dimanche 23 décembre 2007
Solstice
mercredi 19 décembre 2007
Couvertures anglaises d'Harry Potter (children's edition) 2
Visiblement, d'après Wikipedia, Thomas Taylor est un jeune artiste à peine sorti de l'université quand il s'attelle à cette illustration, et le succès du livre aidant, Bloomsbury aurait préféré employer le talent d'un autre illustrateur plus chevronné, Cliff Wright, pour les volumes suivants. Cliff Wright aurait décidé de ne plus travailler avec la maison d'édition après le troisième tome, celle-ci ayant égaré l'original de la couverture de Harry Potter and The Prisoner of Azkaban. Quoi qu'il en soit, on comprendra que Bloomsbury ait cessé de travailler avec Thomas Taylor, vue la qualité de sa prestation. On comprend moins pourquoi la maison d'édition a même commencé à travailler avec lui. Je trouve personnellement que la couverture du deuxième volume, avec ses bleus hideux et ses visages rosâtres, est encore plus laide que la première, qui conservait encore un caractère un peu "naïf", avec ses étoiles schématiques et son trait ferme.
La fin à cet endroit.
jeudi 13 décembre 2007
Couvertures anglaises d'Harry Potter (children's edition) 1
Choisir cet épisode précis de l'histoire n'est pas anodin: il permet de représenter, dans cet endroit symbolique qu'est la couverture du livre (la toute première page, qu'on doit tourner pour rentrer dans l'histoire), le passage du monde ordinaire au monde d'Hogwart (pour le personnage), le passage du monde réel à celui de la fiction (pour le lecteur).
L'identification du lecteur avec le héros est rendue d'autant plus sensible qu'il est invité, en couverture, à pénétrer de même que Harry Potter dans un monde fantastique où la magie est possible, etc.
Pour les illustrations des tomes suivants, j'aurais du mal à les commenter, vu que j'en suis encore au tout début du troisième tome... peut-être dans un prochain billet?
En tout cas, force est de constater qu'il y a une nette évolution stylistique du premier au dernier tome, qui va de pair avec l'évolution du lectorat. D'un trait relativement schématique, assez épais dans le premier tome, pour un public assez jeune, on passe progressivement à une composition beaucoup plus détaillée, au trait plus fin dans les derniers livres de la série.Les traits du héros évoluent également beaucoup d'un livre à l'autre. Pour le tome 1, Harry Potter est encore un peu sans âge, conséquence d'une assez importante schématisation des traits. Mais pour le tome 2, on a droit à la représentation d'un enfant de 12 ans, dont les traits s'affermissent dans le tome 3, et pour les tomes 6 et 7 on a un adolescent de 17-18 ans, à la machoire beaucoup plus carrée, et les épaules plus charpentées. Dans le tome 5 (ci-dessous), on n'a pas droit à Harry Potter sur la couverture... seul exemple dans la série. Y-a-t'il une raison à cela? J'en saurais peut-être un peu plus quand j'aurai terminé la saga.
Il est amusant de constater que le service postal britannique a fait de toutes ces couvertures de l'édition anglaise une série de timbres de collection, le 17 juillet 2007, en hommage au succès des livres.
Il ne reste plus à J. K. Rowling qu'à autoriser l'existence d'éditions véritablement illustrées (un très beau projet ici), et le tour des possibilités d'exploitation culturelle sera fait, après les films, les produits dérivés des films, etc.
La suite ici, et la fin à cet endroit.
lundi 10 décembre 2007
Perrault au XIXe siècle
Je ne pourrais malheureusement pas y aller (distance géographique oblige, je regrette vraiment), mais avis aux amateurs... et aux professionnels, vu qu'il s'agit quand même d'un séminaire de recherche, d'excellente tenue, soit dit en passant.
mercredi 5 décembre 2007
Harry et Frodo
J'imagine que je ne dis là rien d'original, puisque J. K. Rowling s'est visiblement inspirée de beaucoup de choses pour écrire son livre, et que la saga de Tolkien constitue LE classique de la fantasy anglaise, mais ça m'a frappé à tel point que j'ai tendance, ces temps-ci, à confondre même les deux acteurs, Daniel Radcliffe et Elijah Wood, qui ont interprété Harry et Frodo. Et que quand je lis le livre, je me représente Harry parfois sous l'aspect de l'un, parfois sous l'aspect de l'autre, parfois autrement, en fonction des illustrations de couverture, qui dans les publications anglophones brillent pourtant par leur laideur.
jeudi 29 novembre 2007
Ovide et Grimm, des histoires de pères mangeurs d'enfants.
