samedi 18 août 2012

Tous les chemins mènent à Cuzco

Afficher De Sucre à Cuzco
Quelques jours de détente et j’ai de nouveau des fourmis dans les jambes. Il faut que je bouge un peu. Sucre est une jolie petite ville, paisible, mais pleine de gringos. Et donc pleine d’agence touristiques qui proposent plus ou moins toutes les même choses. Le marché aux touristes de Tarabuco, non merci. Non, je vais tenter de partir seul en balade au cratère de Maragua. Sabrina et Julien, que j’avais rencontré en Birmanie (puis recroisés à Bangkok, Hanoï...) avec qui je suis resté en contact m’ont laissé toutes les informations nécessaires. Sara hésitait à m’accompagner, mais je pars finalement seul un matin en combi jusquà la parada de Ravelo. C’est là que je dois trouver un bus pour Chataquila. Pas de bus, mais des camions. Va pour un camion. Après deux heures de route dans la poussière, en compagnie des mamitas, de leurs poules, cochons et sacs de patates, le chauffeur me pose à la chapelle de Chataquila, en haut de la montagne. C’est là que débute le chemin préhispanique. Du temps de l’empire il devait bien mener jusqu’à Cuzco ce chemin. C’est loin Cuzco, je me contenterai des 6 km de descente, tranquille, sur un beau sentier de pierre. Au bout du chemin… un terrain de football. D’un pays à l’autre, voilà bien quelque chose qui ne change pas en Amérique du Sud. Trois maisons au milieu de nulle part, une église et una cancha de futbol. Je descends jusqu’à la rivière que je longe sur quelques kilomètres avant d’aborder l’ascension du cratère. Ascension un peu troublée par les chiens qui gardent maisons et troupeau. Une plaie en sur ce continent tous ces chiens semi-errants. Je t’enverrais tout ça au Vietnam, ça ferait de la place et ça nourrirait bien quelques familles de l’autre côté du Pacifique. En attendant de monter ma petite entreprise d’import-export, je suis coincé sur le chemin avec un affreux qui ne veut absolument pas me laisser passer. J’ai essayé de passer sans le regarder, il est venu me chatouiller les mollets. J’ai essayé d’attendre un peu qu’il se calme et retourne à la niche, il est revenu plus enragé encore dès que j’ai eu fait deux pas. Alors j’ai changé de stratégie, j’ai ramassé une bonne grosse pierre, que je lui ai montré poing levé au-dessus de la tête. Il a eu l’air de comprendre assez rapidement et il a instantanément reculé de deux mètres. Puis j’ai commencé à avancer, poing levé en lui gueulant dessus plus fort qu’il n’aboyait. Dejame pasar la puta que te pario ! Il ne m’a pas lâché su une bonne centaine de mètres, mais à chaque fois qu’il s’approchait d’un peu trop près je lui montrais ce que j’avais dans la main, ça a suffi à le tenir à distance. Débarrassé du vilain clébard, j’arrive enfin à Maragua, village fantôme au milieu du cratère. Pas grand monde, accueilli par quelques vieux qui ont dû passer l’après-midi à boire. Il y a deux autres randonneurs qui cherchent un endroit où dormir. Ils demandent en spanglish où trouver le propriétaire des cabañas au puesto de salud. Je passe après. Moi je ne cherche pas de cabaña, juste un endroit où planter ma tente. Dans l’enceinte du puesto de salud me dit Celso, no hay problema. Celso est instituteur au village, sa femme s’occupe de l’infirmerie. Finalement ils ne voudront pas me laisser dormir dehors, il y a un lit à l’intérieur. Je vais passer la nuit dans le Puesto de Salud.
Le lendemain c’est un peu plus difficile. Sans carte mais avec les indications de Sabrina je m’en étais sorti sans problèmes la veille. Mais une fois sorti du cratère il y une multitude de chemin. Je demande mon chemin à une mami, qui me parle pendant cinq minutes en quechua. Rien compris, si ce n’est quelques Niñu Mayu et Potolo à quelques fin de phrases. Moi je vais à Potolo, je prends le chemin qu’elle semble m’avoir indiqué. Je marche deux heures, dans les monatgne, les blés coupés. Ça me rappelle un peu la Birmanie. C'est dire si c'est beau! Je pense être perdu, mais non. Un gamin me montre par où passer, j’étais bien sur le bon chemin. J’arrive en fin d’après-midi à Potolo. Potolo un dimanche soir, on entend bien le vent souffler. Je pensais essayer de repartir directement à Sucre, mais il n’y a pas de camion, si ce n’est celui du laitier. On me dit qu’il part à 19h. Heure bolivienne, il faut compter 20h-21h. Je vais attendre le lendemain.
