lamberterie, Elle
"Un succès complètement mérité."
Augustin Trapenard, La grande librairie
"Mélissa Da Costa, la jeune romancière qui chamboule tout."
Mohammed Aïssaoui, Le figaro littéraire
Pour son huitième roman, l'autrice à succès plonge ses lecteurs dans une histoire d'amour passionnelle, confrontée aux aléas de la vie. Tomber, se relever, se déchirer puis se retrouver, pour pouvoir « Tenir debout ». Un livre aussi éprouvant que saisissant.
OuestFrance
Résumé :
Jusqu'ou peut-on aimer ? Jusqu'à s'oublier.....
Le nouveau roman de Mélissa Da Costa nous plonge au coeur de l'intimité d'un couple en miettes et affronte, avec une force inouïe, la réalité de l'amour, du désespoir, et la soif de vivre, malgré les épreuves.
"Ce pourrait- il que ce soit ça,
Cette bête noire qui remue dans ma poitrine,
Piétine, déchire, ronge tout autour d'elle,
Avec la férocité d'une hyène,
Ne me laissant qu'un trou béant dans le cœur
Et une sécheresse dans la gorge ?
La culpabilité.....
Se pourrait il que ce soit ça,
Aimer malgré soi ?
Aimer mal
Aimer sans savoir pourquoi
Aimer ....."
Extraits :
Eléonore
"Les mines sont lugubres dans cette salle d’attente à l’odeur de désinfectant et de vieux magazines. Les regards sont fermés, fuyants. Nul ne songerait à croiser celui de son voisin. Tout juste si les yeux se posent sur l’écran de télévision allumé. Les actualités du jour n’intéressent personne. On suit les allées et venues des soignants dans le couloir à travers la porte entrebâillée, on jette un coup d’œil furtif au-dehors comme pour s’assurer que le monde extérieur continue de tourner et on s’étonne de trouver un ciel toujours bleu, automnal, des oiseaux qui volent avec insouciance.
Contrairement à mes voisins, j’ignore l’extérieur, et le couloir ne m’intéresse pas vraiment. Je sais qu’on ne viendra pas me chercher tout de suite. Sauf si cela tournait mal. Sauf s’il mourait pendant l’intervention. C’est possible. Je n’ai pas lu les statistiques avant de venir. D’ailleurs je ne sais même pas vraiment ce qu’ils sont censés réparer. Je sais juste que c’est sérieux, qu’il faudra six à dix heures d’intervention. Ils ont parlé de « polytraumatisme."
"Mon coeur est sur le point d'exploser, pourtant je scrute leurs postures, la façon dont les mains se cramponnent l'une à l'autre, l'angoisse qui déforme leurs traits, le vide dans leurs yeux. Je me demande : l’une d’elles endure-t-elle le tiers de ce que j'endure ? L'une d'elles attend-elle des nouvelles d'un homme comme François, un homme dont la seule évocation la bouleverse, dont la voix annihile sa volonté ? L’une d’elles attend-elle des nouvelles d’un homme dont elle a un besoin viscéral ? Un homme sans qui elle mourrait ?
Et en les observant, j'en doute. Elles s'inquiètent, s'impatientent, se tourmentent, mais aucune d'entre elles ne se meurt comme je meurs à cet instant précis. Toute vraie passion ne songe qu'à elle, écrivait Stendhal. Je suis la preuve de cet égoïsme. Je l'incarne dans la salle d'attente. Je scrute les femmes et je me pleure : je pleure ma vie privée de Francois, mon corps et tous mes sens devenus inutiles s'il ne me revient pas.
Je n'ai jamais rien vécu qui s'approche de cette passion. Je n'ai que vingt-quatre ans, mais j'en suis certaine : une ardeur comme celle-là ne se rencontre qu'une fois dans une vie."
"Je suis là, parcourue de sanglots incontrôlables, avec cette odeur de transpiration qui me colle à la peau depuis ce matin et une fatigue immense qui s'abat sur moi. Je suis là avec l'image de François enfermé dans une coque, et qui n'est plus François. Et personne ne me demande si j'ai mal..."
"La tristesse s'abat comme une chape de plomb sur mes épaules. lls se sont trompés. Je passe une main sur mon visage épuisé. Le médecins et leurs diagnostics rapides. Qu'est-ce qu'ils en savent au fond? Ce ne sont que des probabilités. Il faudrait que je me lève mais je n'y arrive as. J eme sens lourde, épuisée."
