Le syndrome de Clérambault

N'oublie pas que je t'aime...sorti de la bouche de l'amour avec les yeux mouillés, c'est tout de même une
menace...
je t'aime veut dire aime moi...c'est vieux comme le monde, d'une banalité consternante, et c'est ce qui constitue le départ du couple quel qu'il soit, quelle que soit son orientation...

Le couple n'existe pas; il faut donc l'inventer; là aussi la recette est ancienne: des concessions, des compromis voire de compromissions...laisser mijoter à feu plus ou moins doux!
Chacun est amoureux de l'amour; ainsi l'amour est un fantasme qui va de la passion à la haine...
Mais que m'arrive-t-il, pour tenir un discours aussi banal?!

C'est que Dorothée est amoureuse: tout le temps et c'est si douloureux qu'elle veut mourir ou tuer à chaque fois: elle a vingt quatre ans, n'a pas connu son père, et sa mère la surprotège, ne se permet pas de retrouver un compagnon tant la jalousie de Dorothée est permanente et violente...

Pour elle, "n'oublie pas que je t'aime" devient "tu m'aimes forcément, puisque je t'aime"...l'être recherché a toujours entre vingt et vingt cinq ans de plus qu'elle,(l'image classique du père idéalisé) il est atteint du bon vieux démon de midi, et ça marche..avec ou sans passage à l'acte sexuel, courant chez l'érotomane....et l'enfer commence, surtout pour lui...elle le suit partout, le traque, lui fait des scènes pour rien, lui demande cent fois par jour s'il l'aime, bref, lui pourrit la vie et détruit tout embrion de relation:

c'est que Dorothée est atteinte du syndrome de Clérambault, et ne saurait admettre cette évidence...l'érotomanie, un syndrome qui appartient à la psychose, un trouble psychiatrique grave et difficile à soigner, tant les répétitions de l'échec sont récurrentes...aussi voit-on souvent des passages à l'acte homo ou hétérogènes...
Erotomanie ou "la Carmen des asiles"! si tu ne m'aimes pas prends garde à toi!

Un long travail de psychotérapie associé à un traitement (une projection amoureuse est aussi de l'ordre du délire) une séparation lente d'avec maman...beaucoup de patience et de conviction avec la participation des protagonistes, on arrive parfois à de bons résultats...Dorothée grandit doucement, doucement...en sortant du bureau de son psychiatre, elle l'a regardé longuement: non, lui, il est vraiment trop vieux !