Retour à Sucre. Sara est toujours là. Je recroise aussi les québécois aux abords de la plaza. Je me repose une journée, et je pars pour La Paz. Sara aussi. Il est plus que temps qu’elle quitte Sucre, et surtout la Bolivie. Une nuit de bus nous voilà à La Paz. On m’en avait dit tant de bien que je suis un peu déçu. Le site est exceptionnel, les montagnes, toutes ces maisons sur les flancs. Mais les quartiers touristique du centre me rappelle un peu… Bangkok. Bangkok del altiplano. Des tiendas de souvenirs en pagaille, pizzas, burgers, saunas, agence de voyages. Ça manque de tuk-tuks. De sexe aussi. Il y a encore de la marge avant que ça ne ressemble à Khao San. Une fois sorti de ce quartier ça reste plaisant, même si le marché central est bien moins sympa que celui de Sucre. Puis je n’ai pas le choix, je suis un peu bloqué là. C’est la fête de la vierge à Copacabana, les bus et hôtels sont pleins. Inutile de se précipiter. Sara me montre l’hôtel où elle était resté la dernière fois. Il n’y a bien qu’elle pour me trouver un hôtel pareil à La Paz. Plein… de népalis et de bengalis. Ils ont bien investi la cuisine les népalis, un champ de bataille. On reste quelques jours, jusqu’à la fête nationale. Quelle que soit le jour de fête, j’ai l’impression que pour les boliviens, tout est prétexte à ressortir les costumes de carnaval. Défilé dans la ville, jusqu’à l’intérieur du marché. Mais le soir, rien. Calme, comme presque chaque soir en Bolivie.
On part finalement pour Copacabana. Sara doit retrouver des amis argentins. Moi je vais à la Isla del Sol. Pas grand charme Copacabana. Une avenue pleine de gringos, un port, avec des dizaines de bateaux prêts à partir pour les îles, et… des pédalos en forme de cygne sur sur les rives du Titicaca. Si, si, des cygnes à pédales… Je pars pour la Isla del Sol. J’arrive à Chalapampa au nord de l’île. J’évite la foule et pars directement pour les ruines de Chincana tout au nord. En contrebas des ruines, une plage, c’est là que je vais camper. Il y a déjà quelques tentes. Des anglais étrangement calmes, et sans pack de bière. Il faudrait peut-être que j’aille vérifier leur passeport. Le lendemain je traverse l’île par le chemin préhispanique. Merveilleux. Je suis parti assez tôt, je ne croise quasiment personne. Plein soleil. Seul sur le chemin qui domine tout le lac après de 4000 mètre d’altitude. Retour à Copacabana. Je recroise Sara dans la rue. A demi surpris. Elle devait retrouver ses amis, éventuellement partir à la Isal del Sol ou à Sorata. Mais rien de tout ça. Il faudrait pourtant qu’elle quitte le pays. Plus de 4 mois de clandestinité, une amende qui augmente au fil des jours. Je lui propose de m’accompagner le lendemain. Mais non, ce n’est toujours pas le jour. Elle me rejoindra à Cuzco le surlendemain, me dit-elle. A voir.
Je prends le bus pour Cuzco. Passage de frontière sans soucis, jusqu’à ce que je remonte dans le bus… Là les deux chauffeurs me redemandent de l’argent. Ils trouvent mon billet un peu trop bon marché. J’avais effectivement trouvé un très bon prix dans une des agences de Copacabana. Ils ont dû se rendre compte en chemin qu’ils n’allaient pas faire beaucoup de marge. Mais ces deux escrocs se sont bien gardés de me dire quoi que ce soit avant la frontière. Une fois au Pérou ils savent très bien que je ne vais pas rebrousser chemin. Et là ils sont très directs, je rallonge 40 bolivianos ou ils me laissent là. Discussion sans fin, animée. Je paye finalement la moitié, je me rassois les nerfs à vifs. Seule la crainte qu’ils refusent de me mettre dans un bus pour Cuzco une fois arrivé à Puno m’empêche d’exploser. Première impression assez vilaine des péruviens… A Puno je prends un bus de nuit. Au petit matin je suis à Cuzco.

