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vendredi 12 avril 2013

Eggspectation: réinventer le brunch familial


Oeufs bénédictine au homard

C’est le pari que se sont donné les propriétaires de la chaîne lorsqu’ils ont décidé, il y a quelques semaines, de transformer le menu de leurs restaurants, qui n’avait pas changé depuis les quinze dernières années. Pour moi qui adore déjeuner au restaurant, qui suis une bruncheuse en série notoire et qui ne peux concevoir la vie sans bacon ni sauce hollandaise, l’idée de tester le nouveau menu était plus qu’alléchante. Parce que si j’adore déjeuner au restaurant, je n’ai pas grand goût pour les brunchs huppés et originaux où les grilled cheese sophistiqués côtoient des préparations toutes plus compliquées les unes que les autres. Non. Pour moi, le secret d’un brunch réussi réside essentiellement dans deux choses : de bonnes pommes de terre, croustillantes et délicatement épicées, et une sauce hollandaise riche, qui n’est ni une version édulcorée et en sachet de l’originale ni une sorte de variation sur le thème de la sauce béchamel ou, pire, de la sauce Alfredo.

lundi 4 mars 2013

Expo Manger Santé et Vivre Vert: les pains Inéwa



Encore une fois cette année, les exposants du salon Manger Santé et Vivre vert accueilleront le public au Palais des congrès de Montréal (du 15 au 17 mars) et au Centre des congrès de Québec (les 23 et 24 mars) afin de faire découvrir de nombreux produits locaux, biologiques et équitables. De nombreux kiosques vous permettront de découvrir, goûter et acheter des produits déjà sur le marché et des nouveautés qui visent à rendre l'alimentation saine plus accessible.

dimanche 20 janvier 2013

Les favoris de Chéri

Le 20 janvier, en plus d'être le jour où les présidents américains amorcent leur mandat à la suite de l'élection présidentielle, c'est aussi le jour de l'anniversaire de Chéri, qui a vieilli d'un an à six heures ce matin. 

Dans le spectre des mangeurs, Chéri est définitivement quelque part entre les gourmands et les goinfres: c'est un gourmet passionné et curieux, qui a des standards élevés (c'est ma faute, probablement) et des goûts affirmés, mais un esprit d'aventure furtif que je salue aussi. Il est le premier à être enthousiaste quand j'ai envie de cuisiner un pièce de viande étrange (les pieds de cochon enrobés de pâte phyllo de Stéphane Raynaud? avec plaisir! un ragoût de queue de boeuf à la sichuanaise? pourquoi pas?!), il n'hésite jamais à manger cartilages et pieds de poulet quand on sort manger des dim sum, et, au contraire de bien d'autres, il engouffre légumineuses et tofu avec un appétit inégalé.

mardi 17 avril 2012

Sur l'intégrité des blogueurs bouffe (ou: quand je me fâche contre La Clique du plateau)

Depuis hier soir, un bruit de scandale court dans le domaine des blogueurs bouffe: le service À la carte express, qui regroupe plusieurs restaurants et se propose de faire la livraison de leurs produits chez vous, offrirait 100$ aux blogueurs bouffe pour qu'ils essaient leur service. On leur aurait proposé, du même souffle, de leur offrir un autre 100$ à faire tirer parmi les lecteurs de leur blogue. Et on leur aurait demandé, si d'aventure ils avaient aimé leur expérience et qu'ils s'en étaient inspiré pour écrire un billet, de leur fournir les liens afin de pouvoir les partager sur la page Facebook de À la carte express. Remarquez que j'utilise le conditionnel: je ne l'ai pas reçu, moi, ce courriel. Mais je l'ai lu, puisque nous discutons de ce genre d'initiative entre blogueurs, justement parce que nous sommes sensibles aux questions d'éthique.

Et cette initiative de À la carte express est SCANDALEUSE ! En tout cas, c'est ce qu'a laissé entendre Lesley Chasterman, la critique gastronomique de la Gazette, quand elle a dit que le service À la carte express essayait d'acheter les blogueurs bouffe. Et c'est encore ce qu'a laissé croire (faussement, à mon grand regret), l'auteur (anonyme, évidemment) du billet de ce matin sur le blogue de La Clique du Plateau, billet très absurdement intitulé Une tuile de plus sur les blogues bouffe. L'article m'a tellement choquée que je me suis empressée de répondre, mais dans l'empire du journalisme de ruelle, on ne semble pas très pressé d'approuver mon commentaire, alors je vous partage ma réaction ici.

Une note, peut-être, avant de vous laisser lire ma diatribe: je suis une blogueuse bouffe entre deux mondes. Mon blogue est essentiellement axé sur les recettes - et ce genre de blogues connait une moins grande diffusion habituellement - mais j'aime faire des critiques de restaurants et de livres de recettes à l'occasion, ce qui m'a amenée à être parfois invitée à des restaurants à titre gracieux (je peux encore les compter sur les doigts de ma main) ou à recevoir des livres de recettes gratuits (privilège normalement réservé aux services de presse). J'ai aussi eu de la visibilité dans des magazines et même à la radio, mais je me considère comme chanceuse de tout ceci. Contrairement à ce que bien des gens pensent dans l'espace public, la majorité des blogueurs bouffe ont peu de visibilité: seuls une minorité d'entre nous sont connus des firmes de PR et reçoivent des "privilèges" grâce à leur condition de blogueurs. À ma défense, une partie de ma réaction est dûe au fait que les gens semblent avoir une vision très uniforme de ce qu'est un blogueur bouffe, et cette vision est fausse. Nous avons tous une ligne éditoriale différente, des intérêts différents et une personnalité différente. C'est très étrange de vouloir mettre tout ce beau monde dans le même moule pour dénoncer une initative somme toute assez commune.

Voici donc ma réponse à la Clique:

"Corrompus ? La plupart des blogueurs bouffe entretiennent leur blogue sans aucune compensation financière et sans aucune autre gratification que l’appréciation des lecteurs, et ce, malgré l’investissement (en temps, surtout) que demande l’exercice. La majorité des blogueurs ne bénéficient pas non plus de revenus publicitaires (on ne peut pas en dire autant de ce site) et ce sont loin d’être la plus grande partie d’entre eux qui sont courtisés par les firmes de PR et qui sont de tous les évènements; la plupart d’entre nous reçoivent une invitation à l’occasion, et tant mieux pour nous si nous décidons de participer ! Chaque critique de restaurant sur mon blogue a été écrite avec intégrité, et j’ai payé pour chacun des repas que j’ai commenté, à l’exception du seul plaisir coupable que je me réserve chaque année, soit le lancement de La Cabane urbaine au Scena du Vieux-Port. Et je pousse l’intégrité jusqu’à mentionner que je suis invitée à titre gracieux, et à critiquer les plats qui m’apparaissent les plus faibles de la soirée. Corruption, quand tu nous tiens…

Qu’est-ce qui choque dans l’offre de À la carte express au point de déclencher les hauts cris de Lesley Chesterman (qui voit son monopole gastronomique s’envoler en fumée, peut-être ?) et même de nous valoir un article sur le blogue de la Clique du plateau ? Un service destiné à des adeptes de bonne bouffe essaie de se faire connaître auprès de son public cible en lui proposant de l’essayer gratuitement. Voilà qui est assez commun dans le monde de la pub. Par la bande, on propose d’augmenter la visibilité du service en proposant au dit public cible d’organiser un concours ou de commenter l’expérience sur leur blogue. On ne parle pas de partenariat commercial en échange d’hyperliens ou bien de contrat entre la firme de PR et le blogueur. Les blogueurs mis sur la sellette n’ont même pas commencé à profiter de l’offre de ALCE qu’on les dénonce déjà – offrant dès lors au service À la carte express une visibilité bien plus grande qu’il n’aurait eu au départ. J’imagine qu’il y a des PR contents quelque part !

Ce qui serait corrompu serait de dire qu’on a eu un bon service si le service était mauvais. Ce qui serait corrompu serait de dire qu’on a eu un bon repas si la nourriture était médiocre. Aucun d’entre nous ne l’avons fait dans le cas précis de ALCE, et nous ne méritons pas l’épithète de corruption. Bien sûr qu’il y a des gens qui vont aller à tous les évènements et écrire des billets positifs sur chaque produit qu’on aura tenté de leur vendre, mais des gens à l’honnêteté douteuse, il y en a dans tous les domaines. Fuck, avant de dénoncer la corruption des blogueurs bouffe (first world problem), dénoncez la corruption qui compte… et qui existe. 

Je connais peu de gens qui s’opposeraient à ce qu’un blogueur cinéma soit invité gratuitement à la première d’un film et en parle ensuite sur son blogue. Je ne parle pas d'un gros junket publicitaire avec un voyage à Los Angeles toutes dépenses payées là, mais de la première d’un film québécois, bien normale, au Cinéma Quartier Latin, mais dont le blogueur ne payerait pas son billet disons. Vous ne criez pas à la corruption ? Avez-vous le jugement élastique ?

PS: Parlant de la supposée mauvaise bouffe de ALCE, il semblerait que le Europea soit un des restaurants accessible grâce au service À la carte express. Ouais, l’un des deux restaurants cinq étoiles à Montréal. C’est pas l’honnêteté qui étouffe La Clique non plus quand vient le temps de dénoncer quelque chose, on dirait."