Le roi de Thrace,Térée, est marié avec une princesse athénienne, Procné. Ils ont un fils, Itys. Procné veut revoir sa soeur Philomèle, elle demande à Térée d'aller la chercher à Athènes. Térée viole Philomèle sur le chemin du retour, et pour l'empêcher de parler il lui coupe la langue.
Ce qui est l'objet de l'article de Mme Frontisi, c'est essentiellement la question de la condition féminine dans l'antiquité, et du sens à accorder au viol dans les Métamorphoses. Elle prend sur ce point le contrepied d'un article féministe d'Amy Richlin, qui estime que le récit d'Ovide est un texte pornographique donnant une image de la femme dégradée à l'état d'objet sexuel, et asseyant ainsi un pouvoir androcentrique. Je ne reprendrais pas toute son argumentation, mais Mme Frontisi essaye au contraire de montrer que dans le récit d'Ovide, les hommes sont autant victimes que les femmes, et que le plus grand bourreau dans l'histoire, ce n'est pas l'homme mais le destin (ou les dieux).
Ce qui m'intéresse plus directement, c'est la parenté de cette histoire avec le Conte du Genévrier, tel qu'il est rapporté par les frères Grimm, dont j'ai déjà parlé ici. On retrouve le même motif de la mère qui assassine son fils (dans Grimm c'est une belle-mère, mais on sait que dans les contes la belle-mère est une figuration de la mauvaise mère, de sa partie "noire", négative), et du père qui mange son enfant (en ragoût chez les Grimm, en ragoût et en brochettes chez Ovide).
Sauf que le récit d'Ovide se termine mal: l'enfant est définitivement mort: nous sommes dans le domaine du récit mythique, et donc du tragique, où souvent (mais pas systématiquement) les histoires se terminent mal pour les hommes qui sont des jouets entre les mains des dieux. Alors que dans le conte de Grimm, l'enfant ressuscite après une métamorphose en oiseau de feu, et trois épreuves vécues sous cette forme, et qui lui permettent de rétablir justice en tuant sa belle-mère.
Tiens donc, une métamorphose en oiseau? Dans le récit d'Ovide, on a aussi une métamorphose en oiseau. Mais des deux soeurs et de Térée, pas de l'enfant. Ceci est dû, encore une fois, à la différence de genre des deux textes: l'un est un mythe, l'autre est un conte. Et dans les mythes, les métamorphoses sont rarement réversibles. Ne pourrait-on pas néanmoins conclure de tout ça, que derrière la métamorphose des trois adultes en oiseau, chez Ovide, se cacherait une mort symbolique? Ce qui est évident chez les Grimm l'est moins chez Ovide. Mais c'est une piste d'autant plus intéressante que l'oiseau est un symbole psychopompe très répandu.
Maurice Sendak a en tout cas très bien mis en valeur cette dimension morbide de la métamorphose, en rajoutant le détail du crâne au pied de l'enfant-oiseau, dans une illustration du Conte du Genévrier (The Juniper Tree) qui date de 1973.
vendredi 23 novembre 2007
Débuts de la bande dessinée
Vous excuserez la piètre qualité de l'image, c'est tout ce que j'ai trouvé sur le web. Au moins, on peut voir que Doré s'amuse avec les conventions naissantes de la bande dessinée (alignement de cases, sur lesquelles ici un importun a marché). Le livre a été réédité récemment, avec une introduction d'Annie Renonciat, par une petite maison d'édition du Gers, Le Capucin, pour ceux que cela intéresse. Dans le même registre, son Histoire de la Sainte Russie est disponible à meilleur marché, et c'est tout aussi désopilant. Pour les parisiens, j'ai vu ce dernier ouvrage à pas cher, récemment, dans un Mona Lisait. Ci-dessous une image qui commente la manière ridicule dont le spectre de la désastreuse campagne militaire napoléonienne, en Russie en 1812, est agité devant des soldats français.
