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samedi 3 février 2018

123- Des pêches bio, vraiment?

DES PÊCHES BIO, VRAIMENT ?

Le pêcher, il y a bien longtemps que je suis tombé dedans. C’est à mon avis, parmi les cultures que je connais, l’une des plus difficiles et des plus techniquement intéressantes. Aucune mécanisation n’y est possible, ou presque, tout y est encore artisanal et manuel, même à grande échelle. C’est l’une des dernières cultures “sociales” dans les pays industrialisés, c’est-à-dire qui génèrent une grande quantité de postes de travail pour du personnel non spécialisé.

Photo personnelle

Si vous suivez mon blog depuis longtemps, vous savez que je ne suis pas un défenseur du bio, car je m’oppose totalement à la ligne marketing sur laquelle il s’appuie depuis plus de 30 ans. La production biologique a beaucoup de qualités, mais aussi quelques défauts, certains graves. Pourtant, tout le marketing est fait, non pas sur la base d’une valorisation du bio, mais sur la base d’attaques contre le non-bio. On brandit la peur de l’empoisonnement comme une arme de destruction massive, sans regarder les dégâts collatéraux, toujours plus nombreux et graves. Or il n’y a aucune justification à ça, bien au contraire. Regardez les cas de mortalités d’origine alimentaire au cours du dernier quart de siècle. Les seuls cas graves impliquent systématiquement des aliments produits en bio (E.coli sur graines germées, salmonellose sur melon, botulisme, etc.). Aucun cas similaire démontré n’existe sur des aliments conventionnels.

Faut-il pour autant bannir le bio? Non bien entendu. Mais il faut le contrôler au moins aussi bien que le conventionnel, ce qui n’est pas le cas actuellement. La nouvelle règlementation européenne va dans ce sens, heureusement (http://culturagriculture.blogspot.com.es/2017/11/119-reformer-le-bio-nest-pas-si-naturel.html).
Vous savez aussi que, sans faire de production biologique, je ne critique pas les agriculteurs bio, et je vous parle très souvent de problèmes écologiques, ou agroécologiques.
D’ailleurs, on me demande souvent pourquoi je ne fais pas d’agriculture biologique.

Et c’est justement de ça que je veux vous parler aujourd’hui.

Je ne suis pas propriétaire des terres que je cultive. Je dirige la production pour une société privée. A ce titre, je n’ai pas toujours les mains libres.
Pourtant, je sais que, commercialement parlant, il serait intéressant de faire du bio.
Mais je ne le fais pas.
C’est que, aujourd’hui, il est pratiquement impossible de produire de la pêche en bio.

Une précision pour ceux qui l’ignorent: quand je vous parle de pêche, je vous parle de toutes les sous-espèces ou dénominations qui sont incluses dans l’espèce pêcher Prunus persica, c’est à dire la pêche, la nectarine, le brugnon, la pavie (pêche de conserve à chair dure), la pêche plate (paraguayo), la platerine (nectarine plate), ainsi que les chairs blanches, jaunes ou sanguines. C’est la même espèce, il est presque impossible de distinguer l’arbre d’une sous-espèce ou d’une autre et les conditions de culture sont les mêmes.


Je vous disais donc que le bio est presque impossible en pêcher. Entendons-nous bien. Je peux avoir trois pêchers dans mon jardin, ne pas les traiter et manger des pêches tout de même.
Là, je pose une question à ceux qui ont quelques pêchers dans leur jardin et qui en mangent les pêches avec d’autant plus de plaisir qu’elles viennent de leur jardin. Ces quelques pêches, dans l’état où elles se trouvent lorsque vous les cueillez, les achèteriez-vous en magasin?
La réponse sera non pour la plupart, car ces fruits sont en général déformés, piqués, tachés, petits et laids. Or, des fruits aussi abîmés, même en bio, ne sont pas vendables (http://culturagriculture.blogspot.com.es/2017/08/112-qualite-5-quand-le-bio-sy-met-aussi.html).
Le pêcher est une espèce extrêmement sensible à un certain nombre de maladies et ravageurs, capables de détruire presque entièrement la récolte.
En conditions naturelles, l’arbre produit des fruits petits et peu nombreux. Mais la sélection variétale réalisée depuis plusieurs siècles a trié les caractères de taille (calibre), d’esthétique et de saveur, en général sans les combiner avec des critères de rusticité (ce qui est fréquemment le cas pour la plupart des espèces végétales). On ne retrouve pas chez le pêcher cultivé des variétés anciennes rustiques, connues localement mais aux caractéristiques peu adaptées aux besoins des marchés, comme c’est le cas, par exemple chez le pommier ou le prunier, et qui pourraient servir de source génétique naturelle de résistance.
Des centres de recherche ou d’expérimentation en agriculture biologique, très conscients du problème auquel tout le monde se heurte pour le développement sérieux de la pêche en bio, en sont réduits à tester, de manière empirique, le comportement de telle ou telle variété ancienne ou moderne. (http://www.grab.fr/wp-content/uploads/2014/07/A12RA02SensibiliteVarietalePechers.pdf).
C’est un processus extrêmement long et couteux, qui donne de très maigres résultats.
Et la production de pêche en bio ne décolle pas. Il y a bien quelques fous pour en faire un peu, mais toujours à très petite échelle, pour un circuit court et confidentiel, et avec d’immenses risques économiques.

Depuis le décollage du bio et l’explosion de la préoccupation des consommateurs pour leur santé et pour l’environnement, les botanistes du monde entier n’ont pas eu toute la liberté nécessaire pour aller prospecter dans les régions d’origine du pêcher, la Chine et la Perse, et plus concrètement l’Iran et l’Afghanistan, en proie à des tensions politiques et des conflits incessants depuis 40 ans. On y trouve des “forêts” d’arbres fruitiers sauvages, issues des croisements naturels de hasard et de siècles d’adaptation, et on y trouve donc une diversité génétique énorme. Ces prospections, habituelles en botanique, permettent un vrai travail d’amélioration génétique à l’intérieur d’une même espèce, sans besoin d’aller chercher des gènes dans des espèces végétales différentes.
Je ne doute pas que le jour arrivera où les scientifiques auront mis au point des variétés vraiment résistantes à ces maladies et ravageurs actuellement très dangereux.


