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Harry Kane à l'Euro, comme un parfum de Cristiano Ronaldo

Philippe Auclair

Mis à jour 18/07/2024 à 12:46 GMT+2

Cet Euro 2024 aura été celui des paradoxes, du côté anglais comme du côté portugais. Nés de l'incapacité de leurs sélectionneurs respectifs à remettre en question Harry Kane et Cristiano Ronaldo en fonction du moment et des enjeux pour leurs équipes. Par conformisme, Gareth Southgate et Roberto Martinez ont fait de leurs attaquants des intouchables qu'ils n'étaient pas.

"La génération Kane doit devenir la génération Bellingham"

La comparaison paraîtra injuste. Après tout, l'Angleterre est parvenue en finale, et ne s'est inclinée que face à la sélection qui illumina un tournoi dont on attendait, un peu naïvement, bien plus sur le plan du jeu. Après tout, n'a-t-il pas de nouveau fini Soulier d'Or d'une grande compétition internationale ? Le but de la victoire sur la Slovaquie, c'est lui, tout comme celui de l'égalisation contre les Pays-Bas, même si ce fut du point de pénalty. Et est-ce vraiment sa faute si les cinq finales qu'il a maintenant jouées et perdues le furent avec des équipes pour qui y parvenir tenait un peu du miracle ? Voilà longtemps que l'Angleterre et Tottenham attendent d'écrire une ligne de plus sur leur palmarès ; et si ni l'une ni l'autre ne l'ont fait, ce n'est pas seulement parce que l'encrier de Harry Kane était vide.  
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DORTMUND, GERMANY - JULY 09: (L-R) Harry Kane and Gareth Soputhgate, head coach of England attend the press conference of England at Football Stadium Dortmund on July 09, 2024 in Dortmund, Germany. (Photo by Christof Koepsel - UEFA/UEFA via Getty Images)

Crédit: Getty Images

Néanmoins, pour ce qui est de cet Euro, sans être la cause de ces échecs, le meilleur buteur de l'histoire des Three Lions en est l'une des raisons, tout comme Cristiano Ronaldo dans le cas du Portugal. Dans l'un comme dans l'autre cas, un attaquant aux statistiques prodigieuses est passé à travers la plus grande partie de ses matches comme le Fabrice de Stendhal vécut Waterloo. Il était là, mais sans y prendre vraiment part. Il marqua bien trois buts, mais sans marquer les esprits. La plus grande partie du temps, la bataille fit rage autour de lui, pas avec. Il n'était que le spectateur de sa propre impuissance.

Martinez, du dilemme à L'incompréhenSION

Ce en quoi diffèrent l'Anglais et le Portugais est évidemment que huit ans et demi les séparent. Le premier aura 31 ans dans quelques jours et demeure bien loin de son crépuscule, tandis que le second, entré dans sa quarantième année, se bat en vain contre la nuit déjà tombée. On reverra Harry en 2026 et 2028, pas Cristiano. Mais ce qui les unit est cette question : qu'auraient pu faire leurs équipes en Allemagne si leurs entraîneurs avaient eu la lucidité et le courage de tirer les conclusions de leurs performances et de dire que ce serait pour une autre fois pour ce qui est de Kane, et plus jamais pour ce qui est de Ronaldo ? 
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Cristiano Ronaldo.

Crédit: Getty Images

On ne s'attardera pas sur ce que la situation du quintuple Ballon d'Or a d'absurde, quand il crevait les yeux qu'il n'avait plus les jambes et le tranchant d'autrefois. On n'accablera pas non plus Roberto Martinez plus qu'il ne le mérite, encore que son acharnement à garder son capitaine sur le terrain quelles que soient les circonstances fût incompréhensible, quand Gonçalo Ramos et Diogo Jota piaffaient sur le banc. Sortir Vitinha pour que Cristiano puisse rester sur la pelouse, au fou. Mais mettre le numéro 7 sur le panneau lumineux des remplacements aurait été l'équivalent d'un régicide, et Martinez n'a rien d'un Robespierre ou d'un Danton. N'oublions pas qu'au Portugal, ils étaient nombreux à soutenir que ce Ronaldo d'un autre type - celui qui eut l'intelligence de passer un ballon de but à Bruno Fernandes contre la Turquie, le grand aîné qui veillait sur ses petits frères - méritait toujours sa place, malgré son histrionisme, sa lenteur et ses ratés.

