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SÉRIE 2/6 - 80 ans de la Libération en Bourgogne : "185.784, après ce tatouage, je n'avais plus de nom"

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1944-2024 : on commémore cette année les 80 ans de la Libération après l'occupation allemande. France Bleu Bourgogne donne la parole à des témoins de cette Histoire en Côte-d'Or. Ils étaient enfants, adolescents, religieux et résistants et ils nous racontent "leur guerre".

Le tatouage de déporté de Pierre s'est estompé avec le temps mais il se souvient par coeur de son numéro : 185.784
Le tatouage de déporté de Pierre s'est estompé avec le temps mais il se souvient par coeur de son numéro : 185.784 © Radio France - Annelaure Labalette

C'est dans le petit village de Villeberny, en Côte-d'Or que l'on fait la rencontre de Pierre Jobart, 98 ans. Il est l'un des derniers déportés encore vivant dans le département. Cette guerre, il l'a vécue du pire côté : "J'avais 13 ans au moment de la débâcle et puis, ensuite, naturellement, l'occupation est arrivée. Un ami m'a parlé de résistance un beau jour, quand j'avais 16 ans, mais vous savez, à l'époque, on en parlait pas trop car il fallait être très vigilant". Et c'est comme ça, en octobre 1943, que Pierre Jobart, jeune adulte, s'engage dans le maquis de l'Auxois.

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Il se souvient qu'il fallait être très prudent quand on décidait de devenir résistant : "j'ai fait quelques sabotages, je me souviens avoir fait sauter un pilône pour empêcher les Allemands de communiquer facilement, j'ai récupéré des armes aussi". Au départ, les parents de Pierre n'étaient pas du tout au courant de ses engagements, mais il ont bien fini par comprendre. Il raconte en souriant : "la fenêtre de ma chambre donnait sur le jardin et je sautais par là parce que nous ne partions que la nuit, vers 10h du soir et parfois, on rentrait à 2h ou 3h du matin et parfois même 4h".

L'affaire Werner : le tournant de la vie de Pierre

Fin janvier 1944, après le massacre de résistants par les nazis, les hommes du maquis de l'Auxois veulent venger leurs camarades. Ils décident d'une action menée contre l'ennemi, quelques jours plus tard. L'embuscade a lieu au passage à niveau de pont de Pany, près de Dijon, mais elle dérape. Un officier allemand, le Major Werner qui est le chef de la police de sécurité allemande, est blessé et s'effondre. Il est aux mains des maquisards et ces derniers espèrent pouvoir l'échanger contre des camarades. Mais c'était sans compter sur le fait que les nazis allaient se lancer à leurs trousses pour les arrêter. Pierre Jobart se souvient : "ils en ont arrêté cinquante à Villy-en-Auxois, à Jailly-les-Moulins également et moi, j'ai été dans les derniers arrêtés". Pierre s'arrête, un sanglot dans la voix : "les officiers nazis ont dit à mon père de me dire au revoir. Je l'ai embrassé et il est parti".

La prison, les interrogatoires et, au bout, la déportation

Après son arrestation, Pierre est conduit à la prison de Dijon où il se retrouve avec plusieurs camarades dans une cellule. Il y restera 35 jours quand un matin, on le conduit au siège de la Gestapo, dans le centre-ville de Dijon, où il subira un interrogatoire musclé durant lequel il sera torturé. Mais Pierre ne parlera pas. Il résistera, encore, autant qu'il peut.

"Un beau matin, on nous emmène à Compiègne, dans une caserne de rassemblement" poursuit Pierre, "et quand nous avons été au complet, c'est-à-dire 1.700 environ, les Allemands nous ont chargé dans des wagons. Nous étions entassés à 120 par wagon. On nous a donné une boule de pain et un saucisson extrêmement salé, mais on avait rien à boire. C'était terrible, la catastrophe, j'ai même vu des hommes qui buvaient leur urine. On est tous restés trois jours et quatre nuits dans ces wagons".

Pierre Jobart, 98 ans, a été déporté dans 3 camps de concentration
Pierre Jobart, 98 ans, a été déporté dans 3 camps de concentration © Radio France - Annelaure Labalette

Auschwitz, Buchenwald et enfin Flossenbürg

"En arrivant à Auschwitz, on nous a fait descendre des wagons et celui qui s'écartait un peu trop était fusillé sur le champs. Je reverrai toujours ces hommes, ces femmes et ces enfants qui étaient parqués. Il faisait un temps épouvantable, on avait très froid et pourtant, on était le 1er Mai".  Pierre Jobart et ses camarades restent une dizaine de jours dans le camp d'Auschwitz : "on nous a embarqué dans un baraquement, on a été déshabillés, tout nus, tondus, rasés et tous habillés en rayé. Et après ils nous ont tatoué".

Pierre lève alors la manche gauche de sa chemise à carreaux : "185.784 et après ça nous n'avions plus de nom. Nous n'étions plus rien". Pierre ne restera pas à Auschwitz, il sera ensuite conduit en train à Buchenwald puis dans le camp de concentration de Flossenbürg, en Bavière.  Et comme tous les jeunes hommes de moins de 18 ans, il est affecté au travail à l'usine. Pendant un an, tous les jours, dimanche compris, Pierre Jobart a fabriqué quotidiennement 55 rivets en métal : "pas une de plus et surtout pas une de moins, sinon, nous étions frappés".

La série audio consacrée aux 80 ans de la Libération en Bourgogne

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