Un mot en terminant: c'est possible qu'il y ait des blogueurs bouffe avec des pratiques douteuses. Des blogueurs bouffe qui vous donnent l'impression d'être malhonnêtes. C'est possible. Si c'est l'impression que vous avez, dénoncez ces blogueurs, montrez-les du doigt et leur crédibilité s'en trouvera grandement affectée. Mais je sais que moi, je ne mérite pas d'être traitée de vendue (ou d'achetable, c'est selon) et encore moins de corrompue. Et c'est la même chose pour la plupart des blogueurs que je connaisse. Alors qu'on cesse de remettre notre travail en question: c'est un travail bénévole, passionné et rempli d'amour pour la bouffe et pour nos lecteurs, et nous méritons respect.

dimanche 25 mars 2012

Bibliothèque gourmande: 150 plats végé savoureux


Ces temps-ci, j'achète un peu moins de livres de recettes, probablement parce que j'en ai déjà tellement que je ne saurais plus où les mettre, et qu'il est hors de question d'ajouter une bibliothèque dans cet appartement déjà surpeuplé par les livres. Or, acheter moins de livres ne veut pas dire que je les aime moins, et j'étais vraiment contente de recevoir ce nouveau livre de la part des éditions Transcontinental. Si je n'ai pas été particulièrement entichée du dernier livre de la série Coup de pouce, Les recettes de nos mères, un de mes livres de recettes d'été préférés de tous les temps demeure le livre Barbecue et cuisine d'été, une espèce de grosse bible publiée il y a quelques années et qui contient tout, de l'entrée au dessert, pour combler nos envies de grillades et de repas sur la terrassse. 150 plats végé savoureux me fait un peu le même effet que Barbecue et cuisine d'été: c'est un livre débordant de belles idées simples, diversifiées et colorées, de tout pour combler toutes nos envies de végé.

En ouvrant le livre, j'ai été surprise par les photographies léchées et lumineuses qui illustraient les recettes: on voit que l'accent a vraiment été mis sur le côté moderne et appétissant des recettes proposées, et il en résulte une facture très attirante pour ce livre à la forme plutôt classique. Aussi, on s'est vraiment assuré de présenter des recettes aux origines diverses et variées. Des chili cheese fries du Texas à la salade panzanella à l'italienne en passant par les nouilles soba japonaises, les classiques de la cuisine végétarienne de partout dans le monde sont tous représentés. J'ai beaucoup aimé aussi le fait que les recettes soient présentés par types d'aliments (légumineuses, tofu, noix et graines, etc.) plutôt que par plats (entrées, soupes, etc.): moi, quand je fais mon menu et qu'il me manque un ou deux soupers, je cherche souvent "quelque chose avec des oeufs" ou "un plat de pâtes", et rarement une salade ou un plat principal, c'est donc bien plus facile pour moi de chercher dans un livre ainsi classé.

Évidemment, je pense que 150 plats végé savoureux est surtout un livre introducteur au végétarisme, et il n'y a pas nécessairement de recettes qui nous jettent par terre en raison de leur audace, mais la qualité des recettes proposées est exceptionnelle. Chéri et moi avons déjà fait une recette dans le livre, les chili cheese fries (délicieuses !), et j'en ai mis quelques autres dans "la liste", comme les croquettes de tofu aux carottes, la tarte aux champignons, le cari de courge et la salade panzanella dont j'ai parlé plus haut, qui a l'air franchement gourmande avec son oeuf coulant sur le dessus. La seule chose que je reprocherais au livre, c'est d'avoir sacrifié quelques photos pour laisser plus de place aux capsules informatives; les photos du livres sont tellement belles que j'aurais aimé pouvoir voir toutes les recettes en images !

Points forts: Recettes variées issues de différentes cuisines régionales parfois moins connues, comme la cuisine traditionnelle japonaise. Livre parfait pour s'initier à la cuisine végé en passant par plusieurs plats connus (qui peut résister à une pizza margherita ?) et certaines trucs plus différents, comme le spaghetti aux boulettes de tofu. Photo éclatantes et exceptionnellement alléchantes. Capsules informatives pertinentes sur les légumineuses et la différence entre le tofu, le tempeh et le TVP.

Points faibles: Pour les gens qui sont déjà des pros du végétarisme, le livre est un peu redondant. Certaines capsules informatives auraient pu être plus détaillées (celle sur les nouilles, par exemple, où on distingue les nouilles de riz, les nouilles de blé et les nouilles soba, mais sans faire de différence entre les udon, les somen ou les yet ca mein, des nouilles qu'on trouve partout en épicerie et qu'il aurait pu être utile de démêler).

Chili végé et frites au four, une recette de 150 plats végé savoureux

Coup de pouce: 150 plats végé savoureux
Les Éditions Transcontinental
Prix de détail suggéré: 32.95$

mercredi 30 novembre 2011

Bibliothèque gourmande: Amuse-gueules autour du monde


Le 10 novembre dernier, sous une pluie battante, je me suis rendue dans un endroit mythique et mystérieux de Montréal, niché en plein cœur du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Et même si le Bain Mathieu (parce que c'est de cet endroit dont je parle) étais, jadis, l'une des choses que j'aime le plus au monde (c'est-à-dire, une piscine), et que mes pieds étaient détrempés (qui, sérieusement, porte des ballerines en plein orage automnal, dites-le moi, einh ?), je n'y étais pas pour faire trempette mais bien pour assister au lancement du dernier livre d'Antoine Sicotte: Amuse-gueules autour du monde, une collection de petites entrées à picosser entre amis autour d'un bon verre de vin... ou d'un cocktail !

Sérieusement, je suis vraiment une fille d'apéro. Depuis quelques temps, quand je reçois, je ne me casse même plus la tête à faire une entrée digne de ce nom. Je mets un plateau au centre de la table avec des olives, de la rosette de Lyon (j'adore la rosette de Lyon aux noisettes !), des noix... et quelques petites bouchées inspirées du moment: tartare de poisson bien relevé, crostini au pesto avec mozzarella di buffala et roquette bien citronnée, toasts à l'ail, au fromage et aux anchois... N'importe quoi qui se manque avec les doigts et qui est un peu salé et croustillant (si vous ne connaissiez pas encore ma relation de dépendance au crounch, je me confesse: je suis dépendante au crounch). Je trouve ça plus relaxant que de faire un service assis, et ça me laisse le temps de jaser en finissant la préparation de ce qui va suivre.

Quand j'ai pu interroger Antoine au sujet de son inspiration pour ce livre (je sais, je sais, cette phrase servait uniquement à vous faire mourir de jalousie, mesdames), il m'a confié qu'il avait plutôt la même vision que moi à ce propos: il adore prendre un verre avec ses amis et ce genre de rassemblement impromptu, qui se fait, chez lui, à toute heure de la journée, s'accompagne parfaitement de petites bouchées qui se préparent aussi simplement. Le fait qu'il ait choisi de les rassembler par pays, pour lui, était une suite logique de ses inspirations, qu'il a glané au cours de ses voyages partout dans le monde. Le livre acquiert de cette organisation une cohésion qui aurait pu être difficile à obtenir autrement; Espagne, France, Italie, Asie, Pays Basque... c'est un véritable voyage culinaire et gustatif qui vous attend !

Comme ici, c'est surtout Chéri qui est fan du Cuisinier Rebelle (et oui... je ne sais pas si je devrais m'en inquiéter, mais je le surprend parfois à écouter l'émission en cachette!), j'ai aussi demandé à Antoine s'il était conscient de ce public un peu inusité quand il écrivait. Il m'a révélé que ce n'était pas vraiment le genre de chose auxquelles il pensait en concevant des recettes: chez lui, les idées culinaires se nourrissent de chacune de ses passions, comme la musique, la photo, l'art urbain (d'ailleurs, saviez-vous qu'il a lui-même fait toutes les photos de son livre ?!), et c'est vraiment cette ébullition qui l'inspire. Par contre, le fait qu'il réussisse à intéresser les gars à la cuisine n'est pas vraiment surprenant: les recettes de Amuse-gueules autour du monde ont quelque chose de brut, pas compliqué et punché qui ont tout pour plaire à ces messieurs qui s'adonnent une fois de temps en temps à la cuisine.

De mon côté, je ne suis pas en reste. Il y a tout un tas de recettes qui me sont tombées dans l’œil, le tartare gaulois au premier chef (un sublime tartare de veau aux noisettes... vous connaissez mon amour pour le cru !). J'ai eu aussi un petit coup de foudre pour les boulettes d'agneau piquantes, le canard express à la Chengdu (imaginez: du canard confit défait en bouchées qui, frit, et accompagné d'une petite sauce citronnée), les canapés à la provençal, qui combinent deux des choses que j'aime le plus au monde, soit les olives et les anchois et la terrine de foies de poulet au calvados. Mais la recette que je vais vraiment m'empresser d'essayer, c'est assurément les pogos cre-gin-cor: des crevettes assaisonnées tout en fraîcheur, enfilées sur un bâton et délicatement frites. Tu parles d'une recette qui fera assurément partie de mon buffet du jour de l'an ! :)

Points forts: le design du livre et la facture de grande qualité (une caractéristique que j'adore chez tous les livres Éditions Cardinal !), les photos alléchantes et les portraits urbains, la variété des recettes et le fait que la liste d'ingrédients soit souvent réduite au plus simple pour qu'elles soient accessibles pour tout le monde. La cuisine pas compliquée du Cuisinier Rebelle est vraiment parfaite pour recevoir sans se casser la tête.

Bémols: Certaines recettes en noir sur fond rouge sont un peu plus dures à lire (bien quoi, on chipote !). C'est pas mal ça... ;)

Le Cuisiner Rebelle: Amuses-gueules autour du monde
Antoine Sicotte
Les Éditions Cardinal
Prix de détail suggéré: 34,95$

mercredi 19 octobre 2011

Bibliothèque gourmande: Marché Jean-Talon - Recettes et portraits


J'ai eu le plaisir de recevoir le livre Marché Jean-Talon - Recettes et portraits des éditions Cardinal parce que je ne pouvais pas me rendre au lancement qui était organisé... au marché Jean-Talon, évidemment ! Quand je l'ai reçu, je l'ai immédiatement feuilleté parce que c'est exactement le genre de gros livre volumineux que j'aime lire pour relaxer le vendredi soir, après ma semaine de travail. Susan Semenak, l'auteure, a fait un travail remarquable pour rendre tangible l'atmosphère du marché Jean-Talon: en plus des recettes annoncées par le titre, des portraits des artisans du marché nous permettent de faire incursion dans la machine bien rodée qui est l'envers du marché. Les photos exceptionnelles qui illustrent le livre achèvent ce portrait détaillé du plus grand marché en Amérique du Nord.

