La photo

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La photo représente un groupe de gens en uniforme, hommes et femmes mélangés. La bonne humeur est de mise. Tout le monde resplendit. Ce doit être un instant particulier pour réunir autant de participants. Combien sont-ils ? À vue de nez, je dirais, vingt à trente ; il n'est pas aisé d'estimer une grande quantité de personnes avec précision. Je n'ai pas envie de les compter.

La photographie est en noir et blanc et le décor est assez neutre. Il n'est d'ailleurs pas l'intérêt principal. On y voit un bout de route, un pan de maison, le feuillage de quelques arbres, un morceau de ciel sans nuage. C'est sûrement pendant l'été que la scène a été saisie. La lumière est vive et les ombres qu'elle dessine en témoignent. Chacun a pris la pose et affiche son plus large sourire, mais c'est plus qu'un simple sourire. Pour la plupart, on devine un certain bonheur d'être là.

On imagine aisément le moment suivant. Après que le petit oiseau fut sorti, tous ont dû éclater d'un rire gai et se congratuler en échangeant des accolades avant d'aller déjeuner. Une grande table est certainement dressée en dehors du cadre ; une table nappée de blanc qui attend leur venue dans la clarté du midi, chargée de plats appétissants, de vin blanc, de bière.

On pourrait les envier en les voyant. On voudrait être des leurs et partager avec eux cet instant de félicité. C'est assez étrange de penser que ces gens peuvent faire abstraction de l'horreur dans laquelle ils baignent jour après jour. Ce sont tous des gardiens du camp de concentration d'Auschwitz. L'image date de la dernière guerre mondiale, sans doute a-t-elle été capturée à une période où l'Allemagne semblait devoir prendre les rênes du monde pour mille ans. Difficile d'admettre le bonheur de ces bourreaux. On les imagine brutaux, méchants avec des têtes de monstres. Non ! Bons pères de famille et bonnes mères, ils sont gentils et affectueux envers les leurs. Ils rient et sont heureux comme tous les gens quand l'occasion se présente. Sans honte, sans remords.

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Soudain, on se sent assailli par un sentiment d'inquiétude. Au milieu de la troupe, on vient d'apercevoir quelqu'un à qui l'on ressemble.

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D.R.K

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