Mais dans la situation génétique actuelle, le pêcher reste une espèce globalement non cultivable en bio. Je ne dis pas que vous n’allez pas trouver un petit producteur bio, sur un marché de village, qui vous présente quelques pêches bio issues de sa maigre production.
Mais si au contraire vous trouvez des pêches belles, grosses et en quantités, alors méfiez-vous.
Il est possible qu’elles soient exemptes de résidus de pesticides. Mais faire un fruit sans résidus mesurables de pesticides de synthèse (ce qu’on appelle le zéro résidu), n’a rien à voir avec la production biologique, car des pesticides de synthèse ont très bien pu être utilisés tout au long du cycle végétatif, sans pour autant laisser de trace.
Donc pêche bio aujourd’hui, veut dire, soit toute petite production, en général difficilement rentable pour l’agriculteur (et à très fort risque au niveau de la production), et vendue à prix d’or, ou tromperie fréquente de la part de l’agriculteur, et de la part du canal de distribution. Par exemple, soyez méfiants si vous trouvez de la pêche bio en supermarché. La structure de la production bio, et les volumes produits ne permettent pas de satisfaire les exigences de ce type de commercialisation.

Quand vous lisez ces nombreux articles qui prétendent “le bio pourrait nourrir le monde”, sachez juste qu’on vous manipule. L’avenir sera sans doute très différent, mais actuellement, la production biologique ne peut pas nourrir le monde, pour la simple raison que beaucoup de problèmes n’ont actuellement de solution en bio. Actuellement, le bio peut nourrir un certain monde, plutôt occidental et fortuné. Manger bio aujourd’hui est le privilège de quelques-uns. Les classes pauvres et les pays en développement se contentent d’espérer pouvoir se nourrir à leur faim.
Il est vrai que des progrès dans ce sens sont réalisés quotidiennement, mais pour l’instant au moins, les pesticides de synthèse sont encore indispensables pour une large partie de l’agriculture.

Mais voyez le cas du pêcher, qui n’est pas du tout un cas unique. La rusticité naturelle de l’espèce est faible. Le travail génétique sur les résistances naturelles en est aux balbutiements, et n’aboutira, s’il aboutit, que dans plusieurs dizaines d’années. La seule solution, dans l’état actuel des connaissances, pour maintenir une production qui permette à l’agriculteur de vivre de sa production, en obtenant des fruits en quantité raisonnable ayant un standard qualitatif suffisant pour le marché et la satisfaction des consommateurs, est l’emploi des pesticides.
Pour faire du bio, il s’agira bien sûr de pesticides naturels, ou en tout cas acceptés par les cahiers des charges bio.
Et là encore, nous nous trouvons face à un problème. Certaines maladies (rouille, cloque, maladies de conservation) et ravageurs (puceron vert) n’ont pas actuellement de solution bio efficace.
Bien sûr, ce qui est vrai actuellement ne le sera plus dans quelques temps, et la recherche progresse rapidement.


Mais affirmer, aujourd’hui, que le bio pourrait nourrir le monde est une escroquerie.
C’est juste laisser croire aux consommateurs que les agriculteurs, les metteurs en marché et les autorités gouvernantes, prennent un malin plaisir à autoriser et à utiliser des pesticides qu’on suppose inutiles, juste pour pouvoir polluer la planète et prendre des risques pour la santé des utilisateurs et des consommateurs.
C’est laisser croire qu’une conversion rapide et totale pourrait être réalisée, alors que c’est très loin d’être le cas.
C’est passer sous silence que dans de nombreux cas, le bio n’est actuellement rentable que parce qu’il profite d’aides spécifiques, et surtout d’un joli différentiel de prix, qui disparaitra de lui-même lorsque le bio sera la norme, provoquant une inévitable explosion des prix à la consommation, ou la ruine des agriculteurs.
C’est affirmer que les pays en développement, où les agriculteurs n’ont souvent pas accès aux pesticides, sont les seuls responsables, par leur manque de connaissance, de leur propre pauvreté et de leurs morts de famine.
C’est aussi oublier que ce qui nourrit actuellement les citadins dans leur très vaste majorité, c’est une alimentation saine et diversifiée, dont la qualité sanitaire n’a jamais été aussi élevée, issue d’une agriculture performante, très mécanisée, parfois industrielle, et que changer ça pour du bio ne sera pas facile.
C’est encore oublier que si le monde se convertit au bio, il faudra augmenter les surfaces cultivées, déforester, utiliser plus d’eau douce pour la production d’aliments, plus de terres cultivables pour la production des pesticides naturels ou de fertilisants, donc réduire les zones de biodiversité. Même les études les plus récentes et les plus sérieuses font abstraction de ce « petit » détail (https://www.nature.com/articles/s41467-017-01410-w).

Et affirmer qu’une grande partie de la solution passe par la réduction du gaspillage alimentaire est totalement illusoire. C’est ce qu’on appelle un vœu pieux. C’est vrai, c’est beau, c’est bien-pensant, ça ne coute rien de le dire, mais ça n’a à peu près aucune chance d’aboutir.
Car c’est oublier que près de la moitié du gaspillage alimentaire vient des pays pauvres où le manque de formation, le manque de mécanisation, le manque de disponibilité des pesticides, le manque de moyens de transport et la manque de moyens de conservation sont responsables de la majorité des pertes incluses dans ce « gaspillage ».
C’est aussi oublier que la majeure partie du gaspillage dans les pays riches vient des exigences esthétiques du marché et des mauvaises habitudes d’achats dues au mode de vie, qui font qu’une importante partie de ce gaspillage se produit entre l’achat et le moment de la consommation, directement au niveau des ménages. http://culturagriculture.blogspot.com.es/2014/01/v-behaviorurldefaultvmlo.html
Et ça ne sera pas du tout facile à changer. Le développement des pays pauvres ne se fera pas en quelques années, et la modernisation de leur agriculture aura comme conséquence inévitable une évolution vers les mêmes travers que ceux des pays développés. C’est-à-dire que le gaspillage ne se réduira presque pas, il changera de nature.


En revanche, affirmer que dans quelques dizaines d’années (et en restant très flou sur l’échéance), le bio pourra nourrir le monde, je suis d’accord. Le marché est juteux, la préoccupation des consommateurs grandit de jour en jour, et il est évident que cette voie a un grand avenir, car elle est celle dans laquelle la recherche est la plus dynamique, et la plus subventionnée. L’aide politique et économique facilite tout de même les choses. Je ne suis malgré tout pas très certain qu’on trouvera des solutions naturelles à tous les problèmes. Je reste personnellement convaincu que l’avenir n’est pas à la production biologique, mais à la production intégrée.

