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Date de création : 13.06.2011
Dernière mise à jour : 11.07.2025
11769 articles


IL RESTE LA POUSSIERE SANDRINE COLLETTE

IL RESTE LA POUSSIERE  SANDRINE  COLLETTE

L'auteure :

 

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Sandrine Collette, née en 1970 à Paris, est une romancière française.
Sandrine Collette passe un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique.
Elle devient chargée de cours à l'université de Nanterre, travaille à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines et restaure des maisons en Champagne puis dans le Morvan.

Elle décide de composer une fiction et sur les conseils d’une amie, elle adresse son manuscrit aux éditions Denoël, décidées à relancer, après de longues années de silence, la collection « Sueurs froides », qui publia Boileau-Narcejac et Sébastien Japrisot.
Il s’agit Des nœuds d'acier, publié en 2013 et qui obtiendra le grand prix de littérature policière ainsi que le Prix littéraire des lycéens et apprentis de Bourgogne.
Le roman raconte l'histoire d'un prisonnier libéré qui se retrouve piégé et enfermé par deux frères pour devenir leur esclave.

Elle se consacre alors à l'écriture et s'installe à La Comelle, village du Morvan d'où elle est originaire et dont elle devient conseillère municipale.

En 2014, Sandrine Collette publie son second roman : Un vent de cendres (chez Denoël).
Le roman commence par un tragique accident de voiture et se poursuit, des années plus tard, pendant les vendanges en Champagne.
Le roman revisite le conte La Belle et la Bête.

Pour la revue Lire, « les réussites successives Des nœuds d'acier et d'Un vent de cendres n'étaient donc pas un coup du hasard : Sandrine Collette est bel et bien devenue l'un des grands noms du thriller français.
Une fois encore, elle montre son savoir-faire imparable dans Six fourmis blanches ».

 

Thèmes et références

 


Sandrine Collette aime la campagne profonde, la forêt, la montagne, les vignes.
Tout naturellement, elle aime situer ses intrigues dans un univers rural,
même si son petit polar "Une brume si légère", est exceptionnellement urbain.

La romancière part toujours d’une image
qui lui permettra de dérouler le fil de sa fiction.

Ses références vont de Luis Sepulveda à Marguerite Duras ou Paulo Coelho.

 

 

Ses livres : Chez Denoël

 

— Des nœuds d'acier
— Un vent de cendres
— Six fourmis blanches
— Il reste la poussière
— Les Larmes noires sur la terre
— Juste après la vague
— Animal
— Et toujours les forêts

 

 

L'Histoire :

Il reste la poussière : PRIX LANDERNEAU POLAR 2016

 

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Patagonie.
Dans la steppe balayée de vents glacés,
un tout petit garçon est poursuivi par trois cavaliers.
Rattrapé, lancé de l’un à l’autre dans une course folle,
il est jeté dans un buisson d’épineux.

Cet enfant, c’est Rafael, et les bourreaux sont ses frères aînés.
Leur mère ne dit rien, murée dans un silence hostile
depuis cette terrible nuit où leur ivrogne de père l'a frappée une fois de trop.
Elle mène ses fils et son élevage d’une main inflexible,
écrasant ses garçons de son indifférence.
Alors, incroyablement seul,
Rafael se réfugie auprès de son cheval et de son chien.

Dans ce monde qui meurt, où les petits élevages
sont remplacés par d’immenses domaines,
l’espoir semble hors de portée.
Et pourtant, un jour, quelque chose va changer.
Rafael parviendra-t-il à desserrer l’étau de terreur et de violence
qui l’enchaîne à cette famille?

 

 

Critiques :

 

"Cette femme a un don. Le don de se fondre dans des terres inconnues et inhospitalières, et d'en faire émerger, comme par magie, les aspérités les plus rugueuses et les beautés les plus cachées."

L'Express - 30/03/2016

 

 

"En s'éloignant du pur polar, elle a assurément franchi un cap."

ELLE - 25/03/2016

 

 

"Ces personnages qui semblaient aussi durs que le granit laissent entrevoir leurs failles.
Un roman tout en subtilité."

Elle

 

Un huis-clos oppressant planté dans un décor hostile et sublime.

BIBLIOTHECA MAGAZINE - 02/2016

 

 

L'écriture de ce roman de nature writing est tantôt exaltée, tantôt froidement descriptive, mais en dépit de la rudesse qui domine, la romancière fait du jeune Rafael un héros solaire.

