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mardi 5 octobre 2010

De la rectitude et de la décadence

Vous avez remarqué que les tendances culinaires, de nos jours, ont le dont d'être un peu contradictoires ? Si on nous a martelé tout l'été avec la folie du cru et du frais, dès que l'automne se pointe le nez, c'est le comfort food qui est à l'honneur. Et après la folie de Kampaï, des aliments contre le cancer et de la santé par la nourriture, on dirait que la tendance commence à glisser vers l'envers de la rectitude: la cochonceté, la gourmandise et la ripaille sont à l'honneur.


Et honnêtement, ça me plaît.

Je suis du genre à appliquer les principes d'Isabelle Huot en matière d'alimentation: si je fais un effort pour manger, 80% du temps, des repas santé, équilibrés, sans viande, en étant raisonnable et en faisant attention à ce qui compose mon assiette, le dernier 20% du temps, je ne me prive de rien. Et je veux en profiter au maximum.

C'est pour ça que je suis assez contente de voir que la tendance fait son chemin jusque dans les livres de cuisine. Deux, récemment, qui ont été publiés aux Éditions de l'homme, sont assez abondants en terme de décadence: Comme au chalet, de Laurent Godbout et Plaisirs coupables, de Jean-François Plante. J'ai acheté les deux opus, et s'ils sont différents dans leur forme, dans leur fond, ils proposent quelque chose d'assez semblable: du plaisir, du réconfort, de la cuisine rustique, roborative et épicurienne, de quoi mettre de la chaleur dans votre cuisine. Quelque part entre les croquettes de macaroni au fromage, les pâtes aux escargots à la crème de triple crème, la lasagne crémeuse à la courge et les côtes levées au caramel à la fleur de sel, il y a de quoi trouver son plaisir.


Bref, deux livres que je compte sans doute commenter en détail bientôt, et que je vous conseille fortement de feuilleter, si vous avez envie d'une grande bouffe réconfort (et d'un petit coussin en surplus sur vos fesses).

Bonne gourmandise !

vendredi 7 mai 2010

Quand je mange du homard...

Je pense toujours à ceci:

Un jour, dans le jardin du Palais-Royal, on vit Gérard traînant un homard vivant au bout d’un ruban bleu. L’histoire circula dans Paris et comme ses amis s’étonnaient :
    En quoi, répondit l’auteur de Sylvie, un homard est-il plus ridicule qu’un chien, qu’un chat, qu’une gazelle, qu’un lion ou toute autre bête dont on se fait suivre ? J’ai le goût des homards, qui sont tranquilles, sérieux, savent les secrets de la mer, n’aboient pas… (Guillaume Apollinaire - Anecdotes sur Gérard de Nerval)


Qui a dit que gastromie et littérature ne pouvait être intimement liées ? ;)

vendredi 25 septembre 2009

Décès de Nelly Arcan

La nouvelle a glissé doucement hier soir, dans les utilitaires de réseautage social, et est tombée comme une bombe ce matin. Nelly Arcan est morte. Apparemment dans des circonstances nébuleuses. Apparemment suicidée. Apparemment après avoir laissé de nombreux messages de détresse à ses proches "qui n'ont pas pu l'empêcher de glisser".

Je n'ai pas envie d'ajouter mon grain de sel ou mon opinion sur sa mort. Je crois bien que pour un auteur que j'aime, un auteur que j'ai dans la peau, je pourrais pleurer toutes les larmes de mon corps à l'annonce de sa mort. Mais dans le cas d'un auteur haï, que faire ?

Il est vrai que j'ai détesté les deux premiers romans de Nelly Arcan, que j'ai trouvé vulgaires et impudents - malgré un malaise existentiel patent -, mais je n'ai pas eu le courage de la suivre dans son changement de cap, moins vulgaire, plus délicat. Il est vrai aussi que je n'avais pas beaucoup d'estime pour le personnage, tout aussi vulgaire et impudent, mais j'étais consciente de l'existence d'une autre Nelly Arcan - une Nelly Arcan qui portait le nom de Isabelle Fortier - qui devait être attachante et vive, et que je ne connaissais pas. Être en face d'un mal à la vie assez grand pour que quelqu'un n'ait plus envie de vivre, du tout, me laisse sans voix. Sans idées. Sans espace. Je ne comprends rien à cette souffrance et elle fait naitre chez moi des questions troublantes et désagréables.

C'est pour ça que même si je n'ai pas aimé l'oeuvre de Nelly Arcan, j'espère que d'autres gens pourront dire de belles choses. J'espère qu'à son image, quelqu'un dira d'elle ce qu'elle a dit de Réjean Thomas. J'espère qu'elle aura une mort plus belle que la vie qu'elle n'aimait pas.

