Le blogue de Robert Rapilly

Navets de Bourges - 13

Navets 13

1 - Un autre haïku sylvestre, à observer attentivement :

Et tel l’if serré
Il se met - tenue peu nette -
Mes lierres, fillette

L’auteur en est Rhôra, « le marcheur qui avait la manie de revenir sur ses pas ».



2 - Quatrain mystère. Indice pour en décrypter le mode de fabrication : ces vers sont 4 anagrammes successives. En trouverez-vous une cinquième avec les mêmes 21 lettres ?

Antédiluvien vélo exige
voix liée, éventuel gadin.
Annexe vie dilue voltige,
vexe le vide gué lointain.



3 - Sur la nature morte de Johnny (pomme, brouillon, équerre)

Le jeune homme a sommeil.
Il interroge son miroir :
« Quel mathématicien,
Euclide, Pythagore, Zénon ou Ptolémée,
quelle machine d’Anticythère ou d’Archimède
a résolu la quadrature du cercle ? »
Avant toute réponse,
il a bâillé, vacillé,
sombré de l’autre côté du brouillon.

Le jeune homme a bien dormi,
scrute la géométrie d'une impeccable perspective.
Alors le miroir lui répond :
« Vois comme ta pomme est d’équerre ! »

Navets de Bourges - 12

Navets 12

Hier on a lu Issa. Feuilletons encore « Fourmis sans ombres » ; l’auteur, Maurice Coyaud, cite des haïkus de fleurs et d’arbres :

Sous l’apparence de la
Minuscule violette
J’aimerais revivre

(Sôseki)


Je lève la tête
L’arbre que j’abats
Comme il est calme

(Issekiro)


J’avais sommeil
Mais je suis retourné pour regarder
Le saule

(Baishitsu)



1 - Je lis aussi Mathias, non pas une nature morte, mais plutôt le tableau chantant d’une abondante cueillette automnale. Comment en rendre compte dans le format d’un haïku : la tradition japonaise impose 3 vers de 5-7-5 syllabes.

Voix des jardiniers
Radieuses comme une pomme
Cueillie en novembre

Beaucoup de détails sont passés sous silence, mais en haïku on s’interdit le bavardage ! Les 2 tercets ci-dessous en disent davantage.

Novembre arrive où l’on cueille :
après la moisson de seigle,
Chantons un air coutumier !

De l’étamine à la feuille,
calibrons sur une règle
la pomme prise au pommier.



2 - Terine redoublée d’après la nature morte de Lucille (pomme rouge, feuille noire, balance blanche)

Elle ne s’effarouche
Cueille la pomme rouge
Sœur de coing et de poire
De prune à feuille noire
En sectionne la branche
Sur la balance blanche

Par le fer elle tranche
La chair de pomme blanche
Moitiés dessus la souche
D’érable à feuille rouge
Soupèse la mémoire
Sur la balance noire

On lut dans un grimoire
Que dans la pomme noire
N’entrent lame ni manche
Mais qu’une feuille blanche
Enveloppe la gouge
Sur la balance rouge

Navets de Bourges - 11

Navets 11

Nouveauté épatante, je lis enfin quantité de vos poèmes sur le site Navets : une mine où je m’en vais puiser désormais. Profitons-en pour simplifier la règle de notre correspondance. Pendant les 20 jours restants, je vous adresserai des strophes plutôt brèves, réponses directes à ce que vous aurez écrit. J’y travaillerai de toutes mes forces : les poésies courtes exigent de l’attention et du temps. La moindre approximation ne pardonne pas. C’est ce que nous apprennent les maîtres du haïku, comme Issa, à qui n’échappe aucun détail :

Ne tue pas la mouche !
Elle se frotte mains et pieds
Elle implore

(traduction de Maurice Coyaud - Fourmis sans ombre - Phébus 1978)





1 - Sur la nature morte de Karim (pomme, équerre, pochette)

Une main dérobe et décachette
Ce pli recelé dans la pochette :
Gloire à la rature, à bas la gomme !
La dent brise la rondeur de pomme
Et la chanson jadis et naguère
Préférait l’oblique au trait d’équerre



2 - Sur la nature morte de Kelly (fleur, papier, règle)

Sécher la fleur
dans un herbier
stricte est la règle

Mais la couleur
sur le papier
fait tache espiègle



3 - Pourquoi ai-je recopié hier une comptine hors sujet écrite l’hiver passé ? Eh bien, je m’en suis servi de « gabarit » pour le poème n°1. J’ai changé les paroles en gardant le même rythme… et en plaçant successivement à la rime les mots « navet », « linge » et « œil-de-vieux ». Voici comment.