"Avant François, je caressais des rêves plus simples, plus accessibles administratrice. Cela me paraissait être un métier pour moi. Gérer les budgets d'une compagnie de Théâtre. Planifier et superviser les projets artistiques pour en assurer la viabilité et le bon déroulement. Etre le bras droit du directeur artistique. J'avais couplé mon master en arts du spectacle à une licence en économie et gestion. Ma voie était tracée. Je n'étais pas faite pour être sur scène, sous les feux des projecteurs, mais je voulais prendre part à la magie des spectacles, être une petite pièce de la mécanique fantastique. J'étais ouvreuse deux soirs par semaine quand j'avais besoin d'argent pour payer mon loyer et les frais d'inscription à la fac. Je regardais les pièces par le mince interstice entre les portes battantes. Je trouvais ça fabuleusement excitant. Et puis François avait posé les yeux sur moi. François m'avait flattée, outrageusement. "
"Je passe du rouge sur mes lèvres, du mascara sur mes cils. Ne pas changer mes habitudes. François m’aime ainsi, soignée spécialement pour lui. Il ne faut pas que je lui montre que les choses ont changé, que notre monde s’est fissuré, que je vis au bord de l’abîme et que lui se trouve tout au fond."
"Je pose mes lèvres sur son bras, tente d'y retrouver son odeur. Il l'a perdue, bien sûr. Il sent l'hôpital. Mais il y a quelque chose de familier dans ce contact : le grain de sa peau, le relief de ses veines, la douceur de ses poils. C'est lui. Je reprends mon souffle. Les évènements de ses deux derniers jours se font plus lointains. Le message vocal. L'accident. La nuit dans la salle d'attente. Le casting humiliant. Peu importe. D'autres épreuves nous attendent. Douloureuses. Délicates. Pas des moindres. Peu importe. Dans ces baisers que je dépose sur son bras, il y a mille promesses. Je ne partirai plus. Je le lui ai juré."
"Le petit gobelet de café a refroidi. Je n'y ai pas touché non plus. Cinq heures que je suis plongée dans ce drôle d'état second, calme et apaisé. Les pas et le roulement des chariots dans le couloir me bercent. Les bips des machines de François me rassurent. Si je reste ici, ça ira. Je me répète cette phrase en boucle. J'appréhende le moment où on me mettra dehors, où je retrouverai le vent glacial de la fin octobre, les gens, le bruit, l'agitation.
“Vous voulez mettre la télévision ? a demandé l'infirmière qui est passée plus tôt.
— Non.”
"Je fixe les lumières au-dehors, la vie, attrape une image ou deux en passant. Un homme sortant de la boulangerie avec une petite boîte de pâtisserie surmontée d'un ruban. Fête-t-il un anniversaire ? Celui de ses enfants ? A-t-il des enfants ? Plus loin un arrêt de bus, un adolescent fume, le regard dans le vide, l'air triste. Premier chagrin d'amour ? Echec scolaire ? Là, alors que nous traversons un centre-ville, une femme passe d'un pas vif, elle sourit, en pleine conversation téléphonique, un bouquet de fleurs à la main. Un cadeau de son mari ? De son amant ? Un cadeau de pot de départ ? Si j'avais eu la moindre confiance en moi, j'aurais inventé des scénarios. Je crois que j'aurais aimé écrire pour le théâtre, plus que toute autre chose. Les idées fusent, mon imagination s'emballe à la moindre scène de vie. J'ai toujours du mal à me canaliser. Mais ensuite je me dégonfle, je me décourage avant même d'attraper un stylo. A quoi bon ? Qui est-ce que ça intéresserait, ces tranches de vie quotidiennes, banales, trop communes ? Qui est-ce que ça ferait vibrer , Personne...Il n'y a que l'éphémère qui fasse vibrer, l'interdit, la transgression."
"– Il a supprimé son profil de tous les réseaux sociaux, sans un mot. Facebook. Instagram. Twitter. Il a même crashé son site internet. François Louvier n’existe plus. Il a disparu de la Toile. Comme si… »
La voix d’Antoine flanche.
« Comme s’il voulait signifier qu’il était… mort. »
"Tout se mélange dans ma tête. L'angoisse, la peur, la surprise et l'incompréhensions. Je fixe la porte de la chambre avec crainte tandis que François soulève la laine de mon chandail, pose son nez entre mes seins, dans la chaleur de ma peau, au plus près des battements de mon cœur.
