samedi 23 avril 2011

31

Afficher D'Addis Abeba à Bahir Dar
31 ans. Aujourd’hui je suis à Bahir Dar, en Éthiopie depuis 10 jours, et j’ai 31 ans.
31 ans déjà, 10 jours déjà. Quelle que soit l’échelle le temps file. Je ne sais pas si un mois va me suffire pour Éthiopie, je vais sans doute devoir accorder quelques jours de plus à ce pays, peu ordinaire.
Arrivée à Addis, arrivée dans un autre monde. Dès l’atterrissage je sais que l’Afrique de l’Ouest est déjà loin. Un véritable aéroport, des passerelles d’embarquements en verre, les avions d’Ethiopian alignés devant le terminal. Il est loin l’aéroport de Lomé et sa piste sans taxiway, sa quinzaine de vols par jour… Dans le taxi de nuit je découvre les lumières de la ville, de grandes avenues éclairées, des buildings toujours plus hauts en construction un peu partout. Elles sont loin les rues pas toujours pavées de Bamako où seuls les immeubles de la BCEAO et des hôtels Lybia (merci Mouammar) viennent rompre la monotonie des petites habitations sans étages.
Tout est différent parce que l’Ouest est à la traîne. Tout est différent aussi parce que les éthiopiens aiment à ne rien faire comme leurs voisins. La nourriture est différente. Elle est bonne, ce qui fait déjà une sacrée différence avec le Mali ou du Burkina. Les plats sont servis sur une sorte d’immense crêpe appelée Injara qui fait office de plat mais aussi de couverts. On prend un morceau d’Injara dans un coin de l’assiette et on s’en sert pour attraper la nourriture. L'heure éthiopienne elle aussi est différente, à 6h du matin quand le soleil se lève il est en fait 0h à l'heure éthiopienne. Assez déconcertant, surtout quand il faut demander un horaire de bus...
Différents les éthiopiens, mais tout aussi accueillant que le sont les africains à l'Ouest. Déjà j'aime le pays, à commencer par Addis. Entourée de montagne, bâtie sur des collines la ville est agréable, le temps y est frais. Ces éthiopiens à la peau claire, les tuk tuk dans les petites rues, l'atmosphère me paraît très orientale. Seuls un ou deux bergers conduisant leur troupeau au milieu des taxis me rappellent qu'on est encore en Afrique.
En attendant mon visa pour le Kenya, j'ai tout le temps de profiter de la ville. De Piazza à Bole, de Mexico à Arat Kilo, de Markato à Kira, je sillonne la ville en taxi collectif. Le temps de retenir les noms (et  les prononciations surtout...) des destinations principales que crient les rabatteur depuis chaque minibus et je peux traverser la ville pour quelques Birrs. "Mexico, Piazza ! Piazza, Mexico !".
Quelques jours à Addis et je prends finalement un bus pour le nord, Bahir Dar. Malgré un pneu ayant explosé juste sous mon siège en cours de route, le voyage se passe plutôt bien. J'ai opté pour une compagnie de luxe, sièges inclinables, climatisation, petit déjeuner. Et les paysages... Ces immenses falaises découvrant la plaine, c'est indescriptible.
Bahir Dar, une petite ville paisible sur les bords du Lac Tana. Après une journée à la découverte des monastères disséminés un peu partout dans les îles, je me laisse entraîner pour la soirée par deux éthiopiens rencontrés au bar du guest house où je réside. Les deux sont représentants commerciaux pour Daschen Beer, l'alcool va couler à flot... Ils m'emmènent voir musiques et danses traditionnelles. Musique et danse traditionnelle, la télévision nationale ne diffuse que ça. Dans le bus m'emmenant à Bahir Dar ? Musique et danse traditionnelle. Mais je suis quand même assez curieux de voir ça en réalité. Vous comprendrez mieux pourquoi si je précise que beaucoup de ces danses consistent en de frénétiques mouvements des épaules et de la poitrine et que les éthiopiennes sont bien souvent belles à tomber dans le lac Tana... Hypnotique.
La suite de la soirée sera beaucoup moins traditionnelle, et la gueule de bois inévitable. Bref. Me voilà donc à Bahir Dar jusqu'à lundi. Eskedar, qui m'a accueilli à Addis, a finalement réussi rejoindre la ville où réside toute sa famille. C'est avec eux que je devrais passer la journée de demain. Demain c'est Pâques. Étant donnée la rigueur avec laquelle les éthiopiens observent le carême, ce devrait être quelque chose !

