Médecin agressé dans le Sénonais : "Une première en 30 ans mais les gens s'énervent parce qu'ils sont en détresse"

C'est la troisième agression du genre en moins d'un an dans l'Yonne : un médecin s'est fait agresser par un patient, dans son cabinet. Ça s'est passé ce lundi, peu avant midi, dans les locaux d'SOS Médecins à l'espace santé Simone-Veil de Saint-Clément, au nord de Sens. Interpellé par la police, le suspect de 28 ans a été placé en garde à vue pour violences sur personne chargée de mission de service public. C'est le président de l'antenne locale d'SOS Médecins à Sens, Jean-Luc Dinet, qui a été molesté et a porté plainte.

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Il n'avait jamais connu pareille agression depuis qu'il a enfilé la blouse blanche. "L'activité d'SOS Médecins, mon activité de médecin de garde, ne pouvait pas répondre à la demande ce patient, raconte-t-il à France Bleu Auxerre. La consultation ne se passe pas trop mal, je lui explique, je lui donne les clés afin qu'il puisse trouver quelqu'un pour répondre à sa demande, je pense qu'il a compris. Il part. Mais lors de la consultation suivante, alors que j'ausculte un jeune garçon avec sa maman, il revient cinq minutes plus tard et force la porte de mon bureau pour m'agresser, parce qu'il était mécontent."

"C'est la première fois qu'on a un souci comme ça en 30 ans"

Tandis que les coups pleuvent de la part du présumé agresseur, le toubib a juste le temps de prévenir les forces de l'ordre via un dispositif spécialement mis en place à SOS Médecins. "C'est une petite touche en haut de l'écran de notre ordinateur fixe ou de notre téléphone au moment des visites, détaille Jean-Luc Dinet. On est géolocalisés, et si jamais on clique sur cette touche, notre centre d'appel, donc nos permanenciers, ont pour consigne d'appeler immédiatement le commissariat. C'est ce que je fais. Les forces de l'ordre interviennent dans les quatre minutes et interpellent l'individu sur place, ce qui est très agréable et très rassurant."

Des tensions, des consultations compliquées, des petites altercations, des noms d'oiseaux de la part de patients... Il y en a toujours eu, concède Jean-Luc Dinet : "Ce n'est pas notre quotidien mais on a l'habitude, on est formés à ça. Sauf que là, un passage à l'acte physique de la sorte... C'est la première fois qu'on a un souci comme ça en 30 ans à SOS Médecins Sens."

"Au bout d'un moment, vous dévissez"

Deux autres praticiens de l'antenne auxerroise d'SOS Médecins avaient été victimes de coups et de violences verbales de la part de patients en décembre 2023 et en février 2024. Le premier toubib avait d'ailleurs livré un témoignage poignant à France Bleu Auxerre sur son désarroi quant au traitement de son cas par la justice (son agresseur présumé comparaîtra le 1er octobre prochain devant le tribunal correctionnel d'Auxerre).

S'il condamne fermement toute forme d'agression, Jean-Luc Dinet met en exergue la détresse médicale dans la société qu'il côtoie tous les jours. "Je n'arrive pas à en vouloir à ces gens-là, en rupture complète d'offre de soins, souffle le médecin sénonais. Ils n'arrivent pas à avoir de consultation. Et quand ils viennent chez nous ou chez le médecin de garde, pensant qu'on va pouvoir répondre à leur demande. Et si l'on ne peut pas, les gens s'énervent parce qu'ils sont en détresse complète. Le manque d'offre de soins stresse énormément les gens."

Jusqu'à s'en prendre à quelqu'un censé les soigner ? "Bien évidemment, c'est inacceptable, répond Jean-Luc Dinet. Mais je prends toujours cet exemple : vous avez un nourrisson qui a de la fièvre, vous faites le tour de cinq, six professionnels, qui ne peuvent pas vous recevoir parce qu'ils sont dans l'impossibilité de le faire... Au bout d'un moment, vous dévissez. Là où ça m'a perturbé, c'est que ça s'est passé dans mon espace de consultation, censé être protégé. Et pour le coup, je ne m'y attendais pas du tout." D'après le ministère du Travail et de la Santé, chaque jour en moyenne, 65 professionnels de santé sont victimes d’agression physique ou verbale.