Mes hommages à Nelly Arcan.

mercredi 19 août 2009

Zelda et Scott


Hier, j'ai commencé et fini de lire Alabama Song, le livre qui a valu à Gilles Leroy le prix Goncourt en 2007. J'étais pleine d'ambitions pour ce livre qui n'était pas issu du cartel de l'édition française (ce qui avait surpris tout le monde lors de sa sélection), d'autant plus que je ne pardonnerai jamais à l'Académie Goncourt d'avoir honoré Les Bienveillantes (pour des raisons que vous connaissez déjà si vous avez lu mon article L'art du roman, en 2007).

Et bien c'est un échec.

J'ai détesté cela. Détesté d'une façon incroyable, en maudissant l'auteur et son sujet qui me rendaient irritable et de mauvaise foi. En fait, pour être exacte, ça m'a d'abord fait le même effet que ma lecture de Bonjour Tristesse (pour la postérité, voici ce que je pensais de Bonjour Tristesse, attention, c'est lapidaire: " Bonjour tristesse de Françoise Sagan: ne plus jamais lire. C'est à mourir d'ennui: l'intrigue est amenée à la truelle, les développement sont grossiers, stupides et invraisemblables, l'écriture est ampoulée et fatiguante, les péripéties inexistantes... et le "fameux" scandale sexuel de ce roman se résume à un ou deux "frissons de plaisir" et "nous nous aimâmes physiquement". N'importe quoi. Heureusement que c'était tout au plus une centaine de pages, sinon je ne l'aurais pas fini. Un autre roman qui me fait entretenir l'idée qu'on ne doit pas publier des auteurs trop jeunes, ils n'ont généralement rien à dire, et pire, aucune façon de le dire."), à ceci près que je ne pouvais absolument pas reprocher à Gilles Leroy d'avoir 18 ans.

Bref. Au départ, l'idée d'une biographie très très romancée sur la vie du couple littéraire le plus glamour des années 20, Zelda et Francis Scott Fitzgerald me semblait intéressante. Toutefois, Leroy a eu le don de rendre chacun de ses personnage insupportables (Zelda autant que Scott, ce qui fait beaucoup de monde à détester dans un roman à deux personnages), en plus d'être incapable de donner de la crédibilité à leurs paroles (ok, je m'excuse d'insister, mais quand les personnages parlent, on dirait un roman écrit par une adolescente. C'est mauvais !!!). Finalement, le montage de leurs vies est véritablement fait à la truelle: certains épisodes grossiers et désagréables sont invraisemblables (l'avortement de Zelda ou son internement "de force", notamment, alors que l'évolution de sa schyzophrénie fut très bien documentée), et pour ne s'aider aucunement, Gilles Leroy mentionne à la fin tous les rajouts qu'il a utilisé pour raccorder les vies de ces icônes de la génération perdue. Ce sont, évidemment, tous les épisodes dérangeants qui me sont restés en travers de la gorge.

Finalement, on parlait de ce roman comme "le grand roman américain" de Gilles Leroy. Quelle idée absurde et hexagonale ! Qui parlerait d'un grand roman américain quand la plupart de l'intrigue se déroule en Europe ? Quel écrivain peut prétendre écrire "un grand roman américain" en direct de la Province ? L'américanité, ça se vit par tous les pores de la peau, pas dans la tête ! Est-ce que quelqu'un aurait l'ignoble idée de décréter que Paris est une fête est "le grand roman français" de Hemingway ?

Décidément, l'Académie Goncourt, depuis Les mandarins, n'a rien honoré de bon.

vendredi 14 août 2009

Sartre et les trous


Durant nos vacances, Chéri m'a acheté Les Carnets de la drôle de guerre, que je me suis mise récemment à lire avec application. La lecture m'est plus difficile à Montréal-Nord, parce que dans l'autobus, je me sens souvent comme une saucisse prise dans une conserve de saucisses viennoises et j'ai assez peu de goût pour la lecture quand je respire la journée de travail de la personne à mes côtés. Néanmoins, j'ai fait de gros efforts pour pousser les gens et ignorer les petites vieilles dernièrement, afin de pouvoir m'asseoir avec Sartre et faire la lecture de ses Carnets, dont je peux témoigner de la formidabilité. (Antidote me fait signe que formidabilité n'est pas un mot mais comme il correspond à au moins une des règles absolues de la formation des mots en lexicologie, c'est à dire adjectif + suffixe, je le garde.)

