Cette petite dame que vous pourriez croiser au coin de la rue sans la reconnaître, avec son visage de tout le monde, son tablier à carreaux et ses cheveux retenus par des épingles n'avait rien d'une star. Elle eut très rarement droit à une identité: c'est, par exemple, une commère, une dame à l'église ou au commissariat. Elle n'est pas souvent créditée au générique et, quand elle l'est, il faut recourir à des périphrases pour préciser son rôle: c'est alors "la spectatrice aux cheveux encombrants", "la vieille portant un fagot" ou "la dame âgée dans l'escalier".

Elle a plus souvent dormi dans les chambres de bonnes que dans les palais. que de fois ne la voit-on pas ouvrir des portes et servir à table? C'est la bonne de l'abbé dans "Maigret et l'affaire Saint-Fiacre", de Delannoy ou Jeanne, la servante dans "les mystères de Paris", d'André Hunebelle ou une femme de ménage (et encore n'est-elle que la seconde!) dans "un milliard dans un billard", de Nicolas Gessner. Elle ne s'élève d'ailleurs que rarement dans l'échelle sociale: la voilà marchande de journaux pour Duvivier ("l'homme à l'imperméable"), matelassière dans "bibi Fricotin", de Marcel Blistène, concierge bien sûr dans plusieurs films, crémière dans "un cheveu sur la soupe", de Maurice Régamey, caissière chez Michel Boisrond ("cherchez l'idole") et même "dame pipi à la gare" pour Le Chanois ("parti sans laisser d'adresse").

A ses débuts elle incarna cependant une directrice de pensionnat dans "paradis perdu", le beau film d'Abel Gance et, un peu plus tard, la patronne d'un café dans "les corsaires du bois de Boulogne" de Norbert Carbonnaux.

On la vit aussi à la télévision, dans des épisodes des "cinq dernières minutes", ou de "l'inspecteur Leclerc enquête", avec Philippe Nicaud, ou, plus tard, dans le "Maigret" incarné par Bruno Cremer. Elle y tenait les mêmes rôles épisodiques de concierges ou de domestiques. Au théâtre elle fit partie de la distribution d'une pièce de Louis Ducreux (mise en scène par l'auteur) et participa à "Hedda Gaber", d'Ibsen, mise en scène par Raymond Rouleau.