J’ai lu :
Dans la botte de foin
que j’ai remplacé par :
En creusant ta méninge

puis :
Allons chercher l’aiguille
remplacé par :
Déterre ce navet

etc.

Navets de Bourges - 10

Navets 10

1 – La poétique selon JJ

En creusant ta méninge
déterre ce navet
pose-le sur un linge
(par chance on en avait)

Regarde en filigrane :
captif de l’œil-de-vieux
l’univers dans ton crâne
apparaît si tu veux



2 - Prosopopée

Chacun expose son destin
Alizée écoute la sourde tragédie
du Lilas, du Papier, de la Règle

Matin déjà enfui d’une fleur
blanche passivité de la feuille
ennui des centimètres figés

Comment dès lors
mesurer la beauté du Lilas,
fleurir le Papier, assouplir la Règle ?

Exploit d’une prosopopée
Alizée fait entendre qui palpitent
le Lilas, le Papier et la Règle



3 - Une comptine enfin… mais pourquoi cette comptine ? Réponse demain.

Les personnes sérieuses prétendent que les comptines ne veulent rien dire. Voire. Les mêmes déconseillent d’en écrire. Là, pas d’accord ! Arthur Rimbaud : « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans » ; rassurez-vous, cela arrive encore après 17 ans.

Dans la botte de foin
Allons chercher l’aiguille
Mais la photo dit bien
Qu’on a pêché l’anguille

L’anguille était dans l’œuf
Norvégienne omelette
Chantons au gui l’an neuf
Suédoise allumette

Navets de Bourges - 9

Navets 9

1 – J'aime. Je n'aime pas. (suite d’hier)

Ne croyons pas que les listes ou inventaires de petites choses quotidiennes soient futiles. N’hésitons jamais à noter nos goûts, nos souvenirs, nos observations. On apprend ainsi beaucoup sur soi-même, sur l’époque et le monde où l’on vit. Georges Perec fit un jour l’inventaire, en deux pages denses, de ce qu’il aimait et de ce qu’il n’aimait pas ; une autre fois, il compila 480 phrases commençant toutes par « je me souviens ». Mieux que n’auraient fait des historiens, ces fragments restituent l’essentiel d’un récit de vie au XXe siècle en France.

Je retrouve, page 253 de la Petite fabrique de littérature (par A. Duchesne & Th. Leguay - Magnard), quelques notes de Sei Shônagon, dame d’honneur de la princesse Sadako dans le Japon du XIe siècle. Ce sont des listes de choses élégantes, choses désolantes, choses qui doivent être courtes, choses qui ne font que passer, etc. Voici, immédiates en un poème admirable, les choses qui font battre le cœur :

Des moineaux qui nourrissent leurs petits
Passer devant un endroit où l’on fait jouer de petits enfants.
Se coucher seule dans une chambre délicieusement parfumée d’encens.
S’apercevoir que son miroir de Chine est un peu terni.
Un bel homme, arrêtant sa voiture, dit quelques mots pour annoncer sa visite.
Se laver les cheveux, faire sa toilette, et mettre des habits tout embaumés de parfum. Même quand personne ne vous voit, on se sent heureuse, au fond du cœur.
Une nuit où l’on attend quelqu’un. Tout à coup, on est surpris par le bruit de l’averse que le vent jette contre la maison.

Parmi quelles choses, à la façon de Sei Shônagon, rangeriez-vous vos Navets ?



2 - Lire vos Navets

Je vous ai lus : Karim, Lucille, Léna, Marie, Mathilde, Sarah, Alexandra, Clémence, Aurélie, Blandine, Victoire. J’attends de découvrir les textes de vos camarades sur le nouveau site www.navets.fr ; il paraît que ça ne tardera pas.