Dans Les Carnets de la drôle de guerre, Sartre jumelle les anecdotes de sa consignation à Brumath et à Bourxwiller avec des ébauches philosophiques pesantes (écrites dans le style L'être et le Néant, ce qui, en soi, est pesant) sur la volition, la morale et l'être-dans-le-temps. Ce qui en fait un livre passablement dissolu et souvent essoufflant, mais en général, très rigolo quand Sartre se ramène à lui-même. Je passe mon temps à éclater de rire au milieu de l'autobus, notamment quand Sartre nous confirme qu'il a un caractère de cul ("Dans la chambre, je tourne un peu, agacé, je veux reprendre la discussion avec Paul parce qu'il a davantage l'habitude des idées et que je pourrai, en conséquence, plus facilement le duper et me rassurer en le dupant.") ou quand il fait honneur à ce mot de Breton: "Et j'ai compris et approuvé de tout mon coeur cette phrase d'André Breton: "J'aurais honte de paraître nu devant une femme, à moins de paraître en érection." Ça ne se discute pas, c'est une question de délicatesse.". Bref, le livre est dans son essence assez divertissant.

Ce qui, toutefois, me fascine le plus, c'est l'ébauche très précise de l'existentialisme que Sartre trace dans ses Carnets. Cela commence furtivement quand il parle de la volition et qu'il déclare que si les gestes sont jugés selon leurs intentions, les intentions elles, ne sont jamais jugées que par les gestes (ce qui suppose donc l'existence de l'être avant toute chose), mais ça devient tout à fait clair plus tard dans le texte. Notamment, ce très beau passage sur les trous:

"Et certes, le trou du cul est le plus vivant des trous, un trou lyrique, qui se fronce comme un sourcil, qui se resserre comme une bête blessée se contracte, qui bée enfin, vaincu et près de livrer ses secrets; c'est le plus douillet, le plus caché des trous, tout ce qu'on voudra. (...) Je vois en effet que le trou est lié au refus, à la négation et au Néant. Le trou, c'est d'abord ce qui n'est pas. Cette fonction néantisante du trou est révélée par des expressions vulgaires qu'on entend ici, telles que: "trou du cul sans fesses", ce qui signifie: néant. (...) Le vertige du trou vient de ce qu'il propose l'anéantissement, il dérobe à la facticité. Le trou est sacré par ce qu'il recèle. Il est par ailleurs l'occasion d'un contact avec ce qu'on ne voit pas. (...) Mais en même temps, dans l'acte de pénétrer un trou, qui est viol, effraction, négation, nous trouvons l'acte ouvrier de boucher le trou. En un sens, tous les trous sollicitent obscurément qu'on les comble, ils sont des appels: combler = triompher du plein sur le vide, de l'existence sur le Néant. D'où la tendance à boucher les trous avec sa propre substance, ce qui amène identification à la substance trouée et finalement métamorphose.

(...)

J'ai seulement voulu marquer l'origine humaine du sens des choses, entendant par là non point que l'homme est antérieur au sens des choses, mais que le monde est humain et que c'est dans un monde humain que l'homme apparaît. Notons en effet ici que le trou n'est point d'abord trou et ensuite néant nocturne, puissance engloutissante, etc. C'est d'un même mouvement qu'il se constitue comme objet naturel et comme objet humain, car sans l'homme et sa puissance néantisante, il n'y aurait pas de trou, il n'y aurait qu'un épanouissement de plénitude indifférenciée. C'est en projetant son néant dans cette plénitude que l'homme, par la négation, fait qu'il y ait des trous et que ces trous soient des trous-pour-l'homme."

Hihihihi.

Sans contester l'importance de cette ébauche sur la théorie phare de L'Être et le néant, il faut tout de même admettre que tout ceci, c'est éminément Freudien.

lundi 10 août 2009

Sommes-nous cultivés ?

C'est du moins la question que posait Patrick Masbourian lors (de la probable reprise) de son émission Sommes-nous ? diffusée à Télé-Québec cette semaine. Parce qu'elle exige une réponse collective à une question d'ordre personnel ou individuel, cette émission pose un problème d'importance. Or, je doute qu'il existe au Québec une autorité légitime qui serait assez consensuelle pour résoudre le problème de la culture. Toutefois, je me demande s'il n'est pas nécessaire et absolu de se poser la question: sommes-nous, en tant qu'entité sociale et communautaire, cultivés ?

Ma maigre réponse ne vous intéresse pas, mais les problèmes que soulèvent la question sont intéressants.

