Vorges-les-Pins : les victimes mènent l'enquête, neuf plaintes contre l'ex-instituteur soupçonné de pédophilie

C'est à la mort de sa mère, en 2022, que Ghislaine retrouve la mémoire. Elle a fait ce qu'on appelle une "amnésie traumatique". Les agressions sexuelles subies à l'âge de 10 ans à Vorges-les-Pins, dans le Doubs, dans les années 1970, se sont envolées de son esprit, jusqu'au décès sa mère. Très vite, elle ne pense plus qu'à ça et en parle autour d'elle, de ce professeur qui lui touchait les fesses, à l'abri des regards, dans les toilettes de l'école. Mais les habitants du village ne veulent pas en parler. "Personne ne voulait me croire, pas même mon père" témoigne celle qui habite toujours à Vorges-les-Pins. Avec deux autres victimes, elle décide de porter plainte, dans la foulée, contre cet ex-instituteur.

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Seulement, les plaintes sont prescrites. Elle commence alors un vrai travail de collecte de témoignages, dans l'espoir de trouver d'autres victimes.

Vorges-les-Pins, Marseille, Casablanca

Son histoire mentionnée dans les médias dépasse les frontières du village. D'anciens élèves et victimes, partis vivre ailleurs, la découvrent et contactent Ghislaine. C'est ce cas de cet ancien écolier de ce village du Doubs, qui habite désormais au Maroc, à Casablanca. "J'étais en train de livrer des poêles à bois dans la montagne pour les victimes du tremblement de terre. C'est là que ma maman m'a envoyé l'article. Je n'en revenais pas" se souvient-il.

Il prend la décision de rentrer à Vorges-les-Pins pour rencontrer les potentielles autres victimes. Ils dînent ensemble au mois de novembre. Celui qui avait 7 ans la première fois qu'il s'est fait agresser sexuellement leur raconte comment, pendant plusieurs années, son professeur l'emmenait en cachette dans des grottes, pendant les sorties scolaires.

"Est ce que j'étais le seul ou pas ?"

"C'était vraiment extraordinaire, de me rendre compte que je n'étais pas tout seul. Ce qui m'a surpris, c'est qu'il y avait des gens qui se sont rappelé des mêmes faits, après un choc émotionnel. Pour ma part, c'est quelque chose qui ne m'a jamais quitté. D'où mon regret, lorsqu'en 2014, j'ai confronté cet ancien instituteur. Je lui ai posé clairement la question : 'Est ce que j'étais le seul ou pas ?' Et lui il m'a dit que oui. Sur le moment, je savais qu'il mentait mais je n'avais aucune preuve" raconte l'habitant de Casablanca.

Il décide de porter plainte début décembre même si les faits sont prescrits. Il continue aujourd'hui de discuter avec les autres victimes sur un groupe Whatsapp.

Collectif pour la "Justice"

Ghislaine, elle, poursuit le porte-à-porte à Vorges-les-Pins, pour convaincre les uns d'en parler autour d'eux, les autres de témoigner comme victimes. Ces dernières se constituent en collectif et créent une pétition qui demande "justice". Elle compile aujourd'hui 460 signatures.

Les photos de classes des années 1980 sont sorties des cartons : Ghislaine identifie d'autres potentielles victimes et les convainc de porter plainte. La dernière et neuvième plainte date du 22 décembre, information confirmée par le procureur de la république de Besançon.

Depuis, plus rien. Mais Ghislaine ne baisse pas les bras. "J'y pense tout les jours" dit-elle. Elle recherche aujourd'hui des photos et la liste des inscrits au club de foot de Vorges-les-Pins à cette époque, dont l'ex instituteur visé par les plaintes, était également l'entraineur. Elle continue d'espérer une plainte non prescrite d'une autre victime, l'ouverture d'une enquête par le parquet de Besançon et à terme, un procès.