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Date de création : 29.05.2010
Dernière mise à jour :
10.03.2025
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6 voitures en double traction....
Par COUHAULT Christian, le 09.03.2025
christian, avec la vieille 141 ta champagnolles, j'ai rencontré comme beaucoup des problèmes d'embiellage, une
Par reseau3gg, le 08.03.2025
pour une fois qu'un modèle hj rend satisfaction.. .pour le thermal express, la compo était plus légère avec 3
Par Christian COUHAULT, le 08.03.2025
pour tout dire, ça m'étonnerait beaucoup aussi. dominique, je ne vois pas de troisième rail sur cette ligne. h
Par reseau3gg, le 07.03.2025
jacky, j'ai la chance d'être tombé (pour l'instant) sur un modèle fiable je suis entièrement satisfait. en rev
Par reseau3gg, le 07.03.2025
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Images...
...En 1941, Marcel PEROCHE devient "Sénateur" du rail, c'est à dire mécanicien sur les "Pacifics", les plus grosses machines à vapeur de l'époque. Après avoir gravi tous les échelons, il atteint le sommet de la hiérarchie des roulants. Depuis son enfance pendant laquelle il se souvient "avoir pleuré tellement il avait faim", jusqu'à sa retraite survenue avec la disparition des monstres à vapeur, il nous conte une vie étonnante, avec ses drames, ses souffrances mais aussi ses tendresses et ses plaisirs. Cet homme du SUD-OUEST, défenseur inconditionnel du rugby, se souvient d'un monde dur où le froid, les efforts épuisants et la soif étaient quotidiens mais s'effaçaient devant l'amour de la machine, l'amitié du compagnon et la saveur de la liberté.
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...Né à SAINTES en 1907. Marcel PEROCHE fut successivement apprenti, ouvrier ajusteur, chauffeur et mécanicien sur le réseau de l'ETAT puis à la SNCF. Pendant la Seconde Guerre Mondiale il a conduit l'ORIENT EXPRESS en SYRIE. A la retraite depuis 1958, il vit aujourd'hui dans sa ville natale. (Achevé d'imprimé en février 1984).
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...En 1914, je peux dire que mes frères, ma soeur et moi, nous avons eu une jeunesse malheureuse, et même très malheureuse. Il nous est arrivé de pleurer tellement nous avions faim, mais notre situation n'avait rien d'exceptionnel : beaucoup de familles connaissaient alors la même misère.
...Pour ne pas être condamnés au pain sec, nous allions aux champignons à la saison, nous ramassions des châtaignes dans les bois et des pommes tombées dans les vergers. Nous fabriquions aussi de la piquette avec des pruneaux sauvages, comme le sucre était trop cher, ma mère y mettait de la cassonade. Juste après les vendanges, c'était le moment d'aller râper dans les vignes, c'est à dire ramasser les raisins oubliés. Avec de la cassonade et de l'eau, on arrivait presque à en faire une boisson convenable.
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...Aujourd'hui, je me pose la question quand je vois tout le monde se plaindre, y compris les catégories sociales les plus huppées. Les gens sont de véritables saules pleureurs, et l'état est devenu un bureau national d'aide sociale. Mais c'est tant mieux : Les gens sont malheureux d'être trop heureux !
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...SENATEUR DU RAIL (Marcel PEROCHE) P 12.
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...En mai 1920 éclata la grève la plus terrible de l'histoire du chemin de fer. La puissance CGT avait remporté quelques succès dans les mois précédents, aussi prit-elle la décision de faire nationaliser tous les chemins de fer français. A SAINTES, les ateliers suivirent le mot d'ordre presque en totalité, mais la traction, à l'exploitation et à la voie, seuls les durs débrayèrent.
...Les grands leaders montaient sur une estrade et encourageaient les grévistes : "Tenez bon, camarades ! Nous allons avoir satisfaction sur nos justes revendications". Quand les discours étaient terminés, les cheminots formaient un long cortège de sept à huit cents personnes, avec des banderoles. Musique en tête, ils défilaient dans la ville en chantant.
...Après avoir répété le même scénario pendant quinze jours, les grévistes éprouvaient une certaine lassitude. L'argent ne rentrait plus à la maison, et les femmes commençaient à faire vilain. Mais il n'était pas question de céder, il fallait tenir coûte que coûte. Les plus démunis vendaient leurs meubles et leur linge. J'ai même entendu parler d'alliance en or. Et durant les meetings et les défilés, les chants avaient moins d'intensité, la tristesse faisait son apparition.
