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Date de création : 07.08.2009
Dernière mise à jour :
05.06.2011
15 articles
Mgr CAILLOT, évêque de Grenoble, dont dépendait le couvent de Vénissieux à l'époque, a ordonné qu'une enquête soit réalisée notamment par deux frères jésuites. Cette enquête a duré dix ans.
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Évêque de Grenoble, à la suite du Rapport établi pendant l'enquête canonique, faite au sujet de Mère Eugénie Élisabeth Ravasio.
Dix années se sont écoulées depuis que, comme Évêque de Grenoble, j'ai décidé l'ouverture d'une enquête, sur le cas de la Mère Eugénie. Je possède maintenant des éléments suffisants pour apporter à l'Église, mon témoignage d'Évêque.
1° Une première certitude se dégage en pleine clarté de l'enquête.
Celle des vertus solides de Mère Eugénie. Dès le début de sa vie religieuse, la Sœur avait attiré l'attention de ses Supérieures, par sa piété, son obéissance, son humilité. Les Supérieures déroutées par le caractère extraordinaire des faits qui s'étaient produits pendant le noviciat de la Sœur, étaient décidées à ne pas la garder au couvent. Elles hésitaient et durent renoncer à leur projet, devant la vie exemplaire de la Sœur Tout le long de l'enquête, Sœur Eugénie fit preuve d'une grande patience et d'une docilité parfaite, - en se soumettant à tous les examens médicaux sans se plaindre, - en répondant aux interrogatoires, souvent longs et pénibles, des commissions théologiques et médicales, - en acceptant les contradictions et les épreuves. Tous les enquêteurs ont loué surtout, sa simplicité. Plusieurs circonstances ont permis aussi, de découvrir que la Sœur était capable de pratiquer la vertu à un degré héroïque, au témoignage des théologiens, notamment l'obéissance dans l'enquête du Révérend Père Auguste VALENCIN, en juin 1934, et l'humilité dans la douloureuse journée du 20 décembre 1934. Dans ses fonctions de Supérieure générale, je puis attester que je l'ai trouvé très appliquée à son devoir d'état, se donnant à sa tâche, qui devait cependant lui paraître d'autant plus difficile qu'elle n'y était pas préparée, avec un grand amour des âmes, de sa Congrégation et de l'Église. Ceux qui la voient vivre de près sont frappés, comme je le suis moi-même, de sa force d'âme au milieu des difficultés. Ce ne sont pas seulement les vertus qui m'impressionnent, ce sont les qualités que la Mère révèle dans l'exercice de l'autorité qu'une religieuse, peu instruite, en arrive à occuper la plus haute fonction de sa Congrégation! Il y a là, déjà quelque chose d'extraordinaire, et, de ce point de vue, l'enquête faite par mon Vicaire Général Mgr GUERRY - le jour de l'élection - est fort suggestive. Les réponses des capitulantes, toutes, supérieures et déléguées des diverses missions, ont montré qu'elles choisissaient Mère Eugénie comme Supérieure générale, malgré son jeune âge et les obstacles canoniques qui devaient écarter normalement l'idée de sa nomination, en raison de ses qualités de jugement, d'équilibre, d'énergie et de fermeté. La réalité semble bien avoir dépassé l'espérance que les électrices mettaient en celle qu'elle choisissaient. Ce que j'ai le plus remarqué chez elle, c'est d'abord, son intelligence claire, vive, pénétrante. J'ai dit que son instruction avait été déficiente, d'ailleurs, pour des raisons extérieures indépendantes d'elle-même: la maladie prolongée de sa mère, l'avait obligée à prendre, très jeune, les soucis du ménage et, à manquer la classe très souvent. Puis, se furent, et jusqu'à son entrée au couvent, les rudes années de la vie à l'usine, comme ouvrière tisseuse. Malgré ces lacunes premières, dont les conséquences se font évidemment sentir dans sa composition et l'orthographe, Mère Eugénie fait à sa Communauté de nombreuses conférences. Elle a rédigé elle-même notamment, ses circulaires à sa Congrégation et, les contrats conclus avec les municipalités ou les Conseils d'administration, pour les Établissements hospitaliers confiés aux Sœurs de Notre-Dame des Apôtres. Elle a composé un long directoire . Elle voit clair et juste dans une situation, comme dans un cas de conscience. Ses directions sont nettes, précises, particulièrement pratiques. Elle connaît particulièrement chacune de ses mille quatre