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JO 2024: Battle, rounds, jugements... comment gagner une compétition de breaking?

Le breaking fait sa grande entrée aux Jeux olympiques ce vendredi à Paris. Seize hommes et seize femmes vont concourir dans la quête de la médaille d’or. Mais comment gagner? RMC Sport vous explique tout avec une juge internationale.

Au breaking, le principe est simple. Deux danseurs, appelés bboys pour les hommes et bgirls pour les femmes, s’affrontent lors d’un duel: le battle. La musique, ils ne la connaissent pas. C’est un DJ qui la lance et aux athlètes de s’adapter. Le premier danseur commence son passage debout, puis au sol, l’idée étant d’engager une sorte de "conversation" avec l’adversaire. Par les gestes, les pas, les mouvements, l’attitude et ce pendant environ une minute.

Quand le premier bboy (ou la bgirl) se relève, l’autre lui répond avec le même principe. Une fois que chacun est passé, neuf juges vont dire s’ils penchent plutôt d’un côté ou d’un autre, selon cinq critères précis (détaillés ci-dessous). Un des danseurs emporte ce qu’on pourrait nommer la première "manche", le premier round. Il faut remporter deux manches sur les trois pour gagner le battle. Avant les quarts de finale, il y a une phase appelée de "round robin". Les danseurs sont placés dans des groupes de quatre, tous s’affrontent et les deux premiers rejoignent le tableau de huit.

Comment sont jugés les danseurs?

Ils sont jugés par neuf juges sur cinq critères, détaillés pour RMC Sport par la juge internationale Bgirl Valentine.

La technique: "Ça correspond à tout ce qui est contrôle du corps : est-ce que tu maîtrises tes mouvements? Il faut montrer que tu maitrises clairement tout ce que tu fais. Nous, on voit tous les détails de placement de corps, etc."

Le vocabulaire: "C’est: qu’est-ce que tu fais de toutes les fondations du breaking? Comment tu as su adapter ton corps à tout l’abécédaire, les fondations, les bases du breaking ? Est-ce que tu es super complet ? Ça va du top rock (pas debout) aux power moves (mouvements acrobatiques au sol) et les tricks (différentes figures). En général, les danseurs sont super complets mais l’idée est de montrer ton panel, ne pas te répéter… Quand on dit vocabulaire, c’est la diversité de ce que tu peux proposer."

L’originalité: "A partir des deux premiers critères, on se demande : comment tu arrives à développer ton propre style, ce qui est super important dans le breaking je trouve. Si tu ressembles à tout le monde ça ne sert à rien. "

L’exécution: "Est ce que ton passage est cohérent ? Par rapport à la musique, ta façon de construire. Est ce que tu vas mettre des arrêts, est ce que tu vas tout lier, tes mouvements? Il y a pleins d’arrêts dans notre discipline, comme des points d’exclamation quand tu parles. C’est tout un cheminement de moves (mouvements) qui peuvent aller ensemble, d’autres un peu moins, est ce que tu vas surprendre, est ce que tu as de l’impact, est ce que tu sais travailler sur l’espace, les hauteurs ? C’est comme quand tu parles. Si tu parles monotonement on va moins t’écouter, il faut réussir à surprendre."

La musicalité: "C’est super important, car sans la musique on n’est pas là. Comment tu prends la musique? Le rythme c’est la base, mais aussi tout ce que tu vas entendre, les cuivres, le contre temps. Comment la musique active ton passage pour que tu rentres dedans et que tu fasses rentrer le public dans ça."

"Un bon passage touche tout le monde"

Une fois ces critères observés, les neufs juges décident, via un fader (imaginez un bouton à descendre ou monter), qui a été le meilleur dans quoi. C’est un système de jugement comparatif. Qui a dominé l’autre sur la technique? L’originalité? Une fois les choix effectués, l’athlète qui a le plus de "faders" pour lui, en résumé, est vainqueur de l’échange.

Néanmoins, la discipline étant encore méconnue, il peut y avoir des incompréhensions entre ce que pense le public et le résultat final. "Je pense que le grand public est vite ébahi par la technicité. Quand un athlète va faire des grosses phases, pleins de figures aériennes, c’est de la technique mais si ce n’est pas sur le son, pour nous en tant que juré… Il peut y avoir des incompréhensions avec le public car on ne va pas forcément voter pour cette personne parce qu’elle n’est pas rentrée dans la musique", explique Bgirl Valentine. "Trop rentrer dans la technique peut devenir très scolaire pour nous. La compréhension se fait aussi dans tous les détails et ça peut être un peu illisible pour le grand public. Mais un passage réussi de danse en break, le grand public devrait pouvoir le comprendre : un passage généreux, sur la musique, prendre l’espace, réussi techniquement… Pour moi un bon passage touche tout le monde et met tout le monde d’accord."

Et les juges, danseurs ou anciens danseurs, peuvent-ils vraiment être objectifs? "Tu sais que tu as des biais en tant que juge ou que tu es plus sensible à un style qu’un autre mais on le sait et on travaille dessus et c’est aussi pour ça qu’il y a neuf jurés", répond Bgirl Valentine. "Plus il y en a, plus le résultat est objectif. Même s’il y a une part de subjectivité, c’est évident, on est humains."

Valentin Jamin