Jour merveilleux

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Jour merveilleux

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De la suite immédiate de mon « aventure », je n’ai gardé aucun souvenir. Je me suis simplement réveillé lentement comme au sortir d’un long sommeil et de cette période de languissante résurrection, il ne me reste que des fragments d’images floues et plus cotonneuses au fur et à mesure qu’elles remontent le temps. Mon père m’a donné l’explication de cet étonnant état des choses. Lui et ma mère m’ont rendu visite plusieurs fois après mon internement en établissement psychiatrique. C’était une petite clinique installée dans un endroit reculé de la région parisienne. Comme moi, des dizaines de malades recevaient des soins dans cet endroit. On traitait ici aussi bien des alcooliques invétérés que des dépressifs suicidaires en passant par des gens victimes de toxicomanies diverses ou de frêles jeunes filles anorexiques. Cette liste je la dresse à titre d’exemple, elle est bien entendu incomplète, car on soignait aussi dans ce lieu toutes sortent de pathologies, de la plus grave à la plus bénigne à l’exclusion des cas les plus dangereux comme les véritables cinglés aux sursauts de violence incontrôlables dont je ne faisais apparemment pas partie. Le bâtiment principal de la clinique était de construction récente. Il était ceint d’un grand parc et de plusieurs aires de stationnement réservées aux véhicules des visiteurs. Le tout était clos par un haut mur de pierre d'un côté et d'un grillage de l'autre. Là, au milieu des allées, déambulaient des malades qui ne savaient pas faire autre chose de leurs journées que fumer des cigarettes en marchant à petits pas avec la tête baissée et sans but. J’étais de ceux-là lorsque mon père et ma mère vinrent me rendre visite la première fois. C’était une semaine environ après ma crise de démence. Ils me découvrirent le corps et le visage encore marqué d’ecchymoses, de plaies crouteuses et de griffures diverses. Pourtant ce n’est pas ce qui retint principalement leur attention. Comme j’étais arrivé depuis peu de temps, j’étais encore lourdement chargé en médicaments si bien que je me traînais comme une limace, bavant presque comme l’une d’elles et affichant une expression amorphe. Ce fut un choc pour eux de me découvrir cette apparence d’autant que je peinais à m’exprimer. Mes mots sortaient de ma bouche avec lourdeur, empesés de salive, et les quelques phrases que je parvenais à produire se finissaient dans un chaos verbal incompréhensible. J'ignore combien de temps mes parents passèrent avec moi — d’ailleurs, je ne me rappelle pas qu’ils m’aient rendu visite cette fois-là —, mais lorsqu’ils m’eurent laissé et qu’ils eurent regagné leur voiture, ma mère éclata en sanglots. Elle était si bouleversée que mon père eut toutes les peines du monde à calmer sa détresse. Elle pensait que pour moi, tout était fini, que je n’allais plus sortir de cet endroit et qu’à jamais je resterais identique au personnage apathique qu’elle avait vu ce jour-là.

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