La porte de juillet

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La conversation roula dès lors vers d'autres sujets plus anodins et Victorin n'eut plus à redouter que sa sœur dévoile sa fragilité. Quand il eut vidé son bol, il demanda la permission de téléphoner ce qui lui fut accordé de bonne grâce. Il composa le numéro de son ami Yédes et après avoir salué la mère de celui-ci qui avait décroché, il discuta avec son ami un bon quart d'heure lui décrivant l'endroit où il passait ses vacances et réhabilitant les lieux pour en donner une image plus proche de la vérité. Si ce n'était pas le paradis, en tout cas, ça y ressemblait. Bien sûr, il n'y avait pas internet et le premier centre commercial était à plus de vingt kilomètres. Ici, on ne trouvait pas de cinéma, pas de restauration rapide, pas même de télé, mais après une brève période d'adaptation tout ce bazar n'était franchement pas indispensable. Ici, l'immensité remplaçait avantageusement les loisirs préfabriqués et offrait plus de liberté que tous les jeux de console du marché réunis. Il lui parla encore de la piscine naturelle, du mur, des ruines, du chien, de la forêt, de l'empereur, du ciel étoilé, de la lourde torpeur de l'après-midi... Et, au fur et à mesure qu'il parlait, il découvrait à quel point il avait été conquis par les paysages environnants et par l'indépendance dont il jouissait. Il était transporté. Il voulait partager avec son ami son engouement au plus vite. Aussi, il avait hâte, il le lui dit, de voir arriver le jour où il le rejoindrait. Yédes lui rappela qu'il n'aimait guère les chiens et que pour tout dire ils lui flanquaient généralement une frousse terrible.

« — Mais non ! assura Vic. Tu verras, c'est un chien très gentil et qui n'a rien contre les gens de couleur, ajouta-t-il en plaisantant. »

Venant de l'autre bout du fil, il entendit le rire de son ami. Ils parlèrent encore de choses et d'autres avant que le moment de se quitter n'arrive.

« — Bon... Ben... Salut, dit Yédes, à bientôt.

— Ouais, à bientôt, salut, répondit Victorin. »

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À l'instant où il déposait le téléphone sur sa base, un bruit de moteur se fit entendre dans la cour. Vic entrouvrit la porte d'entrée et jeta un rapide coup d'œil au-dehors pensant voir arriver le facteur, mais ce fut une grosse voiture rouge qui s'immobilisa à quelques mètres. Il se retourna vers la table de la salle à manger où Ginette et Charlotte continuaient à papoter.

« — C'est les cousins ! », leur dit-il.

Aussitôt après, les portières claquèrent et la famille Beauvoisin au complet, en file indienne, entra dans la maison. On se fit quelques bisous et Ginette ressortit sa cafetière proposant de sa boisson pauvre en caféine et en coloration à tout le monde. Une demi-heure plus tard, le grand-père revint de sa promenade matinale en compagnie de son chien. Les enfants jouaient ensemble dans la cour, cependant que les adultes discutaient à l'intérieur. Julia, entre deux mondes, appuyée contre le montant de la porte grande ouverte, avait hésité entre l'ennui mortel que la conversation des aînés lui inspirait et la niaiserie des jeux de cache-cache des plus jeunes puis avait finalement adopté l'option intermédiaire qui consistait à ne participer à aucune de ces activités. Elle prenait son mal en patience persuadée que la visite chez les vieux ne durerait pas toute la journée. Le grand-père passa devant elle et l'embrassa au passage en lui disant quelques mots gentils puis il disparut dans la maison laissant Dick jouer avec les gamins. Une heure s'écoula avant que les parents Beauvoisin ne ressortent en compagnie des grands-parents. Félix appela alors Charlotte et Victorin et quand ils se furent suffisamment rapprochés, il leur demanda :

« — dites-moi les enfants, ça vous dirait de passer une journée au camping ? »

Et comme Charlotte et son frère manifestaient leur approbation joyeuse, il rajouta :

« — Si vous êtes d'accord, et apparemment vous l'êtes, vous mangerez avec nous ce midi, puis Jennifer et Denzel vous feront visiter le camping. Bon et ensuite, vous ferez ce que vous voudrez, hein ! Vous êtes grands après tout. Ce soir après le dîner et à condition d'être d'accord là-dessus également, on ne vous impose rien, vous pourrez dormir avec nous. Il y a assez de place dans notre mobile-home pour vous accueillir sans que nous ayons à nous serrer trop. Alors, qu'en pensez-vous ?

— On est d'accord, on est d'accord ! S'exclama Charlotte.

— Eh !... Intervint Victorin piqué dans son amour propre de l'entendre parler en son nom, tu permets que je donne mon opinion au lieu de répondre pour moi ?

— Pourquoi ? Tu ne veux pas venir ?

— Si, mais...

— Bon ! » coupa la fillette effrontée.

Puis elle se tourna vers son oncle et rajouta d'une façon ironique : « — j'ai consulté mon frère et nous sommes d'accord. »

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