Maintenant, soyons clairs, le jour où le bio nourrira le monde, alors il sera devenu le standard alimentaire. Ce qui veut dire qu’il n’y aura plus ni différentiel de prix, ni subventions, ni aides à la conversion. Ce qui veut aussi dire que, soit une grande partie des agriculteurs aura disparu dans les pays riches, au profit des agriculteurs capables de produire moins cher dans les pays pauvres, soit les prix à la consommation auront monté d’une manière explosive.
Mais je ne crois pas que les autorités politiques laisseront s’installer cette situation, qui serait une révolution économique négative qui affecterait gravement la consommation des ménages, donc l’économie des pays.
Et nous en resterons donc à la première hypothèse. La plus grande partie des aliments viendra alors des pays pauvres, qui resteront compétitifs malgré des coûts (économique et écologique) de transport élevés.
On produira bio, et on continuera de polluer autant qu’actuellement, sinon plus.


Photo personnelle

Il faut aussi voir que les géants de l’agrochimie ont déjà senti le vent tourner. Ils ont d’ailleurs pris les devants. Tous, sans exception (Bayer-Monsanto, ChemChina-Syngenta, Dow-Dupont, BASF et les autres) sont en train d’investir, ou l’ont déjà fait, dans des implantations ou des rachats d’entreprises ou de laboratoires spécialisées dans la recherche de solutions phytosanitaires biologiques. Ils ont commencé à proposer des solutions bio à de nombreux problèmes des cultures.
En fait, si l’avenir est probablement au bio, il n’est sans doute pas à la réduction des pesticides, au contraire. Nous continuerons à traiter les cultures autant, voire plus qu’actuellement, tout dépendra des capacités de durée de ces nouvelles solutions bio. Simplement, les pesticides de synthèse seront substitués par des pesticides acceptés en bio.

Et je suis prêt à parier que nous aurons à nouveau quelques jolis scandales autour de tel ou tel pesticide bio dont on aura découvert qu’il pollue les nappes, les sols, qu’il est un perturbateur endocrinien ou qu’on le retrouve dans les cheveux des enfants.

Vous voyez, tout espoir n’est pas perdu, il y aura encore de quoi alimenter les ONG environnementalistes ou les mouvements citoyens, même quand le monde sera bio.

C’est que bio ne veut pas toujours dire sain et respectueux de l’environnement.
Mais quand le petit peuple manipulable l’aura compris, je me demande vraiment comment sera la situation de l’agriculture occidentale.

Mais il faut reconnaitre que les agriculteurs actuellement convertis au bio (et a priori excellents professionnels, il ne s’agit pas de les dénigrer) auront alors une nette longueur d’avance en termes de gestion des coûts en agriculture biologique, ce qui sera absolument fondamental pour la survie des exploitations agricoles.

Et la qualité dans tout ça ?
La quoi ?



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dimanche 9 avril 2017

102- Agroécologie -5- (Le sol -3-) Pouvoir de décontamination

AGROÉCOLOGIE (LE SOL) - POUVOIR DE DECONTAMINATION

Au début des années 90, un agriculteur suédois, Göran Olsson, préoccupé par les risques de conséquences environnementales de ses pratiques agricoles, eut l'idée de confiner ses effluents phytosanitaires dans une sorte de fosse remplie de terre et de matière organique. Son idée était d’éviter la pollution autour de son point de remplissage et de lavage, avec l’hypothèse que les effluents, avec le temps, perdraient tout ou partie de leur potentiel contaminant.

Image: http://biobeds.net/media/2016/03/070110-Goran-Olshon-biobed_webb.jpg

Les effluents phytosanitaires sont constitués par les eaux contaminées par des pesticides de synthèse ou des pesticides naturels, issues d’éclaboussures lors du remplissage des machines de traitement, de fonds de cuves que la pompe n’arrive pas à aspirer, de restes de bouillies non appliqués sur la culture, et surtout d’eau contaminée générée par le lavage des machines après les applications. Les eaux de lavage constituent en général près de 90% du total des effluents phytosanitaires.
Il peut aussi arriver, bien qu’exceptionnellement, que lors de la préparation d’une cuve, se produise une réaction chimique (due à la qualité de l’eau, à la température, ou au mélange des produits), ou simplement une erreur de manipulation (introduction par erreur dans la cuve d’un produit non adapté ou interdit), qui rende la bouillie phytosanitaire inutilisable. Dans ce cas, cette cuve entre également dans les effluents phytosanitaires.

J'imagine que plusieurs tentatives auront été nécessaires pour arriver à un résultat cohérent, mais le fait est là. Ce monsieur a ainsi inventé un principe, baptisé lit biologique, ou biobed, ensuite étudié scientifiquement et modifié pour en améliorer l'efficacité, qui permet à l'agriculteur de réduire considérablement les effets collatéraux des traitements phytosanitaires. Le géant de l’agrochimie Bayer propose une optimisation du principe sous la marque Bayer Phytobac®, de plus en plus connue dans les milieux agricoles. Il s’agit d’un biobed amélioré qui permet d’en réduire le volume tout en garantissant un fonctionnement optimal.

Les pesticides, s’ils se concentrent en trop grande quantité, sont potentiellement dangereux pour l’environnement.
C’est vrai pour les pesticides de synthèse, bien que les molécules actuellement disponibles en Europe présentent un risque très faible, en comparaison des nombreuses molécules interdites ces dernières années.
C’est également vrai pour les pesticides « naturels », autorisés en agriculture biologique. En effet, beaucoup de ces pesticides sont des extraits végétaux ou des produits synthétisés à partir de bactéries et sont, au bout du compte, des molécules chimiques qui ont des effets environnementaux similaires aux pesticides de synthèse (risque pour les sols, pour la faune aquatique, pour les oiseaux, etc.). Voir à ce sujet, ma série en cours « Naturel vs synthétique » https://culturagriculture.blogspot.com.es/search/label/FR-%20Naturel%20vs%20synth%C3%A9tique, dont j’ai pour l’instant édité trois chapitres.
Il est donc très important que, quel que soit le mode de culture adopté, mis à part l’agriculture biodynamique, les effluents soient correctement contrôlés.

