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Droogz Brigade « Projet Ludovico »

« Projet Ludovico » est le premier album de la Droogz Brigade, après un premier ep signé en 2008, autant dire une éternité. Ce groupe est un projet de potes originaires de Toulouse, avec Sad Vicious, Staff l’Instable, Rhama le Singe et Al’Tarba. Et « Projet Ludovico » est directement inspiré d' « Orange Mécanique » de Stanley Kubrick puisque « Ludovico » vient en fait du nom du lavage de cerveau subit par Alex, le personnage principal du film.
Ici, les instrus d'Al’Tarba sont de véritables pépites. Pas étonnant que certains voient en lui LE beatmakers français, voir même dans le monde, le plus talentueux du moment. On avait d'ailleurs pu s'en rendre compte l'an dernier sur le très bon « Salem City Rockers » de La Gale. Les prods sont riches et variées, toujours bien construites, et les samples très cinématographiques. Et pour ne rien gâcher les mélodies sont souvent au rendez-vous. Al'Tarba sait varier les plaisirs, des chœurs lyriques par ici, des cuivres jazzy par là, et des samples qui font le grand écart, de la musique enfantine au film gore, en passant par un surprenant « Bravo » de Jacqueline Taieb, ex-yéyé girl. Et les potes d'Al Tarba ne sont pas en reste avec des flows aussi crasseux que poétiques. Chaque titre est comme une scène de cinéma. On y découvre des personnages étranges, de la violence, du cul, de la drogue, et de l'émotion aussi. Les textes sont plutôt sombres mais jamais dénué d'humour. Tout ceci fait de cet album de rap français, particulièrement abouti, aussi bien au niveau de la production que des textes, un album fascinant.

Droogz Brigade - Projet Ludovico - CMF Records - 2016


Birth of Joy « Get well »

J'ai véritablement découvert le groupe Birth Of Joy en live au Festival Chausse Tes Tongs 2015. Autant vous dire que ce fut une véritable claque en même temps qu'une déflagration sonore. Le trio guitare/clavier/batterie habite la scène comme personne avec une énergie communicative. La même qu'on retrouve sur cet album avec aussi un sens du groove, et un sens des breaks incomparables ! L’orgue hamond, un pur bonheur, amène souvent à les comparer aux Doors, et il y a bien quelques influences, mais il y a aussi du Black Keys, du ACDC, du Stooges, de véritables incendies rock'n'roll à la Led Zep, mais aussi du Pink Floyd par petites touches planantes. Les influences sont donc très seventies, mais la force du groupe réside aussi dans le fait d'avoir un son et quel son mes amis ! Ce groupe a 10 ans et « Get well », leur 4ème album est particulièrement bien construit, il semble même pensé comme un set live. Du rock'n'roll qu'on prend donc en pleine face, grâce au savoir-faire du groupe, capable aussi de mettre en place des temps de répits blues voir carrément soul. Ces Hollandais sont bien le présent du rock'n'roll. 

Birth of Joy - Get well - Long Branch Records - 2016

Stranded Horse « Luxe »

Derrière Stranded Horse se cache en réalité Yann Tambour, un musicien d'origine normande. Il a débuté sa carrière en 2001 avec un projet baptisé Encre qui alliait les samples aux instruments à cordes et au piano. Avec Stranded Horse, c'est la kora qui est au cœur du projet avec une approche très personnelle. « Luxe » est son troisième album sous ce pseudonyme avec toujours beaucoup de délicatesse. Ici les invités foisonnent : le trio Vacarme et ses cordes ensorcelantes, un jeune prodige sénégalais de la kora, Boubacar Cissokho, la chanteuse du groupe Arlt, Eloïse Decazes ou encore Amaury Ranger de Frànçois and the Atlas Mountains. On navigue entre  airs mandingues et chanson en passant par la pop. D'ailleurs un morceau comme « Ode to Scabbies » me fait furieusement penser à une composition de Love, ce groupe américain des années 60/70 emmené par le chanteur métisse Arthur Lee. « Luxe » est un album hors des modes, complètement intemporel. C'est un album qui marie les style avec naturel, un album du monde pour tout le monde. Un véritable puits de lumière dans un monde plutôt sombre.