Monastère près du Lac Tana

mercredi 13 avril 2011

Cap à L'Est

L'Afrique de l'Ouest c'est terminé. Je passe à l'Est. Je suis à Lomé et dans quelques heures je m'envole pour Addis Abeba.

jeudi 7 avril 2011

Au royaume du Dahomey

Afficher De Natitingou à Ouidah
Cap au sud, cap sur Abomey, ancienne capitale du royaume du Dahomey. Autant annoncer de suite la couleur, je ne garde pas un excellent souvenir d’Abomey. Le site en lui-même est intéressant, la ville est pleine d’anciens palais royaux. L’ensemble n’est pas très bien mis en valeur, mais c’est agréable de déambuler en ville et de découvrir un palais au coin de la rue.
Le problème ne vient pas de la ville mais plutôt de ses habitants. Pour la première fois depuis Dakar Plateau je ne me sens pas du tout à l’aise avec les gens qui m’entourent. Difficile de faire cent mètres dans la ville sans que quelqu’un ne m’arrête pour me demander "cent francs", un "cadeau", ou de lui payer un plat. Des mendiants j’en ai vu, de partout. Mais ce ne sont pas des mendiants. Non, ce sont des enfants, des femmes, des hommes, des vieux, des jeunes. Ils travaillent, ils sont pauvre bien sûr, mais pas plus qu’au nord Bénin, et sûrement pas plus qu’au Burkina.
On me demande de l’argent en permanence, et on essaye de nouveau de m’arnaquer. J’avais un peu perdu l’habitude. En étant blanc en Afrique il faut s’attendre à batailler pour payer le vrai prix ou s’en approcher au moins un peu. Mais alors à Abomey c’est systématique, ça commence à l’arrivée à Bohicon où les zems me demandent un prix délirant pour m’amener à Abomey. Quand il n’en reste plus qu’un seul sur la meute qui accepte encore de me prendre je sais que je ne suis plus très loin du "bon prix". Et ça se poursuit tout au long de mon passage dans la ville, même pour acheter un bout de pain. J’achète du pain pour qu’on m’y mette un peu de sauce pimentée, la femme à qui je l’achète m’annonce le bon prix, 125 CFA. A la seconde où elle m’annonce le prix je vois sa voisine qui lève les bras comme les yeux au ciel et commence à l’engueuler en Fon. Je ne comprends pas le Fon, mais ce n’est pas vraiment difficile de comprendre ce qui se passe quand on les seuls mots que je saisis au vol sont "yovo" (le blanc en Fon) et "300 francs". Je ne me sis pas gêné pour lui en mettre plein la tête. « Non je n’aurais pas payé 300 francs », « Ici vous êtes mauvais ! », « A Abomey vous êtes mauvais et malhonnêtes. Il n’y a qu’ici que j’ai vu ça !». Je le pense et je le redirai le lendemain à une autre marchande de pain qui rechignait à me rendre la monnaie, puis à nouveau aux taxis à la gare routière qui voulaient encore me taxer de 500 francs. A eux j’explique même que je ne remettrai jamais les pieds dans leur ville et que je prendrai bien soin de dire aux autres "yovo" de ne surtout pas venir chez eux. Ils sont penauds et choqués, mais tant pis. A croire que ces descendants des rois sanguinaires et esclavagistes du Dahomey ont gardé quelques choses de mauvais en eux. Plus tard des béninois ne me diront pas autre chose, ils n'aiment pas les gens d'Abomey.
Cotonou. J’arrive en fin de matinée. Je dois retrouver Dagmar et Lars, un couple de hollandais que j’avais rencontrés au Mali. Ils s’installent à Cotonou. Lars s’est fait arrêter par la police alors qu’il était en route pour venir me chercher à la station routière. Je dois prendre un zem.
Un zem à Cotonou. Si vous êtes amateur de sensations fortes je vous recommande l’expérience. La circulation est démentielle à Cotonou, les taxi-motos sont partout, ils roulent vite et n’importe comment. Le premier que je prends avec mon gros sac sur le dos se révèlera être le plus timbré de tous ceux que je prendrai à Cotonou. On est toujours entre 60 et 80 à passer entre les voitures les motos, s’insérer dans une avenue sans jamais s’arrêter. On klaxonne on fait des signes mais surtout on ne s’arrête pas, ça doit passer, ça passe.
Dagmar et Lars emménagent à peine. L’eau ne fonctionne toujours pas (« l’eau ce soir c’est bon » oui, oui bien sûr…). On campe donc dans leur immense appartement. C’est agréable de revoir des visages un peu familiers. Pour la première fois depuis le Sénégal je me paye un vrai restaurant. Indien, délicieux.
Le lendemain je vais voir un peu la route des pêches. Des plages et des huttes de pêcheurs à quelques centaines de mètres du bouillonnement de voitures et de motos de Cotonou. La parenthèse Abomey est bien refermée. Les gens sont de nouveaux gentils, les enfants adorables  « Bonjour Yovo, ça va ? ». Gentils et curieux. Un enfant me demande comment j’ai fait pour devenir blanc.
« Je suis né comme ça
- Mais quand on est noir on ne peut pas devenir blanc ?
- … »
Aujourd’hui je suis à Ouidah, après Abomey je poursuis la route des esclaves.

La cathédrale de Ouidah

vendredi 1 avril 2011

Il peut nous sauver !