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...Bien sûr la direction n'attendait que cela pour inciter les grévistes à reprendre le travail. Elle chercha a les mettre au pied du mur en fixant des dates limites : Si tel jour les cheminots étaient à leur poste, elle promettait qu'ils ne seraient pas inquiétés. Mais il y avait ni radio ni télévision, et je n'ai jamais si si ces propositions avaient été bien transmises par les délégués.
...Enfin, la direction lança un dernier avertissement : les grévistes étaient punis d'un blâme et, s'ils ne respectaient pas le délai fixé pour la reprise, ils seraient révoqués. Les cheminots ne crurent sans doute pas à ces menaces, et ils continuèrent encore un peu la grève, jusqu'au jour où, la queue entre les jambes, ils durent reprendre le travail.
...
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......
...En 1920, la majorité des députés était à droite : c'était la "chambre bleue horizon". Pierre TAITTINGER, député de la circonscription de SAINTES, demanda une punition exemplaire pour les grévistes qui avaient refusé d'embaucher à la date décidée par la direction. Ce fut la révocation et la fermeture pure et simple des ateliers de saintes. Les deux mille cheminots qui avaient tenu jusqu'au bout se retrouvèrent sur le pavé. Par contre, les agents qui avaient refusé de faire la grève furent choyés par la direction.
...L'un d'entre eux, qui était par ailleurs dirigeant du rugby, subit la vengeance des grévistes. Un soir, ils l'attendaient à la sortie du travail pour lui sauter dessus. Ils le déshabillèrent, le peignirent en jaune, et emportèrent tous ces vêtements. Je me rappelle encore ce malheureux qui courait comme un fou dans les rues, peint couleur cocu.
...
...Les ateliers ne restèrent pas fermés longtemps. Au cour de l'été l'état les loua à une société privé, la CIMT (Compagnie Industrielle de Matériel de Transport), qui e confia l'exploitation à la société CARDE, de BORDEAUX. Les cheminots révoqués furent embauchés, mais au titre de l'industrie privée, c'est à dire qu'ils perdaient quinze jours de congé, la retraite, les facilités de circulation et tous les autres avantages.
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...SENATEUR DU RAIL (Marcel PEROCHE) P 14.
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...Le réseau de l'ETAT, le plus important de FRANCE, n'était pas à l'abri de la critique. Le gouvernement de l'époque se rendait compte qu'il était nécessaire de le réorganiser, et que les problèmes nés de la grève de 1920 et des révocations massives n'étaient pas encore réglés. Pour mettre de l'ordre dans cette énorme entreprise nationalisée, il fallait trouver un chef capable d'exercer une autorité mais aussi de manifester une compréhension des problèmes humains. Les gens qui possèdent ces qualités ne courent pas les rues, mais le gouvernement réussit pourtant à découvrir l'homme de la situation.
...
...Raoul DAUTRY, sorti major de Polytechnique, ancien ingénieur sur le réseau NORD, fut nommé directeur général en 1929. Il allait devenir "ministre de l'Armement" au début de la Seconde Guerre mondiale, puis "ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme à la libération". Il est mort en 1951, mais les cheminots ont gardé de lui un souvenir impérissable, surtout parmi les petites échelles.
...Pendant les années où il fut à la tête du Réseau de l'ETAT, de très nombreuses anecdotes circulaient sur son compte. Ses moindres faits et gestes étaient aussitôt connus de l'ensemble du réseau grâce au bouche à oreille, et je crois bien que le cheminot de ma génération qui n'a pas vu Raoul DAUTRY en personne n'existe pas.
...Il se considérait en service vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et ne laissait aucun détail lui échapper. Il fouinait partout, surgissait à l'improviste et réglait jusqu'aux plus petites choses, mais il exigeait le même dévouement de ses subordonnés. Sa formule favorite était : "Je veux que la punition d'un agent soit au prorata de son grade". La faute d'un lampiste ou d'un homme d'équipe devait être sanctionnée, mais la justice voulait qu'un gradé soit puni plus sévèrement, selon l'importance de ses responsabilités.
...