Stranded Horse - Luxe - Talitres - 2016

Christine Salem « Larg Pa Lo Cor »

Sur la cover de cet album, on découvre la Réunionnaise Christine Salem arborant une coupe afro, façon Angela Davis, l'un des plus grand symbole de la lutte afro-américaine des années 60/70. Et comme Christine Salem est née un 20 décembre, le jour anniversaire de l’abolition de l’esclavage à la Réunion en 1848, on peut dire qu'elle la porte plutôt pas mal cette coupe afro. C'est enfant que Christine Salem a découvert le maloya, musique traditionnelle de l'île de La Réunion, musique longtemps interdite par les autorités françaises. Elle se place aujourd'hui comme l'une des figures emblématiques de cette musique au côté d'une légende comme Danyel Waro. Et avec sa voix grave, habitée, superbe, c'est l'une des rares femmes chanteuse de maloya. Avec son sixième album, Christine Salem avoue « aller au bout de ses envies ». Et autant vous dire que ses envies nous plaisent car on tient là un album d'une beauté rare, un album qui respire la liberté. Un album réalisé par Seb Martel, touche à tout de génie, qui a le dont de magnifier ses productions. Et c'est encore le cas avec ce maloya aux accents folk et blues.

Christine Salem - Larg Pa Lo Cor - Zamora - 2016


Sufjan Stevens "Carrie & Lowell"

Je dois bien avouer que je me suis parfois perdu dans certains projets grandiloquents de l’Américain Sufjan Stevens. Ici, on en est bien loin puisqu’il revient à beaucoup plus de simplicités avec onze titres d'une beauté naturelle, pour le plus grand plaisir de nos oreilles. Dès le premier morceau, le ton est donné : des arpèges de guitare, pas de section rythmique (ni basse, ni batterie) et un chant plein de mélancolie. Sur la pochette de cet album, on découvre une photo ancienne, une photo tirée des archives familiales de Sufjan, avec le portrait d'un couple, Carrie et Lowell, autrement dit sa mère, récemment disparue, et son beau-père avec qui le chanteur avait monté son label musical Asthmatic Kitty. Et c'est un peu l'Histoire de cette famille que raconte ici Sufjan Stevens. il parle surtout de l’absence de sa mère, dépressive et maladive. Cet album est une petite merveille de délicatesse : un chant d'une troublante beauté, des arrangements très discrets, on est à la limite du « religieux ». Mais derrière cette délicatesse, sublime, se cache l'Histoire pas très gaie d'une famille recomposée : un album très personnel.

Sufjan Stevens - Carrie & Lowell - Asthmatic Kitty Records -2015


Zone Libre "PolyUrbaine"

Zone Libre c'est le groupe à géométrie variable de Serge Teyssot-Gay, l'ex-Noir Désir, toujours la guitare acérée en bandoulière. Après deux albums bien sombre mais toujours à propos, avec la singulière Casey, Zone Libre diversifie sa musique, en nous offrant une fusion comme on n'en avait peut-être plus entendu depuis les années 90, avec des groupes comme Rage Against The Machine, Urban Dance Squad, ou encore No One Is Innocent. Et « Nobody said » en est le parfait exemple, puissant, addictif. Serge Teyssot-Gay prouve donc encore une fois qu'il a le don de savoir bien s'entourer. Cette fois-ci, on trouve à ses côtés Marc Nammour, qui fait une infidélité à La Canaille, et Mike Ladd, et son flow New-Yorkais. "J'ai pensé à Marc (Nammour) par rapport à Mike (Ladd), et inversement, parce que je trouvais intéressant de les réunir sans qu'ils se connaissent. Marc, c'est quelqu'un qui travaille beaucoup ses textes, qui est précis. Il me donne l'impression de planter ses mots sur la musique. Mike, au contraire, vient de la musique orale, du free-style, c'est un improvisateur comme il y en a peu à ce niveau-là, capable de créer en temps réel avec les mots", précise le guitariste (source : RFI Musique). Marc Namour atteint des sommets de narrations en peignant des histoires d'hommes devenus des ombres façon silhouette à la Giacometti. On aime ces solis de guitare plein de folies, ces histoires sombres mais réalistes, cette musique hors-mode qui respire la liberté, ce groove incendiaire, le flow rythmé de l'Américain, les mots pleins de sens du Français et cette énergie qui nous donne envie de relever la tête !

