Covid-19, Noël et fêtes en famille : ce que l’on sait sur les précautions pour réduire les risques de transmission
Par Mathilde Damgé et Pierre Breteau Publié le 11 décembre 2020 à 15h16, mis à jour hier à 10h56
DÉCRYPTAGESNous avons recensé les principales recommandations et leurs limites.
Près de 30 millions de ménages français vont fêter un Noël qui, cette année, ne « sera pas une fête normale », en raison des risques de transmettre le SARS-CoV-2, selon les mots du ministre de la santé, Olivier Véran. Avec le premier ministre Jean Castex, il a appelé jeudi 10 décembre les Français à limiter les occasions de se retrouver et insisté sur le fait qu’un test négatif n’était pas « un totem d’immunité ».
Dès lors que vous avez des symptômes évocateurs du Covid-19, la règle est toujours de s’isoler et de ne voir personne, même si vos proches vous manquent. Pour ne pas se contaminer soi-même ou contaminer les autres, la solution la plus efficace est de rester au sein de son foyer, d’opter pour des fêtes à distance ou de repousser les festivités de quelques mois.
Le risque est surtout identifié au moment du repas, explique au Mondele professeur Jean-François Doussin, physicien et chimiste de l’atmosphère au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) :
« Quand on dîne avec quelqu’un, on échange et on partage beaucoup plus qu’un bon moment : en parlant ou en mangeant, on projette des gouttelettes qui vont se retrouver dans l’assiette du voisin. »
C’est dans ces particules que peut se trouver le coronavirus, si l’un des convives est infecté. En général, on en émet « très très peu, à peine quelques dizaines par centimètre cube expiré », mais cette concentration augmente si on parle plus fort ou si l’on est un « super-émetteur » de particules, ce qui augmente les risques d’infection.
Concrètement, quelles sont les solutions pour réduire les risques ? Quelles sont leurs limites et les incertitudes qui demeurent ? Nous en avons sélectionné une série, que vous pouvez lire ci-dessous.
Je pratique un test PCR préventif
Et si, pour écarter tout risque de contamination de ses proches, potentiellement fragiles, on s’assurait de ne pas être porteur du virus en réalisant un test PCR juste avant les fêtes ? Ce n’est pas conseillé en l’absence de symptôme ou de contact avec une personne contaminée, mais beaucoup de gens iront se faire tester pour avoir l’esprit tranquille. Les autorités sanitaires ont exclu, pour l’heure, une campagne de tests systématiques à l’échelle du pays. Charleville-Mézières et Le Havre vont organiser un dépistage massif à la mi-décembre ; d’autres villes (Roubaix, Saint-Etienne) le proposeront en janvier.
Faire un test peut être tentant pour limiter les risques, mais encore faut-il le faire au bon moment pour avoir les résultats à temps. En effet, il y a des risques d’embouteillages dans les laboratoires juste avant Noël : dépister des millions de personnes en quelques jours et avoir des résultats rapidement est une gageure. Le gouvernement a appelé à éviter l'engorgement juste avant les fêtes. Une fois le test passé, il faut aussi s’isoler jusqu’au moment des retrouvailles pour ne pas s’exposer à une contamination entre-temps.
Jean-François Delfraissy, le président du conseil scientifique, émettait le 20 novembre des réserves sur une telle stratégie : « Sur le papier, l’idée est très séduisante, mais elle a une limite : chez les personnes asymptomatiques, il y a une fenêtre de deux ou trois jours où l'on ne détecte pas le virus », expliquait-il. Olivier Véran a enfoncé le clou le 10 décembre en insistant sur le fait qu'un test n'était pas « un totem d'immunité ».
Je réalise un test antigénique, plus rapide
Le test antigénique a le grand avantage d’être quasi immédiat, alors qu’il peut se passer plusieurs jours entre un prélèvement et le résultat d’un test PCR. Et même s’il est moins fiable qu’un test PCR, il peut permettre de savoir si on est positif au Covid (et dans ce cas, de renoncer aux festivités).
Les tests antigéniques ne sont pas recommandés pour faire des diagnostics, mais du dépistage. Ils sont utiles à grande échelle, pour débusquer des clusters, mais ils ont peu de bénéfices pour les individus en raison de leur fiabilité limitée. Pour une personne asymptomatique, le risque de faux négatif est élevé et peut inciter à baisser la garde sur les gestes barrières.
La Haute Autorité de santé (HAS) a élargi le 28 novembre les tests antigéniques aux cas contacts, mais leur utilisation n’est toujours pas recommandée pour le dépistage de personnes asymptomatiques isolées. Cette position sera susceptible d’être revue en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques.
