VIDÉO - "On sait pourquoi elle part" : une chouette de l'Oural née au parc de Sainte-Croix relâchée en Allemagne

Les portes du camion blanc se ferment, mais Anthony Kohler n'arrive pas à détourner le regard. Un petit pincement au cœur ? "Pas vraiment, parce qu'en fait on sait pourquoi elle part", sourit le directeur zoologique du parc animalier de Sainte-Croix, qui vient de faire ses adieux à une jeune chouette de l'Oural, née au mois d'avril à Rhodes, en Moselle. "C'est plutôt la fierté du travail bien accompli. Il y a aussi une forme d'angoisse, on espère que tout va bien se passer pour elle dans la nature, ce n'est pas un long fleuve tranquille."

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Depuis 2017, le parc animalier mosellan supervise le programme d'élevage européen consacré à ces chouettes de l'Oural, une espèce menacée. Cette année, 23 rapaces ont été relâchés, vendredi 19 juillet, dans la forêt du Haut-Palatinat, en Allemagne. Parmi eux, neuf spécimens issus de plusieurs zoos et parcs animaliers français, dont le jeune mâle de Sainte-Croix. Ils seront réintroduits en milieu naturel aux côtés de quatorze autres congénères venus de parcs allemands.

Une réintroduction tout en douceur

Les soigneurs du parc de Sainte-Croix ont dû faire vite pour attraper la chouette dans sa volière, étroitement surveillée par sa mère. Le rapace, immobilisé par un soigneur, a ensuite passé quelques examens. "On a pris du sang et des plumes pour avoir une base de données génétiques, pour de futures études", détaille Camille Pesquet, vétérinaire au parc. "Normalement, l'animal ne sera plus jamais réattrapé."

Une fois dans sa caisse en bois, la chouette de l'Oural ne reverra la lumière du jour que cinq heures et demie plus tard, à son arrivée en Bavière. Et la réintroduction va se faire en douceur, avec une volière de transition. "Quand la porte s'ouvre, chacun va sortir à son rythme", explique Anthony Kohler. "On a des chouettes qui vont sortir très rapidement et qui ne reviendront pas sur site. Et d'autres à l'inverse, qui vont avoir besoin de rester sur ce site, c'est un peu un lieu refuge pour elles. Émotionnellement, elles sont peut-être moins aventurières que les autres."

Des nouvelles balises GPS

Pour la première fois, cette année, ces nouvelles chouettes de l'Oural seront équipées de balises GPS. "Elles vont faciliter le travail des équipes sur le terrain, on aura les données en temps réel", se réjouit le directeur zoologique du parc. "Aujourd'hui, il faut compter sur des observateurs de terrain. Mais comme c'est de nuit, les observations sont hyper complexes. Si on veut lire la bague des oiseaux, même avec une caméra thermique, c'est impossible. Ça veut dire qu'il faut les éclairer, mais on risque de créer du dérangement."

"Jusqu'ici, on faisait du suivi sur différents nids, on avait des précisions sur les secteurs occupés", continue-t-il. "Mais savoir exactement combien il y a d'individus sur ces différents secteurs, c'est encore trop tôt pour le dire. Par contre, avec les balises, on saura précisément tout ce qu'il se passe."

Une première naissance depuis cent ans !

Anthony Kohler se réjouit aussi de voir que ce programme européen a permis, au printemps dernier, une naissance de chouette de l'Oural en milieu naturel. Une première depuis un siècle. "C'est un bel accomplissement", indique le directeur zoologique du parc de Sainte-Croix. "Ça montre que les oiseaux se sont acclimatés, ils se sont mis en couples, se sont reproduits... C'est hyper encourageant !"

"Notre travail, parfois, peut sembler ingrat parce qu'on travaille sur des tableaux Excel, avec des numéros. Ça peut sembler très loin de la réalité", reconnait-il. "Mais quand concrètement on a ce retour d'information, quand on a des oiseaux qui partent, quand on va voir le programme sur place, ce côté abstrait devient complètement concret et renforce l'engagement des collaborateurs du parc dans l'envie de faire que ce programme soit exemplaire."