TELERAMA - 30/01/2016 - Christine Ferniot

 

 

Mélange de western sud-américain et de roman noir, Il reste la poussière - quatrième roman de Sandrine Collette - a des airs de tragédie faulknérienne en plein touffeur argentine.
Une mécanique implacable sur la cruauté et la rédemption, à l'écriture tout en sécheresse.

LIRE - 02/2016 - Baptiste Liger

 

 

Un roman noir, très noir, mais qui brille comme un diamant brut.
Totalement addictif.


François Busnel, La Grande Librairie

 

 

 

 

Extraits :

 

Il s'immobilisait comme le font les mulots dans la steppe, lorsque le bruissement d'ailes des busards au-dessus d'eux les alerte trop tard, lui aussi l'oeil effaré et priant pour que ses oreilles, son cerveau, son instinct le trompent; mais toujours ils étaient sur lui en quelques foulées, rapaces piquant vers leur proie, penchés sur leurs chevaux fous. Planté au milieu de la cour arrière, le petit n'avait pas le temps de regagner la cuisine où la mère touillait, écrasait, dépeçait: quand cela avait commencé, il savait à peine courir."

 

 

"Un jour il était tombé en s'enfuyant, et ses frères l'avaient manqué, parce qu'il était trop bas. Alors il avait recommencé chaque fois, s'étalant de tout son long aussitôt qu'ils s'élançaient derrière lui, se relevant par à-coups pour trottiner, de chute en chute, jusqu'à la maison.  Les chevaux s'arrêtaient assis sur les croupes, faisaient volte-face, revenaient. Il tombait à nouveau. Parfois un sabot le heurtait, par maladresse, car les criollos l'évitaient autant que possible, rechignant à piétiner la petite forme allongée sous eux — et les frères furieux les ramenaient en les talonnant, crachant des injures, trouduc, fillette, pauvre merde, pour être un homme il faut être fort et se tenir droit.
Il avait quatre ans."

 

"Son regard planait comme celui d'un oiseau, survolait la plaine, embrassait le monde. Et le monde revenait au point de départ, et il avait le visage des terres de la mère."

 

 

"Mais bien sûr cela n’a profité qu’à ceux qui peuvent acheter d’immenses exploitations, s’organiser en firmes, monter des fermes industrielles et des réseaux de transport, oui les petits propriétaires vont disparaître."

 

 

     "Elle les déteste tout le temps, tous. Mais ça aussi, c'est la vie, elle n'a pas eu le choix. Maintenant qu'ils sont là. Parfois elle se dit qu'elle aurait dû les noyer à la naissance, comme on le réserve aux chatons dont on ne veut pas ; mais voilà, il faut le faire tout de suite. Après, c'est trop tard. Ce n'est pas qu'on s'attache : il n'est plus temps, c'est tout. Après, ils vous regardent. Ils ont les yeux ouverts. Et vraiment la mère y a pensé, mais elle a manqué le coche. Alors les jours où elle ne supporte plus les fils, elle se venge en se rappelant qu'elle aurait pu le faire. Elles les a eus à portée de main. Il n'y avait qu'à les lâcher dans l'eau. Et jamais ils ne se rendront compte de ce qu'ils lui doivent, jusqu'à la simple chance de vivre.  En les entendant glousser à table, elle se remémore la naissance à chacun, et les doutes, et les tentations. Se mord la langue pour ne rien dire - bien sûr cela la soulagerait tant, mais cette carte-là, il faut la garder pour un jour exceptionnel, un vrai jour de haine, noir et profond."

 

 

 

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Un criollo : photo : https://fr.wikipedia.org/wiki/Criollo

 

 

"Le petit déboule comme un fou à l’angle du chemin, allongé sur l’encolure de son alezan pour l’encourager à galoper plus vite. Il tient ses rênes d’une main. De l’autre, un chapeau. Derrière lui, ses trois frères claquent les lanières de cuir sur le flanc de leurs chevaux en hurlant, mais il sais que rien n’y fera : aucun d’eux ne rattrapera Halley. Il réprime de justesse un cri de joie sauvage – l’année précédente il a gobé une mouche en riant trop fort, la bouche grande ouverte, et certains soirs il a encore au fond de la gorge la sensation écœurante des pattes de l’insecte lui chatouillant la langue. À demi retourné sur sa selle, il devine plus qu’il ne voit le visage déformé par la rage de Joaquin, entend les braillements de Mauro. Steban est juste derrière, à suivre les autres en silence, complice muet et passif des guerres qui se jouent entre les frères. Alors Rafael se redresse imperceptiblement, ralentissant l’alezan qui rechigne et secoue la tête pour protester, crachant des gouttes d’écume. Chuchote en lui posant une main sur l’épaule :
– Doucement, doucement …"