Je limite le nombre d’invités à table
Président et premier ministre ont conseillé de limiter à six le nombre d'invités – sans compter les enfants. Cela limite le brassage de convives, qui ont pu chacun fréquenter d’autres personnes, ce qui augmente le risque d’exposition à la maladie. Il ne s'agit que d'une recommandation, car le gouvernement n’a pas de possibilité légale d’imposer un nombre maximal de convives à table. Le premier ministre Jean Castex a appelé de façon plus large à limiter les occasions de se retrouver les uns les autres pendant les fêtes.
Cette recommandation est arbitraire : certains pays ont choisi huit, d’autres dix. D’autres pays, comme le Royaume-Uni ou l’Irlande, ont choisi de limiter à trois foyers. D'autres, enfin, ont choisi de ne pas interrompre les contraintes sanitaires pendant les fêtes de fin d'année et de demander aux citoyens d'y renoncer. C'est
le cas au Québec et en Corée du sud.
On ignore sur quelle base a été choisi ce chiffre, même si statistiquement, on sait que moins de personnes présentes équivaut à moins de contaminations. Il est par ailleurs très compliqué de mesurer les conséquences sur l’épidémie d’une telle mesure d’ordre privé.
Je m’isole avant de retrouver mes proches
Plusieurs médecins recommandent un isolement préventif. En effet, on peut être contagieux avant de présenter des symptômes (fièvre, toux, difficulté à respirer, etc.). Cette période d’incubation dure en général quelques jours. C’est la raison pour laquelle une « septaine » est nécessaire pour empêcher toute contamination. Le 10 décembre, le premier ministre, Jean Castex, a recommandé spécifiquement de limiter les interactions et de rester chez soi pendant les cinq jours précédant le contact avec une personne vulnérable au Covid-19.
Cette option n’a d’intérêt que lorsqu’on l’applique avec rigueur, sans quoi l’opération est inutile, voire faussement rassurante. Donc en faisant une croix sur des courses dans des magasins bondés, des retrouvailles (même en petit comité) avant les fêtes, des déplacements professionnels… En somme, il faut considérer la quatorzaine comme un confinement strict.
En réalité, on n’est pas encore parfaitement sûrs de la durée pendant laquelle un malade symptomatique peut être contagieux. En Chine, un homme aurait ainsi développé les symptômes du Covid-19 vingt-sept jours après son exposition au virus. Dans le cas d’une personne infectée mais qui ne développe pas de symptômes, on ne peut dire avec précision pour le moment quand elle sera contagieuse.
Je porte un masque à l’intérieur
Porter un masque aux normes Afnor en le positionnant bien sur le nez et la bouche permet, si la densité de convives n’est pas très élevée, de limiter le risque de contagion dans le cas où une personne dans la pièce serait porteuse du virus. En effet, le masque permet de diminuer la concentration de particules émises dans la pièce, et donc de virus, selon le professeur Doussin.
Nous nous sommes habitués à travailler, marcher ou voyager masqués. Mais lors d’un dîner, vous retirerez forcément votre masque pour porter la nourriture à votre bouche ; peut-être même l’enlèverez-vous pendant toute la durée des agapes. Ce sont autant de moments lors desquels une contamination est possible – et le risque est d’autant plus grand que ces moments sont longs. Le professeur Rémi Salomon, président de la commission médicale d'établissement de l’AP-HP, précise néanmoins que
l’idéal est « de ne le retirer qu’au moment où vous mangez ».
Le niveau de risque dépend également de la distanciation entre les convives, du niveau de ventilation de la pièce, de la charge virale d’une personne potentiellement infectée, etc.
J’organise des retrouvailles à l’extérieur
En principe, les rassemblements à l’extérieur sont beaucoup moins risqués, en raison de la « ventilation » naturelle liée à l’air et au vent. En particulier, le risque de contamination en mangeant – moment où on ne porte plus de masque – y est a priori beaucoup plus faible que dans des espaces clos. Ces rassemblements en petit nombre à l'air libre font d’ailleurs partie des recommandations formulées au Canada ou au Royaume-Uni par les autorités sanitaires.
On ne vous apprend rien : sous nos latitudes, le réveillon de Noël ou de la Saint-Sylvestre en terrasse est un peu dur à envisager. La solution « pique-nique » est moins séduisante qu’au printemps (surtout en soirée).
Les données concernant les contaminations en extérieur ne sont pas très claires, selon la température, le vent, l'humidité de l'air… « Il n’y a pas de cluster décrit né d’une réunion en extérieur », rappelle le professeur Yves Le Tulzo, chef du service infectiologie et réanimation au centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes. L’immense majorité des cas de supercontaminations documentés ont eu lieu en intérieur. « Dans des circonstances particulières (typiquement le bruit, qui pousse à élever la voix, ou bien le chant), la transmission peut avoir lieu à l’extérieur, même si le contact est de courte durée », avertit pourtant Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie à l’université de Montpellier.