Beaucoup d’agriculteurs, préoccupés par ce problème, mais sans disposer d’un système efficace, ont pris des dispositions pour éviter que leurs effluents phytosanitaires soient une source de pollution. Beaucoup de fermes disposent d’une fosse dans laquelle il est récupéré et confiné, en attendant son évaporation, ou un épandage, après dilution dans l’eau, sur des zones sans culture et éloignées des points d’eau (puits, ruisseaux, étangs, bassins, etc.). Mais cette méthode a des limites. C’est cependant mieux que de ne rien faire et de regarder ailleurs…


Durant plusieurs années, la reconnaissance du biobed et du Phytobac® est restée limitée à quelques agriculteurs, sans s'étendre réellement. Mais en 2007, en France, eurent lieu plusieurs rencontres politiques, appelées « Grenelle Environnement », afin de prendre des décisions influant directement sur les conséquences environnementales des différentes activités humaines. Ces rencontres donnèrent lieu à des textes de loi, à des normes de fonctionnement destinées à tous les secteurs économiques. En ce qui concerne l'agriculture, ce fut le coup d'envoi de toute une série d'inventions et de normalisations concernant en particulier les usages de pesticides et de fertilisants, naturels ou de synthèse.
Le principe du biobed marqua ainsi son grand décollage. Actuellement, plusieurs milliers de biobeds fonctionnent en France, et près d'une vingtaine de principes de destruction des effluents phytosanitaires agricoles ont été autorisés par le Ministère de l'Agriculture. Mais un seul principe peut être considéré comme biologique, le biobed, et concrètement le Phytobac®. Tous les autres principes aboutissent à un résidu contaminé (filtres, boues, sacs, ou autres), dont il faut organiser le ramassage, qu'il faut transporter avec toutes les précautions d’usage, jusqu'à une entreprise spécialisée, afin d’en assurer le retraitement.
Le biobed permet de réaliser le traitement de décontamination localement, sans danger, sans transport, ni incinération, ni processus industriel.

Image: http://www.biobeds.org/uf/40000_49999/45709/6465e52a32a06201bd03da69cb441727.jpg

Ce que la science a démontré, en particulier l'INRA (Institut National de Recherche Agronomique) en France, qui a longuement travaillé sur le principe du biobed afin d’en vérifier le bien-fondé, c'est que les molécules chimiques, de synthèse ou pas, sont naturellement décomposées par la flore bactérienne du sol, pour les ramener à des éléments ou à des molécules simples, non polluantes, naturellement présentes dans l'environnement, comme de l'eau, du gaz carbonique ou du carbonate de calcium. Ce processus prend du temps (de l'ordre de 4 à 6 mois), mais est réel et complet. Seules quelques très rares molécules, actuellement interdites, résistent à ce processus, en particulier le DDT. La dégradation complète du DDT dans les sols demande plusieurs dizaines d’années, passant par plusieurs phases, DDD et DDE.
Mais toutes les molécules actuelles sont dégradées en totalité dans les sols dans un délai qui va de quelques heures à quelques mois. C’est d’ailleurs un des critères que les autorités compétentes considèrent actuellement incontournables pour accepter l’homologation d’une nouvelle molécule ou le renouvellement d’une ancienne.

Comment est constitué un biobed ?
Dans le système original suédois, l’aire de lavage est simplement constituée d’une fosse emplie de terre et de matière organique dans laquelle les effluents tombent et sont stockés. La Nature fait son œuvre, l’herbe pousse et participe à l’efficacité du système. Cependant, les fermes importantes doivent prévoir des surfaces importantes, les installations sont complexes et onéreuses, et il est très difficile d’en assurer la maintenance. De plus, les risques de débordement sont élevés.
Le Phytobac® optimisé reprend la même idée, mais y intègre un certain nombre de critères destinés à en augmenter l’efficacité, tout en en réduisant le volume, en facilitant la maintenance et en augmentant sa sécurité.
Les effluents passent donc par une aire de lavage totalement imperméable, sont stockés dans un réservoir, et appliqués au conteneur de dégradation/évaporation par un jeu de pompes. La profondeur du substrat est réduite car la flore microbienne utile aérobie (qui a besoin d’air) se maintient dans les 50 premiers centimètres de profondeur seulement.
Bref, le principe est le même, mais la mise en œuvre est différente, pour en améliorer l’efficacité, la sécurité et le contrôle.


Comment le sol fait-il pour décomposer ces molécules ?
En fait, ce sont les bactéries du sol qui s’en chargent. Elles attaquent directement les molécules et les décomposent en rompant les liens chimiques entre les différents atomes.
Les molécules agrochimiques sont toutes composées d’éléments très communs, C, H, O, N, Ca, Cl, S, K, Cu, Fe, F, P, Zn, Mg, Mn, qui sont tous des éléments naturellement présents dans les sols et qui sont presque tous des éléments nutritionnels pour les plantes. Ce que fait la chimie, c’est combiner ces éléments entre eux, avec des liaisons particulières, pour en faire des molécules à usage spécifique.
Ces éléments, une fois libérés des liaisons qui en font une molécule, vont se recombiner pour former d’autres molécules ordinaires, comme de l’eau, du gaz carbonique, etc.
Certains éléments, en particulier les métaux, restent dans le biobed. Il faut donc surveiller les concentrations de ces métaux dans le substrat pour éviter la contamination du biobed. Lorsque ces concentrations s’approchent des niveaux considérés dangereux (selon les normes de pollution des sols en vigueur), on renouvelle le substrat. Le vieux substrat, non toxique si les normes sont respectées, c’est-à-dire s’il est renouvelé avant d’avoir atteint le niveau maximum autorisé de charge en métaux, est épandu sur la ferme, sur une grande surface, de manière à diluer encore plus la présence de ces métaux.
Pour vous donner un ordre d’idée, le substrat d’un Phytobac® étudié pour une cinquantaine d’hectares de vergers, va représenter environ 3 tonnes de terre. On considère que l’on peut épandre un maximum de 10 tonnes de substrat par hectare. Le poids de terre agricole (les 60 premiers centimètres de profondeur), représente environ 10.000 tonnes par hectare.
Le substrat ne devra pas dépasser 50 mg de cuivre par kg de terre. Réparti et mélangé sur 1 hectare, on réduit la concentration 1000 fois, avec un résultat négligeable, puisqu’inférieur aux taux naturels de ces éléments dans la plupart des sols.
En moyenne, le substrat sera renouvelé tous les 5 à 10 ans, en fonction en particulier de l’utilisation de cuivre et de zinc, les métaux les plus utilisés en agriculture, tant conventionnelle que biologique, car ce sont des éléments naturel, qui sont à la fois de puissants fongicides, bactéricides, et des éléments nutritionnels importants.
Pourtant, leur excès est toxique, tant pour les plantes, que pour la faune, la microfaune et la microflore du sol.