Ce qui m'a frappée lorsque j'ai lu le livre la première fois, c'est la simplicité des recettes présentées, ce qui ne les empêche toutefois pas d'être somptueuses. J'ai eu un coup de cœur immédiat pour le magret de canard au sirop d'érable et à la sauce soja, les beignets de maïs et leur mayonnaise au chipotle, la pizza-dessert aux fraises, au mascarpone et au chocolat, la salade de fleurs de courgettes à la buratta, le poulet portugais, les fusillis au chou-fleur rôti... Bref, pour BEAUCOUP de recettes. Un des aspects qui me plaît beaucoup du livre, outre son papier mat à gros grain qui me rappelle les livres de Jamie Oliver pour lesquels j'ai toujours eu un faible, c'est le fait que les recettes soient organisées par saison. C'est logique quand on parle d'une cuisine locale comme celle de la cuisine du marché, mais pour moi, c'est aussi la meilleure façon de penser l'organisation de nos menus de façon à mettre en valeur les produits d'ici.

Les portraits, quant à eux, nous permettent de mieux connaître les gens que nous croisons tous les jours au marché, ceux que chaque année nous allons voir pour nos fines herbes, nos tomates, nos huîtres... Pour moi, c'est comme si j'avais un tête-à-tête privilégié avec de vieilles connaissances avec qui je n'avais jamais eu le temps de discuter pour vrai. Comme si tous les gens de mon quotidien devenait soudainement des vedettes. J'étais presque déçu de ne pas voir mon ami Julien aux côtés du Capitaine à qui j'achète mes oeufs !

Points forts: Recettes variées et superbement illustrées. Je verrais très bien ce livre être offert en cadeau à des Européens en visite ici et qui voudraient garder un souvenir de notre gastronomie. C'est un très beau livre de table à café, à laisser traîner pendant qu'on s'affaire encore à la cuisine: discussion gourmande assurée ! Pour tous les amateurs de cuisine locale et les accros du marché Jean-Talon, c'est aussi une excellente idée-cadeau. La facture du livre est très soignée et l'objet en lui-même, très résistant. Ça fait du bien d'avoir un produit d'une telle qualité.

Bémols: Pour les gens qui aiment lire des livres au lit (comme moi), le format du livre est peut-être un frein. Les portraits et les photos occupent une grande partie du livre, il y a donc moins de recettes que ce à quoi on pourrait s'attendre d'un tel volume. Certaines recettes un peu trop simples auraient pu être écartées pour des idées un peu plus gastronomiques (je pense aux radis marinés ou à la compote de rhubarbe, par exemple).

Marché Jean-Talon - Recettes et portraits
Susan Semenak
Les Éditions Cardinal
Prix de détail suggéré: 40$

lundi 10 octobre 2011

Bibliothèque gourmande: Crudessence


Ma relation avec le livre de recettes de Crudessence a drôlement commencé. D'abord, j'ai assisté à un atelier d'initiation à l'alimentation vivante avec mon amie Audrey et son mari, Félix, un beau vendredi soir de septembre. L'atelier en lui-même, quoique donné par des personnes vraiment sympathiques, nous avait laissées (je nous conjugue au féminin, mais je pense que le qualificatif qui suit convient aussi parfaitement à Félix) relativement perplexes. Je pense que ce ne serait pas exagéré que de dire que nous n'adhérons pas du tout à certains préceptes à la base de l'alimentation vivante, et certains des exemples utilisés durant l'atelier nous avait vraiment éberluées ("Moi !? Trop gênée pour tirer le lait d'une vache si j'ai faim !?! Voyons donc !").

Mais l'atelier s'est achevé sur une évocation du tout nouveau livre de recettes de Crudessence (Crudessence: Plus de 180 recettes crues, croquants et craquantes) qui a tout de suite piqué ma curiosité, en bonne maniaque de livres de recettes que je suis. Audrey et moi l'avons feuilleté sur place, et je pense que je suis immédiatement tombée en amour avec les images colorées et pleines de vitalité qui accompagnaient les recettes. Et aussi, peut-être, avec les recettes de desserts, particulièrement élaborées mais ô combien alléchantes. Bref, j'ai immédiatement chargé Audrey (magasineuse professionnelle s'il en est une) de l'acheter pour moi dès qu'elle le verrait en spécial quelque part, ce qu'elle a fait la semaine dernière. Je me suis donc retrouvée à la maison avec mon livre de recettes crues, et je me suis empressée de le lire d'une couverture à l'autre (ce qui m'a quand même pris trois jours, considérant le niveau de fatigue qui m'habite ces jours-ci).

Je dirais que le livre est super intéressant, même pour une fille comme moi qui ne sera jamais crudivore. Même si certaines recettes demandent un équipement particulier, il y en a un très grand nombre qui sont accessibles. Moi qui a-do-re la soupe tonkinoise (vous le savez depuis le temps), j'ai été immédiatement tentée par la recette de soupe tonkinoise à base de vermicelles de courgettes (c'est celle que vous voyez sur la couverture !). Et aussi par la recette de pad thaï cru. Et par la salade pleine de soleil avec un confit de figues super appétissant. Et par le bacon d'aubergines. Bref, par plein de choses qui m'ont semblées splendides et savoureuses. Il faut dire que le livre a un petit quelque chose de spécial qui donne l'impression que tout, tout, tout est bon. Je pense que le secret réside dans le design hyper lumineux et aéré et dans les marches à suivre simples. Les deux conjugués donnent un résultat très léché et très appétissant. Je pense que le mérite du livre de Crudessence, à l'image de leurs restaurants, c'est de ratisser très large dans le répertoire culinaire: les recettes de pâté chinois côtoient ici les sushis, les rouleaux de printemps, la lasagne et les spaghettis de courgettes au pesto. Il y en a pour tous les goûts !

J'ai été tellement impressionnée par le livre que j'ai décidé de me mettre au défi et de faire une journée crue quelque part dans le mois d'Octobre. Je vous en donnerai des nouvelles ! :)

Points forts: une grande variété de recettes allant des boissons aux desserts en passant par les entrées, les repas principaux et les collations. Les recettes sont superbement illustrées et relativement simples, malgré qu'elles demandent parfois un équipement spécialisé. La variété des saveurs et la diversité des cuisines mises en valeur offrent une grande variété de choix. Le livre donne envie d'explorer un type de cuisine relativement méconnu.

Bémols: Certaines recettes, notamment celles qui nécessitent un déshydrateur, sont beaucoup moins accessibles. Certains textes qui expliquent les principes du crudivorisme me semblent un peu "prêchi-prêcha", un côté dans lequel j'embarque moins. Finalement, certaines quantités me semblent un peu aléatoires (une cuillère à soupe de crumesan pour garnir un plat de lasagne au complet ? 10 rondelles de bananes pour décorer une tarte alors qu'il y en a une trentaine sur la photo ?). Rien de dramatique, il y aurait peut-être juste un peu de travail à faire au niveau de la standardisation des recettes.

Crudessence: plus de 180 recettes crues, croquantes et craquantes

David Côté et Mathieu Gallant
Éditions de l'homme
Prix de détail suggéré: 34.95$

PS: J'ai emprunté la photo du livre au site de Renaud-Bray.com, alors je les compense moralement en vous mettant le lien vers leur page web. Comme si vous ne connaissiez pas leur site, t'sais. ;)

dimanche 9 octobre 2011

Bibliothèque gourmande: Apollo 2


Cette semaine, j'ai eu le plaisir de recevoir le troisième livre de recettes du chef napolitain Giovanni Apollo, Apollo 2. J'étais particulièrement heureuse puisque c'est moi qui en avait fait la demande à maison d'édition: après l'avoir feuilleté en librairie, j'étais restée avec une impression très favorable d'une recette (ça n'en prend qu'une pour avoir un coup de foudre !) particulièrement décadente, quelque chose comme une escalope de foie gras poêlée aux canneberges, une gourmandise que j'imagine délicate, onctueuse et savoureuse. Et il y a eu, aussi, quelque part au creux du livre, une recette de beignets d'escargots à la bière brune, parfaite pour l'apéro les soirs de match. Et une autre, plus loin, de croustillant de poires au chocolat bounty. En un mot comme en cent: j'étais conquise. Et chez une grande consommatrice de livres de recettes comme moi, cela est de plus en plus rare.

Le concept du livre est assez simple et ressemble en tout point au premier livre de Giovanni (APOLLO : CECI EST UN LIVRE DE CUISINE) : les recettes sont organisées autour d'ingrédients-clé, déclinés de cinq façons différentes. L'éventail des saveurs mises en valeur est surprenant, et les recettes de desserts côtoient avec cohérence les entrées, les condiments et les plats principaux. Le design, lui, reprend le visuel du livre RECETTES INTERDITES: les photos présentent les aliments de façon singulière, sur un fond noir quasi-épuré qui laisse toute la place à l'aliment vedette. Une des choses que j'ai le plus apprécié du livre Apollo 2, c'est que plusieurs recettes s'articulent autour d'aliments végétaux: betterave, chou-fleur, courgette, poireau, poire, rhubarbe... Un vrai plaisir pour les amateurs de légumes comme moi, et un petit trésor pour les flexitariens qui sont toujours à la recherche de recettes gastronomiques qui honorent autre chose que les protéines animales. Aussi, et j'en ai fait mention au chef sur Twitter, toutes les recettes qui sont des accompagnements (comme ce gratin de chou-fleur au fromage bleu qui fait rêver Chéri) sont accompagnées de suggestion de plats principaux. Cela devient donc un vrai plaisir de bâtir les menus.

Points forts: la variété des recettes, la simplicité des manipulations, l'accessibilité des ingrédients utilisés. Aussi, le livre a tout de suite attiré Chéri (que j'ai surpris en train de le feuilleter à plusieurs reprises, c'est un signe !!), qui s'est reconnu dans la cuisine du chef Apollo. C'est d'ailleurs Chéri qui est responsable de notre premier essai, la recette d'arancini, qui lui est immédiatement tombée dans l'oeil. N'importe quel livre de recettes qui pousse mon chum à me faire à manger est un excellent livre de recettes.