3 - Ayant écrit « j’aime ceci » ou « je n’aime pas cela », on peut décider d'ajouter un poème, le plus court possible. Aujourd’hui, sous le ciel lillois, je note :

J’aime regarder les nuages

… puis, en pensant au Petit Prince et aux « Exercices de style », je complète par :

Saint-Ex monte aux nimbus
Queneau descend d’un bus

Navets de Bourges - 8

Navets 8

1 – J'aime. Je n'aime pas.

Sur votre carnet de poésie, divisez la page en 2 colonnes.
En haut de la colonne de gauche, notez « j'aime ».
Colonne de droite, « je n'aime pas ».
Chaque jour, inscrivez une chose que vous avez aimée, une chose que vous n'avez pas aimée.
Vous avez le droit de ne rien écrire d'autre ; vous pouvez aussi expliquer pourquoi vous aimez ceci, pourquoi vous n'aimez pas cela.

J'aime parler ch'ti, parce que c'est, avec le français, ma langue maternelle ; celle qu'entre camarades d'enfance et d'adolescence nous employions spontanément.

Je n'aime pas transpirer l'hiver sous quatre pull-overs ; c'est pourtant comme ça que je m'habille dès novembre, allez savoir pourquoi.



2 – Fleur de Victoire

Il est difficile de définir ce qu'est la vie
Pas comme nous, pas comme nous
Fleurs de jardin, fleurs blanches de pré, fleurs de floraison d'arbres
Deux anges, une fleur et une feuille de houx
Elle-même, elle souffre, elle vieillit, elle meurt

Une fleur de camélia tomba, un coq chanta, une autre tomba

(d'après Victoire, chaque vers de son poème étant soumis à une recherche chez Google ; voir ci-dessous comment écrire à l'aide de Google)



3 – Devinette oulipienne

Solution de la devinette d’hier, ou comment écrire un poème en vitesse quand on manque d'inspiration.
Allumer l'ordinateur le plus proche et ouvrir un moteur de recherche (Google est le plus connu).
Taper le sujet du poème, par exemple « mon navet ».
Lancer la recherche.
Attendre 0,23 seconde.
Dans le quatrain ci-dessous, j'ai recopié les 4 premiers résultats parmi environ 683 000 trouvés par Google :

Qui veut de mon navet
Mon navet en tranches ?
Tu commentes mon navet,
Bibi ma pomme, mon navet !

Cette méthode a été inventée par Élisabeth Chamontin (auteur oulipienne qui a composé de magnifiques anagrammes). Voici ce que j'avais obtenu en 2006 avec « mon cœur est » :

Googheart

Mon cœur est têtu
Mon cœur est un violon
Mon cœur est mort
Mon cœur est en Écosse

Mon cœur est au coin d'une rue
Mon cœur est une éponge
Mon cœur est basque
Mon cœur est un oiseau des îles

Toujours avec « mon cœur est », les 4 premiers octosyllabes affichés par Google :

Octogoogheart

Mon cœur est au coin d'une rue
Mon cœur est un oiseau des îles
Mon cœur est une île, une idée
Mon cœur est une vraie éponge

Navets de Bourges - 7

Navets 7

1 – Ni navet, ni linge ni œil-de-vieux

Voulant imiter Navet, linge, œil-de-vieux de Jacques Jouet, j’ai décidé le 2 juin 2006 d’écrire un poème par jour. Depuis, j’en invente un nouveau chaque soir, ou j'achève un ancien brouillon. Cela doit durer aussi longtemps que je vivrai. En presque 2 années, l'ordinateur a compilé un fichier de 275 pages format A4, dactylographiées en caractères « Courier New » de taille 10.

Or, il m'a fallu correspondre avec les collégiens de Bourges pour remarquer qu’il manque à mon travail l’équivalent du navet, du linge et de l’œil-de-vieux ! Ni nature morte, ni second plan, ni instrument de mesure dans mes poèmes du jour. Imitation infidèle, travail à revoir : vite trouver 3 objets !

Alors je cherche dans le dictionnaire (petit Robert) :
_ noms voisins de ceux de Jouet : navel, lingot, œil-de-bœuf
_ 7e nom suivant dans l’ordre alphabétique : navigateur, linguet, œillette de vigile
_ avec mêmes voyelles : pavé, ville, orteil de mineur
_ des anagrammes : avent, ligne, idée voix lue
_ (liste à compléter)

Je cherche en marchant jusqu’à la jetée, et je collecte :
_ varech, grille, os de seiche
_ rose, pince, pierre de taille
_ (attendre la récolte des prochaines promenades ?)