D'abord, le problème que pose la définition même de culture: si la définition admise de la culture se rapporte à quelque chose comme "produit d'une société qui témoigne de sa distinction en tant que nation, notamment par les arts et le langage", il en existe une autre, à la base de tous les travaux des cultural studies: la culture, c'est l'ensemble des gestes posés par une société fédérateurs de son identité culturelle. C'est une définition complètement récusée par nos amis Français, pour qui la culture demeure la somme des connaissances fondamentales nécessaires au passage du bac (blague), mais qui trouve son écho en Scandinavie, là où la façon de faire la cuisine ou de faire du ski est une revendication culturelle. J'aurais tendance à croire que cette dernière définition colle mieux à l'état de la culture au Québec: malgré des institutions culturelles fortes et une offre diversifiée, le Québécois moyen revendique sa culture surtout à travers ses habitudes culinaires ou son attachement à l'espace québécois et à son folklore (sinon, pourquoi diable pulluleraient les festivals de la galette, de la babiche, ou de la gibelotte ?). Or, s'il nous est plus à propos de revendiquer nos habitudes culturelles comme culture propre, je pense que le raccourci est trop facile. Les Québécois ne sont pas nécessairement des gens cultivés, et le problème réside essentiellement que nous avons perdu notre modèle culturel.

Les différentes révolutions sociales des années soixante ont donné lieu à l'éclatement du socle de savoir fondamental qui était alors considéré comme la base de la culture. C'est arrivé à Paris et à Prague, mais c'est aussi arrivé au Québec: l'abolition du cours classique pour l'enseignement secondaire a donné lieu à une réforme totale de l'enseignement au Québec qui a résulté en l'abandon de l'enseignement de la culture classique. Or, là où je crois qu'on fait fausse route, c'est lorsque l'on considère que ce modèle n'a plus de valeur parce qu'il n'est plus enseigné. À mon avis, c'est le contraire: parce que nous ne produisons plus d'érudits "classiques", ce dernier savoir a une valeur considérable, pas parce qu'il est classique mais parce qu'il est utile pour comprendre là où se sont bâtis les références culturelles qui ont modelé notre culture, ou à l'encontre desquelles elle s'est appuyée.

Je pense que dans toute l'émission, c'est assurément le commentaire de François Parenteau qui m'a le plus fait sourcillé: ce dernier soutenait que quelqu'un qui cite à propos Jon Stewart ou SNL avait autant de culture que quelqu'un en mesure de citer Virgile. Que la culture était quelque chose d'actuel et qu'il fallait être de son temps. Je ne peux tellement pas être en accord ! J'estime que la culture de l'actuel est nécessaire, et peu m'importe que quelqu'un ne soit pas en mesure de citer ce très beau vers de Virgile qui ouvre l'Énéide et qui est pour moi l'essence de l'épopée ("Je chante les armes et je chante les hommes"), mais force m'est de constater qu'une culture limitée à celle du présent est une culture dont les frontières sont fermées, et entièrement ignorantes de leur passé. C'est pour moi un non-sens, et il m'est impossible de voir de la culture dans le manque de connaissance des bases et des fondements de la société.

Finalement, le sommes-nous cultivés ? Je pense que non. Pas trop. Mais est-ce que c'est irréversible ? Non ! Je cite très souvent cette phrase de Lucien Francoeur qui disait, lors de la grève étudiante de 2005, que nous sommes une petite nation et qu'il est facile pour nous d'éduquer tous nos enfants. Pourquoi diable est-ce qu'on baisse les bras devant la culture ?

dimanche 3 août 2008

Éphémérides culturelles


Chéri et moi avons loué la version originale de The Amityville Horror, celle réalisée par Stuart Rosenberg (Cold Hand Luke) en 1979 (et ce, même si la fiche signalétique du Phos indiquait 1970). C'était absolument étrange, parce que le film que j'avais toujours pris pour "le premier Amityville" ne l'était pas finalement, et, donc, je n'avais jamais vu cette version qui était, et c'est à propos, totalement terrorisante. Je me suis laissée prendre au jeu et c'était exactement comme écouter l'Exorciste la première fois: la tension monte, l'atmosphère s'alourdit, et le film devient l'instrument de nos propres angoisses. J'ai adoré, et j'ai trouvé que c'était la jaquette du film qui expliquait le mieux l'intérêt du film: "Le tour de force de Stuart Rosenberg, c'est d'avoir réussi à monter un ballet d'horreur avec les éléments du quotidien.". Je crois sincèrement que ce film mérite sa place au sommet du palmarès des "vrais-bons" films d'horreur, et ce, même si on sait maintenant que le livre de Jay Anson dont s'était inspiré Rosenberg n'était qu'une supercherie.

