Les chirurgiens et l’église Saint-Côme.
De nos jours, il bien difficile de concevoir la persévérance séculaire que manifestèrent les chirurgiens pour la reconnaissance et l’organisation de leur profession.
En charge de la petite chirurgie, l'ancien métier de barbier-chirurgien remontait au Moyen Âge, à une époque où la chirurgie avait été condamnée par l'Église et où, pourtant, de nombreux actes chirurgicaux étaient nécessaires : lors du concile de Tours (1163), l'Église avait décrété : “Ecclesia abhorret a sanguine” (“L’Église a le sang en horreur”)…En 1215, le IVe concile du Latran alla plus loin et interdit aux prêtres d'exercer la chirurgie.
Cette interdiction de la pratique de la chirurgie par les médecins, la plupart membres du clergé, conduisit des professions comme les arracheurs de dents, les marchands forains ou les barbiers à réaliser des interventions de petite chirurgie. C’est ainsi que les chirurgiens, qui ne dépendaient pas de l’université, furent péjorativement considérés comme de simples gens de métiers, des « manuels sans savoir », et repoussés par les médecins avec un mépris clairement affiché.
Jean Pitard, premier chirurgien de saint Louis, Philippe III et Philippe IV le Bel eut l’idée de réunir les chirurgiens parisiens en une corporation. À sa demande, vers 1268, Louis IX créa la confrérie de Saint-Côme et de Saint-Damien, des frères jumeaux guérisseurs anagyres, qui définissait et organisait pour la première fois le métier de chirurgien. En 1437, ils furent autorisés à suivre des cours de Médecine. Au 18ème siècle, La Peyronie fonda l’Académie de Chirurgie.
Dès son origine, cette confrérie s’était installée dans les dépendances de l’église. Durant trois siècles ses membres ambitionnèrent des privilèges de rang dans l’église dont ils étaient privés, faute de ne pas appartenir à l’Université. Autorisés à avoir une école de chirurgie (collège Saint-Côme) (1515), François Ier leur accorda enfin les prérogatives qu’ils attendaient depuis si longtemps en les agrégeant à l’Université (1545), avec les mêmes grades que les autres universitaires, à condition de visiter et soigner gratuitement les malades et blessés qui réclamaient leur assistance. Mais la cohabitation avec les marguilliers de l’église ne se fit pas sans heurts. Après plusieurs années de lutte juridique entre les deux partis, la fabrique de l’église leur céda un emplacement dans le charnier ouest du cimetière, contre le mur du couvent des Cordeliers. Les chirurgiens y élevèrent un bâtiment où ils purent recevoir leurs consultations et dispenser des cours de leur art, comme aux sages-femmes. Ce local servait aussi à leurs archives et de bureau pour leurs assemblées.
Par la suite, en accord avec les Cordeliers, moyennant une redevance, ils eurent la jouissance d’un vaste emplacement où ils installèrent leurs écoles (1615), puis leur amphithéâtre (1691).
A noter que la confrérie des chirurgiens n’était pas la seule érigée dans l’église ; celles du Saint-Sacrement et des compagnons charpentiers y faisaient aussi célébrer leurs offices.