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jeudi 6 janvier 2011

La cruauté de Webster, la sensualité de Keats

Pour me délasser des missels du Second Empire, et autres choses fascinantes que je dois étudier pour préparer l'exposition Mame à venir à Tours dans bientôt deux mois, j'arrive encore à trouver un peu de temps pour moi. Aussi, les cadeaux de Noël ayant amené Bright Star dans notre maigre collection de dvds, je me suis mis avec ravissement à la lecture de quelques poèmes de Keats. Et notamment à The Eve of St Agnes, décidément très beau, comme peut l'être la poésie romantique, mais, contrairement à celle de Shelley, lente, calme, méditative... et pourtant passionnée en même temps. Surtout, la poésie anglaise est tellement concrète, tellement proche des choses, si peu encline à "faire de l'esprit"...

John Keats par Joseph Severn, 1821-1823, National Portrait Gallery, Londres.

Puis nous sommes allés voir, hier soir, la Duchesse de Malfi de John Webster, dans une traduction d'Anne-Laure Liégeois et Nigel Gearing, et une mise en scène d'Anne-Laure Liégeois. Rarement vu quelque chose d'aussi violent, noir, et en même temps grotesque, voire grand-guignolesque, surtout sur la fin. Nous avions déjà vu une pièce montée par A-L Liégeois: il s'agissait d'Edouard II de Christopher Marlowe, un dramaturge de la même veine : époque shakespearienne, théâtre jacobéen sulfureux où les scènes de violence se disputent celles de sexe, de malédictions et d'imprécations contre le destin.
Sauf que la trame historique, chez Webster, disparaît au profit d'un excès baroque assez stupéfiant, qui confine parfois au délire, comme dans cette scène où, pour la consoler de l'avoir enfermée dans une tour, un frère propose à sa sœur la duchesse de lui faire assister à un spectacle de fous racontant tous, simplement vêtus d'une chemise, des absurdités que n'auraient pas reniées un Rabelais ou un Lucien.

La Duchesse de Malfi de Webster, mis en scène par A-L Liégeois. Cliché Christophe Raynaud De Lage.

Et tout ça écrit au XVIIe siècle, dans ce XVIIe siècle synonyme pour nous, en France, de classicisme et de rationalité... Ne nous étonnons pas en tout cas que le roman noir soit né en Angleterre, à l'époque où les Lumières, en France, battaient leur plein. L'opposition de Shakespeare et de Racine est vieille comme les études littéraires, mais celle entre le grotesque noir et délirant de Webster et le comique bien sage de Molière laisse à réfléchir... Mais comment se fait-il, décidément, que les Anglais soient aussi doués en littérature? J'essaierai d'y repenser en retournant à mes livres illustrés catholiques pour la jeunesse du XIXe siècle...

La Duchesse de Malfi de Webster, mis en scène par A-L Liégeois. Cliché Christophe Raynaud De Lage.

samedi 13 novembre 2010

Soirée Grimm, Paris

Je me contente de reproduire cette info du blog/carnet de recherches Le Magasin des enfants (manière de lui dire bonjour en passant).
Je regrette vraiment de ne pouvoir être là, d'autant plus que j'ai aussi une responsabilité (tout à fait mineure, certes) dans l'ouvrage, que Natacha est une amie et que Mme Belmont était à ma soutenance et est quelqu'un qui a beaucoup de choses très intéressantes à dire sur le conte. Habiter en province, parfois, c'est difficile...

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Nous signalons cette manifestation culturelle à l’Institut Goethe de Paris:

« Et si l’on (re)lisait… Grimm »


Lundi 15 novembre 2010, 19h
Goethe-Institut – 17 avenue d’Iéna, 75116 Paris
Français
Entrée libre – Réservation conseillée
Tél. +33 1 44439230

Dans le cadre des Journées du Livre Européen, en coopération avec les éditions José Corti
En présence de Natacha Rimasson-Fertin, traductrice et germaniste (maître de conférences à l’Université Stendhal-Grenoble 3) de Nicole Belmont (anthropologue européaniste, enseignant-chercheur à l’EHESS).
Lecture: Lucie Bataille (comédienne)

http://www.goethe.de/ins/fr/par/ver/fr6684602v.htm

lundi 21 septembre 2009

Respiration

Préparation de cours pour l'université, correction de livres pour les éditeurs, fin de mon contrat pour le musée Rabelais, en ce moment je suis en apnée.