cents filles, avec leurs aptitudes et leurs vertus, et est ainsi capable pour les nominations aux différents postes, de choisir celles qui sont les plus qualifiées. Elle a également une connaissance exacte, personnelle, des besoins, des ressources de sa Congrégation, de la situation de chaque maison. Elle a fait la visite de toutes ses missions. Nous voulons noter aussi son esprit de prévoyance. Elle a pris toutes les dispositions nécessaires pour que, dans l'avenir, chaque établissement hospitalier ou scolaire ait les Sœurs diplômées dont il aura besoin pour vivre et se développer. Il me paraît tout spécialement intéressant enfin, de faire remarquer que Mère Eugénie semble douée d'un esprit de décision, du sens du réel et d'une volonté réalisatrice. En six ans elle a fait soixante sept fondations et elle a su apporter bien des améliorations utiles dans la Congrégation. Si je révèle ses qualités d'intelligence, de jugement, de volonté, ses aptitudes de gouvernement, c'est parce qu'elles me paraissent écarter définitivement toutes ces hypothèses qu'il a bien fallu envisager à un moment au cours de l'enquête, mais qui étaient impuissantes à donner l'explication satisfaisante: hypothèses d'hallucinations, d'illusions, de médiumnité, d'hystérie, de délire. La vie de la Mère est une constante démonstration de son équilibre mental et général, et, cet équilibre semble même à des regards observateurs, être la note dominante de sa personnalité. Les autres hypothèses de suggestibilité, de maniabilité, qui avaient poussé les enquêteurs à se demander s'ils n'étaient pas en présence d'une nature très impressionnable, véritable miroir à facettes subissant toutes les influences et les suggestions, ont été également réfutées par la réalité quotidienne. Mère Eugénie, bien que douée d'une nature sensible et d'un tempérament émotif, a prouvé qu'elle ne faisait pas acception des personnes et que, bien loin de se laisser influencer par les considérations humaines, elle savait marquer ses projets, son activité, ses réalisations et s'imposer aux autres par son rayonnement personnel. Un simple fait en dira plus long que toutes les appréciations: au lendemain de son élection comme Supérieure Générale, elle dut procéder à des élections de Supérieures, or, elle n'hésita pas à remplacer une de celles qui venaient de voter pour elle: en débarquant en Égypte, cette Supérieure locale apprit son changement, notifié par avion.
2°) Sur l'objet de la Mission
L'objet de la Mission qui aurait été confié à Mère Eugénie, est précis et, du point de vue doctrinal, me paraît légitime et opportun. Objet précis: faire connaître et honorer le Père, notamment par l'institution d'une fête spéciale, demandée à l'Église. L'enquête a établi qu'une fête liturgique en l'honneur du Père, serait bien dans la ligne de tout le culte catholique, conforme au mouvement traditionnel de la prière catholique, qui est une ascension vers le Père, par le Fils, dans l'Esprit, comme le prouvent les oraisons de la Messe et l'oblation liturgique au Père dans le Saint Sacrifice. D'autre part, cependant, c'est un fait qu'il n'existe aucune fête spéciale en l'honneur du Père; la Trinité est honorée comme telle, le Verbe et l'Esprit-Saint sont honorés dans leur mission et leurs manifestations extérieures, seul le Père n'a pas une fête propre, qui attirerait l'attention du peuple chrétien sur sa Personne. Faut-il attribuer à cette absence d'une fête liturgique en Son honneur ce fait, qu'une enquête assez étendue auprès de nombreux fidèles a révélé, dans les diverses classes de la société et, même auprès de nombreux prêtres et religieux: « Le Père n'est pas connu, on ne le prie pas, on ne pense pas à Lui ». L'enquêteur découvre même avec stupeur, qu'un grand nombre de chrétiens se détournent du Père, parce qu'ils voient en Lui, un Juge terrible. Ils préfèrent s'adresser à l'humanité du Christ et, combien demandent à Jésus de les protéger contre la colère du Père! Une fête spéciale, aurait donc comme premier effet de rétablir l'ordre dans la piété de beaucoup de chrétiens et, de les ramener à la consigne du Divin Sauveur: « Tout ce que vous demandez au Père, en mon nom... » et ensuite: « Désormais, vous prierez ainsi: Notre Père... ». Une fête liturgique en l'honneur du Père