Bémols: personnellement, je trouve la mise en page sur fond noir un peu moins attrayante qu'une mise en page plus sobre, mais en même temps, les aliments y sont vraiment mis en valeur. J'suis juste gribiche dans le fond. ;)

Apollo 2 de Giovanni Apollo
Éditions Transcontinental
Prix de détail suggéré: 34,95$

vendredi 8 juillet 2011

Pour une intégration efficace du flexitarisme dans la diète des réfractaires

D'abord, excusez-moi le titre un peu scolaire de ce billet: c'est que ces temps-ci, tous les matins, et ce, durant un minimum de quatre heures, je m'installe devant mon ordinateur pour fixer mon mémoire de maîtrise. Je dis bien fixer, et non pas écrire, parce que la fixation nécessite beaucoup moins d'ardeur intellectuelle et donne beaucoup moins la nausée. Toujours est-il que j'ai sans cesse un vocabulaire scolaire qui me court dans la tête, et on voit que cela finit par affecter mon style. Mais bon, passons.

Comme nous sommes à la veille de célébrer le deuxième anniversaire de Presque végé (oui, ça s'en vient vite !), je me suis dit qu'il était temps que je réponde à l'une des questions qu'on me pose le plus souvent par rapport à mon blogue (car on m'en pose quelques unes, des fois). Et cette question, ce n'est pas: "Quelle est ta meilleure recette de marinade pour le tofu ?" ou "À quel endroit achètes-tu les cargaisons de légumineuses que tu sembles consommer ?". Ce n'est pas non plus "As-tu une bonne idée de substitut de viande dans la recette de sauce à spaghetti de ma mère ?", ni même "Combien de temps tu passes à cuisiner par semaine, coudonc ?!" (quoique cette dernière revienne assez souvent aussi). Non. La question que je me fais le plus souvent poser, tout lecteurs confondus, c'est...

"Comment tu fais pour faire manger tout ça à ton chum !?!?"

Ouais. Vraiment.

Mais je vais vous le dire. Il n'y a pas de méthode miracle, j'ai hérité d'un Chéri qui se plaint quand il ne mange pas assez de légumes (je vous passe les prétextes scatologiques qu'il invoque pour me faire la gueule quand je n'accompagne pas notre plat principal de légumes, mais sachez que ça a rapport à son transit intestinal) et qui boudait la viande quand il était bébé. Il a donc été habitué très tôt au fait de manger du tofu, des légumineuses et du poisson, et il a continué avec moi le jour où je me suis levée en me disant qu'on devait manger moins de viande. C'est même, de nous deux, le plus grand amateur de fèves et de haricots en tout genre. Je me demande même si, confronté à un t-bone contre une salade de pois chiches, il ne choisirait pas les pois. C'est tout dire.

Ça ne veut pas dire que je suis dépourvue de stratégies pour aider les gens qui sont abattus à l'idée de faire manger un peu de tofu à leurs enfants, ou de transformer leur carnisaurus en amateur de germinations. Bon, ce genre de transformation est possible, mais pas du jour au lendemain. Il faut donc un minimum d'inventivité, et beaucoup de persévérance. Mais ça marche. Je vous le dit.

Voici donc quelques bonnes attitudes à adopter.

1. La tolérante (ou comment y arriver avec un peu de bonne volonté)

La première stratégie pour convaincre votre chum de manger végé, c'est probablement de ne pas manger végé du tout. Surprenant ? Pas tant que ça. Si vous avez vraiment un carnivore convaincu dans votre lit, et que vous essayez de le changer du tout au tout du jour au lendemain, vous essuierez bien des rebuffades. De même, si vous souhaitez convaincre Chéri de manger ce que vous lui préparez, il faut aussi lui montrer que vous êtes prête à y mettre du vôtre. Donc, pour chaque bouchée de tofu consentie par votre Jules, il vous faudra aussi consentir à une bouchée de viande ou de fast-food à un autre moment de votre vie. À moins d'être strictement végétarienne, ce premier sacrifice ne devrait pas trop vous coûter, c'est, en somme, du donnant-donnant. Et assurez-vous d'y aller d'un peu de manipulation doucereusement au moment des repas: " Tu vois Chéri, moi je n'aime pas le steak plus que tu aimes le tofu, mais j'en mange. Pour te faire plaisir.".

Vlan.

(Rien ne vous empêche, au passage, d'acheter de la viande issue de l'agriculture durable pour continuer de manger selon vos valeurs en catimini).

2. La conciliatrice (ou comment y aller étapes par étapes)

On peut commencer par intégrer doucement les protéines végétales, en les combinant avec des protéines animales, en mélangeant, par exemple, des lentilles et de la viande hachée pour faire un pâté chinois, ou du poulet et du tofu dans une tourte automnale. Ou, tout simplement, en ajoutant un peu charcuterie à un plat de pâtes. Il n'y a rien de mal là-dedans. En fait, c'est probablement une stratégie vieille comme le monde, parce que c'est ce qu'on fait dans les alimentations traditionnelles, quand les protéines animales sont moins abondantes que les autres merveilles du monde végétal. Ainsi Mario Batali décrit-il l'alimentation rustique italienne dans l'introduction de son livre Molto Gusto:
Most of the proteins comes from a small portions of cured meats, cheeses and grains, with any animal protein as the flavoring and the bulk of the actual comestibles plant-based, wether lead, stalk, flower, seed or drupe.
Traduction: chez Otto (le restaurant dont il est question dans le livre), la majorité de l'apport en protéines provient d'une petite portion de charcuteries, de fromages et de céréales, qui viennent relever la saveur du plat, mais l'essentiel du repas est basé autour des végétaux. C'est pourquoi je n'hésite jamais à mettre quelques tranches de jambon cru sur une pizza aux figues si c'est la seule viande que nous mangerons dans la journée. Vous pouvez faire quelque chose de semblable avec votre Chéri. Des pâtes carbonara, c'est en majorité composé d'oeufs et de parmesan, avec une ou deux tranches de pancetta par personne. Et une salade de pois chiches au chorizo, c'est surtout des pois chiches, avec quelques morceaux de chorizo croustillant. Plus tard, vous pourrez plus facilement le convaincre qu'il aime les pois chiches si vous lui dites: "Mais oui tu aimes ça, tu en as mangé avec du chorizo l'autre fois". Et une autre fois, vous lui refilerez des carbonara végé, en remplaçant le bacon par des courgettes grillées, et vous lui rappellerez que c'était les meilleures pâtes qu'il n'avait jamais mangées.

Après tout, si c'est bon pour un Iron Chef, c'est bon pour lui !

3. La naturelle (ou le fast-food végétarien)

Je ne connais pas un homme ni un enfant au monde qui n'aime pas le macaroni au fromage (le vrai là, avec du fromage et du beurre. Beaucoup de beurre.), la poutine ou la pizza. Grâce au ciel, ce sont des aliments qui sont naturellement végétariens, et il y en a beaucoup d'autres. Donc, vous pouvez les préparer avec amour, en sachant que vous plairez à votre tablée. Et une fois tout ce petit monde servi, en train de se bourrer la face de tout leur content, insistez malicieusement sur le caractère végétarien du repas sur la table: "C'est la recette de macaroni de ta mère. Elle le faisait comme ça, sans rien mettre d'autre que fromage et du lait. C'est bon, einh, juste le fromage et le lait ?", ou encore: "Elle est bonne, einh, ma pizza méditerranéenne ? Beaucoup de fromage, comme tu l'aimes. Et pas de viande. Qui aurait cru que manger végé aurait pu être aussi bon, non ?".

Pour que cette stratégie marche, il est important de miser sur le plaisir de la nourriture, et non pas sur le caractère "santé" qu'elle pourrait revêtir. Manipulez les émotions et les souvenirs d'enfance de votre victime, vous arriverez plus facilement à vos fins.

4. La joviale (ou quand on fait semblant que ce n'est pas végé)

"Je t'ai fait quelque chose que tu vas adorer !"

C'est une phrase que j'utilisais souvent quand je soumettais mon père à des essais culinaires, avant de lui refiler, par exemple, une lasagne végétarienne avec une tombée de poireaux comme garniture et des aubergines en guise de pâtes. Je ne peux pas jurer qu'il a toujours aimé ce que je faisais (comme cette lasagne, par exemple, il l'avait détestée, et moi aussi d'ailleurs. C'était vraiment infect.), mais c'est toujours un bon préambule pour convaincre quelqu'un d'essayer quelque chose qu'il n'est pas certain d'aimer. C'est normal dans la vie d'avoir des goûts, et une bonne façon de miser juste dans l'adoption du flexitarisme, c'est de cibler le plus possible les préférences de nos cobayes. Votre chum aime les shish taouk ? Offrez-lui des falafels maison avec toutes les garnitures qu'il aime, et beaucoup, beaucoup de sauce à l'ail. Il adore fréquenter le Thaï Express près de son travail ? Allez-y pour un pad thaï traditionnel au tofu. À moins que, comme mon Chéri, ce soit un passionné des burgers de toutes sortes ? Une bonne galette de légumineuses, couverte de fromage, de mayonnaise, de cornichons et d'oignons rouges marinés et nichée dans un petit croustillant devrait faire l'affaire.

Il n'existe à peu près pas de nourriture qui ne s'adapte pas à la cuisine végétarienne. Il suffit d'un peu d'invention et d'ingéniosité.

5. La dissimulatrice (ou comment devenir une cuisinière machiavélique)

En désespoir de cause, il ne vous reste plus qu'à cacher vos expérimentations à votre Chéri et à faire comme si de rien était en espérant qu'il ne s'en rende pas compte. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de stratégie de dissimulation qui soit sûre à 100%, surtout avec les Chéris soupçonneux. À éviter absolument: les substituts de viande déjà préparés, qui ont tous un petit goût de gruau facilement décelable pour les non-initiés (à moins d'utiliser celui du Menu Bleu Le choix du Président, mais encore...). Il y a quand même toutes sortes de façon possible de dissimuler: le tofu dans des pâtes farcies (comme les grosses coquilles) passe habituellement très bien. Réduites en purée, les légumineuses deviennent invisible dans les soupes, les trempettes ou les risottos, en plus d'offrir une texture crémeuse sans pareille. Elles sont aussi bienvenues dans les sauces crémeuses. De même, le tofu peut se cacher derrière un enrobage croustillant et une bonne sauce épaisse dans un sauté asiatique. Je connais des mères plus téméraires qui font croire à leurs enfants qu'ils sont en train de manger des pépites de poulet alors qu'ils sont en train de manger du soja. Ça peut marcher avec les plus naïfs.