Burne-Jones, le Roi Cophetua

Hier soir, entre 20h et 22h sur France Culture, une bouffée d'air : une splendide création radiophonique de la pièce de théâtre de Julien Gracq, Le Roi Pêcheur. Le texte de Gracq est éblouissant, même si je comprends qu'il n'ait pas connu le succès à l'époque de sa première création, en 1949. L'oeuvre est relativement difficile, et la trame narrative est limitée, au profit d'un réseau de symboles qui demande une grande attention si l'on veut percer à jour la dialectique hégelienne qui se devine sous une apparence de mythe arthurien teinté de wagnérisme. La pièce n'est en cela pas sans rappeler les drames symbolistes de Maeterlinck ou de Pessoa : elle est toute empreinte de mystère, et manie les images plutôt que les actions, les symboles plutôt que les postures psychologiques, les attentes plutôt que les intrigues.



La première mise en scène n'ayant eu aucun succès, malgré les décors de Léonor Fini et l'interprétation de Maria Casarès et de Jean-Pierre Mocky, je me demande ce qu'une mise en scène moderne pourrait faire de cette pièce. Laurence Arpi en a assez récemment proposé une interprétation, qui s'apparente visiblement davantage à une lecture, avec un texte adapté, qu'à une mise en scène théâtrale classique. Certaines pièces, d'Ibsen ou de Yeats, acceptent difficilement une mise en scène. La pièce de Gracq fait partie de ce théâtre-là, qui est celui des mots plus que celui de la représentation.

lundi 19 mai 2008

Méliès le magicien

On ira voir avec grand profit l'exposition Méliès qui a pris place à la cinémathèque de Paris depuis le 16 avril. Je n'ai pas vu l'exposition qui avait eu lieu il y a quelques années à l'espace EDF-Electra, mais celle-ci est très bien. Elle met notamment en valeur un aspect relativement méconnu de l'oeuvre d'un des premiers cinéastes à avoir travaillé la fiction: ses rapports avec le monde de la magie. Méliès est d'abord un magicien, qui veut se situer dans la lignée de Robert Houdin, le plus célèbre des prestidigitateurs français du XIXe siècle, et dont il rachète le théâtre pour y faire ses spectacles et ses projections. Plus que l'idée de faire de la fiction là où la plupart des films de son époque exploraient la veine documentaire, l'idée principale de Méliès semble ainsi avoir été de créer un art de l'illusion, de la magie au sens spectaculaire du terme.


Ce qui explique son goût pour les machines et la technologie: le merveilleux n'est pas pour lui incompatible avec la modernité et la technique. Le merveilleux chez Méliès est de l'ordre de la féerie, au sens théâtral du terme: non pas le rêve surnaturel d'un monde où s'exercerait le pouvoir suprahumain des fées, mais un spectacle de théâtre où les effets spéciaux excèdent largement le sens des histoires, pour impressionner et faire illusion sur le spectateur. Grande machinerie baroque plutôt que poésie intimiste, la féerie de Méliès a le mérite de brasser tout un univers visuel, littéraire et musical, qui mêle les références au livre illustré romantique et au théâtre de marionnettes, les contes de fées et les romans de Jules Verne, le ballet et le piano-bar. Pour vraiment comprendre ce que le cinéma doit à la lanterne magique, l'exemple seul de Méliès suffit.


Personne n'a d'excuse pour rater cette exposition: l'entrée est gratuite le dimanche matin. Période pendant laquelle la cinémathèque, visiblement, est en plus peu fréquentée: raison de plus d'y aller. Un seul défaut: l'exposition est beaucoup trop courte. Trois salles, cela fait peu. Mais c'est beau, et c'est l'occasion de voir des dessins, des maquettes et quelques films de l'inventeur des effets spéciaux au cinéma, du premier à avoir raconté des merveilles par le biais de l'invention des frères Lumière.