Afin de favoriser l’activité bactérienne, on prend soin d’aérer le substrat une à deux fois par an, en y incorporant de la paille, ou une autre matière organique riche en lignine, qui servira d’alimentation de base pour les bactéries.

C’est donc une méthode biologique de décomposition des matières chimiques, qui permet, par une bonne pratique agricole, d’éviter au maximum les effets collatéraux des traitements phytosanitaire, tant en agriculture conventionnelle que biologique.

C’est aussi une caractéristique des sols, d’être capables de décomposer les molécules chimiques. Les sols chimiquement pollués sont très rarement des sols agricoles. Seul le DDT et quelques autres organochlorés ou herbicides résiduaires, depuis longtemps interdits résistent à la dégradation. On en retrouve encore dans de nombreux sols, plus de 40 ans après leur interdiction, mais dans des niveaux extrêmement faibles. La dégradation a lieu, mais elle est très lente.

Source: INRA

Les cas de pollution sont généralement dus à des accidents, et sont donc très ponctuels, ou à des pollutions industrielles ou minières.
Sur les fermes agricoles, seule la proximité des points de lavage et de remplissage peuvent présenter des pollutions notables, mais sur des surfaces très réduites.
Cependant, les risques de pollutions des eaux superficielles et souterraines restent relativement importants par entrainement par les pluies, en particulier des effluents accumulés près de ces points critiques.

Nous avons aujourd’hui la possibilité d’éviter les pollutions involontaires des sols et de l’eau dues à l’utilisation des pesticides, naturels ou de synthèse.
Il s’agit sans aucun doute d’un progrès important pour la durabilité de l’agriculture et pour éviter au maximum les effets indésirables de la protection des cultures.

La préoccupation des utilisateurs grandit, mais souvent pas encore au point de mesurer l’intérêt de l’investissement dans ce genre d’équipements.
Pourtant la préoccupation du public grandit énormément, pas toujours de manière justifiée, ni même raisonnable, sous le martèlement de certains groupes de pression dont je vous ai déjà largement parlé.
Mais cette préoccupation, même si elle est largement exagérée, doit représenter un moteur d’évolution et d’innovation.

On est pourtant surpris du manque d’intérêt des administrations gouvernementales pour ce genre de progrès.
Tout le monde se scandalise des pollutions de tous types, ou des risques que peut présenter l’utilisation des pesticides, naturels ou synthétiques, mais les administrations sont timorées à prendre des décisions drastiques sur le sujet. Le traitement des effluents n’est vraiment bien pris en compte que dans deux ou trois pays, en particulier en France. Pourtant, même en France, ce n’est pas obligatoire. C'est une forte recommandation appuyée par des aides à l’investissement. De plus elle ne prend en compte que les risques de pollutions des eaux, superficielles et souterraines, pas des sols.
Certains groupes de supermarchés, ou protocoles de qualité commencent à s’en préoccuper, mais là encore, il n’existe pas, aujourd’hui, d’obligation sur le sujet. Seuls les accidents sont sanctionnés.

Ne serait-il pas plus intelligent et efficace de rendre le contrôle et le traitement des effluents phytosanitaires obligatoire, afin d’éviter les accidents, dont les conséquences sont toujours graves ?

Le sol, à travers sa vie microbienne, a la capacité de se protéger en décomposant les molécules susceptibles de lui être nuisibles. C’est cette caractéristique que le biobed utilise. Un emploi raisonné des pesticides modernes ne présente pas de risque pour les sols, si ceux-ci sont correctement gérés. La vie microbienne naturelle dans tous les sols est normalement suffisante pour dégrader toutes les molécules actuellement disponibles, à condition que les pratiques agricoles permettent une bonne aération des couches superficielles.
Il convient cependant de faire attention dans au moins deux situations particulières :
-       Les sols très sableux ont généralement une vie microbienne faible ou nulle. L’emploi des pesticides doit y être extrêmement précautionneux. C’est d’autant plus vrai que ces sols ont peu de capacité à retenir les molécules, qui risquent ainsi de se retrouver rapidement dans les nappes phréatiques, sans avoir eu le temps d’être décomposées.
-       Les cultures ou modes de culture qui emploient des sels métalliques en grande quantité. C’est le cas de certaines cultures comme la vigne ou l’olivier. C’est aussi le cas de l’agriculture biologique qui, faute de disposer de la diversité des fongicides de synthèse, utilise des sels de cuivre et de zinc de manière répétée. Les métaux n’étant pas dégradables peuvent s’accumuler jusqu’à des niveaux dangereux.


Image:  https://www.research.bayer.com/img/27/Phytobac/wasser_grafik_1075px_en.jpg

L’emploi des pesticides naturels ou synthétiques est une pratique utile, sûre, et même écologique grâce à la productivité qu’elle permet d’atteindre, dans la production d’aliments. Mais pour être durable, il est indispensable de prendre une série de précautions comme le contrôle des effluents phytosanitaires.

Le sol lui-même nous fournit la solution pour respecter ce besoin, grâce au biobed.


Le sol est une ressource indispensable, vivante et fragile.
Il est de notre devoir d’usagers, agriculteurs, jardiniers ou autres, d’en prendre grand soin. Il est aussi nécessaire de comprendre son fonctionnement pour en tirer le meilleur parti sans lui porter préjudice.
Connaitre son sol est indispensable pour une agriculture durable.
L’agronomie est une science qui a encore de grandes choses à découvrir.
Certains estiment même que c’est encore l’une des principales explorations que les humains doivent encore réaliser.

L’avenir de l’humanité se trouve sous nos pieds, prenons grand soin de nos sols.

mercredi 5 avril 2017

101- Naturel vs synthétique -3- Pyréthrines vs pyréthroïdes

PYRÉTHRINES VS PYRÉTHROÏDES

LES PYRÉTHRINES NATURELLES

Parmi les extraits de plantes employés en agriculture biologique, les extraits de pyrèthre tiennent une place à part. En effet, ils ont une action directe et rapide, comparable à n'importe quel bon insecticide de synthèse antérieur aux années 90, et ils ont servi de modèle pour la création d'un grand nombre de molécules de synthèse, encore actuellement les plus utilisées à travers le monde.

