Sourate 2 Al-Baqarah Ibn Kathîr

" Très certainement Nous avons fait descendre vers toi des versets parfaitement clairs. Et seuls les pervers n'y croient pas. Faudrait-il chaque fois qu'ils concluent un pacte, qu'une partie d'entre eux le dénonce ?

C'est que plutôt la plupart d'entre eux ne sont pas croyants. Quand leur vint d'Allah un Messager confirmant ce qu'il y avait déjà avec eux, certains à qui le Livre avait été donné, rejetèrent derrière leur dos le Livre d'Allah comme s'ils ne savaient pas !

Ils suivirent ce que les diables racontent contre le règne de Salomon. Alors que Salomon n'a jamais été négateur mais bien les diables : ils enseignent aux gens la magie ainsi que ce qui a été révélé aux deux anges Hârût et Mârût, à Babylone ; mais ceux-ci n'enseignaient rien à personne, qu'ils n'aient dit d'abord : " Nous ne sommes rien qu'une tentation : ne sois pas négateur " ; ils apprennent auprès d'eux ce qui sème la désunion entre l'homme et son épouse.

Or ils ne peuvent nuire à personne sans la permission d'Allah. Et les gens apprennent ce qui leur nuit et ne leur est pas profitable. Et ils savent, très certainement, que celui qui acquiert [ce pouvoir] n'aura aucune part dans l'Au-delà.

Certes, quelle détestable marchandise pour laquelle ils ont vendu leurs âmes !

Si seulement ils savaient !

Et s'ils croyaient et vivaient en piété, une récompense de la part d'Allah serait certes meilleure.

Si seulement ils savaient !

(Coran 2:99-103)

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Très certainement Nous avons fait descendre vers toi des versets parfaitement clairs. L'imam Abû Ja'far Ibn Jarîr explique cette phrase comme suit :

" Nous t'avons révélé, ô Muhammad, des signes clairs et nets indiquant ta prophétie. Ce sont ces indications contenues dans le Livre d'Allah et qui réfèrent aux sciences occultes des Juifs, à la vie des premiers fils d'Israël. De telles indications jettent aussi la lumière sur les contenus de leurs écritures, que seuls les rabbins et les érudits parmi eux connaissaient, ainsi que sur les dispositions légales énoncés dans la Thora, et qui furent dénaturées, altérées par leurs prédécesseurs autant que leurs successeurs. Aussi, le Livre révélé à Muhammad (Salla Allah 'alayhi wa sallam), en élucidant ces données et ces récits, expose t-il nombre de signes probants pour les esprits équitables et raisonnables, qui savent se préserver de la jalousie et l'animosité menant à l'égarement et la perdition. Car en vertu de la nature innée dont tout un chacun est doté, le plus sensé serait d'ajouter foi à des enseignements aussi édifiants que ceux de Muhammad (Salla Allah 'alayhi wa sallam), et de croire aux signes probants qu'il a exposés, signes qu'il n'a appris d'aucun humain ".

C'est que plutôt la plupart d'entre eux ne sont pas croyants. Al Hasan Basrî a dit :

" Il n'est point sur terre de pacte qu'ils concluent qu'ils ne violent aussitôt ; donnent-il aujourd'hui leur parole qu'ils la violent le lendemain ".

Nous disons, ces gens ont été stigmatisés par Allah pour avoir violé à maintes reprises les engagements qu'ils avaient pris et que le Très Haut leur avait pourtant enjoint de respecter consciencieusement. Et à ce titre, on leur rappellera leur attitude impie vis à vis du Messager qui leur a été envoyé, ainsi qu'à l'ensemble des humains, alors qu'il est décrit explicitement dans leurs Ecritures, où ses caractéristiques sont spécifiées avec force détails. Ce Prophète, c'est celui qu'ils ont été enjoints de suivre et à qui ils devaient manifester leur soutien. Qu'on en juge par ce verset :

" Ceux qui suivent le Messager, le Prophète illettré qu'ils trouvent mentionné chez eux dans la Thora et l'Evangile ".

(Coran 7:157)

Quand leur vint d'Allah un messager confirmant ce qu'il y avait déjà avec eux. Un groupe d'entre eux rejeta le Livre d'Allah qu'ils avaient entre les mains, en particulier ses enseignements annonçant l'avènement de Muhammad (Salla Allah 'alayhi wa sallam). Ils le négligèrent comme s'ils n'en savaient rien et s'adonnèrent à l'apprentissage  et la pratique de la magie.

Pour se débarrasser du Messager d'Allah (Salla Allah 'alayhi wa sallam), ils cherchèrent par maints stratagèmes, à l'ensorceler et l'empoisonner, en usant du peigne, du spadice desséché près du puits dit Dharwân.

Ce fut un nommé Labîd Ibn Al-Asâm [qu'Allah le maudisse] qui s'attela à ces vilaines tâches. Mais le Très Haut protégea Son Messager contre ces complots abjects, tantôt en le prévenant, tantôt en le guérissant, comme en témoignent les hadiths d'Aïcha, la mère des croyants (qu'Allah soit satisfait d'elle).

Comme s'ils ne savaient pas ! D'après Qatâda, ces gens savaient de quoi il en retournait, mais ils renièrent leur science et cachèrent délibérément la vérité.