C'est une façon de faire qui devra cependant être remplacée assez rapidement par une autre qui peut s'appliquer à long terme, sinon, vous devrez jouer les dissimulatrice toute votre vie, ce qui n'a rien d'emballant.

Finalement, ce qui risque le plus de vous permettre d'arriver à vos fins, c'est la patience et la communication. Personne ne change ses habitude du jour au lendemain, et il vous faudra expliquer longuement vos motivations à votre Chéri pour qu'il comprenne les implications écologiques et physiologiques de son alimentation. Et une bonne dose d'ouverture d'esprit ne fait pas de tort. Pas seulement de sa part, mais de la vôtre aussi. Ainsi régnera l'harmonie à votre table !

samedi 12 mars 2011

La Cabane: racines et terroir sur les quais du Vieux-Port


Cette semaine, j'ai été conviée au lancement de l'édition 2011 de La Cabane, cette entreprise de recréation gastronomique qui investissait mercredi le Scena du Quai Jacques-Cartier pour une deuxième année consécutive. Cette année, le projet a un petit quelque chose de glamour qui lui confère un aura d'évènement à ne pas manquer: les chefs invités, Marc-André Jetté et Patrice Demers des 400 coups, ou bien le décor, créé par des artistes d'ici, ou bien l'idée même de réinventer la cabane à sucre traditionnelle, tout est mis en œuvre pour nous conforter et nous dépayser tout à la fois. Et ça marche. On sort de La Cabane urbaine avec le ventre aussi rond qu'un bûcheron ventripotent, et satisfaits, ce qui n'est pas peu dire.


L'invitation, au départ, m'avait vraiment enthousiasmée: il avait été prévu, à la suite de la critique qu'en avait fait Marie-Claude Lortie dans La Presse l'année dernière, que Chéri et moi visitions cette Cabane qui était, pour sa première édition, aux mains de Danny St-Pierre. Puis, mon beau-père est décédé et Chéri et moi avions dû annuler notre réservation, circonstances obligent. Je me disais que l'occasion serait parfaite pour me rattraper, et j'ai réservé ma place avec empressement. Puis, certaines personnes ont fait circuler l'information qu'il fallait, au moment de réserver, payer en entier la facture - service inclus - ce qui a nettement refroidi mon enthousiasme. Ce n'est pas que c'est une pratique qui me dérange particulièrement, mais le fait qu'on ne mentionne pas cette information sur le site web me semble un peu décontenançant. Je prêche toujours pour un maximum de transparence dans mes relations d'affaires et je pense qu'à La Cabane, on aurait dû faire pareil. Finalement, je suis partie me remplir le ventre en me disant que les cuisiniers auraient fort à faire pour me redonner la chaleur et l'enthousiasme du départ.


Au final, je dirais qu'ils ont absolument réussi. Pour tout ce qui concerne l'ambiance, le décor, l'accueil, le service et la nourriture, La Cabane est splendide. On est accueillis à l'arrivée par un feu de bois extérieur qui crépite et par des bancs en bois qui laissent déjà croire qu'on aura besoin de repos après le repas. À l'intérieur, tout a été pensé pour nous rappeler tout à la fois les cabanes à sucre traditionnelles (le fameux panache d'orignal; les chaises artisanales en bois recouvertes de fourrures, le mobilier d'aspect hétéroclite) et la branchitude urbaine (l'espace à aire ouverte, le bar très slick en inox, les superbes jeux de lumières rappelant des branchages). On a même décoré les serveurs pour l'occasion: leur tablier rayé est agrémenté de poches et de courroies de cuir travaillées à l'ancienne. C'est superbe.


Le service commençant à 18h30, j'ai eu le temps de faire le tour de l'espace (qui change au gré des projets qui y sont tenus) et d'admirer les différentes œuvres en exposition, un cocktail alliant bière, thé glacé et sirop d'érable à la main. Ensuite, j'ai rejoint quelques collègues blogueurs et nous nous sommes installés pour papoter et pour examiner la carte des vins (honorable, il y a même des produits québécois en vedette, ce qui est assez rare dans ce genre d'évènements) en attendant la tablée. Vous me connaissez: j'aime vraiment, vraiment beaucoup les bouchées, et cette mise en bouche pour commencer est probablement le service qui m'a le plus plu. Sur des planchettes de bois à partager, on nous sert des oeufs mimosas (onctueux comme une mousseline, légèrement relevés) parsemés de sucre d'érable - le goût du sucré est ici vraiment délicat, des bouchées de terrine de wapiti surmontées de croquantes betteraves marinées à l'érable et une plus-que-délicieuse (à se rouler par terre de plaisir et d'enchantement) mousse de foie de volaille finement recouverte de gelée d'érable, qu'on a finie à la cuillère pour se consoler du fait qu'on a manqué de croûtons. Honnêtement, je ne me rappelle pas avoir mangé une aussi bonne mousse depuis celle que j'avais mangée sur le Mont St-Michel, et celle du Mont St-Michel n'avait pas comme qualité d'être surmontée d'une gelée d'érable délicate et fine comme de l'or. Bref. J'ai aimé ça. Vraiment beaucoup.


Le service qui a suivi, pour se réchauffer, m'a enthousiasmée un peu moins, même si tout le monde ma table semblait plutôt ravi. La soupe de courge fumée était délicieuse, chaleureuse et réconfortante, et le saumon mi-cuit tendre comme je l'aime: c'est le mélange entre les deux que je trouvais moins réussi. Toutefois - et c'est peut-être là mon erreur, j'avais omis de mélanger tous les éléments du plat dans ma première bouchée, et j'avoue qu'une fois qu'on ajoute le croustillant-sucré des oignons cipollini marinés à l'érable à l'ensemble, c'est mauditement bon. Et ça a effectivement cet effet de nous réchauffer et de nous mettre dans de bonnes dispositions avant de passer à la suite de l'histoire.


Pour nous régaler, on nous a servi un plat surprenant par sa générosité: dans des cassolettes en fonte, on nous servait des tranches de poitrine de dinde cuites sous-vide (d'une tendreté incomparable) accompagnées d'un ragoût de haricots coco (ok, soyons honnêtes, il s'agit de fèves au lard - et elles sont très bonnes à part ça), de carottes et d'un ragoût de cuisse de dinde effilochée qui me rappelait le très bon et très délicieux ragoût de pattes de cochon de ma grand-maman. Pour équilibrer les textures, on ajoute un peu de coriandre et de très croustillantes oreilles de crisse, dont j'ai abusé à loisir, puisque mon compagnon de table n'en mangeait pas (quelle drôle d'idée ! je pense que je vais à la cabane à sucre exclusivement pour les oreilles de crisse d'habitude).


Moi qui étais pleine depuis (à peu près) le deuxième service, et qui n'a pas particulièrement le bec sucré, je me suis dit que je passerais peut-être mon tour sur le service des desserts, mais c'était avant que le service commence et que je puisse admirer ce qui se distribuait ailleurs dans la salle. Finalement, les planchettes sont arrivées, et j'ai pris une grande respiration pour être sûre de manger tout ce qu'il y avait sur la table: financiers à l'érable (on dirait un petit muffin, mais la croûte est croustillante, dorée et savoureuse comme celle d'un pudding chômeur de grand-maman, et l'intérieur est moelleux et très délicatement sucré, parfait pour les timides bibittes à sucre comme moi), sandwiches de crème glacée à l'érable (petit sablé et crème glacée au sucre d'érable, miam) et, une réinterprétation du classique de Patrice Demers, petits pots de crème au chocolat, mousse à l'érable et sel de Maldon. Ce dernier opus était particulièrement décadent: sur un étage de riche ganache au chocolat, on dépose du crumble chocolaté (croquant et savoureux) et on arrose le tout d'un espuma à l'érable. La première bouchée est paradisiaque, puis on roule les yeux, on recommence et c'est toujours aussi bon. Merveilleux.


Pour finir en beauté (et c'est le cas de le dire), les chefs sortent de la cuisine et s'amènent avec un drôle d'attirail sur la souche qui trône au milieu de la salle. Armé d'un siphon et d'une bonbonne d'azote liquide, ils façonnent des petits baisers de meringue à la tire d'érable qu'ils font ensuite refroidir, ce qui les rend croustillants comme des chips. Quand on les mange, ils explosent (et nos bouches produisent de la fumée), puis les meringues fondent en nous laissant la saveur inimitable de la tire d'érable en bouche, sans la lourdeur du sirop bouilli. Une trouvaille incroyable qui exprime, à elle seule, tout le concept derrière la modernisation de la cuisine de la cabane.


Au sortir, les hommes du Point G nous attendait pour nous faire goûter leur tire au cidre de glace, délicate et fruitée. Si je n'avais pas travaillé le lendemain, je pense que je serais restée devant le feu pour reprendre mon souffle avant de rentrer. La Cabane, c'est finalement une grande réussite et un beau plaisir à s'offrir.

Points positifs: la bouffe est bonne, la décoration soignée (c'est une expérience culturelle juste à regarder !) et les chefs ont été vraiment inventifs.

Points négatifs: la place est grande mais accueille beaucoup de monde ! Les tablées sont donc assez petites, il faut être intime. De plus, La Cabane devrait indiquer sur son site web qu'on demande de payer à la réservation.

On y va: pour se régaler des desserts de Patrice Demers et pour se gaver de la cuisine réconfortante et chaleureuse de Marc-André Jetté.

On y retourne: l'année prochaine, pour voir la prochaine mouture !

La Cabane
Le Scena du Quai Jacques-Cartier, Vieux-Port de Montréal
514-444-4383
55 $ par personne (15$ pour les enfants) - sur réservation seulement.


mardi 8 mars 2011

Parle-t-on trop de cuisine ?

