Le crayon, suite inattendue

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Le crayon, suite inattendue (4/30)

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En revenant de son rendez-vous, dans la voiture, par la radio, elle avait appris la nouvelle terrible qui bouleversait le monde. Elle en avait été frappée, mais elle n’en imaginait pas la véritable ampleur ni l’épouvantable issue. En entrant dans le salon, la première chose qu’elle avait vu, c’était les images de cette tour en train de tomber dans l’écran de la télévision et du chaos indescriptible que sa chute engendrait. C’est seulement revenue de sa stupéfaction qu’elle avait pris conscience que sa fille assistait elle aussi à l’effroyable spectacle. Sa réaction avait été prompte, pourtant en serrant Oriane entre ses bras, en ressentant les soubresauts de son corps, en entendant ses sanglots irrépressibles, elle savait qu’à jamais elle serait marquée par l’épouvante, que pour toujours dans son esprit, les images du drame qui se jouait à des milliers de kilomètres de là resteraient gravées. Non, le monde intérieur d’Oriane ne serait plus jamais le même.Quelquechosesurgie de la folie profonde des hommes venait d’abîmer son âme. La mère et le père avaient pourtant mis tant de peine à insuffler une véritable confianceen elle, à chasser la peur de ses pensées. Ils avaient eu tant de difficultés à la protéger de l’horreur, de la démence commune au genre humain, à la maintenir loin de la réalité sordide. C’est avec cette volonté qu’ils lui interdisaient l’accès à la télévision la plupart du temps, qu’ils avaient renoncé à s’abonner à Internet, qu’ils filtraient les journaux et les magazines qui entraient dans la maison, comme tout ce qui étaitsusceptible de passer leur porte. Pour elle, il avait construit un monde exempt de danger où Dieu pouvait exprimer sa grandeur sans que rien ni personne ne puisse venir la contester ou mettre en doute son existence.

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Les parents d’Oriane étaient croyants, fervents catholiques comme ils aimaient se vanter, et ils souhaitaient faire de leurs enfants des êtres qui soient à leur image, droits au point d’en devenir rigides, convaincus de leur connaissance de la vérité jusqu’à se laisser guider par l’intransigeance, épris avec tant de ferveur de Dieu que cette dévotion pouvait les conduire à occulter en eux toute réelle empathie. Mais voici que le Diable entrait chez eux par la seule fenêtre qu’ils avaient laissée entrouverte sur le monde et qu’ils pensaient pourtant être capables de bien contrôler. Ils avaient simplement oublié qu’on ne peut condamner sa porte au reste de l’univers jusqu’à la fin des temps, qu’au moindre instant d’inattention, celui-ci se précipite chargé de toutes ses immondices dans la moindre anfractuosité abandonnée sans défense. Aujourd’hui, Oriane avait été la victime de l’un de ces moments de négligence. Et à présent que la cruauté du monde était entrée en elle, et malgré toutes les tentatives de ses parents pour l’en faire sortir, les prières, les contritions, les confidences faites au prêtre de la paroisse, les heures de pénitences, ces autres sacrifiées sur l’autel des sciences psychiatriques, elle n’en réchapperait jamais totalement.

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