Sur le chemin de Potolo

mercredi 15 août 2012

Salar Sucre

Afficher De Tupiza à Sucre
Arrivé à Tupiza en fin d’après-midi, je découvre une petite ville tranquille, un gros village plutôt, mais déjà bien pleine d’agence de tourisme. Il y a même un chico, Jaime, qui attend à l’arrivée des bus. J’ai déjà marchandé le colectivo, je négocie le prix de la chambre. Un petit air d’Afrique, j’ai vite compris que bien plus qu’en Argentine ici tout était négociable. Sympa le petit Jaime, le lendemain il me proposera de travailler dans son agence. Je crois qu’il était tout à fait sérieux. C’est la pleine saison, ça défile dans l’hôtel, un autre français, un autre Baptiste, qui me laissera quelques bons plans de balades dans le coin. Anglais, australiens, tchèques, un espagnol qui… parle beaucoup. Surprenant tiens. Je passe deux jours en balade dans les canyons, seul, avec une carte sommaire, presque sans me perdre. Magnifiques tous ces canyons de terre rouge, les montagnes, les cactus.
Puis je pars pour Uyuni. Cinq heures sur une route en terre qui tortille dans les montagnes. Les vendeuses qui montent dans le bus à l’arrêt, hay empanadas, hay galletas ! Souvenirs d’Afrique, d’Asie… Uyuni, c’est le gros village - assez vilain - qui borde le Salar (immense) du même nom. Je m’attendais à être assailli à la sortie du bus. Mais non. Tout juste une petite dame qui me donne la carte de son agence. Je dois même me trouver un hôtel tout seul. Plutôt une bonne surprise. C’est moche, plein d’agences de tourisme, de pizzerias, burgers, desayuno continental machin… Du vu et revu de Siem Reap à El Calafate. Mais c’est finalement assez tranquille. Le tour organisé je ne vais pas y couper. Après la Baie d’Halong je m’étais pourtant dit "plus jamais ça !". Mais comme je ne vais pas traverser le Salar à pied, il n’y a pas trop le choix. Après avoir fait le tour de quelques agence je tombe finalement sur une qui cherche encore du monde pour un tour de quatre jour qui part le lendemain. Ici, la majeure partie des touristes de passage partent pour trois jours. J’ai appris de mes erreurs à Hanoï. Quitte à s’embarquer dans ce genre de truc autant faire les choses bien. Quatre jours ça me convient. Ce sera plus tranquille et on devrait éviter la horde de bagnoles qui partent aux mêmes heures et s’arrêtent aux même endroits en même temps. Une nuit dans un hôtel glacial et le lendemain je suis prêt à partir, j’attends devant l’agence. Arrive un groupe de sept québécois et deux belges, tous stagiaires dans une association à Sucre, auxquels s’ajoutent deux boliviens, Roberto et Carla. Douze pour deux Land Cruiser, le compte y est. Roberto parle un peu français, et il arrive à me comprendre. Il m’avoue par contre qu’il ne comprend pas un mot de ce que se racontent les québécois. Hmm tu sais Roberto, très souvent moi non plus je ne comprends rien… Premier arrêt dans la Salar là où les habitants du coin récoltent le sel. Le soleil qui se reflète sur cette mer de sel me brûle les yeux et la peau. Passage dispensable par l’hôtel de sel avant de s’arrêter quelques kilomètres plus pour manger au beau milieu du Salar, puis de mettre le cap au nord, en direction du volcan Tunupa. C’est là que nous passerons la nuit, bien fraîche la nuit. Un brésilien, de Brasilia, attend dehors frigorifié pendant que sa femme cherche son chauffeur, elle a oublié son sac dans la camionechta.