dimanche 18 novembre 2007
L'utopie selon la franc-maçonnerie
samedi 17 novembre 2007
Tour de blogs
Vu que Pernette m'a taguée sur son site (pour la deuxième fois, je suis très flatté!), il paraît que je "dois" faire la publicité de 5 blogs sur lesquels j'apprécie d'aller de temps en temps. Je ne suis pas un grand blogonaute, mais bon... voici la règle du jeu initiale:
“Les personnes récompensées doivent publier un article dans lequel elles feront apparaître à leur tour 5 blogs qu’elles apprécient, avec les liens vers ces derniers pour qu’on puisse les visiter.
Faire un lien vers Ilker pour que l’on puisse savoir d’où vient le prix… !!”
Ensuite, sur un ton un peu différent, je me permets de recommander la visite du blog culinaire de Pernette, avec lequel je suis en totale communion du point de vue gastronomique. J'ai déjà testé moi-même quelques-unes de ses recettes, c'est délicieux, et je ne désespère pas qu'elle rende compte de quelques-unes des miennes que je lui ai envoyées.
Puis, sur des thématiques qui sont plus proches de mon "travail", le blog textuel de Gilles, un ami féru de culture coréenne, dont je trouve les analyses plastiques très intéressantes (il ne parle pas que d'art coréen, rassurez-vous).
Il est difficile de ne pas parler de l'excellent blog d'images tirées de livres, bibliodyssey, qui écume les bibliothèques numériques du monde entier pour donner en pâture à nos yeux avides, des images splendides, tirées de toutes les formes de livres d'images possibles, du manuscrit médiéval au livre enfantin du XXe siècle, en passant par l'estampe victorienne, les cartes géographiques de la Renaissance, les manuels de démonologie du XVIIe siècle, etc. Site bourré d'images, avec à chaque fois une (trop) brève présentation du livre dont elles sont tirées. Pas du tout un blog qui fait réfléchir, mais plutôt une espèce de corne d'abondance d'images toutes plus belles les unes que les autres. Et puis on n'apprend pas qu'avec des mots!
Enfin, un excellent blog littéraire qui souvent mérite de s'y attarder un peu, celui de Pierre Assouline, dont je ne connais pas tellement l'oeuvre littéraire, mais dont j'apprécie le ton quand il parle du monde des lettres, du livre, de l'édition, des dessous des prix littéraires, etc. Le récent billet intitulé "Tintin au Congo, Sarko à Dakar", est très intéressant.
Et puis, tant qu'on y est à parler des blogs, je me permets de faire en quelque sorte de la "publicité négative", et de déconseiller fortement de laisser des commentaires sur le blog d'Alain Korkos, "La boîte à images". Je vais m'attarder un peu sur ce que je reproche à ce blog.
Le gros défaut de M. Korkos, alias M. Ka, est d'affirmer parfois de manière très péremptoire ses interprétations. Récemment, j'ai eu le malheur de faire quelques remarques qui étaient destinées non à nier, mais à relativiser son point de vue, sur un sujet que je pense connaître un peu (l'illustration des contes de fées). Je me suis fait renvoyer comme un malpropre, après un long débat où M. Ka a fait preuve d'un certain ridicule dans son argumentation, qui consistait essentiellement à dire qu'étant donné qu'il est illustrateur depuis plus de trente ans, il est bien placé pour savoir ce qui s'est passé dans la tête de Gustave Doré quand il a illustré La Barbe Bleue de Perrault. Un argument d'autorité, donc, que je me suis permis de stigmatiser comme tel.