Ibn Abbâs (qu'Allah l'agrée) quant à lui, affirme :

" Asaf, qui était le scribe de Salomon, connaissait le Nom Suprême ; il écrivait toute chose sur injonction de son maître et dissimulait ses papiers sous sa chaise. Or, après la mort de Salomon, les diables sortirent ces documents afin de les dénaturer, y ajoutant entre les lignes des propos relevant de la mécréance et de la magie. Et ces diables de prétendre : " Voici ce avec quoi Salomon travaillait ".

Aussi, poursuit Ibn Abbâs, les illettrés et les ignares parmi les gens en vinrent-ils à invectiver Salomon (paix sur lui), à le traiter d'anathème. Les doctes ne bronchèrent point devant ces attaques et ces calomnies. Si bien qu'Allah révéla à Muhammad (Salla Allah 'alayhi wa sallam) le verset : " Et ils suivirent ce que les diables, racontent contre le règne de Salomon. Alors que Salomon n'a jamais été négateur, mais bien les diables ".

(Texte rapporté par Ibn Abî Hâtim dans le Tafsîr 988)

Ibn Abbâs (qu'Allah l'agrée) affirme ailleurs :

" Lorsque Salomon (paix sur lui) avait envie de se retirer dans les lieux d'aisances ou de coucher avec l'une de ses épouses, il donnait sa bague à son épouse Al-Jarâda.

Or, lorsque Allah voulut soumettre Salomon à l'épreuve, celui-ci fit remettre un jour cette bague à Al-Jarâda.

Le diable déguisé sous les traits de Salomon, vint vers elle et lui demanda : " Donne moi ma bague ". Il prit alors la bague qu'elle lui avait donnée et la mit à son doigt.

Aussitôt, tous les diables humains et djinns confondus, se trouvèrent sous l'emprise de ce diable.

Lorsque Salomon vint chercher sa bague auprès de son épouse, celle-ci lui répliqua : " Tu es un menteur, tu n'es pas Salomon ! " Salomon comprit alors que c'était là une épreuve qu'il subissait, un malheur qui s'abattait sur lui. Les diables se mirent immédiatement à écrire des livres pleins de magie, de sorcellerie et d'impiété. Ils enfouirent ces écritures sous le trône de Salomon, puis les sortirent et commencèrent à les lire aux gens, en proclamant que c'était de ces livres que Salomon usait pour dominer et régner parmi les gens.

Conséquence, la foule ne tarda pas à désavouer Salomon, le déclarant anathème. D'où la parole divine révélée à Muhammad (Salla Allah 'alayhi wa sallam) quand il fut envoyé en tant que Prophète : " Alors que Salomon n'a jamais été négateur, mais bien les diables ".

(Texte rapporté par At-Tabarî 1660)

Ils suivirent ce que les diables racontent contre le règne de Salomon . Les Juifs, gens du Livre qui avaient rejeté le Livre d'Allah qu'ils avaient entre les mains et s'opposèrent à Muhammad (Salla Allah 'alayhi wa sallam), suivirent et approuvèrent les récits et les relations faits par les diables à propos de Salomon. La locution employée ici, avec la préposition 'alâ accompagnent le verbe tatlû [raconter], dénote mensonge et affabulation.

Al-Hasan Basrî commente :

" La magie existait avant l'époque de Salomon, fils de David ; c'est là une vérité incontestable. Car magiciens et sorciers existaient déjà au temps de Moïse, qui est antérieur à l'époque de Salomon. Le Très Haut a dit en effet : " N'as-tu pas vu les grands parmi les fils d'Israël ? ". Puis le récit se poursuit en ces termes : " Et David tua Goliath, et Allah lui donna la royauté et la sagesse ". De même, le peule de Sâlih, qui avait vécu avant l'époque deAbrâham disait à son prophète Sâlih : " Rien d'autre : tu es du nombre des ensorcelés ! ", c'est à dire acceptation communément admise : du nombre de ceux qui ont subi un enchantement ".

Ils enseignent aux gens la magie ainsi que ce qui a été révélé aux deux anges Hârût et Mârût, à Babylone ; mais ceux-ci n'enseignaient rien à personne, qu'ils n'aient dit d'abord : " Nous ne sommes rien qu'une tentation : ne sois pas négateur " ; ils apprennent auprès d'eux ce qui sème la désunion entre l'homme et son épouse. Il y a divergence sur ce verset. Les uns estiment que la particule mâ figurant au début de la phrase : wa mâ unzila 'alâ al-malakayn, est négative.

Al-Qurtubî a dit :

" La particule mâ est négative, la phrase étant coordonnée à la négation précédente : " Salomon n'a jamais été négateur ". Après quoi on lit : " mais bien les diables : ils enseignent aux gens la magie ainsi que ce qui a été révélé aux deux anges ". Les Juifs prétendaient que c'étaient Gabril et Mikâ'îl qui enseignaient la magie ; Allah démentit alors leurs allégations en citant nommément Hârût et Mârût au lieu des diables ".

Cela est juste, poursuit Al-Qurtubî, soit dans la mesure où le pluriel peut être utilisé pour exprimer le duel, comme dans le verset : " Mais s'il a des frères " ; soit parce que les deux avaient des partisans ; soit encore parce qu'ils ont été mentionnés en particulier parmi ce groupe en raison de leur insoumission.

L'interprétation de cette phrase serait alors comme suit : " Hârût et Mârût enseignèrent aux gens la magie à Babylone ".

Pareille lecture nous semble la plus vraisemblable, conclut Al-Qurtubî, qui juge dénuées de fondement les autres interprétations ".