J’ouvre régulièrement les fenêtres
Puisque le virus se transmet notamment par l’air, diminuer sa concentration abaisse les risques. Dans un avis rendu le 23 juillet, le Haut Conseil de la santé publique recommandait de veiller à ce que « les orifices d’entrée d’air et les fenêtres ne soient pas obstrués » dans les locaux recevant du public et de procéder, dans les bâtiments non pourvus de systèmes spécifiques de ventilation, à une aération régulière des pièces dix à quinze minutes deux fois par jour. C'est une recommandation que reprend le professeur Doussin, physico-chimiste de l’atmosphère au CNRS, et qui explique que l'on peut même s'équiper d'un appareil pour mesurer la concentration de CO2 puisqu'elle équivaut à l'air expiré par les convives : « On peut estimer la normale à 400 ou 500 ppm (partie par million), quand elle monte au delà on aère la pièce. »
Dans le détail, c'est plus compliqué. A l'heure actuelle, on ne sait pas quelle charge virale est contaminante et, a fortiori, quelle concentration dans l’air serait risquée. Comment alors juger qu'une salle est suffisamment ventilée pour qu'il n'y ait pas ou peu de risque de contamination si une personne infectée s'y trouve ? C'est d'autant plus compliqué que la charge virale varie en fonction du stade de l'infection. En tout état de cause, une aération suffisante et fréquente peut diminuer le risque de transmission, mais ne le fait pas disparaître.
On peut estimer que la concentration en virus dans l’air ambiant est proportionnelle au CO2 expiré par ceux qui se trouvent dans la pièce – et donc relativement facile à mesurer –, mais on ignore quelle charge virale est contaminante et, a fortiori, quelle concentration dans l’air serait risquée. On ignore également si la probabilité d’être infecté est proportionnelle à la concentration en virus ou s'il existe un seuil au-delà duquel on est contaminé et en deçà non.
Je garde mes distances avec les autres convives
Plus on est proche d’une personne infectée, plus il y a de risque d’être contaminé. Pour limiter ce risque,
« un espace libre de 4 m2 autour d’une personne est recommandé », soit un mètre de chaque côté, selon le Haut Comité de santé publique (HCSP). Cela implique concrètement de n’occuper qu’un siège sur deux, de s’installer en quinconce, ou de se répartir sur plusieurs tables. Notons que les préconisations varient selon les pays. Les autorités américaines préconisent six pieds (1,83 mètre) entre deux personnes, et celles du Royaume-Uni et de l’Italie 2 mètres. C’est 1,50 m en Allemagne,
Belgique et Pays-Bas.
Se tenir éloigné d’un ou plusieurs mètres peut ne pas suffire, car le virus se propage par contact proche mais aussi, très probablement, par des microgoutelettes aéroportées.
« Il y a toutes les raisons de penser que le SARS-CoV-2 se comporte de façon similaire [aux virus de la grippe ou du SRAS]
, et que la transmission par des microgouttelettes aéroportées est un important mode de contamination », ont écrit 239 chercheurs, dans
une lettre ouverte au
Journal of Infectious Diseases, en juillet.
Si la grande majorité des gouttelettes propageant le virus se dispersent dans un rayon de 1 à 2 mètres, il n’y a pas de certitude de ne retrouver aucune particule virale au-delà.
Une chercheuse du MIT a ainsi montré que les gouttelettes contenant des agents pathogènes émises lors de toux peuvent être propulsées jusqu’à environ 8 mètres.
Je n’invite que des personnes sans enfants
Dans le cadre du confinement, les adultes ont été incités à limiter au maximum les interactions sociales. Ils peuvent continuer à le faire dans les jours, voire les semaines qui précèdent les festivités de fin d’année. Les enfants, eux, ont continué à aller dans les écoles qui sont restées ouvertes, donc à avoir de nombreux contacts à l’extérieur du foyer (même s’ils portent des masques à partir de 6 ans et que des protocoles sanitaires sont en place dans les écoles et crèches). Diverses études suggèrent que la majorité des cas passent sous le radar, 70 % des moins de 10 ans et 50 % des 10-20 ans étant asymptomatiques – contre 30 % à 40 % chez les adultes. La question de la transmission « invisible » à leur entourage est donc posée et ne pas convier d’enfant peut permettre de minimiser ce risque.
Selon les dernières données scientifiques, le virus circule peu chez les plus jeunes. « Il y a aujourd’hui un large consensus pour dire que les enfants sont moins sensibles à l’infection, la transmettent moins une fois infectés, et sont peu à l’origine de chaînes de transmission », a expliqué, le 26 octobre, l’épidémiologiste Daniel Lévy-Bruhl, responsable de l’unité des infections respiratoires à Santé publique France.
L’importance des enfants dans la transmission du virus reste mal connue, notamment parce que les modélisations sont entravées par la difficulté de s’appuyer sur des données fiables de contacts ou de transmissibilité dans ces populations.