Zone Libre - PolyUrbaine - 2015 - Intervalle Triton

Bachar Mar Khalifé « Ya Balad »

J'ai découvert Bachar Mar Khalifé avec son précédent album : un savant mélange de jazz, de musique arabe traditionnelle, d'électro, et de musique contemporaine. Un album qui mariait à merveille exigence et simplicité. Avec « Ya Balad », son troisième album,  Bachar Mar Khalifé est dans la même lignée et on tient là, sans aucun doute, l’une des sorties majeure de cette année 2015. Bachar Mar Khalifé est le fils de Marcel, compositeur-interprète libanais reconnu à travers le monde, dont il reprend d'ailleurs « Madonna », l'une de ses compositions. Avec son frère Rami, musicien au sein du trio Aufgang, il a baigné depuis tout petit dans la musique. Et avec cet album "Ya Balad" il rend un hommage, émouvant, au Liban, la terre de ses aïeux, qu'il a du quitter petit pour fuir la guère. « J’ai tout d’un croyant mais je n’aime pas Dieu » nous dit Bachar Mar-Khalifé, qui se présente en se couvrant les yeux de la main, sur la cover de cet album. Et sa musique est belle comme une prière. Avec  la douceur des notes de piano et la mélodieuse langue arabe, on voyage entre la terre et le ciel, comme en suspension. Sa musique est d'une beauté troublante, entre souffrance et bonheur.

Bachar Mar Khalifé - Ya Balad - Infiné - 2015


Ibrahim Maalouf « Kalthoum »

Ibrahim Maalouf est un trompettiste franco-libanais qui s'est fait connaître grâce à de multiples collaborations : de Sting à Mathieu Chedid, en passant par Amadou & Mariam, Vanessa Paradis ou encore Thomas Fersen. C'est un personnage atypique dans le monde du jazz français, capable de marier avec délice la pop, l'électro, le hip-hop, la chanson française et ses propres racines libanaises, au jazz plus traditionnel. Ibrahim Maalouf vient de sortir simultanément deux albums en hommage aux femmes : « Red Black & Light », un album contemporain, moderne, pop aussi avec notamment une reprise d’un titre de Beyoncé. Et « Kalthoum », un hommage à la célèbre diva égyptienne Oum Kalthoum, véritable monument de l’histoire du peuple arabe. Il reprend ici l'un de ses plus grands succès « Alf Leila Wa Leila » ( « Les Mille et une Nuits ») , une chanson de 1969 qui se présente sous la forme d'une suite d'environ une heure. Et cette suite est surtout une succession de tableaux laissant la place à l'improvisation. Cet album a été enregistré et mixé à New York avec la même équipe que l’album « Wind », album hommage à Miles Davis. C'est un peu comme une continuité de cette aventure discographique avec Mark Turner au piano, Larry Grenadier à la contrebasse et Clarence Penn à la batterie. C'est avec cette formation recentrée sur le jazz classique et 100% instrumental qu'Ibrahim Maalouf a choisi de célébrer les 40 ans de la disparition de la diva.

Ibrahim Maalouf - Kalthoum - Mister Productions - 2016


Mansfield Tya « Corpo Inferno »

À l'occasion de la sortie de l'album « Nyx » en 2012, on disait ceci de Mansfield Tya : « Le mal-être est parfois évident mais on ne se sent pas pour autant mal à l'aise. Bien au contraire puisqu'on en redemande ». Alors aujourd'hui que sort leur 4ème album, composé comme à leur habitude dans leur maison près de Nantes, nul besoin de nous prier pour les rejoindre faire la fête à en crever. Mansfield Tya est composé de deux artistes au féminin, un brin cinglées : Carla Pallone & Julia Lanoë. Elles nous emportent dans leur univers envoûtant, enfantin parfois, sombre souvent, intrigant toujours. On est porté par les cordes des violons, par des voix et des mélodies. Certains morceaux sont carrément sombre, comme le très glauque « Palais noir » et son effrayant brouillard. Mais la force de Mansfield Tya c'est l'alternance entre ombre et lumières, entre douceur et froideur. Pour enrichir leur propos, les Manfield Tya font souvent référence à la littérature, de Victor Hugo à Proust. Et leur « Dictionnaire Larousse » est une magnifique plongée parmi des mots choisis comme une mise en abyme d’écriture de chanson. « Il y a là de quoi passer une vie entre Amour et Zoophilie ».