C'est un thème qui est devenu récurrent récemment, probablement parce qu'il était temps que la question se pose. À la suite de la parution de cet article du Atlantic Magazine, Marie-Claude Lortie a écrit cette chronique où elle abordait la question de front, avant de participer cette semaine à une table ronde chez Christiane Charette, aux côtés de Marie-Soleil Michon et Jean-Pierre Lemasson. Et parce nous, forumeux, sommes des gens très à l'avant-garde, nous nous étions interrogés collectivement sur le sujet, dès le mois d'octobre (je vous laisse deviner qui je suis parmi les intervenants, ça ne devrait pas être difficile !). Manifestement, personne n'a encore fait le tour de la question, et je la pose à nouveau pour vous: parle-t-on trop de cuisine ? Accordons-nous, collectivement, trop d'importance à la gastronomie ? Corrélativement, est-ce que ça existe, le snobisme culinaire ?

Émotivement, je répondrais non aux deux premières questions et oui à la dernière, même si dans les faits, je pense que ce sont de fausses questions. La façon de poser le problème semble omettre la complexité du domaine culinaire et la diversité de ses applications, et il est par conséquent impossible de répondre seulement oui ou seulement non. Je ne sais pas si vous vous souvenez de ça, mais il y a près d'un an et demi, je vous posais une autre question, à savoir si nous sommes, en tant que collectivité, cultivés. Et j'énonçais ce qui est pour moi la définition même de la culture, c'est-à-dire l'ensemble des gestes posés par une société qui sont fédérateurs de son identité culturelle. Selon cette définition, et selon bien d'autres, parler de cuisine, c'est aussi diffuser sa culture, et c'est, selon moi, une façon de rester vivants. Pour paraphraser Simone de Beauvoir qui disait que parler de l'Amérique, c'est parler de tout un éventail d'Américains, pour moi, parler de cuisine, c'est parler de tout un éventail de gens et de cultures différents, et c'est dans cet échange culturel que réside l'intérêt de la diffusion gastronomique.

Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas d'excès (d'où ma réponse affirmative à l'existence d'un certain snobisme culinaire), et il n'est pas impossible qu'il y ait une certaine dérape quelque part, mais je ne le constate pas ici, dans mon univers. Il y a bien sûr des gens qui ne sauront jamais où s'arrêter et qui, dans leur quête de perfection culinaire, en finiront par oublier le plaisir physique et affectif d'un bon repas partagé, mais ces gens sont pour moi des névrosés monomaniaques, pas des intervenants crédibles dans le domaine de la gastronomie. Il y a aussi, évidemment, tout un tas de produits culturels qui portent sur la cuisine dont nous n'avons pas besoin (rappelez-vous ma montée de lait lors de l'annonce d'une émission portant sur les travaux du Docteur Béliveau, je ne savais pas encore que ça allait être mauvais et je la détestais déjà), parce que personne n'a besoin d'un canal spécialisé où on parle de bouffe vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais personne n'a besoin d'un canal spécialisé diffusant des matchs de hockey vingt-quatre heures sur vingt-quatre et RDS existe quand même. C'est que l'offre répond à une certaine demande, où, à tout le moins, à la recherche incessante du créneau qui marche - et avec la cuisine, on en a certes trouvé un bon.

Est-ce que ça veut dire qu'on parle trop de cuisine ? Je ne pense pas. Pas, en tout cas, pour les raisons invoquées dans l'article du Atlantic Magazine. Pour moi, taxer de snobisme et d'élitisme les gourmets en tout genre, sous prétexte qu'il fut un temps (révolu, disons-le) où on jugeait un homme par l'opulence et la richesse de sa table, c'est porter un jugement qui relève de l'étroitesse d'esprit. Il y a DES snobs, mais les foodies ne sont pas snobs pour autant. Que le snobisme découlerait de la gourmandise me semble un syllogisme fallacieux. Maintenant, il y a assurément des foodies qui sont très snobs, mais il y en a aussi qui sont très cons, et on ne s'interroge pas sur l'existence d'une certaine connerie culinaire. Ce doit être parce que des cons, comme des snobs, il y en a partout, et ce n'est pas une raison de stigmatiser le reste des gens qui s'adonnent aux mêmes pratiques qu'eux. J'admets assez aisément qu'une personne qui ne s'intéresse pas à la gastronomie puisse considérer certaines pratiques gourmandes comme excessives (si on m'avait dit, il y a quelques années, que je fabriquerais mon propre yogourt ou mon tofu, j'aurais sûrement pensé que la personne devant était complètement tarée parce que je ne voyais pas l'intérêt de fabriquer ces choses quand on peut les acheter), mais je ne les autorise pas pour autant à considérer snob ce qui échappe à leur compréhension.

Tout comme je n'autorise pas B.R. Myers à traiter les foodies d'incultes invétérés qui ne s'intéressent à Proust que pour les madeleines (on voit bien que Myers a une connaissance approfondie de Proust lui-même, n'est-ce pas ?). C'est une argumentation circulaire, mais si certains foodies sont incultes sur tous les sujets qui ne s'approchent guère de la sphère culinaire, d'autres sont de véritables passionnés, égides d'un savoir encyclopédique qu'ils communiquent au rythme de leurs découvertes, qu'elles soient culinaires, littéraires, œnologiques, cinématographiques ou culturelles. S'agit de bien choisir ses amis. Je lui refuse aussi le droit de considérer comme une authentique forme de snobisme la tendance qu'ont les gourmets de remettre en question l'élevage industriel et le fast-food; ce n'est pas parce qu'on est foodie qu'on souffre d'une ablation du muscle du jugement, et si certains foodies remettent en question ces pratiques qui les dérangent pour des questions éthiques, la seule chose à pointer du doigt c'est leur conscience sociale, pas leur prétendu snobisme.

Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas remettre en question certaines pratiques dans le monde gastronomique. Oui, il est possible que considérer favorablement une dépense de près de deux cents dollars sur un repas au restaurant et prêcher notre non-snobisme équivaut un peu à parler des deux côtés de la bouche; c'est parce qu'il y a effectivement une portion du monde de la cuisine qui n'est pas accessible à tous. À mon avis, ce n'est pas nécessairement celui qui mérite le plus de diffusion, mais là n'est pas la question. Il est aussi possible que dans une prétendue plus grande ouverture d'esprit, le foodie se soit finalement enfermé dans un certain rigorisme moral qui les éloigne un peu du plaisir qu'il recherchait au départ. Je connais des blogueurs flexitariens qui auraient honte de partager leur recette de macaroni à la viande du dimanche, et c'est très triste. (Au passage, la mienne est disponible ici.) Il est aussi possible que la portion de la sphère gastronomique qui consiste en une recherche constante d'un plaisir sensuel et gustatif ait un petit quelque chose de superficiel et vain. Reste qu'on ne s'attaque ici qu'à des aspects spécifiques du foodie-isme qui, examinés ainsi, ne valent pas une réponse affirmative à la question qui sert d'introduction à ce billet.

Pour moi, la cuisine, c'est quelque chose d'excessivement globalisant. C'est d'abord pragmatique: c'est manger trois fois par jours, combler des besoins nutritionnels, avoir faim, n'avoir plus faim, avoir envie de quelque chose. C'est aussi physique: c'est toucher de la nourriture, la préparer avec plus ou moins de plaisir, selon l'heure de la journée et les circonstances, la mettre en forme, la préparer, la mettre dans ma bouche et y accorder plus ou moins d'intérêt, selon l'heure de la journée et les circonstances. C'est aussi affectif: c'est préparer quelque chose que Chéri aime et le regarder dévorer avec plaisir, c'est recevoir famille et amis dans notre petite cuisine surchauffée et leur servir des plats plus ou moins compliqués, selon l'heure de la journée et les circonstances, c'est obtenir un certain plaisir face à une réalisation, c'est obtenir une certaine sensation face à une exécution quelconque. C'est donc aussi quelque chose de concret qui me sort de ma vie intellectuelle et qui comble une autre dimension de ma vie. C'est aussi, malgré tout, intellectuel: c'est réfléchir aux implications de mes choix alimentaires, c'est concevoir ma démarche culinaire comme quelque chose de raisonné, c'est accorder beaucoup de mes pensées à la nourriture, aussi frivole cela peut-il être. C'est éthique aussi: c'est croire que mes choix en tant que consommatrice ont une influence, qu'acheter et manger, c'est politique, que le travail que je fais ici pour vous faire découvrir le flexitarisme, c'est une façon de contribuer à la préservation de l'environnement. Finalement, c'est divertissant: c'est un passe-temps, un vide-cerveau, un plaisir jouissif. C'est le temps que je passe à lire des livres de recettes signés par des cuisiniers avec un parcours hallucinant, que je raconte ensuite à Chéri avec tout l'émerveillement qui se doit. Bref, parler de cuisine, c'est bien des choses mais évidemment ce n'est pas du tout toute ma vie (dans les faits, je rêve bien plus souvent à Simone de Beauvoir qu'à mon souper du lendemain). C'est là que se trouve l'équilibre.

Si on revient à la question de départ, donc, je pense que non, on ne parle pas trop de cuisine. Je pense même qu'on n'en parle pas assez, puisqu'il y a des gens qui sont encore convaincus que manger de la malbouffe est moins dispendieux que de se faire à manger, puisque d'autres gens ne sont pas encore conscients que leurs choix alimentaires ont une portée presque directe sur leur environnement et sur l'économie de leur communauté, et encore parce que des gens sont inconscients des mécanismes déployés par leur corps et par leur environnement pour leur faire répondre à leur sensation de faim. On n'en parle pas assez parce qu'il y a encore plein de gens malheureux dans la vie qui pourraient peut-être trouver du réconfort dans le fait de faire quelque chose de leur deux mains qui réunirait des gens autour d'un plaisir partagé. On n'en parle pas assez non plus parce que des enfants ne mangent pas à leur faim alors que leurs parents ne savent pas que des initiatives comme Bonne boîte bonne bouffe existe. On n'en parle pas assez tout simplement parce que nous ne sommes pas encore rassasiés de toutes ces informations que nous avons sur le sujet et il n'y a, à mon avis, aucun sujet qui ne vaille pas la peine qu'on s'y intéresse.

