Aytré : 14 ans de combat pour les parents de Caroline, jeune femme handicapée morte après un incident dans son foyer

Que s'est-il passé, ce soir du 23 novembre 2010 ? La question hante les parents de Caroline, aujourd'hui septuagénaires. Ce soir-là, leur fille de 29 ans a subi un grave incident au foyer d'accueil médicalisé d'Aytré près de La Rochelle (Charente-Maritime), géré par l'APF France Handicap. Victime d'un manque d'oxygène - "anoxie cérébrale" - elle était décédée dix jours plus tard à l'hôpital. L'APF sera jugée en appel en tant que personne morale, pour homicide involontaire, le 9 septembre prochain à Poitiers. C'est le parquet qui a fait appel de la relaxe prononcée il y a presque quatre ans par le tribunal judiciaire de La Rochelle.

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Cet après-midi du 23 novembre 2010, sa mère vient apporter du linge à Caroline, dans ce FAM d'Aytré où elle vit depuis le début de l'année. La jeune femme est en plein atelier karaoké. Elle chante. L'image suivante, c'est quelques heures plus tard, après un coup de fil paniqué du foyer. Caroline a les lèvres bleues, elle est plongée dans le coma. À l'évidence, un problème avec son distributeur d'oxygène dont elle a besoin chaque nuit. Caroline souffre en effet de plusieurs pathologies : cardiopathie congénitale, insuffisance cardiaque et respiratoire, hémiplégie, scoliose. Cette battante est déjà revenue de trois arrêts cardiaques.

Les ratés d'une enquête interminable

Peu après 21h ce soir-là, l'appareil de ventilation aurait émis des alertes, et ce durant 17 minutes. Mais à l'époque, personne ne pense à expertiser la machine. Impossible aujourd'hui d'exploiter l'information dans un procès pénal, et notamment pour incriminer le personnel présent ce soir-là. Quatre aides médico-psychologiques et une aide-soignante, qui affirment n'avoir pas entendu cette alarme. Eux assurent avoir été alertés par une autre sonnerie, actionnée par la victime elle-même vers 21h30. Cinq minutes plus tard, les pompiers sont sur place. Réactivité exemplaire.

Cette explication n'a jamais convaincu la mère de Caroline, Annick Madec : "l'APF nous doit des explications. C'est intolérable pour nous de penser qu'ils ont manipulé les personnels de la structure, pour qu'ils disent : c'est ni moi ni moi. Et puis dire des choses qui sont irréelles." Annick est obsédée par une histoire de cuves d'oxygène. Celle qui servait à Caroline le soir du drame, aurait été remplacée dès le lendemain matin par une nouvelle, cette maman en est convaincue.

Un avatar parmi d'autres dans le parcours chaotique de cette enquête. Conduite d'abord par le parquet de La Rochelle, pour être refermée trois ans plus tard sur un non-lieu. Les parents de Caroline portent alors plainte auprès du doyen des juges d'instruction, avec constitution de partie civile. Une information judiciaire est ainsi ouverte, les agents présents le soir du drame se retrouvent dans le collimateur avant d'être mis hors de cause. Le juge d'instruction se concentre sur un seul prévenu : l'APF France Handicap.

Trois décès en six mois au FAM

Cette très longue enquête a révélé de nombreux dysfonctionnements dans cet établissement, qui venait tout juste d'ouvrir ses portes quand Caroline y a été accueillie. Manque de personnel, manque de formation, manque d'organisation, manque de procédures en cas d'urgence. Mais jusqu'à présent, la justice n'a jamais réussi à établir un lien indiscutable entre tous ces manquements et le décès de Caroline. Un décès qui n'était pourtant pas isolé, rappellent les parents de la jeune femme. Deux autres résidents sont décédés dans cette première année, entraînant le départ de son directeur, de sa médecin coordinatrice, et même du directeur régional de l'APF.

"C'est incompréhensible qu'on puisse avoir trois décès en six mois, se désole le père de Caroline, Marc Madec. Pas normal. Un foyer d'accueil médicalisé doit mettre tout en œuvre au niveau du personnel pour qu'il y ait une sécurité maximum. J'avais demandé une infirmière de nuit, il n'y en a jamais eu. Et c'est là que je suis vraiment en colère. Il y avait trop d'amateurisme." Ce foyer était pourtant très important pour Caroline, qui y voyait un moyen de prendre son autonomie.

Mais la confiance placée dans l'institution par ses parents a été trahie. Et pour eux, chaque étape de la procédure est une nouvelle épreuve. Mais nécessaire. "Je pense aux suivants" assure son père. Une question de "cohérence" pour sa mère : "Il faut aller au bout, même si ça risque d'être pénible. C'est ce qu'on lui avait promis sur son lit de coma."