Mansfield Tya - Corpo Inferno - 2015 - Vicious Circle

Fingers & Cream « Forsaken Dream »

Au départ derrière Fingers & Cream se cachait Iolo, un jeune trégorois, aux faux-airs de Tim Buckley. On l'avait remarqué il y a deux ans, avec « Out in a blue sky », un premier ep à dominante folk, bourré de charme et de jolies mélodies. Depuis, Fingers & Cream a sacrément évolué, puisque quatre compagnons de route sont venus rejoindre son univers : des zicos de Thomas Howard Memorial, d'Elk Eskape, et une touche féminine en la personne de Nina Reche. Aujourd'hui quintet, l'univers folk et boisé de Fingers & Cream s'est teinté d'accents électriques pour dévier vers un rock où la mélancolie est omniprésente. Mais les mélodies restent le cœur des morceaux et certains refrains nous envahissent, au point qu'on se surprend parfois à les chantonner ou les siffloter. Et alors que le nom du groupe est une allusion au « Sticky Fingers » des Rolling Stones, le sens de la mélodie nous ramène plus au souvenir de John Lennon que de Mick Jagger. Les expériences scéniques de ces derniers mois ont aussi donné une nouvelle maîtrise à l'ensemble. Et des aspérités nouvelles, comme la guitare inspirée d'Elouan par exemple, sont aujourd'hui venues renforcées les belles et douces mélodies du projet initial. Ce nouvel ep est sorti sur le label Kromatik Records.

Fingers & Cream -  Forsaken Dream - Kromatik Records -2015

CocoRosie « Heartache City »

Cocorosie est un duo américain qui existe depuis bientôt 15 ans, autant vous dire une éternité dans le paysage musical actuel. Et depuis leurs débuts, Bianca et Sierra Casidy n'ont jamais cessé d'expérimenter des choses, plus ou moins réussies d'ailleurs. Car il faut bien admettre que leurs dernières sorties n'avaient pas été des plus convaincantes, avec une espèce de tentatives psycho/électro un peu indigeste. Mais cette fois, « Beso », un titre lâché sur le net, il y a quelques semaines avant la sortie de ce nouvel album était une mise en bouche particulièrement réjouissante. Alors quelle belle surprise de voir les sœurs Casidy revenir aux recettes de leurs débuts pour ce sixième album. Enregistré dans leur ferme du sud de la France avec un minimum de matériel, on y retrouve tout ce qui faisait le charme de leur premier album « La maison de mon rêve » : un bricolage sonore pleins de poésies avec des bruits de casseroles, des xylophones enfantins, des flûtes, des craquements, un vent qui souffle et des mélodies planantes. CocoRosie reste un groupe complètement inclassable, malgré un style bien identifiable. C'est comme une pop irrationnel, une musique faite de rêves, de folies et d'acrobaties. On est toujours sur un fil à une hauteur vertigineuse, pas loin des nuages, à la limite du déséquilibre. Le titre « Heartache City » en est le parfait reflet avec ses claquements de mains, ses lentes notes de piano et cette surprenante trompette.

CocoRosie - Heartache City - 2015


La Gale « Salem City Rockers »

La Gale est Suisse, et ça ne s'entend pas vraiment, c'est même un véritable lance-rocket sonore, bien loin de l'image policée qu'on se fait parfois de nos voisins helvètes. Et après un album éponyme sorti en 2012, la métissée libanaise, est de retour avec «  Salem City Rockers ». Ses textes et son flow sont toujours aussi percutants comme sur l'arabisant « Petrodollars » ou l'on peut entendre le chant flamenco de la chanteuse espagnole Paloma Pradal. Avec des cadors comme Al'Tarba et I.N.C.H à la production, les instrumentaux sont particulièrement chiadés. Et sans dénigrer les textes toujours percutants, on peut imaginer écouter la plupart des titres sans eux, sans aucun problème. La trame musicale est rock, voir blues, et le travail sur le sample est minutieux et bien senti. Comme ici avec Jack Nicholson en VF : « Lorsque nos deux motards rencontrent un jeune avocat (incarné avec brio par Jack Nicholson) qui rejette la société conformiste, il résume tout le film en une phrase : "Ces gens font de grands discours dans lesquels ils parlent de la liberté individuelle, mais s'ils rencontrent un type qui est vraiment libre, ça leur fout la trouille... et ils deviennent dangereux. ». Par la suite on y entend même un petit bout de « Born To Be Wild » de Stepenwolf, lui aussi issu du film culte « Easy Rider ». Avec La Gale, on est dans la lignée de Casey, peut-être en moins virulent, et de Kenny Arkana, en plus abouti musicalement. Il y a une énergie de fou qui se dégage de cet album et on se surprend à gueuler avec elle et ses acolytes « Tous des chiens Galeux ».

