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"Je ne vole rien à personne": qui est Valentina Petrillo, première athlète transgenre engagée aux Jeux paralympiques?

Atteinte de semi-cécité, Valentina Petrillo va devenir à Paris la première athlète transgenre de l'histoire des Jeux paralympiques. La présence de l'Italienne, qui a fait sa transition en 2019 et qui s'élancera sur le 200m et le 400m, ne fait pas l'unanimité.

"Première athlète transgenre des Jeux paralympiques". Sur son profil Instagram, Valentina Petrillo ne cache pas son identité et indique dès la première ligne de sa biographie la page d'histoire qu'elle s'apprête à écrire. L'Italienne va devenir la première athlète transgenre, hommes et femmes confondus, à participer aux Jeux paralympiques, dont les épreuves commenceront à partir du 29 septembre à Paris.

Atteinte de semi-cécité, elle s'élancera sur le 200m et 400m dans la catégorie T12 réservée aux athlètes ayant une déficience visuelle. "J'ai encore du mal à y croire et je garde les pieds sur terre parce que j'ai raté de peu de participer aux Jeux de Tokyo. Je ne commencerai à penser aux Jeux de Paris que lorsque je serai arrivée en France", a-t-elle confié au Guardian.

Si la sprinteuse de 50 ans s'apprête à "vivre le moment le plus important de [s]a carrière sportive et réaliser [s]on rêve d’enfant", sa participation n'est pas du goût de tous et toutes.

"L'inclusion a été privilégiée au détriment de l'équité", a déploré sa compatriote Mariuccia Quilleri, athlète et avocate.

Déjà en 2021, une pétition contestant son droit à concourir dans les courses féminines avait été signée par plus de 30 athlètes féminines italiennes et envoyée aux autorités sportives du pays.

"Elle est la bienvenue" à Paris

En 2021, l'haltérophile néo-zélandaise Laurel Hubbard était devenue la première athlète transgenre à participer aux Jeux olympiques à Tokyo (elle n'avait pas réussi à soulever la moindre barre). S'il n'y en a pas eu aux JO de Paris, l'édition 2024 a été marquée par la polémique entourant la participation des boxeuses hyperandrogènes Imane Khelif et Lin Yu-ting, toutes deux finalement médaillées d'or dans leurs catégories respectives. Là encore, le cas de Valentina Petrillo devrait faire jaser, d'autant plus que les opinions de la Fédération internationale d'athlétisme et de World Para Athletics divergent.

Tandis que la première instance indique dans son réglement qu'il est interdit aux femmes transgenres de participer à des compétitions internationales, la deuxième - en lien avec le Comité international paralympique (IPC) - considère qu'une personne légalement reconnue comme une femme est éligible pour concourir dans la catégorie pour laquelle son handicap la qualifie. Chaque cas est traité individuellement par l'instance.

"Je suis prêt à faire face aux critiques. Mais nous devons respecter nos règles. Pour le moment, elles l'autorisent à concourir donc elle est la bienvenue comme n'importe quel(le) autre athlète", a fait valoir le président de l'IPC, Andrew Parsons. Avant d'appeler à l'uniformisation des réglements: "Je pense que le sport, guidé par la science, doit apporter de meilleures réponses, sensées et communes, à ces situations et aux athlètes transgenres."

Une transition effectuée en 2019

Valentina Petrillo, née Fabrizio, a été diagnostiquée avec la maladie de Stargardt, qui touche 1 personne sur 9000. Elle a alors 14 ans. Cette maladie dégénérative provoque une vision floue dans l'axe du regard, altère la vision des couleurs et peut entraîner une hypersensibilité à la lumière. Dès 1995, elle a l'occasion de se qualifier pour les Jeux paralympiques à Atlanta l'année suivante. Mais ne se sentant "pas à l'aise en tant qu'homme", elle "laisse tomber", a-t-elle expliqué dans les colonnes de la Repubblica.

Après être passée par le cécifoot, elle renoue avec l'athlétisme et remporte onze titres nationaux dans la catégorie masculine T12 entre 2015 et 2018. C'est justement cette année-là qu'elle commence à vivre en tant que femme. Elle avait fait son coming-out à son épouse quelques mois plus tôt. "Je ne l'avais pas planifié. J'étais au lit avec ma femme, prête à m'endormir, et j'ai dit 'Tu te rappelles que je t'ai dit que je m'étais habillée une fois comme une femme?' Elle a dit oui. J'ai répondu: 'En vérité ce n'était pas une fois, je le fais tous les jours''', détaillait-elle à la BBC en 2021.

La native de Naples entame un traitement hormonal en janvier 2019. "Mieux vaut être une femme lente et heureuse qu'un homme rapide et malheureux", confiait-elle, toujours à la BBC, alors qu'elle voyait ses performances sportives être affectées par ses changements physiques. Depuis, celle qui s'entraîne à l'ASD Omero Bergamo - qui a continué à la soutenir après sa transition - a remporté le bronze sur le 200m et 400m aux Championnats du monde paralympiques 2023 à Paris. "Je pense être un bon exemple d'une personne transgenre qui fait le sport qu'elle aime. Peut-être que si j'avais vu une Valentina à la télévision, mes choix auraient été différents", a-t-elle assuré.

Si elle a admis que "ces doutes et questions", de la part des autres athlètes, "sont légitimes", elle a aussi rappelé son droit de concourir: "Je respecte et me plie aux règles de World Athletics et du Comité international paralympiques, je fais les tests. Je ne vole rien à personne."

Laura Pottier