Le lendemain on entame l’ascension du volcan, on perd pas mal de monde en route, arrivés au cratère on doit être une quinzaine à admirer la vue. Un océan de sel, blanc, immaculé. Ça me rappelle l’ascension du Kilimandjaro et cette mer de nuage dont ne dépassait que le Mont Meru. Un horizon de blanc dans le soleil du matin, et la terre rouge, ocre de la cime du volcan. Stupéfiant. On redescend pour le déjeuner au pied du volcan et on repart. Nouvelle arrêt dispensable sur l’île Inca Huasi. L’île au cactus, entrée payante, noire de monde. Puis on traverse une dernière fois le Salar jusqu’à San Juan. Le lendemain on passe en revue toutes les superbes lagunes qui parsèment le parcours jusqu’au Parc National Eduardo Avaroa. On arrive à la Laguna Colorada en fin d’après-midi. C’est là qu’on va passer la nuit, l’occasion pour le groupe de québécois de terminer toutes les bouteilles de vin bolivien qu’ils avaient en stock. Je vais me coucher un peu ivre. Pour quelques heures seulement, le lever est prévu à cinq heures. On part dans le petit matin voir les geysers au lever du soleil. Beaucoup de monde, il fait froid, mieux vaut se caler bien à côté des geysers. On poursuit jusqu’à une dernière lagune (la laguna verde, plutôt marron en cette saison) avant de repartir au nord. Un arrêt baignade dans les eaux thermales, l’occasion de se décrasser un peu après trois jours sans douche et on repart. Beaucoup de route en ce dernier jour, il faut rentrer à Uyuni dans la journée. De la route et… en musique ! Ça fait déjà un moment que la musique d’Aquilino le chauffeur me rend dingue. Des compiles des années 80, de la cumbia bolivienne - plutôt amusante même si ça agace Roberto et Carla, de la soupe latino bien mièvre. Et… un album entier d’Enrique Iglesias. C’est là que je regrette d’avoir appris l’espagnol en cours de route, Enrique Iglesias c’est encore pire quand on comprend ce qu’il raconte. Horrible, Affreux. J’attends le prochain volcan pour me jeter dedans.
Oreilles anesthésiées, on arrive finalement à Uyuni avant la nuit. Les québécois repartent directement. Moi j’attends le lendemain pour prendre le bus pour Potosi. La grande ville minière, au pied du Cerro Rico, à plus de 4000 mètres d’altitude. Je n’avais pas vraiment l’intention de visiter les mines, le côté zoo humain me rebutant un peu. Mais finalement un de ces jours, avec Pedro, le mexicain de la chambre d’à côté qui joue de la guitare dans les bus et les restaurant, on est parti en balade. Et on a fini par arriver sur les flancs du Cerro, à l’entrée des mines. Là un gars nous a proposé de nous faire entrer. Il nous a donné un casque (trop petit) des torches et on y est allé. Une petite mine coopérative ou les gars (des gamins pour la plupart) charrient leurs brouettes de complexe argent-zinc toute la journée, jusqu’à ce qu’ils aient fait leur quota (quelque chose comme dix tonnes par groupe). A la sortie les entreprises chiliennes ou chinoises ramassent la mise pour des clopinettes. Et l’état récupère un beau 3% de la transaction. Belle gestion des ressources du pays.
Je ne reste pas très longtemps à Potosi. Un petit tour par la Casa de la Moneda, ou une guide un peu mal lunée m’expliquera - en français - comment pendant des siècles les espagnols ont frappé la monnaie des colonies ici même à la source, à grands renforts d’esclaves, indigènes ou africains. Puis j’attrape un bus pour Sucre. Pour la deuxième fois d’affilée je me retrouve assis dans le bus juste sous le haut-parleur. Bientôt la fin du voyage, il me reste quelques pays à traverser, mais je pense que la Bolivie emportera sans mal la palme de la pire musique de bus. No puedo vivir sin tiiii… Porque te fuiste mi amoooor… Au secours.
Sucre. Après avoir beaucoup bougé ces derniers jours c'est là que je vais me poser un peu et prendre le temps de ne rien faire. Je me suis trouvé un petit hôtel face au marché. J'y ai rencontré Sara, une italienne en Bolivie depuis… sept mois, donc clandestine depuis quatre mois. A l’image de beaucoup d’européens que j’ai pu croiser sur les routes, elle a fui l’Europe, la crise, le travail. Elle était d'abord partie en Asie, puis après un retour en Italie pour raisons familiales, la voilà en Amérique du Sud. Sans intention de rentrer un jour, se cherchant de quoi vivre sur place. Je prends mes petites habitudes à Sucre. Café le matin dans la cour de l’hôtel avec Sara, mon petit réchaud à gaz sur le sol. Passages au marché, fruits, pains, gâteaux, déjeuners au comedor à l’étage. Ballades en ville, farniente au soleil. Repos.

Lagune au sud d'Uyuni