...En 1930, il se rendit à SAINT-MARIENS par le train, suivi de tout son état-major parisien, et de chefs de l'arrondissement de SAINTES. Il commença sa tournée par une inspection minutieuse du dépôt de locomotives, mais dans l'ensemble il ne trouva rien à dire. La gare de SAINT-MARIENS, elle aussi était impeccable, les signaux étaient comme neufs, et l'on voyait de la peinture fraîche sur les portes, les fenêtres, et même entre les rails, sur les chevrons. Il fut tellement impressionné qu'il demanda aux responsables si la gare était toujours dans cet état de propreté. Evidemment, la réponse fut affirmative. Le directeur restait cependant sceptique.
...En sortant de la gare pour monter dans la voiture qui devait la conduire à BLAYE, il passa près d'une place où des enfants jouaient au football. Par le plus grands des hasards, le ballon lui roula dans les pieds, et l'un des gosses se précipita pour le ramasser en s'excusant.
... -Dis-moi, lui demanda alors DAUTRY, la gare est-elle toujours aussi propre qu'aujourd'hui ?
... -Pensez-vous ! Ils attendent le directeur. Il y a huit jours qu'ils y travaillent.
... -Voyez, Messieurs, dit Raoul DAUTRY en se tournant vers son état major, la vérité sort toujours de la bouche des enfants !
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...SENATEUR DU RAIL (Marcel PEROCHE) P 23.
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...Pendant les années où il fut à la tête du Réseau de l'ETAT, de très nombreuses anecdotes circulaient sur son compte. Ses moindres faits et gestes étaient aussitôt connus de l'ensemble du réseau grâce au bouche à oreille, et je crois bien que le cheminot de ma génération qui n'a pas vu Raoul DAUTRY en personne n'existe pas.
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...Arrivé à BLAYE, il inspecta la gare de marchandises, les installations portuaires, puis la gare de voyageurs. Selon son habitude, il voulut voir le corps de garde qui accueillait les équipes de traction et les agents de train, pour constater l'état de la vaisselle et de la literie. Il sortit des placards des bols ébréchés, des assiettes fêlées, des casseroles pratiquement inutilisables, et tout un matériel vieux comme hérode. Pris d'une violente colère, il s'adressa au chef de gare responsable :
... -Est-ce que chez vous, vous mangez dans pareille vaisselle ?
... -Bien sûr que non, Monsieur le directeur, répondit l'accusé en baissant la tête.
... -Mes agents ne sont pas des chiens ! Ils assurent de longues journées, ils travaillent dur, et ils ont le droit de manger dans de la vaisselle en bon état, comme tout le monde ! Il était si furieux qu'il fracassa les assiettes et les bols sur le sol.
... -Ce soir, je tiens à ce que ce matériel soit remplacé par du neuf ! Débrouillez-vous !
... -Oui, Monsieur le Directeur, répondit l'autre tout penaud. Pour Raoul DAUTRY, le bien être de ses agents était sacré, et il n'admettait pas la moindre négligence. Il ne voulait pas non plus entendre parler de favoritisme, ni de mépris des employés de bureau pour les catégories les plus humbles.
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...SENATEUR DU RAIL (Marcel PEROCHE) P 25.
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...Pendant les années où il fut à la tête du Réseau de l'ETAT, de très nombreuses anecdotes circulaient sur son compte. Ses moindres faits et gestes étaient aussitôt connus de l'ensemble du réseau grâce au bouche à oreille, et je crois bien que le cheminot de ma génération qui n'a pas vu Raoul DAUTRY en personne n'existe pas.
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...Les agents du grand dépôt de locomotives de MONTROUGE-CHATILLON habitaient souvent très loin en banlieue parisienne, aussi avaient t-ils demandé l'agrandissement de l'ancien corps de garde, ou la construction d'un nouveau bâtiment. Le directeur avait naturellement accédé à leur désir légitime.
...Fin 1930, il arrive un jour au dépôt de MONTROUGE, accompagné de sa secrétaire. Il était 12H30, et les agents étaient donc tous débauchés. Il en profita pour visiter le dépôt, le bureau de la feuille, l'atelier de réparations et le corps de garde, puis l'idée lui vint d'entrer dans le bureau d'ordres. Il eut la surprise de tomber sur quatre ou cinq employés qui, gardant leurs vieilles habitudes, refusaient d'aller manger au corps de garde.
... -Qu'est-ce que vous faites-là ? leur demanda DAUTRY sur un ton courroucé.
... -Eh bien, on mange, Monsieur le directeur.