La Gale - Salem City Rockers - Vitesse Records - 2015


Dominique A « Eleor »

Dominique A est un mastodonte de la chanson française, une chanson française exigeante et particulièrement classe. Longtemps discret, c'est un artiste qui a échappé au succès en marchant sur les traces de Gérard Manset ou Jean-Louis Murat, et en restant un peu en marge, avec des disques pas toujours évident à appréhender. La critique a pourtant toujours été bienveillante, mais le succès s'est fait attendre. Depuis sa victoire de la musique, il y a deux ans, pour son album « Vers les lueurs », la roue semble avoir tourné et Dominique A, semble plus accessible. Cet Auteur/Compositeur/interprète aime sonner rock, comme le prouve souvent ces prestations sur scène. Mais il aime aussi les beaux arrangements. Ici, ils sont plutôt classiques, avec cordes et piano, mais toujours classieux. Le chanteur narre des histoires de voyage, de grands espaces et d'océans, mais aussi et surtout d'amour comme sur le superbe « Au revoir mon amour », composé avec sa compagne, Lætitia Velma. Entre promesses et douleurs. Au sein de sa discographie riche d'une dizaine d'albums, avec peu de fautes de goûts, celui-ci fait peut-être parti des meilleurs avec des titres particulièrement marquants comme le morceau final « Oklahoma 1932 », une ballade poignante piano-voix. On tient peut-être là un classique de la chanson française.

Dominique A - Eleor - Cinq à 7 - 2015






Francesca Belmonte « Anima »


Francesca Belmonte est née à Londres d'une mère irlandaise et d'un père napolitain. Des racines qui laissent présager d'un caractère bien affirmé. Et nul doute qu'il en faut pour devenir la nouvelle muse du génial Tricky (c'est sa voix qu'on entend sur ses deux derniers albums « False Idols » et « Adrian Thaws »). Et Francesca Belmonte s'affirme avec beaucoup de charme et de sensualité, même si le petit génie de Bristol reste omniprésent. Le son et les ambiances portent sa marque de fabrique mais la voix, elle, ne doit rien à personne. On alterne les plaisirs avec du trip-hop estampillé 90's, des rythmes jungle de la même époque, des influences blues et soul, on découvre même des samples de musique traditionnelle bulgare, et l'on se perd parfois dans des productions électro-pop. Ce album est parfaitement ciselé, un peu trop parfois, mais c'est un fan des Tricky de la première heure et de Martina Topley-Bird en particulier qui vous parle. L'album est un poil trop long avec des morceaux dispensables mais l'ensemble est plutôt réussi, dans la lignée des dernières production du maître du trip-hop. Et comme le dit Francesca Tricky est « l'un des plus grand artistes dans le monde », et il le prouve encore une fois ici en marquant cet « Anima » de son empreinte.

Francesca Belmonte - Anima - False Idols - 2015


Dom La nena « Soyo »


On avait découvert la jeune violoncelliste et chanteuse originaire de Porto Alegre au Brésil, Dom la Nena, lorsqu'elle accompagnait Piers Faccini, Jane Birkin ou encore Camille. Et déjà ce petit bout de femme dégageait quelque chose de magnétique. « Ela », enregistré en 2013 dans le studio de Piers Faccini, au cœur des Cévennes, confirmait alors son talent. Et la « petite » continue aujourd'hui de grandir avec son deuxième album « Soyo », un titre évocateur comme un besoin de s'affirmer définitivement. Cet album qu'elle a réalisé en compagnie de l’auteur-compositeur brésilien Marcelo Camelo, ancien membre du groupe Los Hermanos, a été enregistré à Lisbonne, à Paris et Mexico. La jeune femme a d’abord enregistré seule les pianos, les violoncelles, les voix, quelques guitares et percussions - bref, la base des morceaux - avant de les confier à Marcelo afin qu'il y apporte sa touche personnelle. Mais son style, empreint de douceurs et de mélancolies, n'a pas fondamentalement changé, même si les influences brésiliennes donnent des morceaux légèrement plus rythmés. Cet album, semble du coup moins feutré que le premier, un peu plus lumineux voir plus coloré, plus joyeux. Et en chantant une fois en portugais, une autre en espagnol ou en anglais, et même en français sur «  Juste une chanson », on se sent toujours en voyage.