Maintenant, à force de lire les plotlines des différents films d'Amityville, je me rappelle plusieurs expériences de visionnement tournant autour d'artéfacts de la maison possédés (Amytiville Dollhouse: la maison de poupée, Amityville 1992: l'horloge, Amytiville New Generation: le miroir) mais je ne retrouve pas le souvenir du film que j'écoutais avec Audrée quand nous étions ados. C'est vraiment curieux. Peut-être qu'il n'a jamais existé !

Toujours est-il qu'il s'agit du dernier film que nous avons loué au Phos, qui ferme demain, ce qui, en soi, est une tragédie.

*****

J'ai lu très très vite le nouveau livre de Frank McCourt, qui avait écrit le (supposé) admirable livre qui avait donné le film Les cendres d'Angela; Teacher Man, un jeune prof à New York. Je trouvais que la prémisse était intéressante (un jeune prof à New York, dans les années cinquante), mais c'est vite devenu rasoir et mélodramatique à fond, avec le classique divorce tragique, et l'enfant qu'on ne voit plus, et les élèves pauvres et tristes... Blah. La traduction suçait grave, je ne sais pas si ça a contribué à mon ennui, mais finalement, j'ai peut-être perdu quelques heures de ma vie en lisant cette chose.

J'ai bien aimé, toutefois, ce moment où tous les profs du lycée sont réunis et qu'ils essaient de faire monter les notes de leurs élèves pour qu'ils atteignent la moyenne de Staten Island, où Frank McCourt a ce mot: "On doit leur donner des points pour la structure des paragraphes, notamment lorsqu'ils arrivent à faire des phrases d'introduction. D'une certaine façon, toutes les premières phrases deviennent des phrases d'introduction, pas vrai ? Donnons-leur trois points pour ça.".

Je vais la retenir, ça va m'être utile dans deux ans.

*****

Il y avait un documentaire et une émission spéciale de French Connexion sur Indochine ce matin. J'ai enfin compris pourquoi j'ai tellement accroché à Paradize: Oli de Sat n'est qu'un vil émule de son idole de jeunesse, je veux dire: Trent Reznor. Wow. Ça explique bien des choses.

dimanche 27 juillet 2008

Simone de Beauvoir et moi

J'ai refermé mon exemplaire de L'Amérique au jour le jour avec un petit goût amer de nostalgie dans la bouche. C'est que plus je progresse dans l'oeuvre de Simone de Beauvoir, plus je me gave de ses écrits, plus je sens l'ultime mais inévitable rupture approcher. C'est la vie qui ainsi faite: j'ai vécu une histoire d'amour semblable avec Réjean Ducharme qui s'est abruptement terminée, l'hiver dernier, dans un jacuzzi de Sosua, quand je suis venue à bout des dernières pages de L'Océantume. C'est inéluctable: quand on a lu la dernière phrase du dernier livre d'un auteur dont on a lu toutes les oeuvres auparavant, la passion s'étiole vite et le feu s'éteint. Évidemment, on peut relire ces livres qu'on a tellement aimé, on peut en friper les pages, on peut en racornir les coins, on peut se vautrer dans l'histoire devenue familière comme le vieux divan dans le sous-sol chez nos parents, mais relire un livre chéri, c'est comme coucher avec un de ses exs: même quand c'est confortable et agréable, on sent qu'il manque le petit-quelque-chose qui faisait toute la différence au début et qui a tout changé la première fois.

Toujours est-il qu'entre Simone et moi, c'est presque fini. Après être passée au travers des cinq tomes de son autobiographies, après avoir feuilleté ses Lettres à Sartre et ses Lettres à Nelson Algren, après avoir lu, au complet, sans en perdre un mot, le récit clinique de la mort de Sartre (La cérémonie des adieux) et celui, plus humain, de la mort de sa mère (Une mort si douce), l'achèvement de L'Amérique au jour le jour me place à moins un livre de la portion autobiographique de l'oeuvre de Simone: ainsi, si je finis par lire La longue marche, son récit de voyage en Chine qui n'est de toute façon plus édité, et disponible sur le marché que dans un paperback de la collection blanche de la NRF au coût astronomique, je mettrai un terme à cette belle et longue histoire d'amour qui dure depuis un an déjà (ou seulement, c'est au choix, mais je lis vraiment vite). Je pourrais évidemment me rabattre sur les romans de Simone, dont certains, comme Le sang des autres ou Les mandarins, me semblent avoir une valeur certaine, mais ce ne serait pas pareil: il manquerait à cette lecture l'aspect intime, l'impression d'espace clos et partagé qui me rend la cohabitation avec Simone si précieuse.

