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Date de création : 30.11.2013
Dernière mise à jour :
01.12.2024
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« Ce n’est pas moi la personne intéressante ! »Si le père Philippe Demeestère accepte de répondre aux incessantes sollicitations des médias, malgré un état affaibli par France/Migrants-Calais-greve-faim-eglise-contre-traitements-degradants-2021-10-12-1201180246" target="_self">la grève de la faim entamée le 11 octobre, c’est pour attirer l’attention sur la situation de tous les exilés qui échouent à Calais dans l’espoir de rejoindre l’Angleterre. Celui qui se dit « volontaire comme un Flamand», né en 1949 à Halluin près de la frontière belge, a passé sa vie à franchir des frontières.
→ REPORTAGE. France/A-Calais-greve-lespoir-exiles-2021-10-20-1201181414" target="_self">À Calais, une « grève de l’espoir » pour les exilés
Coopérant en Algérie, il frappe à la porte de la compagnie de Jésus en 1972, puis se retrouve rapidement à vivre avec les oubliés, les sans-abri, à Marseille, à Paris ou encore à Nancy, au sein de La Belle Porte, un lieu diocésain qui accueille des réfugiés. Avant d’atterrir à Calais début 2016, où il découvre la grande jungle qui n’a pas encore été démantelée : « Je me suis politisé ici, confie l’aumônier du Secours catholique du Pas-de-Calais, dans cette ville où on vit pleinement la démocratie, la citoyenneté, la migration, la relation à l’État… »
À son chevet, dans la chapelle de l’église Saint-Pierre où il a élu domicile avec les deux autres grévistes, Anaïs Vogel et Ludovic Holbein, le livre de Paulo Freire, La pédagogie des opprimés, qu’il a lu pour la première fois en 1974. Le jésuite, marqué par la théologie de la libération, cite également volontiers la parabole du bon Samaritain ou du jugement dernier, quand il parle de son engagement auprès des exilés.
→ ÉCLAIRAGE. Un prêtre en grève de la faim à Calais, quelle est la position de l’Église catholique ?
Pour que cessent les expulsions et les confiscations de matériel, il a choisi depuis deux semaines de faire corps avec les exilés en se privant de nourriture : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire de ne pas risquer sa vie ? interroge-t-il, évoquant Jésus montant à Jérusalem ou les prêtres réfractaires sous la révolution. La vie transcende mon existence, la vie est bien plus grande que moi… »
Il a fait imprimer une nouvelle banderole avec cette phrase de Pie XI : « La politique est la plus haute forme de la charité. » Une manière pour lui de rappeler que la foi s’enracine dans les actes, « car il existe une tentation d’en faire quelque chose qui relève du développement personnel, or la foi est une manière d’habiter la société », souligne-t-il en citant les Béatitudes.
«Il y a quelque chose de prophétique chez Philippe, témoigne le Père Pierre Poidevin, curé de la paroisse St Pierre. Mais ce n’est pas qu’un idéaliste, il assume ce qu’il fait. »L’évêque d’Arras, Mgr Olivier Leborgne, lui a rendu visite il y a dix jours, avec la présidente du Secours catholique : «Ce qui me marque chez le Père Philippe Demeestère, c’est tout à la fois son humanité, sa profondeur spirituelle, sa détermination, sa liberté et son sens de la communion», témoigne l’évêque d’Arras qui apprécie son engagement « pertinent et de longue date ».
→ LES FAITS.France/A-Calais-dialogue-pas-ete-renoue-entre-associations-lEtat-2021-10-23-1201181967" target="_self">À Calais, le dialogue n’a pas été renoué entre les associations et l’État
Le père Philippe sait qu’il peut aussi compter sur sa congrégation, la Compagnie de Jésus, à laquelle il est très attaché : « Avant d’entamer cette grève de la faim, j’ai prévenu mon provincial mais je suis dans une institution qui considère que ses membres sont des adultes ».
Malgré la fatigue et la privation, Philippe Demeestère et ses deux acolytes gardent le sourire : « Nous menons une grève de la faim joyeuse, tonique, portée par l’espérance de tous ces pauvres qui habitent le magnificat », résume-t-il. S’il ne se berce pas d’illusions, il a toujours en tête, et dans ses tripes, cette lancinante question : « Comment aider tout homme à se faire une place ? »
À 72 ans, il tente d’y répondre à Calais. Il évoque l’idée de partir dans quelques années à Amettes, petit village du Pas-de-Calais, où a vécu St Benoît Joseph Labre, le patron des sans-abri, pour accompagner des jeunes. Et conclut : « Je n’ai jamais été blasé, usé. J’ai un appétit de vivre intact ».
→ À ÉCOUTER. Podcast : « À Calais, les migrants m’ont appris l’espoir »
À lire sur la-croix.com, Grève de la faim à Calais : quels risques pour la santé des bénévoles ?