“François…”
Alors il se met à pleurer, ici, contre ma poitrine. Je passe mes mains dans ses cheveux. Des mains tremblantes. Je murmure :
“Ça va aller, mon amour. Je ne partirai pas.”
Je ne crois pas qu'aucun mot le réconforte. Mais là, contre mon corps, il se sent à l'abri. Protégé.
“Ça va aller, tu verras…”
"Il s'excusera par message. Je reviendrai. Évidemment. Parce qu'il y a ce billet pour Douze hommes en colère dans ma boîte à souvenirs, et le dessous-de-verre du Melchior, le flyer et l'affiche de Dom Juan, puis des dizaines d'autres trésors. C'est pour lui que je reviens.
Pour le François de ma mémoire."
"Les visites à Garches sont maintenant accompagnées de violents maux de ventre qui m'assaillent dès le réveil. Je redoute ses réactions, les anticipe, j'en cauchemarde la nuit. depuis qu'ils l'ont mis assis, il est plus hargneux que jamais. Il refuse d'utiliser le fauteuil roulant. Il ne quitte donc jamais son lit ni sa chambre. A peine sur le seuil de la porte, je peux déjà surprendre son regard plein de haine, prêt à m'assassiner."
La culpabilité réapparaît. Je n'ai jamais voulu lui nuire...J’ai juste pensé que je pourrais aimer son mari mieux qu’elle… Maintenant je n’en suis plus certaine. J’ai l’impression de tout faire de travers, de ne pas être capable de le comprendre ni de l’entourer correctement."
"Je ne crois plus à aucune promesse. S’il y a une chose que j’ai apprise avec le handicap de François, c’est que le quotidien est traversé de tempêtes, qu’on ne peut jamais se reposer durablement."
" «Un polichinelle dans le tiroir. Un moussaillon dans la cale. Une brioche au four ! »
Les joues de Madeleine sont rose vif. Elle pince celle de François avec affection.
« C’est pas le tout de réciter du Molière si tu ne connais pas tes expressions françaises, jeune homme ! »"
«Si tu renonces à ce qui te fait vibrer, alors je renoncerai à ce qui me fait vibrer, pour que tu comprennes l'ampleur du gâchis qui consiste à passer à côté d'une part de nous-mêmes.
- Léo ... Tu as fait une bêtise énorme ...
- Une bêtise que j'ai couchée noir sur blanc. Je ne reviendrai pas en arrière.»
«Je ne sais pourquoi, je respire mieux ici, la nuit, que partout ailleurs. Il me semble que ma pensée s'élargit. J'ai par moment, ces espèces de lueur dans l'esprit qui font croire, pendant une seconde, qu'on va découvrir le divin secret des choses. Puis la fenêtre se referme. C'est fini. "Tu entends comme c'est beau...Ce sera sublime avec ta voix. Avec ta prestance."
"Je prends la main de l’homme solitaire dans son fauteuil et je murmure à son oreille qu’il n’est pas seul, pas tout à fait. Je ris du narcissique Stevie, me moque de lui avec la salle. Je libère mes larmes avec la mère qui n’arrive pas à être mère. Puis je me réconcilie en même temps que le couple du cinquième. Je ris, souris, renifle, tremble, espère…"
François :
"J'ai mal. C'est à peu près la seule réalité dont j'aie conscience. J'ai mal. Atrocement. C'est diffus. Comme un halo qui irradie en continu dans mon dos jusqu'à ma nuque et mes mâchoires. Chaque inspiration, chaque expiration, comme si mes côtes avaient été écartelées, puis broyées minutieusement jusqu'à ce qu'il ne reste que des miettes. Je souffre, mais je serre les dents. Si j'ouvre la bouche, si je parviens à produire un grognement, ils me demanderont : « Tout va bien, monsieur Louvier ? Vous avez mal ?"
"Si c'est Isa à côté de moi ? Bon...Je fais taire la vague de déception. Elle est ma femme après tout. Celle que 'ai choisi d'épouser. A une époque je l'ai aimée autant qu'Eléonore. Différemment mais avec une intensité égale. Si c'est elle dans le lit, alors je ne l'embrasserai pas. Nous ne faisons plus ce genre de choses depuis pas mal de temps. Pourquoi? Je ne sais pas. Le temps. L'habitude. Une barrière s'est installée entre nous, nous coupant de tout élan de tendresse spontané. "
« Je ne vais pas y aller par quatre chemins : vous ne remarcherez plus. On n'est pas là pour nourrir de faux espoirs mais pour vous accompagner au mieux. On va vous orienter vers un centre de rééducation. Vous apprendrez pendant quelques mois à vous adapter à votre nouvelle situation. D'avis ne s'arrête pas. Loin de là. L'acceptation et le premier pas vers le rétablissement."