Je cherche encore en demandant si quelqu’un a 3 objets à me proposer ? Je passerai chez vous les ramasser dès que possible.

(à suivre)



2 – Blanc de Blandine

Feuille, neige, rien
goûts verts, cumulus et tonnerre de printemps
Feuille, neige, rien
goûts dorés, cumulus et tonnerre d'été
Feuille, neige, rien
goûts rouges, cumulus et tonnerre d'automne
Feuille, neige, rien
goûts blancs, cumulus et tonnerre de Blandine




3 – Devinette oulipienne

Solution d’hier. Les 2 vers, bien que composés de mots strictement différents, avaient la même orthographe du début à la fin (aux accents près) :

La star a peu lu l'écrivain.
Las ! ta râpe ulule : cri vain...

(notez que le verbe ululer accepte aussi l’orthographe hululer)

Devinette du jour : comment le quatrain qui suit a-t-il été écrit ? La réponse se trouve immédiatement sur internet.

Qui veut de mon navet
Mon navet en tranches ?
Tu commentes mon navet
Bibi ma pomme mon navet !

Navets de Bourges - 6

Navets 6

1 - La Jardinière m'a dit...

Lire le portrait d'une fleur, par Aurélie qui sait et qui voit que la fleur change et fane, qui se demande pourquoi ; qui parie et refuse qu'elle puisse faner davantage, pense et affirme une chose, imagine et en espère une autre ; qui ne peut décidément pas penser au moment de s'en séparer.

Se souvenir alors d'avoir entendu mardi dernier la Jardinière s'émerveiller du rosier nommé Pénélope.

Rejoindre la Jardinière et lui demander un portrait du jardin : « Que vois-tu, que sais-tu, que remarques-tu, que soulignes-tu, qu'ignores-tu, que penses-tu ? De quoi es-tu sûre, que te demandes-tu, que paries-tu, que refuses-tu, que vois-tu enfin ?

Je vois les frais feuillages, le tapis jaune des pissenlits, un massif de consoude officinale en boutons rouges et clochettes blanches couvert d’abeilles, le kiwi qui se déplie, le myrtillier qui fleurit déjà, trois grands narcisses blancs...
Je sais que le jardin va bientôt entrer dans la magnificence des floraisons d’aubépines, iris, ancolies..., qu’il deviendra un paradis, le jardin d’Éden, et qu’on entendra le chant des grenouilles en été.
Je remarque que la mare est pleine et que les joncs raides l’envahissent.
Je souligne la grâce du rosier en train d’éclore, la splendeur des giroflées pourpres de la clôture.
J’ignore qui a mangé les poissons rouges du bassin, mais je soupçonne le grand héron aperçu l’autre jour.
Je pense que les enfants sont tristes de leur disparition.
Je suis sûre que le nouveau mur de béton gris sera couvert de lierre et de dessins d’enfants l’année prochaine.
Je me demande combien nous serons en juin dans ce jardin.
Je parie qu’il y aura du monde.
Je refuse d’imaginer que le malotru qui a coupé des arbres avec rage en novembre puisse récidiver.
Je vois un énorme bourdon noir et roux qui butine les fleurs jaune d’or des ajoncs ; la vie est là en ce jardin.

Reprendre en sens inverse le chemin du jardin à la maison.

Un petit carnet à la main, regarder la ville et noter les noms et les adjectifs d'une morale élémentaire.



2 – Morale élémentaire

sac rose et blanc         sac plastique           mocassins noirs
                          volet roulant

tourterelle lointaine     trottoir mouillé        terre humide
                          perspectives rectilignes

perspective ensoleillée   pas rapides             alignement à l’ombre
                          champ ouvert

                          il y a
                          dans une ville
                          même connue
                          par cœur
                          depuis toujours
                          toujours
                          des surprises

toiture miroir            fil de fer barbelé      travaux suspendus
                          ville espérée




3 – Devinette oulipienne
Voici un très bref poème, dont le sens est un peu tiré par les cheveux. Peu importe, regardons plutôt comment il est fabriqué : 2 vers de 8 syllabes (on dit aussi un distique d'octosyllabes) riment normalement... mais autre chose, de bien curieux, les caractérise. Quoi ?