Il est curieux que je me sente si proche de Simone aors qu'à peu près rien ne nous unit. Nos personnalité sont à ce point dissemblables qu'elles auraient un bon potentiel de loufoquitude si nous les comparions: lire Hegel me donne des boutons d'anxiété alors que Simone a passé toute la guerre à le lire pour se divertir de l'emprisonnement de Sartre; Simone tolère l'idée des amours contingentes aors que l'infidélité me fait vomir; je prends un soin jaloux de mon visage et de mes cheveux alors que Simone se négligeait à ce point qu'elle a trouvé une dent, perdue neuf mois plus tôt dans un accident de vélo en Espagne, incrustée dans un furoncle qui lui poussait sur le menton ! Pas de blague ! Elle fait le récit de cet horrible incident à la toute fin de La force de l'âge... Mise côte à côte, nous aurions la même valeur que le duo mis en scène dans L'emmerdeur, version féminine, toutefois.

Malgré tout, sa voix m'est devenue tellement naturelle et proche que la lecture de ses livres me donne souvent l'impression de me livrer à de véritables entretiens avec elle, si bien qu'il n'est pas rare de me voir tenir, au cours de discussions enflammées avec Chéri, des propos totalement schyzophrènes du genre: "Ah oui, cette chose ! Ahaha... Simone m'en parlait justement ...". C'est même devenu assez problématique parce que je n'ai pas assez de retenue en société pour éviter ces commentaires. Ainsi donc, dans un cours sur les récits de soi: "Oui, mais ce que je sais de Michel Leiris, c'est Simone qui me l'a dit, ce dont parle Philippe Lejeune, ça me dit que dalle à son propos...".

J'ai l'impression que notre voyage sur la côte est risque d'être assez éprouvant pour Chéri, qui risque de m'entendre dire plus souvent qu'à mon tour: "Oui, oui, Simone m'avait bien dit qu'il fallait passer ici ... !".

Bon, allez, je retourne mettre ma camisole.

vendredi 18 juillet 2008

Méditations sur un terrain vague

Il fait chaud et la chaleur me rend la vie insupportable, et insupportable moi-même par transfert. Je me suis levée du mauvais pied, congestionnée du nez et de la colonne vertébrale, seule par-dessus le marché. J'ai décidé de me payer un long avant-midi de flâneries. Dans mon langage fortement teinté d'influences sartriennes, j'appelle ça prendre congé de mon existence. C'est ce que j'ai fait doucement, à mon rythme, après avoir épluché les Internets en écoutant Des kiwis et des hommes. Pas de blagues: je suis tombée sur Boucar Diouf qui parlait de l'importance de LS Senghor dans la nationalisation de l'éducation primaire au Sénégal et je me suis sentie interpellée. J'ai cessé d'être attentive au bout d'environ 23 secondes, mais un fait demeure, j'ai écouté Des kiwis et des hommes ce matin, et Des kiwis et des hommes m'a presque parlé de littérature.

Je suis partie déjeuner (petit caprice qu'on s'offre à deux mais que je ne dédaigne pas à l'occasion (lire: c'est arrivé deux fois dans la dernière année) en solo) et j'en ai profité pour faire des achats dans les deux endroits au monde où je préfère dépenser mon argent: l'épicerie et la librairie. Je cherchais Walden; or Life in the Woods de Henry David Thoreau mais, parce que c'est la mode maintenant de cultiver la médiocrité littéraire, je n'ai trouvé qu'un extrait ("Je vivais dans les bois") publié en Folio 2E, chez Renaud-Bray comme chez Olivieri. Je ne me suis pas laissée abattre: j'ai commandé l'intégral publié chez l'Imaginaire et je compte m'en délecter d'ici peu.

Cette manie qu'ont les éditeurs de charcuter les textes célèbres a le don de m'irriter. Je me rappelle le désarroi que j'ai ressenti quand j'ai vu l'édition Classique Le livre de poche de Du côté de chez Swann dépouillé de Combray et de Nom de pays: le Nom (je conviens que cette dernière partie est peut-être la plus n'importe quoi de toute la Recherche, mais tout de même...). C'est une drôle de manière d'envisager la littérature: je veux bien croire qu'Un amour de Swann est la façon la plus accessible d'aborder l'oeuvre de Proust, mais il me semble qu'on n'apprend pas aux lecteurs la valeur d'une oeuvre en leur enlevant le libre exercice de choisir, d'apprécier ou de détester. En éditant ainsi certaines partie de chef d'oeuvres comme un tout unique, on détruit une bonne partie du plaisir de la réception d'un livre et de l'exercice critique de la lecture. Pire: on entre dans le jeu de la culture de la consommation de la culture. On donne des munitions aux gens qui font de la culture un construit.