Ma récompense, pour avoir essayé d'aider M. Ka à sortir de ses approximations, a été l'effacement de tout le débat dans la liste des commentaires. Comme ça, M. Ka est sûr qu'un prochain lecteur de son blog ne risque pas de voir le ridicule dans lequel il s'est enfoncé. Certains de ses lecteurs l'ont visiblement soutenu, mais d'autres lui ont au contraire fait remarquer le caractère déplacé de son attitude, et ont "pris ma défense". Leur message a également été effacé. En conséquence de quoi, je supprime son site de la liste de mes liens, à regret car de temps à autres, ses analyses sont intéressantes, à défaut d'être approfondies.
mardi 13 novembre 2007
Le dieu des utopiens
Il semblerait (mais là, Hyeronimus en parlerait mieux que moi), que le culte de Mythra ait beaucoup inspiré les premiers chrétiens dans leurs rituels et leur symbolique (on peut noter notamment que Mythra est né un 25 décembre). On peut donc penser qu'au XVIe siècle, le culte de Mythra était considéré comme un espèce de préchristianisme païen. D'autant plus que les utopiens de More sont très réceptifs au christianisme venu d'ailleurs. Si More a choisi le culte de Mythra, c'était donc, semble-t-il, parce que c'était dans son idée la religion préchrétienne la plus propre à accepter le christianisme.
On notera par ailleurs la souplesse dogmatique et la tolérance religieuse des utopiens, qui laissent les gens croire ce qu'ils veulent, du moment qu'ils ne perturbent pas l'ordre public. A tel point qu'un nouveau partisan du christianisme particulièrement zélote est arrêté et exilé:
Une première esquisse de ce que sera bien plus tard la loi française sur la laïcité? La conception de la laïcité en tant que séparation des pouvoirs est ancienne, mais je ne sais pas quand apparaît la conception moderne, qui est un cadre politico-juridique prônant une tolérance générale des différentes religions, ainsi qu'une prééminence du droit public sur le droit religieux. L'Utopie de More semble en tout cas en donner les premiers jalons.
D'où la question: devrait-on remplacer le folklore républicain par le culte de Mythra? Ca permettrait peut-être de se réconcilier avec le Moyen-Orient :-)
lundi 5 novembre 2007
Kiefer
Ci-dessous une oeuvre sans titre, qui date de 1996, et est exposée au Metropolitan Museum of Art. Le sujet reste assez hermétique, mais il fait appel à un imaginaire de la terre, de la végétation, de la mort, qui n'est pas sans rappeler, en tout cas pour moi, celui du poète irlandais Seamus Heaney. Un même rapport à la fois organique et mystique à la terre. On a souvent fait le rapprochement du travail de Kiefer avec Paul Celan (un livre est récemment paru sur ce sujet), mais je crois que Heaney est aussi un rapprochement intéressant. Avis aux comparatistes!
Let a Thousand Flowers bloom, une oeuvre de 2000, toujours au Metropolitan. Où l'imaginaire végétal est travaillé avec celui de l'histoire, et des constructions humaines. Toutes ces briques qui tombent en autant de fleurs, et qui forment ensemble une grande tour de Babel, sur laquelle une ombre totalitaire est projetée. Une sorte de "Maison-Dieu", en quelque sorte, une vanité architecturale qui n'est pas sans signification dans la culture allemande d'après-guerre.
Ce qui me fascine avec cet artiste, c'est qu'il n'hésite pas à reprendre à l'imagerie nazie ce que celle-ci a pris à la culture allemande. Kiefer essaye de retravailler les mythes de l'ancienne Germanie, les architectures national-socialistes, une ceraine imagerie de la forêt allemande, tout en se démarquant des valeurs politiques que l'histoire de ces motifs implique. Pour reprendre ses mots dans l'entrevue avec Emmanuel Laurentin, l'imaginaire national a été "pollué" par son appropriation nazie, et c'est comme s'il essayait d'en reprendre les vestiges, pour en donner une interprétation à la fois expurgée et très personnelle. Kiefer s'interroge sur la mémoire de la culture allemande - en somme sur son identité nationale - tout en maintenant cette interrogation dans une perspective personnelle, humaine, en dehors, il me semble en tout cas, de tout propos politique.
Dem Unbekannten Maler (Au peintre inconnu), 1982, Museum of Modern Art, NY.
Resurrexit, 1973. Encore une fois un imaginaire mystique, dans lequel l'imaginaire allemand (la forêt) et l'imaginaire biblique (le serpent) se mêlent, dans une oeuvre au symbolisme apparemment simple, mais aux implications assez lourdes. On a également rapproché l'oeuvre de Kiefer de celle du peintre Friedrich.