"Si j'avais perdu mes jambes, comme il le prétend, je n'aurais pas cette sensation qu'elles sont là, devant moi, légèrement à côté de mon corps, un peu plus à gauche. Cette curieuse sensation d'être déboîté, le corps ici et les jambes là-bas. Mais les jambes quelque part . Les jambes. Mes jambes. Je les sens, bon sang ! "
"Combien de temps encore prisonnier de mon corps, dépossédé de tout ce qui faisait que j'étais moi? Ce n'était pas une question de douleur physique, non. C'était à cause de ma vie qui s'était arrêtée et de la parodie d'existence qui m'attendait."
"La haine revient. Un brusque retour de flamme. Elle ne prévient jamais mais elle est toujours là, dans l'ombre, prête à surgir au galop. Cette image de moi porté comme un poids mort, je sais qu'elle restera, qu'elle me fera horreur et demeurera imprimée jusqu'à mon dernier souffle. Un savant mélange de honte, de dégoût et de fureur. Si l'un d'eux me lâche, je m'éclate comme une merde au sol. Désarticulé. Une limace.je n'aurai plus qu'à supplier qu'on me ramasse. Un étron.
Je ne sais pas pourquoi je ressens autant de violence envers moi-même mais c'est plus fort que moi."
Soins de suite / Réadaptation - Garches (92380)
"Ici, on finit par l’oublier, mais tout est pensé pour nous. Tout est adapté, absolument tout : les couloirs, les interrupteurs, les lits, la salle de bain. Tu as des soignants partout, prêts à répondre à la moindre demande dans la minute. Vivre ici c’est une aubaine de tous les instants, et quand tu te retrouves dans la vraie vie, durant ta première permission, c’est une claque dans la gueule que tu te prends."
"J’embrasse son cou. Je ne trouve pas les mots. Plus tard me reviendront en tête ceux de Sylvie Germain dans son roman Petites scènes capitales : Les petits riens ne sont jamais insignifiants, la beauté foisonne dans l’infime. Ce baiser sur la peau moite de Léo, c’est une façon plus pudique de le lui dire."
"T'inquiète pas, reprend Ryan qui ne peut jamais la fermer plus de trente secondes. C'est toujours comme ça, la première permission.
- Comment ?
- Génial et affreux à la fois.
- Ouais... C'est un bon résumé..."
"Moi, je suis entouré au centre, j’ai les gars, Elsa, le personnel soignant. Il y a toujours quelqu’un avec qui discuter quand je vais fumer une clope. Elle, elle n’a plus personne. Parce que je lui ai retiré sa jeunesse en me faisant percuter par un bus. Maintenant elle fait partie de mon monde, celui des adultes, celui des blessés médullaires et de leurs proches qui doivent repenser tout leur quotidien. Alors que c’est moi qui suis enfermé au centre, c’est elle qui est en prison, dehors."
"J'étais ce Parisien dédaigneux qui regardait avec un léger dégoût passer les coureurs couverts de sueur. Pourquoi ils s'infligent ça ? Maintenant je sais. Le dépassement de soi, ça redonne un peu d'estime, ça booste l'ego, la confiance en soi. Sentir son coeur qui s'accroche, qui grimpe dans les tours, ça aide à se sentir vivant. Il y a tant de choses que je comprends maintenant."
"Aujourd'hui, ça fait un an. Un an tout pile que je me suis fait percuter par un bus. Ce bus ne s'est pas contenté de me prendre ma colonne vertébrale, mes jambes, ma virilité. Ce bus a piétiné ma vie jusqu'à en faire une bouillie infâme de laquelle on ne peut plus rien extraire."
"Léo avait raison. Ses parents sont des gens simples, sans jugements ni arrière-pensées. Des gens de la campagne, pleins d'humilité, qui vivent ici depuis toujours, mènent une existence sobre et tranquille. Dès les premières minutes, j’ai compris que j’étais accepté sans condition, simplement parce que Léo avait fait de moi son compagnon. Ils aiment Léo, infiniment. Et cela leur suffit pour m’accueillir comme l’un des leurs. Peut-être que c’est justement ça, l’amour parental. Je découvre , moi qui ne suis qu'un gosse de riche élevé par une mère nombriliste et narcissique. Ici tout m'est inconnu : les silences pleins de tendresse entre eux, les regards pudiques, les embrassades pleines de retenue, les petites attentions qui se multiplient..."