Image: http://media.comprendrechoisir.com/usage=full:orientation=horizontal/pyrethre-d-afrique-fleurs

Les pyréthrines sont des principes actifs issus d'une plante, le pyrèthre de Dalmatie (Tanacetum cinerariifolium). Ils ont une forte capacité insecticide grâce à une action neurotoxique élevée. Leur polyvalence est importante, en faisant un insecticide phare de l'agriculture biologique.
D'autres plantes de la même famille ont des propriétés similaires, et possèdent aussi des propriétés pesticides, comme les chrysanthèmes, particulièrement le chrysanthème de Perse (Tanacetum coccineum).

Image: http://il2.picdn.net/shutterstock/videos/8427682/thumb/1.jpg

L'emploi des pyréthrines naturelles est très fréquent en agriculture biologique car leur action de choc est importante. Leur polyvalence permet de lutter contre de nombreux lépidoptères, diptères, homoptères, hémiptères, thysanoptères, hyménoptères, coléoptères, et j'en passe. Bref, elles sont actives sur pucerons, mouches, moustiques, punaises, guêpes, chenilles, asticots, cicadelles et autres.
Leur action neurotoxique est cependant faible ou nulle sur les animaux à sang chaud, ce qui permet leur utilisation dans le domaine domestique ou pour le traitement des puces dans la maison et sur les chiens. Mais les chats, parmi les rares exceptions, y sont très sensibles.
Elles sont donc un insecticide très apprécié pour lutter contre les insectes de maison.
On peut noter que leur dégradation est rapide, en particulier par l'action de la lumière, ce qui leur donne une action peu prolongée dans le temps. C'est un avantage en termes d'effets secondaires sur l'environnement, mais c'est un inconvénient sur le plan agricole, en termes de durée d’efficacité.
Pour maintenir la protection active, ou en cas d'attaques répétées ou prolongées d'insectes nuisibles, l'agriculteur peut être conduit à répéter les traitements plus d'une fois par semaine.

Pourtant, leur polyvalence pour lutter contre les insectes nuisibles s'accompagne de la même polyvalence à éliminer les insectes utiles. Les insectes auxiliaires comme les coccinelles, chrysopes, syrphes, anthocorides ou abeilles sont éliminés aussi rapidement que les nuisibles.
Autre inconvénient, et pas des moindres, ce groupe de molécules est extrêmement toxique pour la faune aquatique. Un déversement accidentel, même de quantités limitées, dans un cours d'eau, peut tuer la totalité des poissons sur plusieurs kilomètres.

Image: http://media.uccdn.com/images/6/1/3/img_insectos_beneficiosos_para_el_jardin_10316_orig.jpg

Bref, c'est un produit naturel, certes, autorisé et largement employé en agriculture biologique, mais qui exige les plus grandes précautions pour être correctement utilisé et pour éviter des effets extrêmement indésirables sur l'environnement.
On peut utiliser des pyréthrines naturelles issues d’extraction industrielle, les plus sures et régulières, mais on peut aussi les obtenir par macération des fleurs ou des feuilles des plantes concernées, comme c'est le cas avec le purin de tanaisie. Dans ce dernier cas, l'utilisation doit être rapide car les molécules libérées par macération et fermentation peuvent rapidement se dégrader sous l'effet de l'hydrolyse. A noter que ces purins ont la réputation de posséder également certaines propriétés répulsives d'insectes et fongicides.


LES PYRÉTHROÏDES DE SYNTHÈSE

Dans les années 60-70, les entreprises de l'agrochimie se sont intéressées  aux propriétés des pyréthrines. En effet le DDT et les autres organo-chlorés, dominant largement le marché à l'époque, présentaient des problèmes variés (sur la santé et sur l’environnement), sérieux (bien qu’on n’en mesurait sans doute pas encore toute la gravité) et de plus en plus nombreux. L'évolution des techniques et des technologies de mesure, des problèmes détectés et des mentalités montraient clairement qu'il devenait urgent de leur trouver des alternatives.
C'est l'époque de la multiplication des organo-phosphorés et surtout de l'apparition, puis de la multiplication, des pyréthroïdes de synthèse.
A partir des formules chimiques des pyréthrines naturelles, les chimistes étudient, avec succès, la possibilité de les modifier pour en augmenter les effets. C'est ainsi qu'on verra apparaitre, au fil des années, des molécules voisines dont le nom sont souvent en relation avec la famille chimique à laquelle elles appartiennent, comme la perméthrine, la cyperméthrine, la deltaméthrine, l'allométhrine, la cyfluthrine, la cihalothrine, mais aussi le fenvalérate, le fluvalinate, et j'en oublie beaucoup.

Image: http://aem.asm.org/content/75/17/5496/F1.large.jpg

Chaque molécule apporte quelques caractéristiques particulières et permet aux firmes chimiques de déposer des brevets, donc d'avoir des exclusivités techniques et commerciales.
Toutes ces molécules ont des spécificités, mais d'une manière générale, si elles conservent les principaux défauts des pyréthrines naturelles (toxicité pour la faune aquatique, polyvalence et toxicité sur beaucoup d'insectes utiles), elles leur apportent quelques caractéristiques importantes:
-       Elles sont spécifiques. Il ne s'agit plus d'un cocktail de molécules aux proportions variables, donc à l'efficacité et aux effets secondaires variables (voir mon article sur l'huile de neem pour en comprendre l'importance https://culturagriculture.blogspot.com.es/2017/02/98-naturel-vs-synthetique-2-huile-de.html).
-       Elles sont beaucoup plus persistantes. On passe ainsi de 4 à 5 jours de persistance, à 2 à 4 semaines. Comme l'effet de choc est similaire et la persistance plus grande, elles permettent de réduire le nombre d'applications pour une même protection, donc elles en réduisent les effets négatifs sur l'environnement.
-       Elles fonctionnent à des doses beaucoup plus basses, réduisant ainsi les pertes dans l'environnement et les effets secondaires négatifs.

Même si leur dégradation est plus lente, elles sont tout de même totalement dégradées en quelques semaines. De fait, elles restent une des familles de pesticides de synthèse dont la dégradation est complète dans l'environnement.
Mais, parmi ces pyréthroïdes de synthèse, il en est au moins un, le tau-fluvalinate, dont les effets secondaires sont nettement meilleurs. En effet, sa toxicité sur abeille est très faible, pour ne pas dire nulle. C’est tellement vrai que cette molécule, un pesticide synthétique de la plus belle espèce, est utilisé pur, directement dans les ruches, pour lutter le varroa, un microacarien parasite des abeilles, probablement la principale cause du déclin des ruches (et non les néonicotinoïdes, quoi que veuillent le faire croire les lobbies écologistes).
  