La star a peu lu l'écrivain.
Las ! ta râpe ulule : cri vain...

Navets de Bourges - 5

Navets 5

1 – Mode d'emploi de la morælimide berruyère

- Décider d'écrire une morælimide berruyère, morale élémentaire imitée de quelqu'un à Bourges
- pour cela, lire un des Navets (natures mortes poétiques) récoltés en mai et juin au collège Saint-Exupéry
- noter au fur et à mesure les couples substantif & adjectif
- l’adjectif apparaîtra après le nom ; ainsi, quand Clémence écrit « gris comme le ciel », retenir « ciel gris »
- arrivé à 16 couples d'adjectifs et noms, les disposer en morale élémentaire, en laissant vide l'espace réservé aux 7 vers
- lire et s’imprégner de la tonalité dominante
- inventer alors à son gré les 7 vers manquants (de 1 à 5 syllabes), pourvu qu'y apparaissent les 3 objets de la nature morte ; chez Clémence : le lilas, le torchon et le centimètre



2 – Morælimide berruyère de Clémence

camembert odorant	cheveux longs		reprise déroulante
			ciel gris

temps orageux		zèbre rayé		girafe grande
			navet violet

jour beau		règle graduée		coussin carré
			lit utile

			le lilas
			le torchon
			et le centimètre
			on dirait le titre
			d'un film
			comme une campagne
			dans sa vie

télé rectangulaire	herbe verte		mouton moutonneux
			serviette couvrante





3 – Écrit à Lille en me souvenant de Bourges

Des arabesques à l’évidence
Promontoires flamands & mauresques
Sauterelles sahariennes
Vitraux de la cathédrale à lire plusieurs fois
Abstraction lointaine et bande dessinée de près
Ici même Cœur le Berruyer se pique d’éclectisme
Comme l'imitera le bourgeois de Roubaix cinq siècles plus tard
Perspectives qui convoquent l’or par le feu
Mais n’oubliez pas le sel des mondes au fond du creuset

Navets de Bourges - 4

Navets 4

1 – Gestomètre
Allumer l'ordinateur à 23 heures et se rappeler avoir écrit hier un gestomètre coupé en deux par une chanson loufoque sur Saint-Exupéry
Se demander comment expliquer la forme gestomètre à mes correspondants de Bourges
Et là j'objecte que le droit à la paresse date de 1880, qu'il serait bien temps de le faire valoir. Pourquoi bon sang m'en priverais-je encore ? Et vive Paul Lafargue ! De plus, je peux réconcilier solution de facilité et réponse claire, en recopiant ici la page gestomètre.
(...)
Cela fait, n'avoir pas guéri d'une paresse tenace
Passer aux poèmes suivants



2 –
Sarah rêve ici d'oblong summum

Sarah chanta, acclamant : « Mars !
Et en trente sentences, je mets cette règle (le réglet) en cette veste (le vêtement).
I'm singing hip hip hip... Twix !
Comptons nos bonbons, ornons nos shorts, nos cols, nos ponchos, nos frocs, nos pompons !
Du Crunch plus du Nuts ? Un pur must ! »

Mesure juste

Unique détective
qui sait filer un fruit :
la pomme subjective
palpite sans un bruit.

Inventrice de toise,
elle mesurera
l'éclat de la framboise,
la règle Alexandra.



3 – Fatrasisocèle (suite et fin)
Principales contraintes : non-sens grâce à des mots piochés au hasard (journal, dictionnaire, radio, télé, livres à portée de main, etc.) ; vers justifiés de 42 lettres et espaces ; sonnet (2 quatrains & 2 tercets ; alternance des rimes féminines et masculines = avec ou sans e muet) ; division des alexandrins en 2 hémistiches.