"Un silence. Pour le chasser, elle déclare : Écrire, ça permet de devenir quelqu’un d’autre, de porter un costume, d’incarner un personnage. Écrire, c’est aussi puissant que la scène, j’imagine, mais autrement."
“Je crois que j'aimerais parler de l'immeuble tout entier. De la société tout entière. Ce monsieur qui s'abrutit avec la télévision, cette famille bridée par le caractère tyrannique du père, ce couple dont les téléphones portables ont pris toute la place. Je veux présenter au spectateur un melting-pot de situations ordinaires, banales. Des solitudes ordinaires. On cherchera tout au long de la pièce à comprendre ce qui relie ces foyers : leur quotidien, une connaissance commune, leur passé, un événement qu'ils vont enfin tous partager ? La réponse ne viendra qu'à la fin sous la forme d'un message sans équivoque qui parlera à chacun : nous sommes tous enfermés dans notre quotidien, nous sommes tous dans ces carrés de lumière jaune sur la façade d'en face, à quelques mètres les uns des autres, et pourtant éminemment seuls. Mais si nous nous regardions, nous découvririons tous ces alter ego aussi seuls que nous, aussi désœuvrés, angoissés, optimistes, peureux, amoureux, emplis d'espoirs, de rêves, de craintes. Le message pourrait être alors : ouvrons grand les fenêtres et rencontrons-nous ! Un message d'humanité… Tu vois ?”
Je vois. Parfaitement."
"Elle m'a embrassé. J'avais encore le goût du pain beurré sur la langue. J'ai songé à Nietzche qui disait : "Le bonheur est une femme", et j'ai voulu rectifier son affirmation : Le bonheur, ce sont les lèvres d'une femme sur les miennes et le goût du pain beurré sur la langue".
"Je songe : Un couple, c'est s'aider à atteindre la mer, coûte que coûte, peu importe les efforts qu'il faut déployer pour y parvenir, et se maintenir l'un et l'autre à la surface pour affronter les vagues.
Il y aura d'autres plages où nous serons enlisés. D'autres déserts de sable à parcourir à la force des bras. D'autres épreuves. Nous nous en sortirons. Nous sommes un couple aussi fragile et aussi fort que les autres."
« Tu as raison. Tu as le droit de vivre et de partir. Augustin et moi, tes parents, ta grand-mère, on est une famille maintenant. Ce mot là, il ne faisait pas grand sens pour moi, avant. Mais maintenant je crois que j’ai compris le concept…
- Le concept ? Quel concept ?
- On est comme une boussole. Tu peux partir naviguer aussi loin et aussi souvent que tu le souhaites, on sera toujours là pour t’empêcher de te perdre et te permettre de revenir. »
"- Vous savez ... quand un accident comme ça vous arrive, tout le monde s'oublie un peu pour faire de vous le centre de l'attention.
- J'imagine.
- C'est ce qui s'est passé. Eléonore, ma femme, elle a laissé tomber beaucoup de choses dans sa vie pour m'aider à traverser cette épreuve et ... Je crois que c'est à mon tour maintenant de lui rendre la pareille. Je peux m'oublier un petit peu."
Mon humble avis
599 pages passionnantes, captivantes, merveilleusement écrites...
J'ai retrouvé avec ce livre l'émerveillement de "Tout le bleu du ciel", un de mes livres préféré.
On ne peut pas ne pas s'attacher aux personnages tellement humains avec leur amour passionnel, leurs espoirs et leur désespérance, leur quotidien et la difficulté de la vie.
Le drame qui surgit au sein d'un couple avec la paralysie est terrible
"il ne pourra plus jamais marcher, courir, nager, assister à un concert, draguer une femme, faire l’amour. Il ne pourra plus voyager, danser, s’habiller seul, sauf au prix d’efforts épuisants. Il vivra le cul collé à un fauteuil, avec une sonde dans le pénis, et ça, personne ne peut le supporter. "
Cela ressemble à un arrêt de la vie
"Si un jour tu veux te marier, je ne pourrai pas te rejoindre devant l’autel. Et si tu veux un gosse, je ne pourrai pas te le faire. Je ne pourrai plus te faire l’amour. Si tu décides de rester, je te ferai vivre un enfer."