aurait également pour effet, d'élever le regard vers Celui que l'Apôtre Saint Jacques appelait: « Le Père des Lumières de qui nous viennent tous les dons ... ». Elle habituerait les âmes à considérer la Bonté Divine les bienfaits de Dieu Trinité et que c'est par sa nature divine, commune aux Trois Personnes, que Dieu répand sur le monde les trésors inépuisables de sa Miséricorde Infinie. Il semblerait donc, au premier abord, qu'il n'y ait aucune raison spéciale d'honorer le Père en particulier, pourtant, n'est-ce pas le Père qui a envoyé Son fils dans le monde? et, s'il est souverainement juste de rendre un culte au Fils et à l'Esprit, pour leurs manifestations extérieures, ne serait-il point juste et équitable, de rendre grâces à Dieu le Père, comme le demandent les préfaces de la Messe, pour le Don qu'Il nous a fait de son Fils. L'objet propre de cette fête spéciale se dégage ainsi nettement: Honorer le Père, Le remercier, Le louer, pour nous avoir donné Son Fils; en un mot, comme le dit exactement le Message: comme Auteur de la Rédemption. - Rendre grâces à Celui qui a tant aimé le monde, qu'Il lui a donné Son Fils Unique, pour que tous les hommes, rassemblés dans le Corps Mystique du Christ, récapitulent ce Fils, deviennent fils en Lui. A l'heure où le monde égaré par les doctrines du laïcisme, de l'athéisme et des philosophies modernes ne connaît plus Dieu, le vrai Dieu, cette fête ne ferait-elle pas connaître à beaucoup le Père vivant que Jésus nous a révélé, le Père de miséricorde et de bonté? Ne contribuerait-elle pas à accroître le nombre de ces adorateurs du Père "en esprit et en vérité" que Jésus a annoncés? A l'heure où le monde déchiré par des guerres meurtrières va éprouver le besoin de chercher un principe solide d'union, pour un rapprochement entre les peuples, cette fête n'apporterait-elle pas une grande lumière, en apprenant aux hommes, qu'ils ont tous au Ciel le même Père: Celui que Jésus leur a donné et vers qui Il les entraîne, comme membres de son Corps mystique, dans l'unité du même Esprit d'Amour! A l'heure où tant d'âmes épuisées ou lassées par les épreuves de la guerre, pourraient être avides de se tourner vers une vie intérieure profonde, cette fête n'est-elle pas capable de les appeler "au dedans" pour adorer le Père qui est dans le secret et pour se livrer en une oblation filiale et généreuse au Père, Source unique de la Vie de la Trinité Sainte en elle? Une telle fête, ne conserverait-elle pas le beau mouvement de vie surnaturelle qui entraîne logiquement les âmes, autour de l'enfance spirituelle et de la vie filiale vers le Père, par la confiance, L'abandon à la Volonté Divine, I'esprit de foi? Par ailleurs, distinct de cette question d'une fête spéciale et quelle que soit la décision de l'Église sur ce point, il y a un problème de doctrine qui se pose. D'éminents théologiens estiment que la doctrine des rapports de l'âme avec la Trinité Sainte demande à être approfondie et qu'elle pourrait être pour les âmes, une source de lumière sur la vie en société avec le Père et le Fils, dont parle S. Jean, sur la participation à la vie de Jésus, Fils du Père, par une commune disposition du Christ, intime de son Cœur Sacré, notamment à sa charité filiale pour son Père. Quoiqu'il en soit de ces problèmes théologiques, ce que je veux souligner ici, c'est ce fait: qu'une pauvre ignorante en théologie déclare, avoir des communications divines, qui pourraient bien être riches de doctrine. Les constructions imaginaires d'une visionnaire, sont pauvres, stériles, incohérentes. Par contre, le Message que la Mère Eugénie dit lui avoir été confié par le Père, est fécond, - avec un mélange harmonieux de deux caractères qui le rend plus sûr: d'une part, il se présente comme traditionnel dans l'Église, sans un aspect de nouveauté, qui pourrait le faire taxer de suspect, car, il répète sans cesse, que tout a été dit déjà, par la Révélation du Christ sur Son Père, et que tout est dans l'Évangile. Mais, d'autre part, il déclare que cette grande Vérité, sur la connaissance du Père, demande à être repensée, approfondie, vécue. La disproportion, entre la faiblesse de l'instrument incapable par lui-même de découvrir une doctrine de cette nature, et la profondeur du Message que la Sœur apporte, ne laisse-telle