Eux les collégiens d'Amérique & de Bourges
Alignant deux navets entre terres et cieux
Voulurent désigner le sonnet à des courges
Enveloppant mon linge avec un œil-de-vieux

Ô baudet Buridan n’as-tu rebu mes fourches
Le chat de Carabas n’en tousse aux envieux
Avant l’élan salé sinon des Grandes Ourses
Le médecin létal du kiosque atterrit mieux

L’aboli bibelot crachait cent charentaises
Original cornet je crains que tu le taises
Or nous partîmes là sans haïr ce chiendent

Une nomenclature a chaussé six contraintes
Attention Jacques Cœur au café vous attend
Avec un cor de bois davantage que plaintes

Navets de Bourges - 3

Navets 3

1 – Gestomètre & chanson

Descendre au jardin
Répondre à l'invitation muette du transat vacant
S'allonger au soleil
Esquisser mentalement le poème du jour, une chanson
Se souvenir que le collège de Bourges s'appelle Saint-Exupéry et chercher une rime à hélice
Penser : pourquoi pas Ulysse, grand voyageur lui aussi ?
Dans la même seconde, entendre la jardinière toute proche dire : Ah ! Je suis contente, première fois que je le vois fleurir, celui-là. C'est un rosier Pénélope.
Faire tourner des mots dans sa tête : coïncidence & coin si dense
S'endormir, oublier
Ouvrir les yeux, réveillé par un avion à hélice, au zénith, qui file vers la mer
Se souvenir de Saint-Exupéry, de coïncidence et de coin si dense
Se coller au taf, pondre du moins quelques couplets de la chanson

Jadis de son aéroplane,
un fou volant lance un télex :
« SOS mon zinc tombe en panne
dans le simoun » ; signé Saint-Ex.

Au grand désert nous atterrîmes,
d'urgence avant qu’il eût péri.
Pas le temps de chercher nos rimes,
secourons Saint-Exupéry.

Au lieu de réparer son aile,
Saint-Ex dessinait un agneau
qu’il délavait à l’aquarelle,
gaspillant sa réserve en eau !

Nos clés, nos marteaux, notre pince,
nos tournevis, nous les avions ;
ça vaut mieux que le Petit Prince
pour dépanner les avions.

Moralité :

En fusée, en hélicoptère,
en jet, en planeur, que faut-il ?
D’abord garder les pieds sur terre,
et mieux qu'un pinceau comme outil.

(à suivre ?)

Comme souvent, écrire en dernier la première strophe... ah ben mince trop tard, j'ai oublié de faire rimer Ulysse à hélice et, hélas, il y a plein de choses mal fichues dans cette chanson
Projeter sans trop y croire d'y retravailler un de ces jours
Se souvenir d'avoir prêté l'oreille au son du téléviseur dans la pièce voisine et tapé le mot télex pendant que la bande son faisait bip bip bip, peut-être un vieux film de guerre où l'on s'envoie des messages en morse
Repenser coïncidence & coin si dense



2 – Mathilde a dit

Mathilde a dit ce que ne sont pas la feuille, la fleur et le thermomètre
ravissants
très vivants
intéressants

Mathilde a dit ce que sont la feuille, la fleur ou le thermomètre
choisis
ici
de couleur blanche
ou de couleur verte
ou exilé de la commode en hêtre
cause de soucis

Et la voilà partie



3 – Fatrasisocèle (suite d'hier)
Ce poème en chantier a pour première règle le non-sens ; c’est une fatrasie. Une seconde caractéristique saute aux yeux. Comme sur les vieilles machines à écrire, adoptons une police de caractères « à chasse fixe » : du i minuscule au W majuscule, toutes les lettres, tous les signes occupent un espace identique sur la ligne. Eh bien, la largeur des vers aussi devra rester constante. L'inventeur, le poète Lucien Suel, appelle ça des « vers justifiés »... Demain la suite des contraintes ici en jeu.

L’aboli bibelot crachait cent charentaises
Original cornet je crains que tu le taises
Or nous partîmes là sans haïr ce chiendent

Navets de Bourges - 2

Navets 2

1 –
À supposer que vous me demandiez à quelle contrainte obéissait hier le premier de mes 3 poèmes, je répondrais qu’il s’agissait d’un À supposer (nom qu’a donné notre ami commun, Jacques Jouet, à cette forme d’une seule phrase de la taille d’un paragraphe) et qu’il n’existe à mes yeux rien si fidèle au désordre de notre pensée : vagues rattrapées chacune avant terme par l’élan de la suivante, suite enchaînée de mots que viennent recouvrir d’autres mots, jusqu’au point final que nous assimilerons à une marée haute mûrement accomplie ; ou bien à la citadelle autour d’une ville grouillante ; ou encore au mantra, que l’étymologie sanskrite décompose en manas (l’esprit qui bouillonne) et suffixe –tra qui désigne l’enveloppe… toutes images où jouent réconciliées poésie et syntaxe, liberté déferlante et contrainte.