 

     "Alors Rafael sera comme ces aigles solitaires qui ne s'attachent jamais, indifférents à l'isolement, cachés dans leurs nids inaccessibles. De ces bêtes sauvages qui rampent dans les marais en évitant leurs congénères, regagnant leur tanière avec pour tout compagnon une proie arrachée à l'eau ou à la terre. Ni ses sept ans ni le cheval n'ont réparé la distance qui le sépare des trois autres fils. Il n'est pas le quatrième de cette famille-là : de ce jour, il comprend que rien n'y fera. Il baisse les bras."

 

 

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     "— Un, Trois ! Vamos !
     Attaché à la chaîne, Deux gémit. Il y en a toujours un qui reste à la ferme, au cas où. De toute façon, il est trop jeune pour suivre les autres. Il remplace le vieux Deux, celui d'avant, qui est mort encorné par une vache. La mère est allée chercher le chiot quelques jours après l'accident chez un voisin dont la femelle avait eu une portée. Elle lui a donné le nom de l'ancien, comme les autres fois.

 

 

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Une estancia en Patagonie

 

https://www.borispatagonia.com/recherche-estancia-argentine

 


     

"Depuis son enfance, la mère a toujours eu trois chiens, qui se sont toujours appelés Un, Deux, Trois. Elle en reprend au fur et à mesure des vieillesses et des morts. Elle dit que, de cette façon, elle ne se trompe pas dans les noms. Parfois, pourtant, elle parle de ceux d'avant, les mélange avec les vivants. Ne sait plus. Elle fait un geste dans l'air. Aucune importance.
     Le petit les emmène."

 

 

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"De là-haut, sur un sol si aride que même la rocaille s'est fendue, Rafael observe les mondes qui s'entrecroisent. Des steppes séchées, parsemées de bosquets tordus, côtoient des cours d'eau sinueux que la roche empêche d'arroser les terres. Il y a peu d'arbres. La part belle est faite aux arbustes chétifs et teigneux, même si caldéns et sycomores ponctuent l'espace. Un pays vierge de la main de l'homme – si l'on oublie les milliers de kilomètres de fil de fer qui clôturent les estancias. La main tendue vers ces enclos, le petit compte et marmonne, organise, prévoit les changements de parcelles, le scindement des troupeaux à redescendre pour la tonte ou les ventes. Il rêve d'aller plus loin."

 

 

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 "Chaque jour quand il descend de cheval pour déjeuner, ouvrant son sac sous le regard suppliant de Trois, il invente de nouveaux espaces, transforme la plaine en forêts et en vallées. S'engage sur des chemins inconnus et les peuple de plantes immenses, de lacs et de pumas, bercé par une musique fragile, fredonnant des sons qui font penchés sur le côté la tête des chiens déconcertés."

 

"Parfois il les regarde les trois frères, et la mère, et les chiens et les bêtes, et pour peu il en pleurerait, car quelque chose à l'intérieur de lui murmure qu'il n'y a rien à faire, qu'il est enchaîné par le pied à cette vie-là. S'il veut partir il faudra être comme les lièvres pris dans les pièges et qui se rongent une patte pour s'échapper, sans savoir si le sang s'arrêtera, parce qu'à ce moment-là il n'est pas question de vivre ou de mourir mais seulement de s'enfuir."

 

 

 

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"Steban soudain envoie un long sifflement aigu. Tout le troupeau est là. Les quatre frères se répartissent à nouveau dans l’espace, deux à l’arrière, deux ceignant les côtés. Les chiens bondissent de l’un à l’autre. Le seul horizon qu’ils laissent aux bêtes, c’est l’avant. Et c’est ce que crie le petit pour donner le signal : Avant ! Alors il a l’impression qu’un bloc énorme, à la fois unique et désordonné, se met en mouvement près de lui, faisant palpiter la terre qu’il écrase et le ciel au-dessus de lui, et les vaches meuglent à voix basse, et l’air tremble d’un coup. Quatre cents sabots, tels des tambours de guerre laminant le sol d’une marche pesante, et les vibrations montent dans les paturons des chevaux, agrippent les talons et les jambes des frères comme une fourmilière immense."

