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LACRISE POLITIQUE

Publié le 13/09/2024 à 17:10 par papilacabane Tags : sur vie france monde chez enfants obstacles travail société pouvoir

François Hartog : « La crise politique est une crise de notre rapport au temps » François Hartog : « La crise politique est une crise de notre rapport au temps »

 

Le 9 juin 2024, Emmanuel Macron, président de la France convoque de nouvelles élections législatives le soir de l’élection du parti Rassemblement National aux élections européennes. DANIEL DORKO / Hans Lucas/ AFP

 

La Croix : En quoi la situation politique actuelle souligne-t-elle une de ces « crises du temps » auxquelles vous êtes attentif depuis longtemps ?

François Hartog : Ce que l’on redécouvre depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, c’est la nécessité du temps, de la durée, en politique. Pour aboutir à des compromis, qui sont toujours obtenus par la discussion à partir d’un désaccord initial, ou pour construire des coalitions. Pour l’instant, les partis font comme d’habitude : ils s’entendent pour des sièges mais cela n’implique pour eux aucune transformation de la manière de faire de la politique. C’est pourtant un changement profond de nos pratiques politiques qui s’impose, et cela passe par un nouveau rapport au temps.

Et ce changement concerne les responsables politiques, comme les citoyens, qui ne doivent plus attendre que tout se règle dans l’instant. Tout le monde en effet se satisfaisait de cette vie politique réduite à un spectacle, même s’il était déplorable comme l’agitation confuse qui régnait à l’Assemblée nationale depuis deux ans. C’est l’exercice quotidien de la politique, dominé par les effets d’annonce, les tweets et SMS, qu’il faudrait revoir. Cette incapacité à prendre en compte le temps, que j’ai nommée « présentisme », est une caractéristique de notre époque.

Vous avez en effet forgé ce concept de « présentisme » pour décrire notre relation contemporaine au temps. De quoi s’agit-il ?

F. H. : Une société s’organise en fonction des trois catégories dont nous disposons pour saisir le temps : le passé, le présent et le futur. Jusqu’au XVIIIe siècle, le passé était en Europe la catégorie principale, vers laquelle on se tournait pour éclairer le présent. Puis les révolutions industrielles et les progrès techniques au XIXe siècle ont fait du futur une nouvelle source de lumière. C’est alors en fonction de l’avenir, promis comme radieux, que l’on devait agir dans le présent.

Mais à la fin des années 1960, cette croyance s’est émoussée et a émergé l’idée que les enfants ne vivraient pas mieux que leurs parents. À partir de là, il faut non seulement vivre au présent mais être au présent, en récusant toute idée de durée. Nous sommes encore les héritiers de cette révolution du temps, exprimée par le slogan de François Hollande en 2012, « le changement, c’est maintenant ».

Est-ce cette croyance que la situation politique actuelle remet en cause ?

F. H. : Aujourd’hui, le « présentisme » continue de triompher, dopé comme jamais par la révolution de l’information, le développement des plateformes et des réseaux sociaux. Mais, dans le même temps, des doutes s’expriment dans la société, par des appels à ralentir, à vivre et à travailler autrement. L’anthropocène a fait réapparaître l’horizon du futur sous la forme de l’anxiété écologique. Notre relation au temps est désormais marquée par l’incertitude et la désorientation. Et ce, avant même cette dissolution de l’Assemblée nationale, qui est venue troubler le jeu politique.

Emmanuel Macron en a-t-il mesuré les effets ?

F. H. : En tout cas, il ne les a pas maîtrisés. Les Grecs ont forgé deux concepts pour saisir le temps : chronos, le temps quotidien, et kairos, l’instant à saisir. Pour eux, une action réussie est une combinaison des deux, elle consiste à savoir reconnaître et saisir le bon moment. Là où Emmanuel Macron a été pris d’hubris (« de démesure »), c’est qu’il a considéré que sa parole suffisait à créer cette rupture qu’est le kairos : il dit « je dissous », et l’Assemblée est dissoute. Mais ensuite chronos, le temps quotidien, reprend ses droits, les partis passent des alliances auxquelles le président ne s’attendait pas forcément, et lui ne peut pas répéter cette parole performative – la Constitution l’en empêche pendant un an…

Cette crise politique n’ouvre-t-elle pas la possibilité de faire évoluer nos pratiques ?

F. H. : Il n’y a pas lieu hélas d’être très optimiste… L’un des effets de la désorientation actuelle, c’est l’omniprésence de la « colère » dans la société. Elle est devenue une revendication qui, à la limite, se suffit à elle-même : une émotion qui tire sa légitimité d’elle-même et rompt d’avance toute possibilité de négociation.

Du côté des partis aussi, les obstacles sont nombreux, à commencer par le rejet, chez les Insoumis ou au RN, d’une délibération ouverte, mais aussi, dans l’ancienne majorité, l’exercice solitaire du pouvoir. Même au Parlement, les députés de tous bords qui travaillent ensemble en commission s’empressent souvent de nier ces compromis sur les réseaux sociaux de peur d’être accusés de compromission.

Certes, il ne s’agit pas de revenir à la IIIe ou IVe République, à une époque où les conditions mêmes de la politique nécessitaient du temps, des lettres, des notes, des messagers… Où l’homme politique, fort d’une vision, pouvait dire : « Il nous faudra du temps pour arriver là. »Mais comment retrouver l’expérience de la durée à l’heure du téléphone portable, de zoom, des tweets ou SMS, de l’IA ? Tel est le défi colossal qui s’impose à nous.

Que pouvons-nous cultiver, à l’échelle individuelle et collective pour le relever ?

F. H. : Ce qui se cultive à l’échelle individuelle, grâce à l’enseignement mais aussi le traitement de l’information par les médias, c’est une attention constante aux trois catégories temporelles qui sont les nôtres : le passé, le présent et le futur. Seul un travail continuel pour les tisser ensemble peut aider à mener des vies qui aient un minimum de sens.

Cela ne signifie pas croire à un passé mythique qu’il faudrait restaurer, ou à un avenir forcément merveilleux. Mais rétablir une circulation entre nos expériences présentes et un horizon d’attente, pour ne pas dire une espérance. Nous n’avons pas d’autre solution, nous êtres humains, que d’œuvrer avec ces trois dimensions du temps. N’en privilégier qu’une seule, quelle qu’elle soit, est une mutilation.

Et si, à l’échelle collective, nous ne travaillons pas à construire, dans la durée, des accords et des compromis, ce sera l’alternative qui se porte déjà assez bien dans le monde, celle du régime autoritaire. Car précisément, la démocratie exige la prise en compte, longue et complexe, des points de vue divergents. Ne nous y trompons pas, ce qui est en jeu dans notre rapport au temps, c’est la possibilité même d’une vie démocratique.