Navets 6

1 - La Jardinière m'a dit...

Lire le portrait d'une fleur, par Aurélie qui sait et qui voit que la fleur change et fane, qui se demande pourquoi ; qui parie et refuse qu'elle puisse faner davantage, pense et affirme une chose, imagine et en espère une autre ; qui ne peut décidément pas penser au moment de s'en séparer.

Se souvenir alors d'avoir entendu mardi dernier la Jardinière s'émerveiller du rosier nommé Pénélope.

Rejoindre la Jardinière et lui demander un portrait du jardin : « Que vois-tu, que sais-tu, que remarques-tu, que soulignes-tu, qu'ignores-tu, que penses-tu ? De quoi es-tu sûre, que te demandes-tu, que paries-tu, que refuses-tu, que vois-tu enfin ?

Je vois les frais feuillages, le tapis jaune des pissenlits, un massif de consoude officinale en boutons rouges et clochettes blanches couvert d’abeilles, le kiwi qui se déplie, le myrtillier qui fleurit déjà, trois grands narcisses blancs...
Je sais que le jardin va bientôt entrer dans la magnificence des floraisons d’aubépines, iris, ancolies..., qu’il deviendra un paradis, le jardin d’Éden, et qu’on entendra le chant des grenouilles en été.
Je remarque que la mare est pleine et que les joncs raides l’envahissent.
Je souligne la grâce du rosier en train d’éclore, la splendeur des giroflées pourpres de la clôture.
J’ignore qui a mangé les poissons rouges du bassin, mais je soupçonne le grand héron aperçu l’autre jour.
Je pense que les enfants sont tristes de leur disparition.
Je suis sûre que le nouveau mur de béton gris sera couvert de lierre et de dessins d’enfants l’année prochaine.
Je me demande combien nous serons en juin dans ce jardin.
Je parie qu’il y aura du monde.
Je refuse d’imaginer que le malotru qui a coupé des arbres avec rage en novembre puisse récidiver.
Je vois un énorme bourdon noir et roux qui butine les fleurs jaune d’or des ajoncs ; la vie est là en ce jardin.

Reprendre en sens inverse le chemin du jardin à la maison.

Un petit carnet à la main, regarder la ville et noter les noms et les adjectifs d'une morale élémentaire.



2 – Morale élémentaire

sac rose et blanc         sac plastique           mocassins noirs
                          volet roulant

tourterelle lointaine     trottoir mouillé        terre humide
                          perspectives rectilignes

perspective ensoleillée   pas rapides             alignement à l’ombre
                          champ ouvert

                          il y a
                          dans une ville
                          même connue
                          par cœur
                          depuis toujours
                          toujours
                          des surprises

toiture miroir            fil de fer barbelé      travaux suspendus
                          ville espérée




3 – Devinette oulipienne
Voici un très bref poème, dont le sens est un peu tiré par les cheveux. Peu importe, regardons plutôt comment il est fabriqué : 2 vers de 8 syllabes (on dit aussi un distique d'octosyllabes) riment normalement... mais autre chose, de bien curieux, les caractérise. Quoi ?

La star a peu lu l'écrivain.
Las ! ta râpe ulule : cri vain...