Dans la même veine, je tiens à signaler que, en juin et en juillet, la cinémathèque organise un cycle sur "Les héritiers de Méliès", avec projection des Aventures du baron de Münchhausen de Terry Gilliam, Le Baron de Crac de Karel Zeman (à voir absolument! le mercredi 28 mai), L'histoire sans fin, La cité des enfants perdus, le Batman de Tim Burton, etc. Petit souci: tous les films de ce cycle sont projetés en semaine à 12h30... merci pour les grands enfants qui travaillent. On pourra toujours se consoler avec le site internet de la cinémathèque, qui propose un commentaire interactif d'un dessin de Méliès, et quelques autres animations.

mercredi 23 avril 2008

D'après Wedekind

Frank Wedekind

Frank Wedekind (1864-1918) un des principaux auteurs de théâtre allemand au tournant du vingtième siècle, est peu représenté sur nos scènes, et c'est bien dommage. Personnellement, je connais son oeuvre surtout par l'opéra qu'Alban Berg a composé à partir des deux pièces que sont La Boîte de Pandore et L'esprit de la Terre. Cet opéra inachevé, Lulu, fait partie avec Wozzeck (du même auteur à partir du Woyzeck de Büchner, qui inspirera Wedekind), des opéras majeurs du début vingtième et du dodécaphonisme allemand.



Si Berg trouva dans Wedekind une forte source d'inpiration, faisant ainsi connaître au dramaturge une postérité au-delà du champ théâtral, il n'est pas le seul artiste à avoir senti les possibilités d'adaptation qu'offre l'oeuvre du maître. Récemment, une jeune cinéaste française s'est penché sur une nouvelle de 1903, Mine-Haha. Nul doute que si l'auteur eût été encore vivant, il n'aurait pas renié cette transposition de l'écrit à l'écran, car elle s'impose à nous comme une évidence. C'est Lucile Hadzihalilovic qui signe à partir de cette nouvelle son premier long métrage (à 45 ans il était temps), Innocence, avec une Marion Cotillard pas encore oscarisée, et Hélène de Fougerolles.


Le film nous plonge dans l'univers de l'enfance féminine, filant une métaphore poétique en trois volets, de la petite enfance jusqu'à la puberté, à travers trois personnalités, trois corps. Des petites filles sont enfermées dans un vaste domaine boisé avec l'interdiction d'en sortir, où elles sont logées, nourries, pratiquent la danse, et sont en partie livrées à elles-mêmes. Mais qu'y a-t-il à l'extérieur? Et pourquoi ne peut-on pas sortir? Et pourquoi sommes-nous là? Voilà le genre de questions autour desquelles vont se nouer trois destins, dans un parfum de mystère assez troublant, la cinéaste ayant décidé à l'évidence d'en révéler le moins possible.

Ce qui est beau dans ce film, c'est de voir à quel point le génie de Wedekind y transparaît. Wedekind est, à l'évidence, un des artistes dont l'oeuvre suscite moins des interprétations directes que des transpositions et des adaptations. Son oeuvre est en quelque sorte magnifiée par l'élan créateur qu'elle va susciter chez d'autres artistes. Berg, Hadzihalilovic en sont des illustrations parfaites : en s'inspirant de Wedekind, non seulement ils prouvent tout l'intérêt que contient sa dramaturgie propre, mais en plus la stimulation artistique ainsi provoquée donne naissance à de nouvelles oeuvres, dont Wedekind est pour ainsi dire le géniteur. Il faudrait faire un tour d'horizon des adaptations faites à partir d'oeuvres de Wedekind, mais gageons qu'à travers les deux exemples cité ci-dessus, il ne puisse guère y avoir de résultat médiocre.

mercredi 26 septembre 2007

Un grand silence

Cela n'a pas fait grand bruit, mais Marcel Marceau est décédé il y a quelques jours, à l'âge de 84 ans. Je n'ai jamais eu l'occasion de voir un de ses spectacles, mais je trouve fascinant le principe de la pantomime. Comme quoi le théâtre n'est pas seulement un art de parole, mais d'image.