 

"Il pense à la question de Steban tout à l'heure, à la voix éraillée de trop peu parler. Tu f'ras quoi plus tard ?
Il ne se l'est jamais demandé.
Pour la première fois il comprend que sa vie peut être autre, qu'il la tient entre ses mains. L'instant d'après il crache par terre. Comme il l'a dit : pour aller où ?
     La mère est son avenir, l'estancia sa destinée et son tombeau. Il ne veut ni réfléchir ni répondre. Cela abîmerait trop de choses. Seul le bétail est important, et le travail de chaque instant, l'infinie répétition, lassante et rassurante, et même le galop des chevaux se ressemble de jour en jour, et le souffle des bêtes, et la lumière de l'aube sur la plaine. Envisagée ainsi, la vie n'a pas lieu de changer. Elle peut durer le temps de l'humanité, le temps de l'univers et des certitudes. Surtout ne pas se poser la question de Steban. Derrière, il y a le poison."

 

 

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 "Des bêtes par dizaines de milliers, si nombreuses que même la pampa n'y suffit plus, et on s'est mis à rationner l'herbe, à donner du maïs et du fourrage, à engraisser pour faire du poids. A San Leon, les gars lisent incrédules les articles de journaux qui encensent les nouveaux élevages intensifs, l'avenir, écrivent-ils colonne après colonne. On a beau faire du mouton ici, personne n'a oublié qu'avant tout il faut que la viande coure. Qu'elle fasse du muscle, pour le goût, pour la texture. Rien à voir avec celle issue de ces étranges fermes qui commencent à tant faire parler, que l'on gave immobile et dont la chair sent la mort.
Les fils crachent au sol les jours où la mère parle de ces exploitations qui auront leur peau, elle en est sûre à présent, qu'elle peut remercier le ciel d'avoir eu le nez de vendre à temps le gros de ses vaches. Mauro s'écrie enserrant les poings :
     — Mais leur viande ne vaut rien !
Et puis ? Ils commencent à entrevoir que les mangeurs se moquent de la qualité, pourvu qu'ils en aient plein la gueule."

 

 

     "Après, il n’y a plus que deux corps meurtris qui regagnent la chambre, et la douleur, et les sanglots qu’on étouffe. Steban gémit en se tenant la mâchoire. Le petit dans son coin se fait saigner les lèvres à force de les mordre pour se retenir de pleurer. Les jumeaux cognent fort. L’humiliation, la rage d’avoir été surpris. Ils achètent le silence à coups de pied dans le ventre.

     De ce jour, la violence des grands s’accroît. Depuis des semaines, Rafael et Steban ont cessé de les guetter dans le pré des brebis. En vain. La morsure de la honte ne s’efface pas. Se guérit le temps d’une bagarre, de muscles tendus pour faire mal.
     Les aînés frappent là où cela ne se voit pas, épargnent les visages. Que la mère ne se doute pas, surtout. Elle pourrait remarquer la démarche courbée des plus jeunes, certains matins, la façon dont ils baissent les yeux en croisant les jumeaux. Pas même. Elle donne les consignes de la journée sans les regarder, n’interrompant jamais la tâche qui l’occupe. Mauro et Joaquin ricanent."

 

 

"La mère, à la fois, est la femme et n'est pas une femme. Génitrice et protectrice, aboyant les ordres sans ménagement, elle incarne le mâle et la femelle en même temps. En cela sa perfection les étonne. Elle finit par se fondre en un être asexué, universel, qu'ils sauraient à peine décrire si on le leur demandait. La mère, c'est la mère."

 

"Sa mine revêche ne l'a pas quittée. La mère est partie en guerre. Contre les banques, contre l’injustice. Contre le monde. Et une bière à la main."

 

"Peu à peu, la vie reprend la même routine, le travail glisse et se répartit. De l'extérieur, rien n'a changé dans l'estancia de la mère. Et de la même façon que la surface de l'étang redevient lisse et les cercles concentriques disparaissent quand le caillou a coulé au fond de l'eau, les quatre restants, mère et fils, respirent, s'apaisent enfin. Des petites vagues. De moins en moins. Et puis plus rien."