Image: http://southburnett.com.au/news2/wp-content/uploads/2016/07/varroamite.jpg

Finalement, on se retrouve avec une situation similaire à mon article sur l’huile de Neem. On a, face à face, des produits dont les effets secondaires négatifs sont les mêmes sur la faune aquatique ou sur les insectes utiles.
On peut même dire que certains produits de synthèse sont nettement meilleurs que les produits naturels, puisque le tau-fluvalinate est bien meilleur que les pyréthrines naturelles pour lutter contre le dépérissement des ruches.
Cette molécule de synthèse a longtemps été la seule disponible, et on peut dire qu’elle a sauvé d’une mort certaine des millions de ruches durant les années 80 à 2000. Depuis, d’autres solutions, dont certaines biologiques ont été trouvées, avec un niveau d’efficacité équivalent ou supérieur.
D’autre part, tout en ayant les mêmes effets négatifs, les pyréthroïdes de synthèse permettent une forte réduction des doses et du nombre d’applications. Dans ces conditions, les mêmes effets négatifs s’expriment moins souvent. Autrement dit, une protection à base de pyréthrines naturels, aura des effets secondaires négatifs plus graves car les interventions seront répétées plus fréquemment.

Pourtant, encore une fois pour des raisons d’idéologie, de dogme, l’agriculture biologique préfèrera l’utilisation des pyréthrines naturelles.
Il parait donc préférable de provoquer des dégâts plus graves à l’environnement, plutôt que de changer quoi que ce soit à une idéologie dénuée de tout fondement scientifique.

Un bémol cependant : l’agriculteur biologique fera tout ce qui est en son pouvoir pour éviter d’avoir recours aux pyréthrines naturelles…

…tout comme l’agriculteur en production intégrée le fera pour éviter d’avoir recours aux pyréthroïdes de synthèse, mais lui est classé comme agriculteur conventionnel, donc considéré comme pollueur et empoisonneur.

dimanche 4 décembre 2016

94- Agroécologie -4- La qualité de l'air

AGROÉCOLOGIE – LA QUALITÉ DE L’AIR

J’ai eu récemment l’occasion de discuter avec une personne qui fait partie, comme on dit, « des milieux bien informés », sur un sujet qui, semble-t-il, pourrait devenir brûlant assez rapidement.

Le gouvernement français, dans le cadre de son projet politique de promotion et de développement de l'agroécologie (voir  https://culturagriculture.blogspot.com.es/2016/07/74-agroecologie-1-le-concept.html), a lancé une intéressante et vaste étude sur la qualité de l'air dans les zones rurales, afin de mesurer l'impact invisible des pratiques agricoles sur l’air que nous respirons.

http://france3-regions.francetvinfo.fr/poitou-charentes/sites/regions_france3/files/styles/top_big/public/assets/images/2013/06/25/capteur-air-atmo-picardie-25062013.jpg?itok=lLtysJC8

Pour ce faire, des capteurs spécifiques ont été placés dans des villages (en bordure de zones agricoles, au cœur des villages, dans les cours d'écoles, etc.).
Afin que l'étude soit complète, des capteurs ont également été placés dans des grandes villes, afin d'avoir les références nécessaires de zones éloignées de l'influence agricole.
Ces nombreux capteurs mesurent 24h/24h la qualité de l'air, et les mesures sont mises en relation avec les pratiques agricoles de chaque région, afin de pouvoir en tirer les conclusions pertinentes.

Dans le même temps, les fabricants de machines agricoles, travaillent sur les évolutions possibles du matériel spécialisé afin de réduire au maximum l'impact sur la qualité de l'air, en particulier des applications de pesticides. Ils étudient les types de buses, les turbines de ventilation, les systèmes de récupération des excédents de bouillies pesticides, etc.

http://www.matevi-france.com/uploads/pics/pulverisateur-panneaux-recuperateurs-pneumatique-Pulve-S21_01.jpg

Dans le même temps aussi, les chercheurs en agronomie de nombreuses spécialités étudient les modes de culture susceptibles de s'adapter à des matériels différents. Par exemple les haies fruitières permettent d'utiliser des matériels que les vergers libres ne permettent pas.
Ils étudient la possibilité d'implanter des hautes haies de protection autour des zones agricoles pour avoir un effet de "récupérateur" de dérives de pesticides (en même temps qu’elles servent de refuges pour la faune utile, aidant ainsi à la réduction de l’emploi des pesticides, ainsi que de protection contre les effets négatifs du vent).

http://www.omafra.gov.on.ca/neworchard/images/apples/16windbreakf1-zoom.jpg

Ils étudient aussi, en coordination avec les organismes spécialisés en agriculture biologique, les moyens alternatifs pour protéger les cultures (ozonisation, ondes électriques basses, filets anti-insectes, par exemple).

http://mapassionduverger.fr/wp-content/uploads/2014/09/238-Alt-mouches-pour-cerisiers-Pour-lutter-contre-la-mouche-de-la-cerise.jpg

Dans le même temps encore, les fabricants de pesticides travaillent sur des molécules, des adjuvants et des formulations qui ne produisent pas de vapeurs, afin de réduire le risque que les pesticides puissent se retrouver involontairement dans l’air que nous respirons, et afin que la quantité maximale de la molécule puisse atteindre sa cible, avec le moins possible de dégâts collatéraux.

Et dans le temps, enfin, les semenciers et créateurs de nouvelles variétés travaillent à créer, par les voies naturelles ou avec l’aide des biotechnologies, des variétés plus rustiques, moins sensibles aux maladies et aux ravageurs, afin de réduire la nécessité d’avoir recours aux pesticides. Ils se heurtent malheureusement souvent à l’incompréhension du public qui ne se rend pas compte que les bénéfices sanitaires et environnementaux que ces nouvelles variétés peuvent apporter sont largement plus importants que d’hypothétiques inconvénients que jusqu’à présent personne n’a pu scientifiquement démontrer.

Bref, tous les organismes publics ou privés spécialisés impliqués dans ce grand mouvement de développement de l'agroécologie travaillent d'arrache-pied pour résoudre les contaminations de l'air provoquées par l'agriculture.


Il semble que de nombreuses conclusions de cet important travail de recherche pluridisciplinaire, pourraient presque déjà être publiées.
Pourtant, les résultats des études de qualité de l'air ne sont toujours pas disponibles pour le public.