Le problème de la dépression après un tel drame est traité de façon réaliste et pudique.
"J’étais le gars qui rassemble, celui autour duquel on gravite. Dans le Système solaire, j’aurais été le Soleil. Aujourd’hui je suis Neptune, cette foutue planète inutile, loin des autres, à la marge, qu’on oubliera progressivement. "
La dépression qui transforme et rend méchant, injuste
"Mon immobilisation fait grandir ma haine dans des proportions inimaginables. Avant je n'aurais jamais imaginé pouvoir ressentir autant de rage. Maintenant je sais. On peut se faire dépasser par les émotions, en devenir esclave."
On oublie que les personnages sont sortis de l'imagination de l'autrice tellement tout est merveilleusement et dramatiquement écrit ...
Et en fait, a la fin, dans les remerciements, on peut lire que ce livre est dédié a un coupleYann et Pauline sans qui ce roman n'aurait probablement pas vu le jour et qui a accepté de répondre à toutes les questions utiles pour cette terrible histoire : les soins post-opératoires, le parcours de rééducation, la spasticité, les douleurs neuro, le fonctionnement des orthèses,
"Ils sont de ces rencontre qui donnent tant de sens au métier d'écrivain"
Les recherches de l'autrice l'ont amené aussi à la rigueur, à une documentation absolument précise et elle exprime toute sa gratitude au docteur Sarah Mathieu spécialiste en médecine physique et de réadaptation pour sa lecture du texte avec son regard médical, professionnel mais surtout profondément humain sur le quotidien et la vie intime et même la procréation des blessés médullaires.
"Peu importent les mots qu'il utilise pour en rire : engrosser, mettre en cloque, féconder, déposer sa graine... Cet enfant vient de lui, de son corps cabossé, déréglé, meurtri, haï, un corps qui ne répond plus à grand chose mais qui a pourtant donné la vie. Il en a été capable. Et cette graine extraite de lui, qui grandit maintenant en moi, lui a prouvé ce qui fait aujourd'hui toute la différence : il est encore un homme."
Ce livre est un hommage au Centre de revalidation de Garches, à l'humanité et au dévouement des personnels soignants, à l'entraide entre les patients, au dévouement du personnel soignant.
On trouve aussi d'autres sujets importants comme les accouchements à problème qui peuvent psychologiquement marquer une maman, provoquer comme un rejet de l'enfant...
"J'ai toujours du mal à réaliser que ce petit être est mon enfant, que je suis une mère. J'ai encore souvent l'impression d'être un imposteur, de jouer un rôle qui n'est pas le mien."
et l'importance de l'amitié et des liens familiaux
"Là-bas, il y aurait du monde pour veiller sur toi, tout le temps. Tu pourrais souffler, te reposer… Là-bas tu as dit que tout était plus simple"
pour aider tout simplement à vivre...
Ce livre est un hymne à l'amour passion, à l'amour,
"Nous savons lui et moi que le bonheur est silencieux, il se savoure les yeux fermés."
ses nuages et ses soleils...L'amour avec le respect de la liberté de ne pas s'étouffer et oublier ses rêves
Léo écrit dans un carnet de moleskine vert. Elle invente des mondes, donne vie à des personnages, crée du beau à partir de rien.
On peut l'admirer, la charmer, la désirer, la chérir, l'idolâtrer, l'aimer. Mais on ne la possède pas.
"Elle garde les pieds sur terre, elle. Elle est réfléchie et posée. Je suis le feu. Elle est la terre. "
C'est un livre que j'aurais voulu ne pas lâcher tellement il m'a transporté par tous ces sujets si brillamment évoqués.
Si je l'ai terminé avec les larmes, il est aussi un merveilleux message d'amour, de paix, de résilience et d'espoir...car il nous faut souvent au cours de nos vies "tenir debout "ou nous remettre debout pour continuer d'avancer.
"Une éternité de nuits difficiles et de matins porteurs d'espoir. Ce sera toujours ainsi : il y a aura de l'obscurité, parfois, des envies de volets fermés, des cris contenus, mais il y aura aussi la lumière crépusculaire et les journées de printemps comme aujourd'hui. L'essentiel étant qu'au milieu de cette alternance on avance. Et on l'a fait tous les trois : grandir, grossir, se relever. Tenir debout..."
La beauté de l'écriture et une histoire captivante...
Superbe !