 

 

     "Resté seul, Joachim s'assied sur le lit. Mauro lui manque, et la mère, et même le petit et l'autre débile ; il voudrait pleurer pour enlever la boule de sa gorge, respirer mieux. Mais rien ne vient, qu'une sécheresse qui lui fait frémir le cœur et lui laboure les joues, quelque chose de mort dans sa poitrine, parce que tous aussi, à l'estancia, ont refermé la porte sur lui. "

 

     "L'image de la vieille le tarabuste, et ses cris et ses colères. Parfois avec Mauro, ils regardaient la statuette de la Vierge posée sur le meuble, et aucun d'eux ne croyait qu'elle puisse être de la même essence que la mère, pas la moindre ressemblance, soit on leur avait menti, soit ils s'étaient trompés, mais qu'on n'essaie pas de leur faire gober une parenté hasardeuse, d'un côté cette masse presque aussi large que haute au cheveu épars, aux joues de dogue, qui ne sait que se taire ou brailler, et de l'autre une silhouette fine et souriante, que rien qu'à la toucher on se sentait mieux, non, vraiment, non. Pour Joaquin et Mauro, il y a les femmes, les hommes et la mère.
     La vierge au paradis et la mère aux enfers."

 

 

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"Il joue à nouveau avec l'eau, la bouscule, à marche forcée, et sort sur la rive, revient en bondissant, jusqu'à ce que la pression sur ses jambes le déséquilibre et le fasse tomber. Alors le cœur battant, essoufflé d'avoir trop ri et trop braillé, il se laisse flotter à quelques mètres du bord, surveille qu'il a toujours pied. La lumière l'exalte, ricoche sur le lac, sur les bosquets, sur le presque sable. Il ferme les yeux et une étrange mélodie vient le bercer, si impalpable qu'il n'est pas tout à fait certain de l'entendre, mais il fait comme si, se délecte des sons cristallins, qu'importe s'ils ne sont que le fruit de son imagination."

 

 

     "De sa vie, il n'a soigné que des bêtes, et le vieux en est une parmi d'autres ni plus ni moins, voilà ce qu'il se répète en mettant l'eau sur le feu, parce que les plaies puent pareil, saignent pareil et font mal aussi."

 

 

     "Les jours suivants elle guette la route sans un mot. Le matin, et le soir avant la tombée de la nuit, plantée à la fenêtre de la cuisine, elle attend bras croisés , et vraiment sur son visage il n'y a rien de douceur ni de chagrin, parce que c'est au destin qu'elle s'adresse en se tenant là , coquin de sort qui n'arrêtera donc jamais de lui en faire voir, eh bien, qu'il y vienne."

 

 

     "Car voilà, quand elle fait les comptes, deux sur quatre, la moitié pour rien. S’il n’y a pas là de quoi s’étrangler de rage. Des années à les nourrir et les élever à la sueur de son front ces gamins, les reins arqués pour tenir le coup. C’est que ça en demande, des efforts ; c’est que ça en mange, des soupées. Juste au moment où ils devenaient forts tous les quatre, et qu’ils prenaient leur part de besogne, la soulageant d’un peu de son fardeau. Oui juste à ce moment-là, quand enfin ils donnent plus qu'ils ne coûtent. Misère."

 

 

"— Eh bien, j'vais te le dire, reprend le vieux. Dans ce sac, il y a ...le bonheur.
Le petit ne dit rien, et l'homme attend, hausse les sourcils.
— Tu me demandes pas ce que c'est, le bonheur?
— C'est quoi?
Quelque chose que tu peux même pas imaginer. Y a que si tu le vois que tu te rends compte. Mais je vais pas te le montrer. Ca se mérite. D'abord il faut que tu me soignes, d'accord?
- D'accord."

 

"À vrai dire, il ne se demande même pas ce qu'il peut y avoir dans le sac : il n'est pas habitué à inventer ou à supposer, et l'imagination lui manque. C'est le mot qui l'interpelle, un mot qu'il n'a jamais entendu. Le bonheur. C'est le mot qui l'interpelle, un mot qu'il n'a jamais entendu. Le bonheur.
Souvent, pour maudire le sort, la mère, devant une bête morte, une récolte gâtée par le mauvais temps ou trop de factures à la fois, s'écrie: Malheur ! Cela, il connaît. Une patte cassée, malheur. Une charogne tombée dans la réserve d'eau, malheur. Et malheur encore, les fils qui tardent à finir leur ouvrage ou le vent qui couche les clôtures, laissant échapper le bétail. Toute sa vie baigne dans ce mélange de résignation et de poing levé au ciel, s'étrangle de peur devant les éléments déchaînés, de rage face au monde qui n'est ni juste ni beau."

