Souvenir d'en Flandre

La jeunette ouvrait le chemin vers la sacristie. Elle habitait  ce petit village  au bord de la vallée de l’Yser qui avait fait mes délices au temps où , au retour de l’école, je buissonnais pour découvrir des têtards dans les mares aux alentours .. On a ensuite inventé les fermes pédagogiques tandis qu’alors j ‘étais déjà bohème.

Le lendemain je reprenais un vélo trop grand pour mon âge et je dévalais vers cette vallée ,  pour atterrir dans la cour de l’école  vingt mètres  plus bas. Nous étions en Flandre où les courbes de niveaux sont limitées…

« C’est à mon retour que je trouvais que ça montait un peu  disais-je.

- En effet c’est dur !  me fit-elle.

- C’est vrai  qu’à voir tes petits mollets … Mais rassure-toi , maintenant je ne sens plus la difficulté »

Mon adolescente trouva facilement la clé de la sacristie mais œuvra pour ouvrir la porte, avant de dénicher la clef du clocher.

Monté à la tribune de l’orgue, je lui montrais quelques subtilités de ce monument de musique en me limitant au clavier.

« C’est Buxtehude qui en réalité a initié Bach à l’art de la fugue. Il suffit d’entendre son alléluia . Quant à l ‘appoggiature, c’est tout l’art de la légèreté de Mozart. »

Enfin, j’omettais de lui parler d’Hildegarde von Bingen  qui me faisait penser à la mystique Hadewijch d’Anvers  dont Bruno Dumont avait évoqué le destin dans un film tourné en extérieur du côté du Mont des Cats.

Du mont des Cats, j’étais aussi attiré par les sables paniseliens. Cela me changeait de l’argile yprésienne des Flandres.

Quant au limon que j’analysais la plupart du temps dans mon métier d’agronome,  il avait paraît-il pour origine le lœss remanié sur place par le vent lors de la dernière glaciation de Würms, il y a quinze ou vingt mille ans où la Flandre n’était que steppe. C’est de la terre et de ce lœss mythique, dont on retrouve aussi les liens mystiques entre Flandre et Rhénanie.

Imaginer la Flandre broutée par des rennes de Mongolie, c’était encore mieux que Jurassique Park !

Mon adolescente  avait été impressionnée par mon périple en pays cathare. Aussi je lui proposais d ‘apprendre ses premiers galops sur Parsifal.

« Nenni point donc car l’année prochaine je fréquente le lycée…

- Ah bon ! »

Et soudain je compris les mots d’une chansonnette que l’on fredonnait autour de moi quand j’avais son âge.

«  Rêvez , rêvez puisque rêvez vous plait, moi je ferais mon rêve lorsque je reviendrais »

Et moi mon rêve,  je peux vous le raconter, car je l’ai fait.

Quant à Rocky il attendait dehors. Les églises, n’étaient pas faites pour les chiens et en maints endroits, Rocky m’attendait fidèlement à la sortie.

Rocky, un chien que j’ai adopté en revenant de Montségur et en refaisant le chemin, mais là c’est une autre histoire…

Rocky a donc moins de synapses que la gente humaine ce qui le protège de son agressivité.

Avec ses congénères , sauf à être taré, cela finit par se réguler.

Les béguines confrontées à la violence de leur époque  trouvèrent plus prudent de rester dans l’orthodoxie.

Les cathares aimaient d’amor qui étaient l’inverse de Roma.

A cette époque, c’était assurément scier le bois de son bûcher.

Que votre amour et vos amis soient donc pudiques et sans faux-semblants. La porte est étroite nous dit l’Ecriture.

Mais depuis plus de deux mille ans de modernité, y a t-il une autre issue ?

   In " L'aurore cathare et l'étoile d'Assise" 2019

https://catalogue.bnf.fr/rechercher.do?index=AUT3&numNotice=15600312&typeNotice=p,