Quand on sera rassasiés, et qu'on en aura assez parlé, les choses s'équilibreront d'elle-même. En attendant, cuisiner, je fais ça trois fois par jour et je vais continuer d'en parler aussi longtemps que j'éprouverai du plaisir à le faire.

dimanche 23 janvier 2011

Critique restaurant: Macaroni Bar


Chéri a décidé, pour son anniversaire, que nous rayerions le premier restaurant sur notre liste de résolutions culinaires 2011: le Macaroni Bar. Même si la critique qu'en avait fait Gildas Meneu dans le Voir était plutôt tiède, Chéri et moi étions assez intrigués par ce restaurant branché qui occupe les locaux du mythique Tire-Bouchon depuis un peu plus de deux ans. Comme Chéri adore la bouffe italienne, et que c'est un sacré gourmand (vous en doutiez ?), l'endroit s'avérait tout désigné pour célébrer son premier quart de siècle - ce que nous avons fait en bonne et due forme, après une visite au Belgo avec notre ami Jean-Gabriel.

Première constatation, lors de notre arrivée: le Macaroni Bar n'est pas exactement un restaurant - c'est plutôt un supper club, dans la plus pure des traditions saint-laurentiennes, à l'image du Buona Notte (où nous étions justement aller manger l'année dernière, à la même occasion). N'étant pas des plus à la mode, Chéri et moi avons entamé la soirée avec l'impression d'être vaguement undressed, même si Marc-Olivier (notre dévoué serveur) s'est empressé de nous dire que le Macaroni Bar est un supper club qui prend la bouffe très très au sérieux, et que le chef, Sergio Mattoscio, rivalise de bon goût et d'originalité pour élaborer son menu.

Et en général, je pense que Marc-Olivier a raison. Oui, le Macaroni Bar fait très branchouille, avec son décor monochrome, son éclairage étudié et son mobilier contemporain (très confortable, soit dit en passant; réservez les banquettes !), mais c'est aussi un endroit où on mange, et où on mange très bien. Qu'aux petites heures, les clients restent pour faire la fête autour d'une bouteille de Grey Goose n'y change rien: ce qu'on a dans notre assiette est solide, savoureux et très, très roboratif.

Après une longue discussion avec notre charmant et attentionné serveur, nous avons entamé la soirée avec deux tartares différents: le tartare de boeuf classique pour Chéri et les bombes de thon pour moi - une des spécialités de la maison qui fait pas mal jaser dans le milieu. Nous avons aussi commandé une bouteille d'un très correct Valpolicella Ripasso de chez Michel Castellani, qui s'est avéré un très bon choix pour les bombes de thon (même si ça me fait toujours un petit pincement au coeur de payer près de 50$ une bouteille de vin qui en vaut une vingtaine dans les faits...). Marc-Olivier a tenu à nous prévenir que le tartare de boeuf ne serait pas des plus épicés, ce qui n'est pas exactement le cas. Si on a eu la main très très leste sur le tabasco, le tartare est cependant savoureux, poivré, huilé et aromatisé juste ce qu'il faut pour être délicieux. La viande, hachée grossièrement au couteau (exactement comme nous l'aimons !), était des plus tendres, et la légèreté de l'assaisonnement laisse place au goût imbattable de la viande crue. Même si les traditionnels croûtons n'ont rien de bien original, ils sont primordiaux aux côtés d'un tel tartare, et le croustillant qu'ils apportent en bouche est le liminaire essentiel de la dégustation.


De mon côté, les bombes de thon ont été renversantes: je m'attendais à quelque chose d'assez épicé, mais l'assemblage est dans les faits assez équilibré. Oui, le goût (et le petit kick) du sambal ressort - et c'est entre autres pour ça qu'on aime ces bombes ! -, mais on aime aussi la subtilité des oignons verts, la saveur marquée de l'huile de sésame et le croustillant du riz soufflé qui vient donner texture et originalité à la chose. En elle-même, la portion est gargantuesque: j'ai refilé une de mes quenelles à Chéri et je n'avais déjà plus faim pour le reste du repas. Chéri a tellement aimé qu'il m'a dit qu'il reviendrait au Macaroni Bar juste pour manger ce tartare avec une bière. C'est tout dire ! Mon seul reproche irait à l'aïoli au gingembre qui vient achever l'assiette et qui donne une douce texture crémeuse à l'ensemble: je l'aurais aimé bien plus gingembré - à tout le moins, avec un goût de gingembre facilement perceptible.


En deuxième service, Chéri s'en est donné à coeur joie dans les pâtes en choisissant le maccheroni au fromage au gorgonzola. L'assiette, monstrueuse, est présentée en toute simplicité. Ici, pas de doute, ce sont les pâtes qui sont reines, et elles sont mises en valeur. Simplement garni d'un peu de ciboulette, le maccheroni avait tout d'un mac and cheese chic, avec le goût relevé caractéristique du fromage bleu. Moi qui ne suis pas une fan des pâtes persillées de toutes sortes, je me suis surprise à piger à plusieurs reprises dans l'assiette de Chéri. L'ensemble est réussi: ça goûte le gorgonzola, et c'est ce goût relevé et typé qu'on recherche lorsqu'on y va pour une deuxième bouchée. À la fin, par contre, la crème et le fromage finissent par être un peu lourds en bouche: on aurait gagné à assouplir le plat avec une touche de fraîcheur.


De mon côté, j'ai choisi de finir mon repas en commandant la fameuse poutine aux gnocchis, poutine qui fait tellement jaser qu'elle est même en vedette sur l'affiche qui sert à faire la publicité du restaurant au coin de la rue. Heureusement pour moi (qui était, à ce moment, déjà amplement rassasiée !), la poutine aux gnocchis fait partie des entrées: la portion est raisonnable - mais pas légère pour autant. Les petits gnocchis - qui sont faits main, en cuisine - ne sont pas frits comme on me l'avait dit: ils sont plutôt caramélisés, encore très tendres à l'intérieur ET à l'extérieur. On les arrose d'une sauce de type gravy à base d'une réduction de veau et on les coiffe ensuite de fromage St-Guillaume, le fameux fromage qui fait kwick kwick. Chéri et moi avons été unanimes sur la question: la poutine aux gnocchis, c'est bon. Pas nécessairement bon à s'en taper les cuisses de plaisir, mais assurément très bon et très réconfortant. Une critique toutefois: la sauce manquait (à mon goût) de coloration - peut-être était-on à court de fond de veau foncé, ou avait-on été rapides sur le temps que les os avait passé à rôtir - et elle était, aussi, un peu trop salée - peut-être trop réduite. Dans tous les cas, la combinaison des gnocchis moelleux, du fromage élastique et de la sauce crémeuse est réussie. Pas aussi mémorable que mes bombes de thon, mais assurément réussie.



Comme nous étions plein comme des boudins, nous avons pris un seul dessert pour clôturer notre soirée, et, à notre grand regret, pas la pizza au nutella et au ricotta (nous serions encore sur place à essayer de nous rouler jusqu'ici, si c'était le cas). Nous avons plutôt opté pour le Smores, savante réinvention du classique qui se déclinait ici comme un brownie - un peu sec, il aurait eu avantage à avoir une texture plus crémeuse, semblable à celle d'un fudge - coiffé d'un crumble de biscuits graham, de crème glacée et, bien sûr, de guimauve grillée. Chéri a particulièrement aimé la crème glacée, qui avait la texture dense et fondante des gelato. De mon côté, j'ai trouvé que le jeu sur les textures était particulièrement réussi. C'était un bon dessert, sans être particulièrement révolutionnaire.


Comment conclure sinon pour dire que le Macaroni Bar est un très bon restaurant qui devrait être visité au moins une fois, ne serait-ce que pour découvrir ce que sont les classiques de la maison. Nous avons été choyés, lors de notre visite, par un service impeccable qui nous a grandement impressionnés. Aussi, si la cuisine n'est pas nécessairement des plus inventives (c'est surtout au niveau des entrées que le chef s'éclate; du côté des secondi, on reste dans une cuisine des plus classiques), ce qui nous a été servi était bien exécuté. Il y aurait certainement place à un peu plus de caractère en cuisine (nous préférerions, par exemple, un plat de pâtes des plus éclatés à une portion monstrueuse comme celle qui nous a été servie), mais les amateurs de cuisine italienne en nous ont été ravis par le goût et la qualité de ce qui nous a été servis.



On y va pour: découvrir les classiques de la maison.

On y retourne pour: les plats paesano, des plats plus rustiques élaborés par le chef, sur une base quotidienne, et pour les soirées barbecue sur la terrasse l'été.

Le Macaroni Bar
4448 avenue St-Laurent (à l'angle des rues St-Laurent et Mont-Royal)

Prix: 128$ pour trois entrées, un plat principal, un dessert et une bouteille de vin (taxes incluses). Un minimum de 20$ par personne est exigé (sur le menu, en tout cas).

mercredi 17 novembre 2010

La fée aux miettes et le Pied de cochon


Pour notre anniversaire, Chéri et moi sommes allés manger au Pied de cochon, ce minuscule restaurant de l'avenue Duluth qui se passe vraiment de présentation. Nous étions vraiment enthousiastes à l'idée d'y aller, puisque la cuisine gargantuesque du chef, ainsi que sa personnalité rabelaisienne, a une réputation mythique. Comme je possède aussi, depuis mon anniversaire, l'Album du Pied de cochon, j'ai eu le temps de me faire toutes sortes d'idées sur la cochonceté et la décadence de la cuisine picaresque de Martin Picard, et c'est la tête pleine d'images de foie gras, de sauce demi-glace et de cochonnailles que je suis arrivée au Pied de cochon.

Assez curieusement, mes premières impressions sur l'endroit furent assez mitigées. Je savais, bien sûr, que l'endroit était petit, mais je n'aurais jamais cru qu'il l'était à ce point. Même avec une belle table à l'avant du resto, on a un peu l'impression d'être coincés sur les autres, et dans l'entrée tout à la fois. Remarquez, ce n'est pas dramatique, mais ce n'est définitivement pas l'endroit le plus sensuel pour célébrer en amoureux. De même, le service, bien que efficace, n'était pas des plus courtois; je ne suis pas des plus exigeantes, mais l'affabilité devrait être naturelle chez les gens qui travaillent dans le service à la clientèle, et ce n'est pas ce que j'ai pu observer lors de ma visite au Pied de cochon.