C'est qu'il en ressort quelques conclusions quelque peu gênantes, politiquement pas très correctes et qui, pour que la cohérence du mouvement soit complète, pourraient déboucher sur des législations et des obligations que personne ne souhaite vraiment.
Par exemple?
Et bien que certains capteurs détectent des organochlorés, ou différents types de produits interdits depuis très longtemps en agriculture. Les agriculteurs auraient-ils constitué des stocks énormes qui leur permettent de tenir (illégalement) pendant 40 ans après les interdictions? L'hypothèse est facile à vérifier. Elle est d’ailleurs complètement idiote. Mais pourquoi pas, non? Mais elle ne tient plus quand des capteurs de centre-ville, très éloignés des champs, même dans des grandes agglomérations, le confirment.

http://images.midilibre.fr/images/2014/06/24/la-cour-de-l-ecole-maternelle-de-salindres-a-connu-une-belle_956951_667x333.jpg?v=1

Alors il faut bien envisager autre chose. Un vrai travail d'enquête est donc lancé pour comprendre le phénomène. En fait ce travail, dont les conséquences pourraient être incommensurables, est en train de démontrer que la pollution agricole, réelle, mais probablement très largement surestimée, et surtout très largement surmédiatisée grâce à l’influence et le lobbying des mouvements bio, n'est qu'une petite partie du problème de la qualité de l’air.

Un des déclencheurs de cette étude a été le fameux cas d’intoxication des enfants d’une école de village dans le bordelais, à la suite de traitements phytosanitaires dans les vignes environnantes. Or la médiatisation de cette affaire a été, dès le début, extrêmement malhonnête, accusant l’agriculture conventionnelle et les pesticides de synthèse, quand en réalité, deux agriculteurs du voisinage étaient impliqués, un en agriculture conventionnelle, et l’autre en agriculture biologique, alors que les deux traitaient leurs vignes avec du soufre, produit naturel autorisé en agriculture biologique et conventionnelle.

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En fait, de nombreux processus industriels utilisent des pesticides, en particulier ceux qui utilisent des matières premières d’origine animale ou végétale. Par exemple le traitement des charpentes. Le cas dont je vous parle concerne des installations scolaires dont les charpentes, en bois traité (ce qu'on appelle en autoclave, un bois injecté sous haute pression, avec différents pesticides et sels métalliques pour empêcher les champignons et les insectes de l'attaquer), dont la provenance est extra-européenne, lâchent dans l'air, 24h/24h des résidus de pesticides interdits en Europe depuis très longtemps.

Or ces processus industriels appliqués à des produits d’origine agricole mais d’usage différent, ne sont pas suffisamment contrôlés, ni en origine, ni lors de leur importation. On ne fait pas d’analyse de résidus sur des bois d’œuvre, sur des tissus ou sur des peaux.
Pourtant, ces matériaux emplissent nos maisons, nos bureaux et les lieux publics.

On contrôle les aliments, c'est bien normal. Ce que nous ingérons doit être sûr, nous sommes tous d’accord là-dessus.
Mais cette étude, clairement ciblée sur les pratiques agricoles, pourrait révéler de nombreux problèmes insoupçonnés jusqu’alors et qui pourraient déranger bien des gens.
Il a déjà fallu, il y a peu de temps, et ça a coûté une fortune aux états, désamianter tous les bâtiments. Imaginez s’il faut maintenant démonter une par une toutes les charpentes ou mettre au rebut des millions de meubles ou d’accessoires divers et variés.

http://www.zero-amiante.fr/images/entreprise-desamiantage.jpg

Qui va payer ces factures ?

Mais la santé publique a un coût très élevé, tant sur le plan économique, que politique.

Quand verrons-nous la publication de ces résultats, dans leur intégralité ? Et qui se risquera à assumer la responsabilité de la situation et des mesures à prendre ?

Les politiciens qui ont lancé cette étude, avec l’évidente idée derrière la tête d’arriver à court ou moyen terme, à l’interdiction de nombreux pesticides, pourraient se retrouver devant un problème bien plus sérieux, difficile et couteux à résoudre. Une sorte de retour du bâton, d’un dogmatisme irraisonné.

C’est là que l’on voit que l’agroécologie est profondément une bonne idée. Je le crois vraiment, intégrer l’agriculture dans son environnement et dans la société est une vraie bonne idée. Arriver à faire cohabiter en bonne entente l’agriculture moderne et la société actuelle est une nécessité, et ce mouvement d’agroécologie porte en lui le potentiel pour y arriver.
Pourtant, en France au moins, le gouvernement lui-même démontre qu’il ne cherche pas à intégrer l’agriculture dans la société, mais cherche à obliger l’agriculture à se transformer en agriculture biologique. Il n’y a aucune base scientifique pour appuyer une telle idée. Il y a beaucoup plus d’idéologie que de bon sens dans ce projet.

Vous en doutez ? Voyez la quantité impressionnante d’émissions de télévision contre l’agriculture (ce qu’on appelle l’agri-bashing) diffusées ces dernières années sur des chaines du service public français, donc avec l’aval du gouvernement en place. Toutes ces émissions fonctionnent sur le même modèle : on prend un sujet relativement anodin, on le présente sous son angle le plus négatif, on truque les images ou la manière de filmer, on le garnit de quelques témoignages invérifiables mais inquiétants, et on y ajoute quelques commentaires garnis de sous-entendus… sans oublier l’importance de la musique de film d’horreur.  L’ombre d’un doute.
Surtout quand on sait qu’il est si facile de manipuler les esprits. Car la réalité des sujets de toutes ces émissions est toute autre. L’alimentation actuelle est saine et sûre. Elle n’a même jamais été aussi saine et aussi sûre dans toute l’histoire de l’humanité.

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Mais laisser planer le doute permet de conduire le peuple à prendre lui-même la décision de changer de cap, même pour se précipiter vers une grossière erreur.
« Un mensonge répété dix fois reste un mensonge ; répété mille fois, il devient une vérité ». (Adolf Hitler).

Mais vu tout ce que ces travaux vont découvrir, est-il raisonnable de continuer à appeler ce mouvement agroécologie ?

Car si l’agriculture n’est pas aussi malsaine qu’on le pense, et si l’ensemble de la société a vraiment et urgemment besoin d’une profonde remise en question sur ses effets sur l’environnement, ne devrait-on pas plutôt lancer un vaste mouvement de « socioécologie », qui bien sûr inclurait un volet d’agroécologie?