Il se dégage une religiosité dans les oeuvres de Kiefer... qui va de pair avec un imaginaire je trouve très cohérent, fait de terre, de végétation, d'histoire, de mystique juive (ci-dessous Zim Zum, 1990, National Gallery of Art, Washington), de mythologie nationale, de culture chrétienne.
Une vraie oeuvre, en quelque sorte, qui engage beaucoup plus que de simples problèmes formels, ou une quelconque "transformation du rapport du spectateur à l'espace" ou au langage, ou à l'art, etc., qui caractérise trop souvent l'art contemporain depuis les années 1960. Un vrai travail de la matière, mais mis au profit d'un imaginaire qui dépasse l'autotélisme de l'art contemporain habituel. Kiefer a beau être à la mode en ce moment, je pense que son oeuvre mérite d'être qualifiée de grande, et de profonde: il y a une vraie culture qui se dégage d'elle. Non pas une culture superficielle, faite de pseudo-inventions conceptuelles, mais une culture faite de symboles, d'images, et de tensions personnelles.
jeudi 1 novembre 2007
Journée symboliste
L'araignée souriante d'Odilon Redon. Oui, elle a dix pattes et une bouche, c'est normal. Oeuvre très connue, mais ça fait plaisir de voir le dessin en vrai.
Une découverte récente pour ma part, enfin, Jean Carriès, qui est un sculpteur français de la fin du XIXe siècle. Au départ porté sur les sujets religieux, il se spécialise par la suite dans des sujets grotesques, comme des figures hybrides de grenouilles à oreilles de lapin, de faunes (ci-dessous), ou bien dans des masques grimaçants (encore ci-dessous) inspirés de l'art japonais. Il a peint un "Grenouillard" absolument sublime dont je n'ai pas réussi à trouver une image correcte à montrer ici. Mais de toute façon, la sculpture, ça gagne à être vu en vrai, et allez donc voir l'exposition du Petit Palais.
mardi 23 octobre 2007
Guy Môquet
On se croirait sous la IIIe république, mais pas la meilleure, celle de Maurice Barrès visiblement, qui remporte les suffrages d'Henri Guaino, l'une des principales plumes de notre président. Ma IIIe république est celle de l'instruction citoyenne, pas celle de la communion charnelle avec la nation. Il ne s'agit pas de qualifier M. Guaino de raciste, mais de nationaliste dans le pire sens du terme. La nation est une construction idéologique, est-il nécessaire de le rappeler? Pas une entité avec laquelle on fait corps. On croirait retrouver le vocabulaire ontologique des théologiens...
Il n'est pas question que la laïcité française se transforme en une nouvelle religion, et que l'Etat français devienne une église. Soit pour les cérémonies, mais pitié, ne les transformons pas en rituels. Le folklore républicain a servi en son temps, et depuis les trente glorieuses j'ose espérer qu'on n'en soit pas rendu à venir s'agenouiller devant la Sainte Marianne, et à brandir la Déclaration des Droits de l'homme comme un texte sacré. Et qu'on ne fasse pas de Guy Môquet un martyr, mais une figure historique, qui certes a valeur de symbole, mais n'a pas lieu d'être sacralisée. Non, la nation n'est pas un sujet politique fondamental. Ceci dépend, toutefois, de la conception qu'on a de la politique. Si on reste sur les acquis du XIXe siècle, c'est sûr que M. Guaino a toute sa place.
Je me suis trouvé plus long que je ne l'aurais voulu. Juste préciser, donc, qu'il serait temps de réviser ses classiques, et de comprendre que le cours d'histoire n'est pas un cours de catéchisme civique.
lundi 15 octobre 2007
Présentation de votre serviteur
samedi 13 octobre 2007
Nouvel arrivant
lundi 8 octobre 2007
En quête des juments de la nuit - 3
Je suis en train de lire un journal de voyage au Maroc d'un écrivain d'expression allemande, d'origine juive bulgare mais de nationalité anglaise et turque, Elias Canetti. Vous voyez un peu le caractère cosmopolite du personnage. A ma grande et heureuse surprise, dans Les voix de Marrakech, je suis tombé sur ce passage, où le narrateur (Elias Canetti) pose à un quidam des questions sur un chameau que l'on s'apprête à abattre. Ce quidam nous dit:
Mais revenons à nos cauchemars anglais.
