Euro 2024 - Finale Espagne-Angleterre : Et si l'Angleterre était désormais l'équipe la mieux préparée aux tirs au but ?

Le football a toujours eu des règles qui semblaient gravées dans le marbre. "Le football est un sport qui se joue à 11 à 11 et à la fin, c’est toujours l’Allemagne qui gagne" est sans doute la plus connue… Cette déclaration, de Gary Lineker, date du Mondial 1990 et l’un des nombreux traumatismes anglais aux tirs au but, avec l’élimination en demi-finale face à l’Allemagne.

Les tirs au but et la sélection anglaise, c’est une longue succession de déceptions : en 11 séances dans son histoire, l’Angleterre ne s’est imposée qu’à quatre reprises. Il était presque devenu une règle de la voir perdre aux tirs au but. Mais sous le mandat de Gareth Southgate, pour paraphraser une star française, "le football, il a changé".

"Nous avons joué quatre séances de tirs au but depuis que je suis là et nous en avons gagné trois, expliquait le sélectionneur anglais après le quart de finale contre la Suisse. Même si celle que nous avons perdue nous a fait très mal". Les victoires en huitièmes de finale de la Coupe du monde 2018 face à la Colombie (1-1, 4 tab à 3) et dans la petite finale de la Ligue des Nations 2019 face à la Suisse (0-0, 6 tab à 5) ne pèsent pas lourd face à la défaite en finale de l’Euro 2021, à domicile, à Wembley, face à l’Italie (1-1, 2 tab à 3). Un traumatisme accentué par la vague de racisme qui s’était abattue sur les malheureux de cette séance, Bukayo Saka en tête. De quoi le tuer mentalement ? Bien au contraire. Face à la Suisse, en quart de finale, l’ailier d’Arsenal n’a pas hésité à se présenter de nouveau, et n’a pas tremblé.

"Vous pouvez échouer une fois, mais vous avez le choix de vous mettre ou non de nouveau dans cette position, expliquait-il après le quart de finale pour The Athletic. Et je suis du genre à y retourner. C’est une pression que j’accepte, j’avais confiance en moi. Je restais concentré sur le présent, le passé, c'est le passé. Je savais que beaucoup de gens étaient nerveux, mais j’ai su garder mon sang froid et j’ai marqué".

"J’aime qu’il ait eu le courage de convertir le penalty comme il l'a fait, avouait Southgate pour la BBC. Je connais ce genre d’expérience, ça vous façonne. Il en est revenu plus fort, et toujours aussi résilient". Tout le symbole d’une équipe d’Angleterre qui n’oublie pas son passé, mais qui ne veut se retrouver paralysé par celui-ci. Et pour cela, les hommes de Gareth Southgate n’ont pas hésité à travailler différemment.

"Ils ont inventé une nouvelle manière d’aborder l’exercice individuel des tirs au but, une manière plus collective et en équipe, analyse Geir Jordet, auteur du libre ‘Pression : Leçons de la Psychologie des séances de tirs au but’. Ils ont adopté une structure d’aide pour empêcher les joueurs d’aller ‘seul’ au point de penalty. Et une structure de support réduit un peu la pression qui pèse sur le tireur".

Contre la Suisse, chaque tireur avait ainsi un autre joueur qui lui était assigné, dont le rôle était de le supporter, sortant du cercle central pour l’encourager avant le tir et le féliciter après. Une tendance de plus en plus marquée dans le football actuel que les Anglais ne pratiquaient pas en 2021. "C’est intéressant de voir qu’ils apprennent, qu’ils s’ajustent et s’améliorent", admet Jordet. Mais ce n’est pas le seul changement.

"Nous avons légèrement retravaillé notre méthode depuis Wembley, avec plus de tireurs de penalty habitués dans l’équipe que ce n’était le cas en 2021, et plus d’habitués aux séances de tirs au but", avouait Southgate pour The Athletic. Les cinq tireurs de la séance face à la Suisse en quart de finale affiche des bilans incroyables dans l’exercice : Cole Palmer (12/12), Jude Bellingham (5/5) et Trent Alexander-Arnold (4/4) n’en ont encore jamais ratés, alors que Bukayo Saka (14/16) et Ivan Toney (38/41) affichent près de 90% de réussite. Des pourcentages bien meilleurs que ceux des tireurs 2021 (79% pour Bellotti et 80% pour Bernardeschi par exemple).

 

Surtout cette génération anglaise semble sans complexe. "Palmer, Bellingham, Saka, Toney, Trent… La pression, quelle pression ? La pression, c'est pour les pneus, s’extasiait l’ancien international aujourd’hui commentateur pour la BBC Alan Shearer. Cette génération est différente. Ils ne ressentent pas la pression. Comment peuvent-ils être si confiants ? Parce qu’ils y croyaient". Et l’Angleterre croit en son destin en 2024.

"Je pense que les tirs au but sont la plus grande pression que vous ressentirez en tant que footballeur professionnel, mais tu dois trouver un moyen de t’en sortir, expliquait Harry Kane à la BBC. Quand on regarde les anciens vainqueurs des compétitions majeurs, ils doivent passer par des tirs au but. Moi, j'étais étrangement calme pendant la séance. Nous avons beaucoup de joueurs qui les tirent en club, je sais qu’ils sont à l’aise et que Pickford en sauve normalement un"… De la confiance et une équipe d’Angleterre qui n’a plus peur de tout faire pour enfin gagner son premier Euro. Y compris passer par les tirs aux buts.