Afficher De Kara à Tanongou

Kara, le pèlerinage. Comment je me suis retrouvé là-bas ? Ça commence la veille au soir, j’arrive chez Jean qui m’héberge à Kara. Ce sont les "sœurs", Sandra et Daïssa qui s’occupent de moi et qui décident de m’emmener à la "semaine culturelle". La semaine culturelle au Lycée Kara 2 ça consiste en une grande fête dans les locaux du lycée. Je me retrouve donc seul blanc dans une fête lycéenne entouré de jeunes togolais ivres de musique et d’alcool. Ces jeunes faisant la fête la nuit tombante, le vent, la poussière et en arrière-plan l’orage sur les montagnes environnantes.  Une atmosphère bien particulière, pas déplaisante.
Plus tard on se retrouve en ville autour d’un verre. Un vin blanc espagnol en brique, ça sent le mal de crâne. C’est là qu’une amie de Sandra, Anah, m’apprend qu’il y a pèlerinage le lendemain à Yadé. Non je ne vais pas à la messe, non je ne prie pas. Encore une fois je dois expliquer ce qui est ici inconcevable. « Il faut aller quand même ! ». J’accepte.
Le lendemain on est supposé partir très tôt. Mais après la soirée de la veille il est un peu dur de se lever, et pas que pour moi… On arrive à 9h. La procession se fait par petits groupes, beaucoup sont déjà partis. Un petit livret, le thème « Courage, lève-toi. Jésus t’appelle ». Je sens que je vais adorer… En définitive c’est plutôt bon enfant, ça chante, ça danse. Quelques pauses pour lire et interpréter  le passage biblique choisi pour ce jour. Là je pique du nez. C’est sûrement mieux comme ça, j’avais bien quelques interprétations à leur soumettre mais je ne sais si j’aurais eu un franc succès. On arrive à destination. En haut d’une colline une croix. Et tout autour du monde, beaucoup de monde. Une messe doit suivre mais là j’avoue que c’est trop pour moi. Je m’esquive vers les vendeurs de tchouk (la bière de mil locale) et on rentre manger en ville.
Après un passage par Pya (un gros village, bien goudronné, éclairé, plein de belles maisons et de grosses voitures et… qui se trouve être le village natal d’Eyadema Gnassingbe, président dictateur du Togo de 1963 à 2005) j’ai prévu de passer au Bénin. Je quitte Kara pour Nadoba, en pays Koutammakou. C’est ici que vivent les Tamberma, dans leur drôle de maisons, les Tatas Tamberma. Des maisons à étages ressemblant à de petits châteaux forts.
Moi qui pensais que le tourisme gâtait un peu le pays Dogon, ici je crois que c’est cause perdue… Même les agents gouvernementaux gérant l’entrée du site cherchent à vous imposer  un guide. Il faut lutter pour s’en débarrasser (et mentir "merci je vais au Bénin je ne m’arrête pas"). Une fois sur place impossible d’y couper, un guide vient vous forcer la main, les femmes Tamberma sont là pour vous tenter de vous vendre sifflets ou autres objets traditionnels, quémandent une photo pour mieux demander de l’argent par la suite, les gamins aussi mendient argent et bonbons… L’horreur. Le paysage est magnifique mais je n’ai qu’une envie : partir bien vite d’ici.
Le lendemain je prends mon sac et décide de traverser la frontière à pieds. Il y a cinq kilomètres entre Nadoba et Boukoumbé, la campagne est belle, les Tatas (Tamberma côté togolais, Somba côté béninois) sont partout. En chemin des enfants m’offrent des mangues. Je m’arrête pour le petit déjeuner, partager mon pain. Ce sont eux qui m’apprennent que je suis en fait déjà au Bénin. Je suis déjà bien chargé mais je repars avec au moins deux kilos de mangues. Impossible de refuser des mangues, impossible…
De Boukoumbé je pars pour Natitingou puis pour Tanongou, un petit village en bordure du Parc de la Pendjari collé aux montagnes de l’Atakora. Une cascade, une piscine naturelle. On peut loger chez l’habitant, un B&B à l’africaine, c'est très bien. Le soir Noël, un des enfants de la famille, m’explique qu’à 20H il y a répétition de la chorale à l’église.
« Mais il est 21h30 là, c’est terminé, non ?
- Non, les femmes ne sont pas encore arrivées, ici c’est comme ça. Mais nous allons changer, avec l’aide de Dieu nous allons changer ! »
L’église c’est une maisonnette en terre de peut-être dix mètres sur cinq, un toit en tôle, des portes et fenêtres sans battant. A l’intérieur femmes et enfant ont fini par arriver, une lampe à LED chinoise et bien faiblarde dans un coin éclaire vaguement la pièce, ça commence :
« Il a sauvé Daniel des griffes du lion
Il a sauvé Jonas du ventre du poisson
Il a sauvé Israël des mains du Pharaon
Il peut nous sauver !
S’il a sauvé Daniel, Jonas et Israël,
Dieu peut nous sauver ! »
Ils chantent, ils dansent, c’est entraînant, j’aurais presque envie d’y croire pour eux. Presque, enlevez moi la mélodie et les danses et je vous dirai tout le contraire. Les "Si Dieu veut" et autres "Inch Allah", ce fatalisme omniprésent du Sénégal au Bénin ne les aidera pas plus qu’il ne les sauvera.
Aujourd’hui je suis de retour à Nati. Demain je file au sud.
Tatas Tamberma dans le Koutammakou