Et ça, ça m'énerve. Tellement, que quand je suis tombée sur une pile de livres qui traînaient, dans un coin du rayon Philosophie de chez Olivieri, je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir la réincarnation de deux personnages de ma connaissance que j'ai finalement réussi (avec bonheur) à éliminer de ma vie. Toutefois, la personne qui achète, d'un même souffle, les deux tomes de la Phénoménologie de l'esprit, L'Enracinement de Simone Weil, L'être et le néant, Le Gai Savoir et Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps de Husserl est une personne qui a une drôle de façon de maçonner son savoir philosophique. Une façon convenue. Une façon convenue, qui transpire la pédanterie et l'idéalisme hautain. Disons.

Par la bande, je déteste le nouvel aménagement de la librairie Renaud-Bray Côte-des-Neiges. Ils n'ont pas pensé aux gens minuscules en faisant les nouveaux rayons ! Une personne normale doit se mettre sur la pointe des pieds pour atteindre la tablette du haut, moi, c'est avec les DEUX dernières tablettes que j'ai de la misère... Je veux dire, je dois me livrer à de drôles de contorsions pour aller chercher les Faulkner tout en haut, et un livre sur deux me tombe dessus sans que je ne sois capable de le replacer. Je pense que même les librairies devraient se familiariser avec le concept de user friendly. Je me demande ce qui me déplaît le plus entre cette librairie pour géants et l'élitisme affecté que dégage Olivieri (qui ont pourtant un inventaire littéraire plus que déplorable, même si leurs sections philo et socio sont bien garnies). Mine de rien, ça me fait plaisir de détester les endroits où je vais magasiner. Ça me donne des sujets de conversations.

Bilan de la journée: Sanctuaire de Faulkner, le Magasine Littéraire de janvier, sur Simone de Beauvoir, Le coeur à rire et à pleurer de Maryse Condé, Promenades Anglaises de Christine Jordis et 42ième Parallèle, le premier tome de U.S.A. de John Dos Passos. Une américanite aiguë qui se conforte dans la fréquentation assidue de L'Amérique au jour le jour, le journal de Simone de Beauvoir en voyage aux États-Unis. Je compte le finir aujourd'hui et en livrer mes impressions plus tard.

Et pour les curieux, je remplirai la panse de mon bel homme blanc avec des crevettes géantes grillées à la pancetta, des fettucine alfredo et un mesclun arrosé d'une dijonnaise aux herbes fraîches. Faire le marché, c'est bien.

mercredi 21 novembre 2007

Et cela a été à en mourir...

J’ouvre le livre et il craque. Jaune, vieux, taché, plié : ce n’est pas le mien, il ne pourra jamais le devenir puisqu’il porte le nom de son précédent propriétaire : Christine. Je devrai m’y faire pour encore un an ou deux : les éditions de Minuit ne sont pas à la portée de mon portefeuille. Peu importe : le livre porte un parfum épicé, comme une histoire d’amour, ce qui me semble tout à fait propos – mais je ne le sais pas encore parce que je n’ai jamais lu le livre et je n’en ai même pas entendu parlé (ce qui est curieux dans la mesure où il s’agit d’un succès mondial). J’aurais du m’en douter : le livre porte pour titre L’amant, comme une évidence, un incontournable. Je n’ai pas fait le lien. Il y a des jours où je ne suis vraiment pas vite.

C’est dur d’expliquer ce que ça sent, un livre usagé, mais tout le monde le sait. J’ai un fétiche : ma vieille (vieille) copie de L’envers et l’endroit, qui sent fort comme un homme après l’amour. L’amant ne rivalise pas, mais je reconnais le bonheur qui me pique le nez, et la poussière qui flotte dans son ventre. J’ai fini par l’ouvrir après l’avoir contemplé. J’étais vraiment réticente : j’ai eu une mauvaise expérience avec India Song, je me suis sentie flouée par la grande dame de la littérature. J’avais l’impression de tourner en rond, de perdre mon temps, d’arriver dans une histoire déjà écrite depuis longtemps dont tout le monde était au courant du dénouement sauf moi.

Je me suis trompée. Je dois avouer d’emblée que je me suis trompée. Marguerite Duras écrit cette fois tout en légèreté, en douceur, en intervalles et en silences. J’ai l’impression d’avoir tout l’espace qu’il me faut pour respirer et digérer le récit qui fait appel à mon imaginaire visuel avant de faire tilter mon sens littéraire critique : je me sens créative – c’est une expérience qui se rapproche de l’intermédialité. Il y a beaucoup de temps dans le livre de Duras : le temps de l’Indochine cohabite avec le temps de la vieillesse, et tout l’espace-temps entre eux deux se déclinent comme une douce présence dont on a seulement tracé les contours. J’ai l’impression d’avoir fait un pas en arrière et d’avoir pu saisir Duras d’un coup d’œil. Je suis jalouse.