 

 

     "Et en même temps Mauro bouillant d'impatience et d'hostilité, et Rafaël rieur, presque enfiévré, ouvrent la bouche pour dire quelque chose, forcément différent l'un de l'autre avec le premier plein de fureur et le second tout secoué d'allégresse, et le son leur monte à tous deux dans la gorge, ils y arrivent, lorsque la mère les prend de court sans prévenir et avant même qu'ils prononcent un mot, elle dit en regardant le petit :
— Alors comme ça, t'as pas crevé."

 

 

"Seulement il s’est rendu compte. La petite vie étriquée que leur impose la mère. Ils ne connaissent rien, n’ont droit à rien. En quelques semaines, il en a appris davantage qu’en bientôt dix-neuf ans, et cela a été un choc pour son cerveau lourd et lent, pour sa raison paresseuse, il se souvient des étincelles dedans sa tête quand il a découvert toutes ces choses nouvelles et qu’il a fallu comprendre, enregistrer, s’adapter aussitôt, ça l’aurait fait pleurer comme un gniard — chez la mère, ils ne s’occupaient pas des moutons de cette façon."

 

 

"Il ne s'y résout pas cependant, à avancer vers les bâtiments gris, freiné par on ne sait quel instinct lui rappelant ses heures noires, la violence, les insultes, l'épuisement, c'est là à quelques mètres qu'il les a connus, il a donc si mauvaise mémoire. S'il pouvait dire que la mère ou les frères lui ont donné quelque chose comme de la chaleur ou de l'affection, il irait aussitôt. Mais même cela, il n'en est pas sûr, et en y réfléchissant nulle larme ne vient au coin de ses yeux, et son coeur ne frissonne pas, aussi dur et sec que la roche sur laquelle il a marché pendant des jours et qui a cassé la corne de ses chevaux. Faire demi-tour. Il hésite. Il y a pensé sans se l'avouer depuis son départ, pressentant que la chance ne lui serait pas offerte deux fois."

 

 

Mon humble avis

 

 

Avec ce livre je lis pour la première fois Sandrine Collette, mais quel livre!
Juste l'envie d'en lire d'autres...
Car l'auteure nous emmène vraiment en Patagonie en nous plongeant dans des décors d'espaces immenses, avec des terres arides, desséchées où ne semblent pouvoir survivre que des milliers de moutons qui nécessitent un travail épuisant et jamais terminé, où même les chiens ont la vie écourtée et où l'homme voit sa viefaçonnée sans espoir de vivre autre chose qu'un quotidien prisonnier d'habitudes et de duretés de la vie...
Mais le comble du récit c'est ce huit clos familial où ni l'amour, ni l'enfance, ni l'innocence, ni la tendresse, ni les échanges, ni les mots n'ont leur place !
Juste la haine d'une mère désabusée, cruelle, autoritaire, indifférente à la violence ou à la souffrance de ses enfants...
D'où un climat d'une cruauté et d'une noirceur merveilleusement rendu...

Comme dans un film, on passe d'un personnage à l'autre au fil des chapitres : on déteste, on plaint, on compatie, on découvre leurs failles ou leurs forces.
Tout l'art de l'auteure est dans cette écriture superbe et limpide qui nous plonge à la fois dans une ambiance pesante, angoissante, révoltante, d'une noirceur peu commune, mais nous fait adorer le merveilleux personnage du petit Rafaël qui avec ses yeux, et malgré sa souffrance, nous montrera la beauté de la nature, l'amour des animaux et la vraie passion de la terre et du travail ...

Des passages difficiles tant on souffre de cette ambiance cruelle, parfois jusqu'à l'insupportable, qui nous atteint dans nos corps et dans nos âmes simplement parce que c'est magistralement écrit.
Un
 livre qui nous possède, nous étreint...

Oui, un roman noir...
Un de ces livres qui nous habite encore le dernier chapitre fini!

Passionnant, Captivant, dépaysant, et oui, "addictif"...

 

 

Brigitisis

La magie de l'écriture et le pouvoir d'un très bon livre, c'est de nous faire voyager dans l'âme humaine mais aussi dans des pays lointains......
Mille mercis aux auteurs des très belles photos que j'ai trouvé sur le net et que j'ai pu partager ...
J'ai même eu envie d'imaginer le chien de Rafaël !  Et j'avoue que celui-là m'a conquise!

 

Un très beau site pour découvrir la Patagonie :

http://www.cheval-patagonie.com/