Notre repas a commencé sur une bière, une corbeille de pain (le meilleur pain au monde - j'étais tellement conquise que je grignotais les miettes sur la table) et une déception: les oreilles de crisse que je rêvais (je devrais dire bavais) de commander pour l'apéro n'étaient pas disponibles cette journée là, et je me suis contentée d'un cromesquis de foie gras - sorte de petite bouchée apéritive qui explose en bouche sur une réduction de foie gras liquide. L'idée est assez bonne, mais j'ai trouvé que le goût du foie gras n'était pas si présent. Au final, nous aurions peut-être dû commander une autre concoction au foie gras: la poutine ou la pizza, peut-être, pour bien en profiter.



Nous avons rous les deux enchaîné sur une entrée de cru (vous êtes surpris, n'est-ce pas ?). Le carpaccio de canard, servi de façon traditionnelle, badigeonné d'huile d'olive et garni de sauce piquante, de moutarde forte, de copeaux de parmesan et d'un jaune d'oeuf, était formidablement fondant, mais tiède, puisque servi sur une assiette chaude. J'ai trouvé cette erreur de manipulation un peu curieuse pour un restaurant de cette trempe, mais elle n'a pas vraiment nuit à mon expérience du carpaccio. Je me suis d'ailleurs empressée de le reproduire à la maison: c'est dans les petites choses qu'on reconnaît les grandes cuisines. Chéri a quant a lui choisi le tartare de boeuf en cornet, qui tenait à la fois de l'oeuvre d'art et du plaisir gastronomique: le tartare est servi avec tempura, sambal et oignons verts, enveloppés dans une feuille de nori. L'ensemble, vraiment réussi, se laissait vraiment dévorer.

Notre plat principal s'est avéré satisfaisant, mais peut-être pas aussi surprenant ou étonnant que nos entrées. De mon côté, je me suis délectée d'un jarret d'agneau confit sous-vide sur une purée de lentilles Du Puy (mes préférées ! ;), dans une sauce tomatée bien assaisonnée, mais tout de même... ordinaire. Chéri, lui, a pris le magret de canard aux champignons, cuit à la perfection mais nageant dans une sauce de type bouillon des plus tristounettes, alors qu'elle aurait pu être une merveilleuse demi-glace soyeuse à souhait. Il a apprécié, mais n'a pas nécessairement eu la révélation du siècle: la simplicité, qui peut, à la maison, être à la source d'une cuisine très maîtrisée, n'était pas nécessairement ce que nous attentions de Martin Picard. Son absence derrière les fourneaux ce soir là s'est peut-être fait ressentir plus que nous ne l'aurions cru.



La soirée s'est terminée sur une autre déception: les fameux churros à l'érable, qu'on m'avait vanté et qui me faisaient fantasmer quand je consultais le menu sur le site du restaurant, ne figuraient même pas sur la carte des desserts. Je me suis rebattue sur un mi-cuit au chocolat complètement banal, un peu sec et pas du tout cochon. On est loin de la tarte au sucre saucée dans le chocolat évoquée par Marie-Soleil Michon dans le dernier Ricardo...

Notre opinion sur le restaurant s'est donc trouvée légèrement assombrie. Dans l'ensemble, la cuisine à laquelle j'ai goûté ne tenait pas les promesses de décadence et de délires gastronomiques qu'elle signifiait dans ma tête. Les prix, légèrement plus élevés que dans les autres restaurants montréalais de cette gamme, deviennent carrément exorbitants quand on ajoute un plat de foie gras - sans parler des accompagnements qui sont vendus à part (ce qui, à mon avis, est un peu ridicule quand on parle de plats braisés comme ceux que nous avons commandé). L'ambiance, aussi, nous a déçu: on a l'impression d'être dans une minuscule cabane à sucre où les gens et les serveurs sont particulièrement guindés. Peut-être n'avions nous pas le budget pour vivre une véritable expérience Pied de cochon, avec champagne et foie gras à volonté, mais manifestement, le Pied de cochon ne nous a pas du tout mystifié. Question de malchance, peut-être.

Restaurant Au Pied de cochon

536 rue Duluth Est
514-281-1144


lundi 1 novembre 2010

Anatomie d'une dégustation de vin


Pour amorcer le mois de Novembre et pour court-circuiter la grisaille glaciale du lundi matin, j'ai rarement vu moins enthousiasmant qu'un séjour au Complexe Guy-Favreau, dans le but de renouveler nos droits de passeport canadien. Par contre, quand ce même séjour au Complexe Guy-Favreau est suivi d'une dégustation de vins décontractée et chaleureuse dans un chic hôtel du vieux-montréal, on en arrive à oublier la deuxième veste enfilée ce matin là pour se laisser aller aux plaisirs de la table. Ou, à tout le moins, j'ai réussi à oublier, et j'ai dégusté chaque minute de ce petit moment gastronomique, solide remède contre la déprime automnale.

Qu'on s'entende: je connais très peu de choses dans le monde des vins. Je sais que j'aime les Rioja 2004 et les Valpolicella Ripasso 2007, je sais que j'aime mon vin rouge boisé et mon blanc souple et que le meilleur vin que j'ai bu récemment était un Viogner australien nommé en l'honneur du Bernard l'hermite, mais je n'ai pratiquement aucune connaissance technique à ce sujet, et c'est dans cet état d'esprit que je me suis présentée à l'hôtel St-Paul ce matin. Et j'y ai trouvé des vins à ma mesure, qui, je le pense, ont été conçus pour des gens comme moi, qui aiment les bons vins mais qui n'ont pas encore tout le bagage nécessaire pour apprécier des vins plus complexes et plus dispendieux.

Je pense que c'est dans ce but que John Casella a créé la gamme Reserve des vins Yellowtail (oui, oui, ces petits vins australiens avec un drôle de kangourou sur l'étiquette), des vins qu'il a voulu tout aussi accessibles que la gamme régulière des vins Yellowtail, mais avec un goût plus évolué et plus complexe, digne des vins de qualité supérieure. Pour nous guider dans la découverte de ces vins, le sommelier Nick Hamilton a mené une dégustation à l'aveugle, de type aller-retour, où nous devions comparer entre eux des vins issus de même cépage, mais de caractère différent. En général, les vins Yellowtail Reserve se sont bien débrouillés: parce qu'ils sont bien équilibrés et parce qu'ils sont modérés en tout, les néophytes comme moi y trouvent plaisir, et les spécialistes, comme nombre des journalistes et sommeliers présents, ont su trouver des qualités structurelles dans chacun des verres. Au point où le Shiraz Yellowtail à 16,80$ en est venu à éclipser le Côte-Rôtie de Guigale à 75$ dans le palmares des goûteurs.

Pour moi qui n'ai comme point de comparaison que mes propres goûts, je dois avouer avoir trouvé le Chardonnay Yellowtail trop peu boisé pour l'apprécier autant qu'un Chardonnay avec beaucoup de caractère comme le Albert Bichot 2007 que nous avons dégusté cette fin de semaine. N'étant pas non plus une grande admiratrice des Shiraz, quels qu'ils soient, j'ai trouvé l'ensemble des vins dégustés un peu trop astringents, mais j'ai admiré l'équilibre du puissant Dead Arm Shiraz, un vin qui se détaille quelques 55$ à la SAQ, et que j'ai trouvé formidable. Mon vrai coup de foudre, chez les Yellowtail Reserve, c'est donc le Cabernet-Sauvignon, que j'ai trouvé frais en bouche, avec des flaveurs de fruits marquées et présentes, un excellent vin dont j'ai aimé la sucrosité et les tanins délicats qui entraient en scène après que la saveur de fruit du vin se soit déployée complètement en bouche. C'est ce que moi j'appelle une réussite.

Chacun des vins Yellowtail Reserve a ensuite été marié à des plats préparés par le restaurant Vauvert, et je pense que c'est ainsi accompagnés qu'ils ont trouvé tout leur sens. Le Chardonnay que j'avais trouvé un peu trop discret s'est bien déployé sur le saumon au sésame et au gingembre, le Shiraz a perdu de son caractère sur les pennes aux champignons sauvage, et le Cabernet-Sauvignon est resté délicieux et magnifique sur le carré d'agneau d'inspiration maghrébine. Pour moi qui ne boit jamais qu'en mangeant, j'ai trouvé que les vins se révélaient beaucoup plus une fois «accordés».

Je pense donc que ces vins sont ce qu'ils promettent d'être: ce sont de bons vins accessibles, mais ils ne relèvent pas nécessairement ce qui se fait déjà dans la gamme des vins entre 15 et 20 dollars. Ils sont comparables, parfois très réussis (vous ai-je parlé du Cabernet-Sauvignon ? ;) ), mais ce sont des vins encore jeunes, issus d'une première cuvée. Ils bénéficieront sans doute des commentaires recueillis lors de cette première mise au monde. Les premiers Shiraz YellowTail Reserve seront disponibles à la SAQ sous peu et le Cabernet-Sauvignon en janvier. Si vous aimez les vins bien structurés, je vous dirais d'y aller sans hésiter. Au prix de détail suggéré, ils feront de très bons vins de semaine, un peu plus raffinés que ce qu'on achèterait normalement. Ils n'éclipseront pas votre bonne bouteille du samedi à 25-30$, mais il y a de quoi avoir amplement de plaisir à boire et à manger.

(Et moi, j'ai une bouteille de réserve d'ici à ce que la Cabernet soit disponible au Québec, niak niak niak !).

PS: À voir ce qu'ils ont pu faire pour trois douzaines de personnes à servir en même temps, je recommanderais sans hésiter le restaurant Vauvert: le menu en ligne a l'air décadent, et tout ce que j'ai goûté était très bon et très maîtrisé.

Quelques photos de l'évènement...

Ma nouvelle obsession: les structures représentant les anciennes fondations de la ville dans le Vieux-Montréal (face à l'hôtel St-Paul)


La plus belle table d'appoint illuminée au monde


Gens importants



Journaliste au travail (c'est quand même un beau métier... ;) )


Quelques goodies pour les goûteurs


Petit salon de l'hôtel St-Paul


Couverts entropiques


Pavé de saumon grillé, sésame, gingembre, sauce au citron frais sur lit de nouilles soba


Penne Aglio, champignons sauvages, roquette et parmesan


Carré d'agneau, feta, brocolini et pois chiches grillés; humus et salsa de concombre, tomate et menthe


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