Dom La nena - Soyo - Six Degrees Records - 2015

Brown Bird « Axis Mundi »

Brown Bird est un groupe qui existe depuis 2003, sous différentes formules, avant de se fixer en duo, avec Dave Lamb, l'initiateur du projet et MorganEve Swain, sa femme rencontrée en tournée en 2008. Sur « De la lune on entend tout » on en parlait déjà en 2011 à l'occasion de la sortie de l'album « Salt for salt ». Deux ans plus tard sortait « Fits of Reason », et l'on disait alors de ce duo méconnu dans nos contrées, que ce n'était « pas encore un groupe majeur mais (qu'il) pourrait bien le devenir ». En 2013, les médecins diagnostiquent une leucémie à Dave Lamb, et en dépit d'une greffe osseuse réussie, Dave rechute début 2014 avant de succomber à la maladie en avril à l'âge de 36 ans. C'est au cours de cette période que ce nouvel album a été enregistré. « Axi Mundi », du nom de l'endroit où la terre rejoint le ciel, est un nouveau voyage musical entre musique folk, rock et country mais aussi musique psyché orientale, métal, et airs des Balkans. Et lorsque l'on connaît le destin tragique du chanteur, ce voyage en devient encore plus poignant. MorganEve Swain, qui a tout fait, pour que cet album voit le jour, estime que « Axis Mundi » est l'album qu'ils avaient toujours rêver de faire avec Dave : un album plus rock que les précédents sans perdre les influences d'Europe de l'Est (on pense d'ailleurs parfois à Matt Elliott) et du Moyen Orient. Et loin de se laisser abattre elle a créé « The Huntress », comme un navire musical où elle invite les fans de Brown Bird à poursuivre le voyage avec elle.

Brown Bird - Axis Mundi - 2015 - Supply and Demand





Blick Bassy « Akö »

C'est une photographie en Noir et Blanc qui est à l'origine de cet album : une photo de Skip James que Blick Bassy avait punaisé au mur de son studio du Nord-Pas-de-Calais, à coté de celle de sa mère et de Charlie Chaplin. C'est inspiré autant par l'image du légendaire bluesman que par son histoire, qui lui rappelle Mout Iloun, un vieux musicien ambulant, qui parcourait les villages du Cameroun, avec dans ses poches, un tas de chansons sur les histoires de la vie, que Blick Bassy a imaginé ses magnifiques chansons. « Akö », surnom que se donnent les vieux du village entre eux au Cameroun, est un album rempli de sagesse, qui nous plonge dans l'intimité du chanteur. Il chante en bassa, l'un des 260 dialectes du Cameroun (tous aussi menacés les uns que les autres) comme pour faire le lien entre les anciens et les jeunes. Blick Bassy, d'une voix légère qui fait parfois penser à celle de Paul Simon, sur l'album « Graceland » trace un pont entre la Nouvelle-Orléans et le Cameroun. Sa musique il la qualifie lui-même de FAB. C’est l’acronyme de Folk Afro-Blues même si on y trouve aussi du jazz et des musiques traditionnelles.
Après des débuts dans des groupes de fusion et le trop-plein d’arrangements de ses premiers albums, Blick Bassy a épuré son propos et sa musique en a gagné en élégance. Ce n'est d'ailleurs pas une surprise de le retrouver aujourd'hui chez « No Format ». « Akö » est un album de ballade, de mélancolie, et de danse légère. Et accompagné par le violoncelle de Clément Petit, le trombone de Fidel Fourneyron et les samples discrets de Nicolas Repac qui contribuent à poser l'ambiance,
Blick Bassy nous offre un album d'une grande classe.

Blick Bassy - Akö - 2015 - No Format


Axel Krygier « Hombre de Piedra »