... -Foutez-moi le camp de ce bureau ! Comment, vous m'avez demandé la construction d'un corps de garde, et vous n'y allez pas ! C'est un comble ! Messieurs les ronds de cuir, les culs de plomb, ne veulent pas se mélanger aux ouvriers ! Je ne veux plus vous voir ici ! Tout le monde au corps de garde, sans exceptions ! Sur ce, ils attrapèrent leurs gamelles et s'enfuirent sans demander leur reste !
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...SENATEUR DU RAIL (Marcel PEROCHE) P 26.
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...Pendant les années où il fut à la tête du Réseau de l'ETAT, de très nombreuses anecdotes circulaient sur son compte. Ses moindres faits et gestes étaient aussitôt connus de l'ensemble du réseau grâce au bouche à oreille, et je crois bien que le cheminot de ma génération qui n'a pas vu Raoul DAUTRY en personne n'existe pas.
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...Pour mettre fin aux abus, il n'hésitait pas à prendre des initiatives personnelles. Un jour de novembre 1930, il prit tout seul un train omnibus, comme simple voyageur, et descendit dans une petite gare de normandie. Seul sur le quai d'arrivée, un seul agent était présent.
... -Vous êtes le chef de gare ? lui demanda DAUTRY.
... -Non, je suis le sous-chef.
... -Pouvez-vous me dire où est le chef ?
... -Je ne sais pas.
... -Est-il de service ?
... -Oui, mais en quoi est-ce que cela vous regarde ?
... -Raoul DAUTRY, directeur général du réseau de l'ETAT. En voyant sa carte, le sous-chef devint pâle comme un linge.
... -Je vais le chercher , monsieur. Le directeur le suivit des yeux lorsqu'il sortit de la gare pour traverser la route, et pour entrer dans le café où le chef de gare faisait sa partie de cartes. Il est probable que DAUTRY était venu avec l'idée bien arrêtée de prendre l'agent sur le fait. De plus, il était violemment opposé à l'alcoolisme, et il voulait débarrasser ses subordonnées de ce fléau. Il fit enter le coupable dans le bureau pour lui passer un savon.
... -Vous étiez au bistrot pendant votre service. C'est une faute très grave, qui mérite une punition exemplaire. Vous aurez un blâme du directeur, dernier avertissement, et retenue de dix douzièmes sur vos primes de fin d'année. Il lui demanda combien il avait d'enfants, et lui fit une leçon de morale.
... -Vous pourriez au moins penser à eux. J'espère que cela vous servira de leçon.
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...Tous les samedis avait lieu ce qu'on appelait le conclave, c'est à dire la réunion chez le directeur général des responsables des différents services. Le samedi qui suivit la visite de la gare normande, DAUTRY raconta l'histoire à un auditoire très attentif.
... -J'ai voulu faire un exemple, conclut-il. Les chefs de la voie, de la traction, de l'exploitation, du service social, hochèrent la tête en signe d'approbation. Ils furent très surpris lorsque DAUTRY reprit d'un ton pensif :
... -Pourtant, messieurs, je n'ai pas la conscience tranquille. Depuis cet incident, mes nuits sont hantées. La retenue de dix douzièmes va peser lourd dans le budget modeste de ce chef de gare. Je crains que ce soient ses gosses qui en fassent les frais. il est probable qu'ils n'auront rien dans leurs souliers de Noël, contrairement à tous les enfants de mes agents. Qu'en dites-vous, messieurs ? Ces hommes graves répondirent qu'il fallait faire un exemple, et qu'après tout c'était la faute du chef de gare. Après avoir réfléchi un bon moment en silence, DAUTRY leur fit connaître sa décision.
... -Non, ce n'est pas possible, nous ne pouvons pas punir ces innocents. Le chef de gare aura sa retenue de dix douzièmes, mais vous, monsieur le chef de service des activités sociales, vous disposez d'un secours. Cette somme servira uniquement à acheter des jouets pour ses enfants. Vous y veillerez personnellement. Tous les chefs de service approuvèrent l'homme de coeur qui venait de leur donner une leçon. C'était cela, Raoul DAUTRY.
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...SENATEUR DU RAIL (Marcel PEROCHE) P 26.
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...Pendant les années où il fut à la tête du Réseau de l'ETAT, de très nombreuses anecdotes circulaient sur son compte. Ses moindres faits et gestes étaient aussitôt connus de l'ensemble du réseau grâce au bouche à oreille, et je crois bien que le cheminot de ma génération qui n'a pas vu Raoul DAUTRY en personne n'existe pas.