Je suis jalouse aussi de la belle histoire d’amour, trop jeune pour vivre la sensualité du désir, de l’amour, et le vivre quand même, avec la tranquillité détachée de l’évanescent. Jalouse des mots qui ont l’air d’avoir suivi le cours du Mékong pendant des années, pour se retrouver exactement au bon endroit sur la page blanche qui trône sur la table de travail de Duras. Les images puissantes aussi, que j’ai assimilé jusque dans ma critique : le cours des jours, le fleuve à l’arrachée, les torrents, le barrage. Et la mère. La mère comme un cri, comme une douleur.

Le roman de Duras est sensitif, sensuel. Elle le porte à bout de bras avec les souvenirs de ses sens adolescents : l’odeur d’Indochine, le parfum que je pense d’abord en vanille et en citronnelle, épicé, avec un cœur de boue et de moisissure. L’odeur, et l’éclat diaphane de la jeune femme blanche, qui se dit prostituée sans-gêne, sur le bac. L’aspect lumineux et transparent de l’Indochine, qui donne au récit la légèreté et la lenteur qui le rendent si attrayant.

Une phrase peut-être. Une seule : « Une détresse à peine ressentie se produit tout à coup, une fatigue, la lumière sur le fleuve qui se ternie, mais à peine. Une surdité légère, un brouillard, partout. ». Ou un autre : « Je lui avais demandé de le faire encore et encore. De me faire ça. Il l’avait fait. Il l’avait fait dans l’onctuosité du sang. Et cela en effet avait été à mourir. Et cela a été à en mourir. ».

mardi 20 novembre 2007

En guise d'introduction...

Je passe tellement de temps à me dire que je veux écrire et à ne pas y arriver que je me demande si je ne devrais pas tout simplement me résoudre à ne pas le faire pour tout dire. Tout dire, ce pourrait être comme décliner l’ensemble de ma substance, les thèmes, les mots, les lettres, les plis, les crevasses, les soucis jusqu’au bout des ongles.

Ou ne rien dire.

Cela m’importe peu, il me semble que je n’ai jamais assez de voix. Il me semble que les mots finissent toujours par me filer entre les doigts. Je m’épuise à m’expliquer; je craque de partout. Je fendille. Ce que j’aimerais plus que tout, c’est que quelqu’un me pointe du doigt et trouve trois mots pour tout comprendre.

Tout comprendre de moi. Comme si j’étais un personnage et que tout ce que je faisais n’était pas plus important que ça.

Le rapport pervers que j’entretiens avec la littérature me vient de l’idée que toute la substance du monde est contenue dans un bloc dense, un peu plus épais de ce côté là, où s’accumulent les connaissances. J’ai cherché, mais c’est vrai qu’il n’existe aucun point de vue qui permette d’avoir un regard d’ensemble. Depuis, je suis submergée à l’intérieur : j’avale tout, et je décline ensuite : les mots, les sens, les sons, les textures, les images, les évocations, les dénotations, les connotations… Et ça s’alourdit avec le temps : les mots, les sens, les images, les sociolectes, la diégétique, le dialogisme, la pragmatique, le structuralisme, l’arc herméneutique du grand déploiement des sens qui se croisent et se décroisent… Et ainsi de suite.

Je suis tout de même amoureuse.

Je veux dire qu’en plus d’arriver à être vraiment amoureuse, pour vrai, dans toutes mes vies de tous les jours, avec chacun de mes amoureux, j’arrive toujours à aimer, à découvrir de nouveaux mots, de nouveaux livres. Je souffre de plus en plus du manque de certitudes; mais celle-ci demeure; je veux dire, celle qui dit que je trouverai toujours la littérature réconfortante. Je dis : la littérature, mais il me semble que l’expression humaine se rapprocherait plus de la réalité. La littérature, la peinture, l’architecture, la sculpture, la danse… Il me semble que je suis en train de mettre tout ce qu’il faut en place pour devenir une snob du plateau.

Heureusement pour moi, pour mon porte-feuille, j’habite toujours Côte-des-Neiges. Le quartier drabe de la désintoxication culturelle. Ici, il y a deux types de gens : les étudiants, et les autres. Nous sommes presque tous pauvres. Grand bien nous fasse.

Et j’ai vraiment envie de boire du thé vert.

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