Quand on revient, toujours avec Claude Lecouteux, sur l'histoire des superstitions païennes, on se rend compte que le cauchemar a un rapport avec les elfes. Au départ, dans la mythologie scandinave, le nain est une créature plutôt maléfique, chtonienne, voire psychopompe, et l'elfe est au contraire une entité plutôt bénéfique, liée aux Vanes qui sont les dieux de la magie et de la fertilité. Les elfes sont de plus également liés aux esprits des morts. Mais à partir du 13e siècle, en langue allemande, le terme (alp) désignant l'elfe désigne également le nain et le cauchemar:
"En Allemagne, "elfe" (alp, elbe) est rarissime dans les textes jusqu'au XIIIe siècle; à partir de cette époque, le mot est systématiquement employé comme synonyme de "nain" (zwerc), ou de "cauchemar" (mar)."
Plus loin:
"En ancien haut allemand "elfe" (alp) désigne le cauchemar, et aujourd'hui celui-ci est appelé "pression de l'elfe" (Alpdruck) ou "rêve elfique" (Alptraum). En fait, l'elfe et l'entité que les Germains appelaient mar, masculin et féminin dans tous les idiomes germaniques, sont distincts à l'origine."
Ce n'est que tardivement que l'elfe et le cauchemar seront donc rapprochés. A partir du Bas Moyen-Âge, Mahr et Alp sont confondus. De deux mots pour désigner le "mauvais rêve", on a rapproché et fait se fusionner les deux agents. D'abord parce que les elfes sont liés à la mort et à la magie (et donc au caractère illusoire du rêve), et ensuite parce qu'un retournement de valeur s'est opéré au Bas Moyen-Âge entre les nains et les elfes:
"Le vocable "elfe" est donc devenu un nom collectif, un terme générique qui englobe tous les esprits nocturnes et nuisibles. Il s'oppose maintenant à "nain", terme lui aussi collectif, qui désigne les autres petites créatures des croyances populaires, bénéfiques cette fois. Entre disons le IXe et le XIIIe siècle, il y a eu inversion des caractères: la bonne créature [l'elfe], celle à laquelle s'adressaient des rites propitiatoires, est devenue maligne, tandis que l'être malfaisant [le nain] s'est transformé en une personne sympathique et bienveillante, celle que nous présentent souvent les contes et les légendes."
Voilà qui explique pourquoi le Mahr de Fuseli a les oreilles pointues, comme un elfe: c'est qu'un retournement s'est effectué et qu'à l'elfe, contrairement à la fée, sont attachées des valeurs négatives au départ seulement attribuées aux nains. Le Mahr de Fuseli représente une espèce de synthèse entre le nain et l'elfe, un "elfe sombre" en quelque sorte, qui est un elfe empruntant au nain son caractère maléfique et trapu.
Il est à remarquer que l'une des raisons pour laquelle nain, elfe et cauchemar ont été amalgamés "disons entre le IXe et le XIIIe siècle", c'est que l'elfe comme le nain sont des esprits liés à la mort, soit comme esprits psychopompes qui emportent les âmes des morts, soit plus fondamentalement comme des esprits des morts, des esprits des ancêtres transformés en petites divinités (pour les elfes, qui avaient droit à un culte, contrairement aux nains). Et quel animal est psychopompe, dans la mythologie germano-celtique, sinon le cheval?
Pour résumer, parce qu'avec tout ces sauts entre les siècles et les entités, on s'y perd un peu. Au départ (mythologie nordique), il y avait des nains (zverc, ancêtre de dwarf) maléfiques et des elfes (alp, ancêtre d'elf) bénéfiques, les uns psychopompes et les autres représentations des ancêtres morts. Les deux entités sont amalgamées au Bas Moyen-Âge, en même temps qu'elles sont assimilées aux esprits nocturnes (Mahr) des mauvais rêves. Ce qui amène à une inversion des valeurs entre nains et elfes, les premiers devenant bénéfiques dans les contes, et les seconds devenant maléfiques.
