1.Nouvelles

C’est une longue plage de sable, bordée d'arbres mais peu fréquentée. Loin des canons touristiques, la région n’inspire pas. Quelques promeneurs le matin tôt, ou le soir avant la tombée de la nuit. On vient y profiter de la brise marine et de la sensation de liberté.

J’habite une maison au bord de cette plage. Devant la maison, un petit jardin. Au bout de ce jardin, un petit muret. Derrière ce muret, un gros arbre, et la plage.

Ce gros arbre, ses branches tordues, son feuillage dense qui cache une partie de la baie, en face. Il casse la platitude de la mer. 

Le matin, au saut du lit, je vais ouvrir la porte fenêtre pour laisser passer la brise marine et faire entrer un peu d’air dans la maison étouffante.

Et je regarde passer les gens, les courageux, lorsqu’il y en a.

Des gens qui s’arrêtent aussi parfois sous le grand arbre.

Ce matin justement, la plage est déserte, je n’aperçois que deux épaules qui dépassent du tronc. Un homme donc qui profite de l’air frais. Il se lève et pose ses mains sur ses hanches. Il regarde la mer, puis se retourne et semble surveiller l'étendue de sable. Il fait trois pas vers l’eau, puis se ravise et décrit un arc de cercle pour revenir à l’ombre de l’arbre.

Cet homme a une peau d’ébène, et comme beaucoup de ces hommes à la peau d’ébène, sa morphologie est bien différente de celle des hommes blancs. Ne dénigrons personne, mais celui-ci est grand et très athlétique. Il se tient pour l’instant dans l’ombre et je le vois à contre-jour, mais même à cette distance et avec cette luminosité, je dirais qu’il est beau.

Ce matin, j'ai l'oeil esthète...

Il se rassied mais se relève quelques secondes après et ressort dans le soleil.

Un détail vestimentaire m’intrigue.

Porte-t-il une combinaison de plongée ?

Ce serait assez cocasse. Il n’y a pas de profondeur ici !

Il se tourne vers le coude derrière lequel commence la baie que l’on voit en face. Peut-être attend-il quelqu’un ? Depuis combien de temps est-il là ?

Nonchalamment, mais d'une nonchalance déterminée, il retourne vers l’arbre, ramasse ce qui se révèle être un short de bain, qu’il enfile et juste au moment où il finit de boutonner sa ceinture, un couple apparaît.

Il les croise dans une attitude très naturelle et disparaît vers la baie.

Flûte alors. Au temps pour moi...

Depuis, le matin, au saut du lit, avant d’ouvrir la porte fenêtre pour ventiler la maison, je mets mes lunettes…

Il n'est toujours pas revenu.