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JO 2024 (judo): "Faire le deuil de ce titre olympique", Romane Dicko revient sur son échec

La judoka du Paris Saint-Germain judo rêvait de remporter le titre olympique individuel des +78kg aux Jeux, catégorie où elle étant la grande favorite. Elle s’est contentée du bronze, comme à Tokyo. Une semaine où elle a aussi contribué au titre par équipe, son deuxième après 2021. Mais il lui faudra du temps pour analyser et panser cet échec, comme elle l'a raconté à RMC Sport depuis la maison des Polytechniciens à Paris, à l'invitation d'Omega.

Romane Dicko, le judo est terminé depuis trois jours. Dans quel temps êtes-vous? Celui de la fête? Celui du débrief?

Regarder les combats, pas du tout. Ce n’est pas le moment. C’est le temps de la fête, de profiter. Malgré la déception de l’individuelle ça reste deux belles médailles. Il faut profiter avec ses coéquipiers, profiter avec la France, kiffer cette semaine, aller voir les copains qui entrent en lice et les Paralympiques. Il faut profiter de ces Jeux olympiques à Paris, c’est une chance. Profiter, profiter, profiter.

Si vous ne deviez voir qu’une épreuve en deuxième semaine, quelle serait-elle?

Je dirais les sœurs Tremble en natation synchronisée, Charlotte et Laura. Ce sont mes copines. C’est une épreuve à aller voir. Si je peux en choisir une deuxième ce serait le basket qui doit être incroyable.

Sur quelle émotion restez-vous? La déception du bronze individuel ou l’or du par équipe a tout emporté?

L’or n’a pas tout emporté. Je reste là-dessus car c’est la dernière émotion. C’était une finale incroyable qui aurait pu être écrite à l’avance. C’est l’or parce que j’ai envie de rester sur une bonne note pendant ces Jeux olympiques à Paris. J’aurai le temps de repenser à ma médaille de bronze, de repenser à ma frustration. J’ai envie de rester sur ce beau titre qu’on a gardé chez nous.

Avec le recul, vous dites-vous que cette finale contre le Japon (4-3) est un match de légende, peut-être dix fois plus fort que celui de Tokyo 2020?

Personne n’aurait pu l’écrire comme ça. Il y a trois ans, on a gagné mais c’était différent (4-1). Si on avait gagné différemment à Paris on n’aurait pas eu les mêmes émotions. Sarah-Léonie Cysique et moi, deux points forts, qui sautons sur des filles plus légères, c’était inattendu. Même nous sur le tatami, on n’a pas trop compris. On était mené 3-1 et Joan-Benjamin Gaba sort son match incroyable face à Hifumi Abe. Puis Clarisse fait le travail. Et Teddy… C’était écrit. Ca devait se passer comme ça, qu’il amène le dernier point. On a souffert mais on a gagné.

Quel est le secret de cette victoire? A Tokyo, vous aviez dansé, joué avant la finale et cela avait décontenancé les Japonais.

C’est l’équipe. Cette année, la musique était interdite en salle d’échauffement. On s’est débrouillé autrement. On a tapé sur les box, on a chanté, on a crié. Même si on était mené 3-1 on n’a pas douté. On savait quels combattants étaient encore là. Chacun a su ramener le point quand un autre ne l’avait pas pris. C’est vraiment l’esprit d’équipe. On avait une équipe plus forte, plus de médaillés olympiques. Le Japon voulait sa revanche. Leur équipe était particulière, osée mais on est allé au bout.

Le public aussi a joué son rôle. Il vous a portés et il a été gentil avec les Japonais.

Complètement. J’ai l’image du podium. Les Japonais sont remerciés, applaudis. Ca reste le Japon, on sait très bien que ça reste une équipe forte. Ils vont se souvenir de cette ovation. J’ai regardé les images de la finale. C’est ça la France, un public qui apprécie l’adversité, qui apprécie le match. Le bruit dans la salle c’était fou pour le match de Teddy contre Tatsuru Saito. On a gagné face aux Japonais mais j’espère qu’ils savent que les Français les aiment aussi.

Est-ce qu’en demi-finale, lorsque la Brésilienne Souza vous immobilise, vous voyez les secondes défiler à une vitesse folle, et ce titre olympique s’envoler?

Quand tu es en immobilisation, tu sais que c’est fini. Je savais que je n’allais pas sortir, que je n’irais pas en finale olympique, celle que j’avais tant attendue. Je tape car je me dis que c’est terminé. Tu sens que c’est mort. C’est dur. Je l’ai toujours battue. C’était une fille à ma portée et des JO à ma portée. C’est le sport, ce n’est pas forcément le plus fort qui gagne.

Les JO de Los Angeles débutent dans 4 ans. Est-ce que vous vous projetez ou est-ce que cela vous parait trop loin?

Il y avait trois mois entre Tokyo et le début de la course olympique pour Paris. Là, il y a deux ans! C’est dans longtemps. Il faut profiter de ces quatre ans. Il y a des titres mondiaux à aller chercher, des titres européens. C’est loin mais il y a beaucoup de choses à faire. Je peux récupérer trois autres titres mondiaux. J’ai besoin de ce temps. Il faut que j’encaisse cette contre-performance. Je vais profiter de ce temps pour analyser et arriver "on fire" dans 4 ans.

Quelles sont les pistes qui expliquent votre défaite?

Mentalement, je me sentais prête. Je n’ai pas eu ce moment où j’ai douté, où je me sentais envahie par les émotions. Il faut que je regarde le match. Séverine Vandenhende m’a dit que je n’étais pas comme d’habitude. J’ai dit qu’elle se trompait. Il s’est passé la même chose aux Mondiaux 2023 (défaite au premier tour). J’aurai le temps d’analyser mais ce sera dans plusieurs mois. Laissez-moi le temps. Il faut que je prenne ces mois pour faire le deuil de ce titre olympique, puis d’avancer. Si ça doit sortir, ça sortira. Là c’est du repos, prendre le temps. J’avais une préparation optimale. Revenez dans quelques mois.

Avec les garçons semble se dessiner une équipe pour Los Angeles 2028?

L’équipe est prête pour LA. On a tous été surpris et impressionné par le monde derrière nous. Entendre des gens dire qu’ils ne connaissent pas le judo et que tu les as fais kiffer. On n’avait pas connu ça à Tokyo.

Morgan Maury