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...Raoul DAUTRY était brun, pas très grand, et portait une petite moustache, mais ce qui frappait le plus chez lui, c'était ces yeux vifs et intelligents. Sa voix était si claire et ses arguments si convaincants qu'il aurait pu être aussi bon avocat que directeur des chemins de fer. Il nous mit tout de suite à l'aise en nous demandant d'exprimer nos revendications, et en s'engageant à y répondre. Il promit de faire son possible pour les saintais gardent leur place aux ateliers, et d'étudier minutieusement les cas particuliers. Quand arriva mon tour, il me demanda quelle catégorie je représentais.
... -Les anciens apprentis CIMT, formés après 1920.
... -Pour moi, il n'y a aucune différence entre ceux d'avant 1920 et ceux d'après. Pour les uns comme pour les autres, c'est le chemin de fer qui a financé votre instruction à l'école, dans le but de former ses ouvriers pour l'avenir. As-tu fais ta demande pour entrer au réseau ?
... -Oui, monsieur le directeur, c'est déjà fait.
... -Tu en fers une nouvelle, que tu m'adresseras directement. Je vais avoir besoin d'ouvriers à la fin de l'année. Vous autres anciens apprentis, vous aurez la priorité.
...C'est donc plein de confiance en l'avenir que je repris le travail.
...
...SENATEUR DU RAIL (Marcel PEROCHE) P 29.
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...
...Dès mon arrivée à MONTROUGE en compagnie d'un camarade de SAINTES nous fîmes connaissance avec l'un des dépôts les plus célèbres et les plus modernes de FRANCE. Sous la rotonde, les PACIFICS sous pression attendaient l'heure du départ comme les chevaux à l'écurie. De jour comme de nuit, ces monstres d'acier sillonnaient les lignes du réseau de l'ETAT.
...
...Un jour, le directeur général du réseau vint faire une visite au dépôt de MONTROUGE. J'étais à mon poste, en train d'ajuster des coussinets de boîtes de roue d'une PACIFIC, quand Raoul DAUTRY passa dans l'allée centrale de l'atelier de levage, en compagnie du chef de dépôt principal et du contremaître. Soudain, il quitta ses deux interlocuteurs pour se diriger vers moi.
... -Il me semble que je te connais, toi ? Mais oui, l'ancien apprenti de SAINTES ! J'étais stupéfait qu'il se souvienne de moi. Il me demanda depuis quand j'étais là, si je me plaisais, quelles étaient mes ambitions dans la profession.
... -L'avenir est devant toi. Travaille, tu seras soutenu. Tu as deux solutions. Tu peux d'abord devenir chef d'équipe, voire contremaître. Il y a des écoles de maistrance. Ou bien alors tu peux choisir la conduite des trains car je tiens à avoir des professionnels sur les machines.
... -Eh bien, je pencherais plutôt pour la deuxième solution.
... -C'est très bien, me dit-il en souriant. Il me donna une petite tape sur l'épaule et alla retrouver ses subordonnés. Dès qu'il furent sortis, les camarades de l'équipe m'entourèrent :
... -Tu connais Raoul DAUTRY ? Mais comment ça se fait ? Pour satisfaire leur curiosité, je dus leur raconter mon entrevue à SAINTES en tant que délégué des anciens apprentis.
...
...SENATEUR DU RAIL (Marcel PEROCHE) P 36.
...
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...Malgré une certaine appréhension à l'idée de me retrouver sur une locomotive sous pression, j'étais content d'en avoir reçu l'ordre. Je rendis mon outillage et allai me présenter au service de la feuille. J'y trouvai un sous-chef de dépôt très grave, vêtu d'une blouse noire et évidemment coiffé d'un chapeau.
... -Nom ? Adresse ? On vous commandera, rentrez chez vous.
... -Je suis nouvellement embauché, monsieur. Vous savez, je n'ai jamais roulé.
... -Vous vous débrouillerez comme les autres. A partir de demain, ne vous éloignez pas de chez vous.
...
...Le lendemain, vers onze heures, arriva le réveilleur, dont la mission consiste à commander les agents de conduite. C'était un saintais, que j'avais connu à l'école communale. Il me délivra un bulletin de commande, qui m'affectait de vingt heures à quatre heures sur les navettes de MONTROUGE-MONTPARNASSE. Celles-ci avaient lieu toutes les heures ou toutes les deux heures et elles permettaient aux agents de gagner du temps en leur évitant d'attendre les trains de banlieue, car elles s'arrêtaient juste devant le dépôt, sur le plateau de MONTROUGE.