2 –
Sélénet à Léna

Ô nature morte
à l’équerre, au té !
Une feuille forte
s’appelle du thé

Léna par la feuille
guérira nos maux :
suffit qu’elle veuille
écrire trois mots

(un sélénet compte 2 quatrains de pentasyllabes à rimes alternées, chantables sur l'air d'« Au clair de la lune »)

Petit air à Marie

Marie elle a fait la cuisine
et rajouté son ingrédient
ch’sais pas comment ch’sais pas comment
Marie elle a cuit la terine
exprès mêlé soupe et torchon
mais c’était bon mais c’était bon

(ce petit air est inspiré d'une malicieuse terine composée par Marie, forme poétique inspirée de la sextine qu'inventa le troubadour Arnaut Daniel au XIIIe siècle)


3 – Fatrasisocèle (suite d'hier)
Essayez voir une fatrasie d'après vos natures mortes, pièce de vers médiévale qui s’interdit d’avoir du sens, comme les comptines de la petite enfance ; celle-ci est soumise à d’autres contraintes, plus ou moins visibles... lesquelles ?

Ô baudet Buridan n’as-tu rebu mes fourches
Le chat de Carabas n’en tousse aux envieux
Avant l’élan salé sinon des Grandes Ourses
Le médecin létal du kiosque atterrit mieux

Navets de Bourges - 1

Navets 1

J’écrirai chaque jour trois poèmes, envoyés pendant un mois à 27 collégiens de Bourges, en 4e au collège Saint-Exupéry. Le premier poème obéira à une contrainte oulipienne, jamais la même ; les destinataires auront jusqu’au lendemain pour deviner laquelle. Le second poème sera adressé personnellement ; chaque élève recevra le sien au cours du mois, inspiré de ce que j’en aurai lu auparavant. Quant au troisième, ce sera celui (souvent abscons) que je bidouille tous les soirs depuis le 2 juin 2006.


1 - À supposer que vous me demandiez un conseil

À supposer qu’il vous passe par la tête quoi que ce soit de poétique – prenez garde, à tout instant ça peut arriver – notez-le aussitôt, par exemple dans un de ces commodes bloc-notes qu’on voit dépasser de la poche de Jacques Jouet, carnet que vous garderez à portée de main en toutes circonstances, la vie durant : au boulot, en vacances, en retraite, en métro ou à pied, à la cave, au grenier ou à la cuisine, au jardin, sur la table de nuit (combien de poèmes fulgurants disparaissent, happés par le sommeil), notez vite, sans vous embarrasser de style, ni d’orthographe, ni de syntaxe, ni de goût… arrachez juste à l’oubli ce qui vous est apparu comme une étincelle de belle conscience, consolez-vous ainsi d’échapper au cauchemar du poète amnésique : moi par exemple, qui note tout sur n’importe quel bout de papier aussitôt égaré, ou qui crois présomptueusement pouvoir réciter par cœur un petit poème tout juste inventé, déjà envolé.


2 - Trois pommes complices

Vu trois pommes aujourd’hui
deux à Bourges, une en Amérique

ce matin pomme de Karim avec équerre et pochette
et pomme rouge avec feuille noire et balance blanche de Lucille

ce soir la pomme que dévore Christopher McCandless dans Into the Wild
instant du film où il regarde la caméra

car du bout du monde il a deviné
combien Lucille, Karim et moi aimons aussi les pommes

(merci à José Camus-Fafa, épatant bonhomme qui fait à peu près tout au cinéma de Pirou)


3 – Fatrasisocèle

Eux les collégiens d'Amérique & de Bourges
Alignant deux navets entre terres et cieux
Voulurent désigner le sonnet à des courges
Enveloppant mon linge avec un œil-de-vieux

Robotitouan


                  
                  Peins-moi un robot !

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