On avait découvert l'Argentin Axel Krygier, il y a maintenant cinq ans, avec son précédent album « Pesebre ». On disait alors qu'on se trouvait face à un artiste touche à tout, n'hésitant pas à brasser toutes sortes d'influences et d'instruments. Un véritable crack pour une subtile fusion de folklore sud-américain et d'héritage électronique. Rien n'a véritablement changer, et Axel Krygier prouve une nouvelle fois avec «  Hombre de Piedra » qu'il est bien un cador ! Axel Krygier est un inclassable qui aime mélanger les couleurs musicales. Un véritable architecte musical et une figure de la musique métissée argentine. Son parcours professionnel n'y est pas étranger : nourri au folklore sud-américain, puis baigné dans le post punk  dans les années 70, il a été saxophoniste et flûtiste dans des groupes argentins, avant de sortir son premier album en 1999 qui lui valut le soutient d'artistes comme  Gilles Peterson, Coldcut, David Byrne, ou encore sa compatriote géniale Juana Molina. Ensuite, il a fondé un groupe en Espagne, écrit la musique pour un spectacle de danse, composé une comédie musicale. Enregistré à Buenos Aires, « Hombre de piedra », « l'Homme de pierre » dans la langue de Molière, est un concept-album inspiré par le documentaire français « Lascaux: Le Ciel des Premiers Hommes ». Une réflexion sur le rôle des êtres humains dans l’univers au cours du temps, de la préhistoire à l’ère 2.0. Un western venu d'ailleurs, plein de folie, d'airs balkaniques ou d'hymnes disco. On retrouve même un duo avec la légende argentine Daniel Melingo sur un hallucinant « Mi piel de animal ».

Axel Krygier -  Hombre de Piedra - 2015 - Crammed

Matthew E. White « Fresh Blood »

Attention, il ne faut pas toujours se fier à sa première impression. Lorsque j'ai écouté la première fois ce deuxième album de Matthew E. White, je suis complètement passé à côté, il m'a paru ennuyant : trop love, trop propre, trop arrangé. Mais après quelques semaines je me décide tout de même d'y revenir et là, surprise, je découvre un album de soul super classe, super bien léché, avec des arrangements délicieux derrière une simplicité apparente. « Fresh Blood » est le deuxième album de l'Américain après le succès surprise de « Big Inner », aussi bien aux États-Unis qu'en Europe, de Pitchfork aux Inrockuptibles. Un succès d'estime qui lui valut notamment de faire la première partie de la tournée des Mountain Goats. Matthew E. White chante l'amour et il l'assume pleinement comme il le dit dans une interview donné à La Blogothèque : « J’ai toujours défendu l’idée d’écrire des chansons d’amour. C’est quelque chose de facilement critiquable, mais, aussi cliché que ça puisse paraître, c’est le sujet le plus important de la vie. ». Voilà un album qui fait du bien, un album complètement hors du temps, qui est loin d'être aussi si simple qu'il n'y paraît. C'est même sacrément bien foutu, et bien pensé. Et derrière son côté tendre et plein de douceurs, les thèmes abordés sont parfois grave. Comme sur « Holy Molly » où l'Américain raconte l'histoire d'un ami victime d’abus sexuel perpétré à l’Église. Un titre très lent qui met du temps à exploser véritablement, comme une colère intérieur qui explose.

 Matthew E. White - Fresh Blood - Domino Records -2015



Criolo « Covoque Seu Buda »

Criolo, Kleber Gomes de son véritable nom, s'est d’abord fait connaître dans le milieu du hip-hop brésilien en tant que « Criolo Doido» autrement dit « Le Créole Fou » en raison de la peau noire de son père et de la « folie » de sa mère. Nous l'avions découvert en France en 2011 avec son deuxième album, il a alors 35 ans et devient un véritable phénomène au Brésil. Alors autant vous dire que la sortie de « Convoque seu Buda » son nouvel album était attendu. Et pas de mauvaises surprises. Criolo nous réjouit une nouvelle fois avec son mélange de hip-hop et de musique populaire brésilienne qui en font le chouchou des figures du Tropicalisme comme Caetano Veloso qui le classe comme « la plus importante figure de la musique actuelle au Brésil ». On retrouve une nouvelle fois Daniel Ganjaman et Marcelo Cabral à la production et leur capacité à a passer d'un style à un autre, du rap, au reggae en passant par le jazz et la samba. C'est ainsi qu'on passe d'un morceau plutôt hip hop aux samples de musique orientale comme « Convoque Seu Buda » à un dub planant aux influences jamaïcaines avec « Pé De Breque ». Mais Criolo se fait aussi le porte-parole d'une génération pour faire une critique sociale percutante de l'état du Brésil. Il raconte ainsi l'histoire des plus démunis du Brésil urbain, celle d'un pauvre homme réduit à servir dans des fêtes de luxe, celle d'un junkie anonyme ou encore le combat des gamins des favelas dans « Plano de Vôo ». Criolo y pose son flow quasi-dramatique sur une musique atmosphérique qui pourrait être la bande son d'un film.

Criolo - Covoque Seu Buda - Sterns - 2015