...Le jour elles étaient destinées aux ouvriers, aux employés et aux agents de maîtrises, la nuit, elles transportaient surtout des agents de conduite et des surveillants de dépôts.
...
...Je devais à présent retrouver la fameuse navette, qui était noyée au milieu des trains réguliers et supplémentaires. Je la cherchai un bon moment, mais en vain, parmi les milliers de voyageurs se hâtant dans toutes les directions. Je dus me résoudre à interpeller un sous-chef de gare à casquette blanche, qui expédiait les trains.
... -Je n'en sais rien, me répondit-il. J'ai d'autre chats à fouetter que de m'occuper de votre navette ! Je finis par la découvrir parmi les rames de banlieue. Le mécanicien était parti, mais le chauffeur était resté pour attendre la relève. Comme il me parut sympathique, je lui expliquai ma situation.
... -Je ne connais rien du métier, lui dis-je.
... -Malheureusement, ce n'est pas le mécanicien que tu vas avoir qui va t'apprendre grand-chose. Il devrait déjà être en retraite. Il a mauvais esprit, il est mal vu de tout le monde, des collègues comme des patrons. Mon moral était au creux de la vague.
... -Monte sur la machine, reprit le chauffeur. Je vais te donner quelques conseils.
...
...A peine était-il parti que mon compagnon arriva, je compris tout de suite ce que le chauffeur avait voulu dire. Mon coéquipier semblait avoir soixante ans avec son menton mal rasé et sa moustache grisonnante, il était coiffé d'une vieille casquette bleue marine, et vêtu d'un pardessus verdâtre qui avait perdu ses boutons. Je me présentai, mais il ne se donna même pas le mal de répondre.
... -C'est la première fois que je monte sur les machines.
... -J'en ai rien à foutre. Je suis pas là pour t'apprendre. Moi, j'attends la retraite. Sur ces paroles engageantes, il ouvrit la prise de vapeur de la pompe à air, et il m'ordonna de remonter la pendule AUGEREAU, qu'en termes de roulants on appelait le "mouchard".
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...SENATEUR DU RAIL (Marcel PEROCHE) P 38.
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...A MONTROUGE nous avions une coupure de deux heures, durant laquelle nous restions en stationnement. Mon compagnon alla dormir dans la première voiture de la rame, tandis que je mangeai seul un bout de pain, assez désabusé et sans grand appétit. Ensuite, pendant que le vieux dormait comme un sonneur, je m'entraînai à charger la machine pour assouplir les bras, et je rapprochai le charbon.
...Vers deux heures trente, l'aiguilleur agita sa lanterne pour donner le signal du départ de la prochaine navette. J'allai aussitôt réveiller le mécanicien, qui me reçut avec des grognements. Je mis le souffleur, la pompe à air, et remontai le pendule. Avant de démarrer, mon compagnon allongea le bras derrière les prises de vapeur, et sortit une trotteuse (récipient métallique qui contient environ trois quarts de litre). Il remplit son quart de soldat et me le tendit.
... -Tiens, bois ça, ça te fera du bien. Comme je refusais, il se mit en colère :
... -Ici sur la machine, c'est moi qui commande ! Je te répète : bois ce café ! Pour ne pas faire d'histoires, j'avalai le liquide qui devait bien contenir un quart de rhum. Je reconnais qu'il me fit du bien, et surtout qu'il me tint en éveil.
...A quatre heures, après deux autre navettes, une équipe vint nous relever. Mon triste compagnon me serra tout de même la main, et me dit :
... -A ce soir. Il était un tantinet remonté dans mon estime.
...
...Pendant huit jours, ce fut à peu près le même scénario, à cette différence que je gagnais en assurance, et que mon moral s'améliorait. Mon compagnon était toujours aussi sinistre et taciturne, mais chaque nuit après la coupure, il m'offrait le traditionnel café au rhum. A mon retour de congé, j'appris avec soulagement que je quittais les navettes de MONTROUGE-MONTPARNASSE, et que j'étais affecté aux manoeuvres en gare de CLAMART à sept ou huit kilomètres de PARIS. Le service durait de trize à vingt et une heures.
...
...SENATEUR DU RAIL (Marcel PEROCHE) P 44.
...