Hypothèse qui est mienne, mais qui je trouve fonctionne très bien: la jument est la monture de l'esprit. C'est la jument qui a amené l'elfe, c'est pourquoi on la voit en retrait par rapport à la scène. Et d'autre part, elle se trouve derrière un rideau: il n'est pas difficile, dès lors, d'interpréter ce rideau comme celui qui sépare notre monde de l'autre monde (ou, si on considère la scène véritablement comme un rêve, qui sépare la conscience de l'inconscient). La jument aurait donc amené la créature maléfique, le Mahr, de l'autre monde, du monde qui se trouve derrière le rideau, et l'esprit aurait alors jailli pour venir tourmenter la dormeuse.
Cette hypothèse semble d'autant plus intéressante qu'on peut de ce point de vue rapprocher le tableau de Fuseli d'un passage de l'histoire de Lancelot telle qu'elle est racontée par Chrétien de Troyes. Dans Lancelot, le héros rencontre, quand il se lance à la recherche de Guenièvre enlevée par Méléagant, un nain conduisant une charrette d'infamie. Claude Lecouteux interprète ce passage de Lancelot dans la charrette du nain comme un passage dans la charrette des morts, comme un passage vers l'autre monde.
Avec en tête cette dimension psychopompe de la figure du nain, dont le Mahr de Fuseli est l'héritier, on peut aborder la scène peinte par Fuseli non seulement comme une scène de mauvais rêve, mais également comme une scène de mort. L'esprit nocturne, tel l'Ankou du folklore breton, est venu non seulement tourmenter une dormeuse, mais recueillir son âme pour l'emmener dans le royaume des ombres. Ombre sur laquelle Fuseli insiste, d'ailleurs, dans la version de 1782, entre la jument et l'esprit, et qui forme ainsi une sorte de troisième terme, permettant de combler le vide sémantique qui existe entre les deux figures.
Interprétation morbide, donc, qui vient s'opposer à l'interprétation érotique qu'on a souvent fait du tableau. S'opposer? Entre une mourante, et une femme se faisant posséder par un incube... Peut-être qu'Eros et Thanatos ne sont pas si éloignés que ça.
En tout cas, ça montre bien qu'un chef-d'oeuvre, ça porte du sens à n'en plus finir.
samedi 6 octobre 2007
Soutenance
M. Paul-Louis Rinuy (mon directeur), Professeur d'Histoire de l'art à Paris VIII,
Mme Ségolène le Men, Professeur d'Histoire de l'art à Paris X et à l'Institut Universitaire de France,
M. Barthélémy Jobert, Professeur d'Histoire de l'art à l'université Paris IV,
M. Alain Bonnet, Maître de Conférences en Histoire de l'art à Nantes,
Mme Nicole Belmont, Directeur d'études d'Anthropologie à l'EHESS.
Le sujet de ma thèse est:
George Cruikshank,
mercredi 3 octobre 2007
Sous la cendre
vendredi 28 septembre 2007
Les Grimm aux Blancs-Manteaux
Rien d'absolument exceptionnel pour cette spécialiste des deux philologues allemands, mais j'invite les quelques parisiens que je connais (et que je ne connais pas), qui s'intéressent de près ou de loin au romantisme ou aux contes de fées, à aller boire ses paroles. Elle connaît son sujet sur le bout des doigts. Moi je travaille pour Lire en Fête, et je ne pourrais malheureusement pas être là (mais j'ai déjà eu l'occasion de l'entendre sur le même sujet). Aussi, si vous y allez, saluez-là de ma part, comme ça on verra à quel point mon blog est lu de toute la francophonie. Et puis, pour ceux qui viendront à ma soutenance une semaine après, ça fera une petite mise au point.Aller au salon des revues permettra également aux curieux d'aller voir La Grande Oreille, belle revue sur les arts de la parole, à laquelle je n'ai malheureusement pas pu m'abonner pour l'instant, faute de sous... En plus de ça, des tas de numéros qui m'intéressent sont épuisés! Et les bibliothèques de Tours n'y sont pas abonnées! Il est vraiment temps que je m'abonne tout seul, comme un grand...