Insécurité :  en parler ou pas ?

Ce qu’il ne fallait pas faire

De toute évidence, Sarkozy a ressorti l’insécurité de son chapeau pour tenter de faire oublier l’affaire Woerth, et plus généralement, le parfum général de collusion entre la classe des super-riches et son gouvernement, qui, spécialement en temps de crise, révolte complètement l’opinion. Et si l’on essaie de parler sérieusement de ses propositions et surtout de son bilan en la matière, n’en doutons pas, il sortira très vite un autre sujet de son (petit) chapeau. C’est la simple tactique, à un point il est vrai inégalé, des conseils en communication de Tony Blair : sauter le plus vite possible d’un sujet à l’autre pour maîtriser l’agenda médiatique, ne rien approfondir.

En dehors même du cas spécifique de la sécurité, c’est donc à un mode général de riposte à cette tactique du zapping et de la provocation permanente qu’il faut réfléchir. Sans doute, refuser ce jeu, le dénoncer, et tenir prêt des argumentaires précis et des propositions, énoncées dans chaque domaine par un ou quelques interlocuteurs reconnus, compétents et bien identifiés par le public- des futurs ministres ; tolérer l’expression de divergences et d’un débat courtois, mais éviter la cacophonie ; parfois, prendre son temps.

En tous cas, ce qu’il ne fallait pas faire, c’était répondre aux provocations de Sarkozy par un discours hautain et empreint des bons sentiments et principes de l’élite de Saint-Germain des Prés, quartier où la sécurité n’est pas vraiment menacée, le genre de discours qui nous a complètement coupé de nos concitoyens. Badinter l’a fait, et Sarkozy le remercie grandement. Heureusement, la plupart des responsables du PS s’en sont gardé.

Donc oui, il faut parler de l’insécurité, car c’est un problème réel qui empoisonne la vie des gens, et plus spécialement celle des classes les moins privilégiées.

Quelques idées

- Il est indigne, odieux, d’utiliser l’insécurité, problème réel, douloureux, sérieux, comme leurre pour détourner l’attention des affaires de corruption, se livrer à des provocations, opposer les Français entre eux- alors que seul le consensus sera efficace, et passer ensuite à autre chose en refusant tout débat. Le sujet et les français qui en sont victimes méritent mieux que cela.

- Il est indigne, odieux de laisser croire qu’on règlera le problème en enlevant la nationalité française aux criminels récemment naturalisés. Personnellement, j’ai du mal à trouver cette mesure scandaleuse - et anticonstitutionnelle, elle ne l’était pas il y a quelques années, sous la même constitution ! Mais 1) cela ne peut concerner que des criminels ayant une double nationalité – on ne peut pas créer d’apatrides- et 2) A quoi sert de leur enlever la nationalité française si on ne peut pas les expulser du territoire ? Or justement, c’est Sarkozy qui a rendu plus difficile l’expulsion des criminels condamnés, autrefois quasiment automatique, au moins en droit – la « double peine »! Cette mesure – encore une fois, je ne trouverai pas scandaleux de la voter, mais on peut en discuter-, ne pourra en tout état de cause s’appliquer qu’à un nombre ridiculement faible de cas ; mais c’est se moquer du monde que de la présenter comme efficace !

- Après tant-trop- d’années au gouvernement, au ministère de l’intérieur, à la présidence de la République, tant d’ années où l’insécurité a été présentée comme une priorité, il n’est plus temps pour Sarkozy de présenter des propositions , mais un bilan. Or, celui-ci est désastreux, malgré toutes les tentatives pour maquiller les résultats – plaintes dissuadées, statistiques non publiées- celles des voitures brûlées par exemple, augmentation des crimes avec atteinte à la personne, ceux qu’on peut plus difficilement masquer ! En matière de sécurité, Sarkozy est incompétent !

- L’activité policière a été complètement dénaturée et rendue moins efficace par une politique aberrante d’indice et de récompense « à la performance »…abandonnée depuis belle lurette dans la plupart des organisations privées. En témoigne ainsi l’explosion complètement injustifiée et inacceptable pour les libertés publiques des garde à vues- il est facile de placer quelqu’un en garde à vue pour un mot de travers, et en plus ça fait un « fait élucidé », double prime ! Par contre le travail difficile, lent et dangereux de démantèlement d’un réseau de trafiquants de drogues… ça paie pas ! Encore plus grave peut-être, cette politique a exaspéré les citoyens et creusé le fossé entre eux et les forces de police.

La police se fera avec les policiers et pas contre eux ! il est indispensable de renouer les liens avec leurs organisations professionnelles, de dénoncer de manière argumentée la politique en cours, de réfléchir avec eux à l’amélioration de l’efficacité policière, qui ne passe pas seulement par l’augmentation des effectifs !

- Sachons reconnaître une innovation utile : les GIR. Groupant policiers, gendarmes, agents du fisc, ce peuvent être de bons outils pour s’attaquer aux trafics et à la grande criminalité. Ils ont beaucoup été médiatisés – mais combien fonctionnent réellement, avec quels moyens ? De toute évidence, la maille régionale est sans doute trop grande pour une action locale, trop petit pour des enquêtes internationales qu’il faudra faciliter

- Il est aussi temps de dire halte au matraquage des automobilistes- là encore des affaires facilement élucidées et qui rapportent beaucoup en terme d’amendes. Enfin, dans quel pays vivons-nous où un homme qui ne pouvait mettre de ceinture de sécurité pour raison médicale- et c’est entre parenthèse le cas de nombreux malades des poumons- se retrouve en prison pour récidives multiples de non-port de ceinture de sécurité, et de désespoir, se suicide, un homme de 62ans, père de trois enfants. Il s’appelait Mohamed Allag,Mohamed Allag ! Où sont les Grandes Consciences, les pétitionnaires habituels ? Est-il stigmatisé parce que d’origine arabe, ou, pire encore, automobiliste ?

Près de trois cent mille Français conduisent actuellement sans permis, ce n‘est plus le fait d’une population marginale, mais de gens qui n’ont plus le choix de faire autrement. Poussée à ce point, la répression des automobilistes devient absolument contre-productive ! Il faut de toute évidence sanctionner aussi fortement les forts excès de vitesse, la conduite sous alcool ou stupéfiant, mais pas les petits excès et en tous cas, mettre absolument fin au retrait automatique et tenir compte de la nature des infractions et des circonstances ; c’est le seul type sanctions automatiques, sans tenir compte du contexte.

- De nombreux maires et élus locaux ont une bonne expérience de l’insécurité et des moyens d’y faire face ! Manuel Valls veut être Président, qu’il nous montre qu’il peut être un bon ministre de l’intérieur, qu’il dénonce l’imposture de Sarkozy et fasse des propositions concrètes, et Julien Dray., et d’autres… Urvoas aussi est intéressant Et si certains ne sont pas d’accord avec leurs propositions, qu’ils le disent, et proposent des améliorations,. N’ayons pas peur d’un débat sérieux – le sujet le mérite- et amical, de la recherche d’un consensus, bref le contraire de la méthode Sarkozy, pour autant qu’on puisse parler de méthode !