pas entrevoir, qu'une autre cause supérieure, surnaturelle, divine, est intervenue pour lui confier ce Message? Je ne vois pas comment, humainement, on pourrait expliquer la découverte, par la Sœur, d'une idée dont les enquêteurs théologiens n'ont entrevu que peu à peu l'originalité et la fécondité. Un autre fait me semble également très suggestif: lorsque la Sœur Eugénie a annoncé qu'elle avait eu des apparitions du Père, les enquêteurs théologiens lui ont répliqué que les apparitions du Père étaient en elles-mêmes impossibles, qu'elles ne s'étaient d'ailleurs jamais produites dans l'histoire, - à ces objections, la Sœur a résisté, déclarant simplement: "Le Père m'a dit de décrire ce que je voyais. Il demande à ses fils théologiens de chercher. " La Sœur n'a jamais varié dans ses explications, elle a maintenu ses affirmations pendant de longs mois. Or, ce n'est qu'en janvier 1934, que les théologiens découvrirent, dans Saint Thomas d'Aquin lui-même, la réponse à l'objection qu'ils se faisaient. La réponse du grand docteur, sur la distinction entre l'apparition et la mission fut lumineuse. Elle leva l'obstacle qui paralysait toute l'enquête. Contre de savants théologiens, la petite ignorante avait eu raison. Comment là encore expliquer humainement la lumière, la sagesse, la persévérance de la Sœur? Une fausse visionnaire aurait cherché à s'adapter aux explications des théologiens. La Sœur a tenu bon; Voilà de nouvelles raisons pour lesquelles son témoignage nous paraît digne d'être appuyé avec confiance. En tout cas, ce qui me paraît digne de remarque c'est cette attitude de réserve prise et indiquée à l'égard du merveilleux. Tandis que de fausses mystiques font passer au 1er plan ou même ne voient que les choses extraordinaires. Celles-ci sont, dans le cas de la Sœur, reléguées au 2éme plan, à titre de preuves et de moyens. Il y a une absence d'exaltation, un équilibre des valeurs qui font bonne impression. De l'enquête des théologiens je ne dirai que peu de choses. Les Révérends Pères Albert et Auguste Valencin sont estimés pour leur autorité philosophique et théologique, pour leur connaissance de la vie spirituelle aussi. Ils avaient dû intervenir déjà en d'autres circonstances pour des faits du genre de ceux qui étaient soumis, cette fois, à leur examen. Nous savons qu'ils l'avaient fait avec beaucoup de prudence. Ce sont ces raisons qui les avaient désignés à notre choix. Nous leur sommes reconnaissant pour une collaboration qui fut dévouée et vraiment consciencieuse. Leur témoignage en faveur de la Sœur et en faveur d'une explication surnaturelle des faits dans leur ensemble a d'autant plus de valeur qu'ils sont demeurés longtemps, d'abord hostiles et sceptiques, puis hésitants. Ils ont été gagnés peu à peu après avoir soulevé toutes sortes d'objections et imposé à la Sœur de rudes épreuves.
CONCLUSIONS :
En mon âme et conscience avec le sentiment très vif de ma responsabilité devant l'Église, je déclare: Que l'intervention surnaturelle et divine me paraît seule capable de donner de l'ensemble des faits une explication logique et satisfaisante. Dégagé de tout ce qui l'entoure, ce fait essentiel m'apparaît plein de noblesse, d'élévation, de fécondité surnaturelle. Une humble religieuse a rappelé les âmes au vrai culte du Père, tel que Jésus l'a enseigné et tel que l'Église l'a fixé dans sa liturgie. Il n'y a là rien de troublant, rien que de très pur et conforme à une solide doctrine. Les faits merveilleux qui accompagnent ce message pourraient être dissociés de cet événement central que celui-ci conserverait toute sa valeur. L'Église dira si l'idée de la Fête spéciale peut être retenue séparément du fait particulier de la Sœur, et pour des raisons doctrinales. J'estime que la grande preuve de l'authenticité de la Mission de la Sœur nous est fournie par la manière dont elle applique à sa vie réelle, la belle doctrine qu'elle serait venue rappeler. J'estime qu'il convient de la laisser continuer son œuvre. Je crois qu'il y a là le doigt de Dieu et, après dix années de recherches, de réflexions et de prières, je bénis le Père d'avoir daigné choisir mon diocèse, comme le lieu de manifestations aussi touchantes de son Amour.
+ Alexandre Caillot
(Évêque de Grenoble à l'époque où a été donné le Message)