POUR Kane, SOUTHGATE N'A PAS SU TRANCHER

Southgate, lui, faisait face à un autre problème. Ce n'est pas l'âge qui freinait son numéro 9. C'était la blessure au dos qui avait gâché la fin de sa première saison au Bayern, dont il ne s'était pas remis - et dont, selon certaines sources allemandes, il ne se remettra pas complètement avant l'automne. Lui dont le jeu dos au but est l'un des atours majeurs n'exista pas dans ce domaine face à Laporte et Le Normand, pas plus qu'il n'avait existé face à De Ligt et Van Dijk, Schär, Akanji et Rodriguez. Son manque de mobilité l'empêcha de participer au pressing que son manager avait espéré pouvoir imposer contre des adversaires plus relevés. Son timing l'avait abandonné.  Il n'était tout simplement pas lui-même. 
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Gareth Southgate, England, Euro 2024

Crédit: Getty Images

Il n'est pas passé inaperçu en Angleterre que Gareth Southgate aura remplacé son skipper cinq fois lors des sept matchs de la sélection à cet Euro, et pas pour le ménager. C'était la preuve, dit-on, que le manager réputé pour sa loyauté était aussi capable de trancher dans le vif quand il le fallait - comme il avait tranché dans le vif en excluant Harry Maguire, Raheem Sterling, Jack Grealish et Marcus Rashford de sa liste pour l'Euro. Mais lorsque le moment vint de prendre ce qui aurait pu être la plus importante de ses décisions - faire confiance à Ollie Watkins, décisif dans la demi-finale contre les Pays-Bas, plutôt qu'à Kane -, il s'y refusa.  

Kane ET RONALDO LA TETE HAUTE

On doit bien sûr se méfier de la perspective que donne le recul en football, car celle-ci est le plus souvent faussée. Elle n'est ordinairement qu'un a priori transformé en a posteriori, un narratif plaqué sur le chaos ; mais pas cette fois. Tout au long du tournoi, Southgate conserva sa confiance à un joueur dont il était clair qu'il était sérieusement diminué, et que ce ne serait pas un temps de jeu plus important qui le ferait retrouver ses moyens. Il persista même quand cela devint une évidence qu'un avant-centre plus frais et plus mobile changerait la donne. On le complimenta pour l'impact de ses remplacements, des montées au jeu de Palmer et de Watkins en particulier, sans lesquels les Three Lions seraient retournés bien plus tôt dans leurs cages.  
Mais ce qu'on ne saura jamais, c'est ce qu'il serait advenu si, plutôt que de remplacer son capitaine dans le dernier acte d'un match, Southgate lui avait préféré un autre avant le lever de rideau. On ne peut avoir aucune certitude à ce sujet. Mais au vu du regain immédiat des Anglais après ce remplacement en demi-finale comme en finale, on a le droit d'avoir des regrets, comme il n'est pas impossible que le sélectionneur en aie lui-même.  
Un grand joueur est un joueur qui sait "peser" sur un match. Mais quand le temps ou les circonstances s'en mêlent, il arrive qu'il pèse autrement, comme ce fut le cas pour Ronaldo et de Kane à cet Euro. Kane ne baissa jamais les bras. Il ne les haussa pas non plus lorsque le moment vint de quitter la pelouse en finale, ce qu'il fit au pas de course. Il n'a absolument rien à se reprocher. Il est resté un digne serviteur de son pays - comme Ronaldo, malgré son insupportable comportement -, et mérite le respect de tous pour cela. Mais respecter l'homme et le joueur est tout autre chose que respecter son statut. 
 
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